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samedi 28 février 2015

Deux déclarations passionnantes de Tsipras

La première a eu lieu avant-hier au comité directeur de Syriza :

"Nous allons rapidement procéder à des réformes radicales afin de lutter contre la fraude fiscale et la corruption, et reconstruire l'administration publique ; nous allons mettre en œuvre le mandat populaire d'exercer la gouvernance du pays en commençant par défaire le régime du mémorandum et de ses représentants au sein du mécanisme d'Etat ; nous allons maintenir et étendre la large unité populaire sans précédent, en mettant en œuvre le tronc fondamental de nos engagements dans les couches populaires ; nous allons mettre en valeur la dynamique géopolitique du pays dans la force de négociation du gouvernement."

Il a ajouté que les négociations avec les Européens "étaient très dures", qu'"il y avait d'énormes pressions" et que "la bataille dure allait continuer". "Les pressions sur la Grèce ont eu un caractère de chantage, on était sur un terrain miné, les forces conservatrices (en Europe) ont tenté de nous piéger pour nous conduire à une asphyxie budgétaire", ajoutant que "tous ceux qui croient que nous allons nous enfuir seront déçus" (Source : latribune.fr, 28/2/2015, "La Grèce s'attaque à l'évasion fiscale")

Intéressant, non ? Pour moi, cette déclaration confirme tout ce que j'écris depuis deux semaines : réformer en s'attaquant aux privilèges que la Troïka s'est bien gardé de remettre en cause, mettre à bas l'édifice juridique des mémorandums, renforcer le consensus populaire avec le temps acheté à l'Europe, en menant, par la mobilisation populaire, autour des réformes accomplies, l'action pédagogique qui permettra, à terme, de se libérer des contraintes européennes.

La seconde c'est l'annonce, en Conseil des ministres : - que les premières lois, la semaine prochaine, traiteront de la crise sociale (facilités de paiement pour les ménages endettés, protection contre l'expulsion...), de la suspension de l'autorisation d'exploitation des mines d'or pour réexamen, de la réouverture de la chaîne publique ERT ;

- que la question de l'allégement de la dette n'était pas morte et que l'accord en juin ne serait pas un nouveau mémorandum ;

- que le gouvernement relèvera le salaire minimum de 586 à 654 euros mensuels par voie législative courant mars.

Le délai obtenu contre des concessions à l'Allemagne et à ses larbins volontaires comme le gouvernement français, ne signifie donc, en rien, comme je le soutiens ici depuis "l'accord" un abandon des objectifs sur lesquels Siryza et les Grecs indépendants ont obtenu une majorité parlementaire. Il s'agit de gérer le temps et les contraintes.

Juste un rappel sur les memorandums, pour ceux qui n'auraient pas suivi l'actualité grecque (ou ne l'auraient suivi que par les Leparmentier, Quatremer, Guetta et autres Cuturier...), ou qui - chose hautement improbable - n'auraient pas lu le troisième tome de La Grèce et les Balkans.

Il y a eu trois mémorandums depuis mai 2010 (en plus d'une dizaine d'autres plans de coupes budgétaires depuis 2008). Il s'agit de documents de plusieurs centaines de pages, élaborés par des fonctionnaires étrangers de la Troïka (Commission européenne, BCE, FMI) qui ne connaissent rien à la société grecque ni au pays. Ces textes ont été élaborés en dehors de tout contrôle démocratique, ils contenaient des centaines et des centaines de mesures totalement disparates, touchant tous les domaines de la vie nationale, du droit privé au droit fiscal ou au fonctionnement des administrations, du droit social,aux conventions collectives.... Ils ont été transmis aux députés quelques jours, voire parfois quelques heures avant le vote, interdisant aux parlementaires de se faire même une idée approximative de ce qu'ils contenaient. Ils se présentaient sous la forme d'une loi avec un article unique, autorisant le gouvernement à transcrire dans le droit interne les mesures contenues dans les centaines de pages en annexe. Les parlementaires ne pouvaient donc pas les amender : c'était à prendre en bloc ou à laisser en bloc, avec, chaque fois, la menace d'un arrêt des crédits en cas de non vote. Et était appliquée à chaque fois la procédure d'urgence limitant dans la durée le débat parlementaire.

Ce régime est donc une négation de la Constitution grecque, de l'Etat de droit qui prévoit dans tous les régimes démocratiques qu'une loi doit avoir un objet défini et ne pas mêler des choses disparates (le Conseil constitutionnel français a, plusieurs fois, annulé des lois dites de cavalerie parlementaire parce qu'elles dérogeaient à ce principe fondamental), les prérogatives du Parlement qui était mis en situation de délibérer dans l'urgence et sous la contrainte de textes qu'il n'avait pas eu le temps matériel d'étudier, et le droit - fondamental en démocratie - d'amendement des parlementaires.

Syriza gagne du terrain

En intention de vote, le sondage du jour donne 47,6% pour Syriza, contre 45,4 % il y a deux semaines et 36,4 % dans les urnes le 25 janvier. Avec les 4,3 % des Grecs indépendants (4,75 % le 25 janvier), la majorité actuelle serait donc à de 52,4 % des voix, contre 20,7% à la droite, 6,4% à Potami (parti soi-disant de centre gauche, créé par l'oligarchie médiatique), 5,9 % aux néonazis d'Aube dorée, 4,8% aux communistes staliniens du KKE, et 3,4 % aux pseudo-socialistes. .

68 % contre 23% sont satisfaits de la négociation avec les Européens ; 81% veulent rester dans l'euro contre 15% qui se déclarent pour un retour à la drachme.

vendredi 27 février 2015

Deux victoires de la démocratie sur la logique troïkane et la corruption... ce qui est la même chose

Le ministre d'Etat grec, Nikos Pappas, annonce la réouverture de l'audiovisuel public ERT (remplacé par le gouvernement droite-socialiste, par le fantôme NERIT, aux ordres du pouvoir et sans moyen d'accomplir les missions d'un service public) sur le périmètre d'avant la fermeture par décret de juin 2013. L'ERT réembauchera les personnels licenciés qui le désirent. Le projet de loi viendra à la Vouli (Parlement) la semaine prochaine.

Le ministre suppléant de la Défense Kostas Ysichos (SYRIZA) vient par ailleurs de déclarer Siemens (champion toutes catégories de la corruption en Grèce), Eurocopter et Rheinmetall seraient exclus des marchés publics en raison de pratiques illégales et de « transactions frauduleuses prouvées ».

Deux preuves de plus que ce gouvernement de salut public n'a rien trahi ni rien abdiqué de ses ambitions, qu'il a juste entreprise, avec sagesse, de gérer le temps en évitant d'avoir à gérer les nécessaires sortie de l'euro et défaut partiel dans l'urgence et en catastrophe. Deux raisons de plus de se tenir fermement au côté, et d'affirmer clairement son soutien à ce gouvernement de salut public.

mercredi 25 février 2015

Deux nouvelles intéressantes

La présidente du parlement grec Zoe Konstantopoulou a annoncé la mise en place d'une commission d'audit sur la dette publique grecque, et une enquête sur la façon dont le pays a été mis sous la tutelle de la Troika.

Le gouvernement grec n'a donc pas renoncé à l'annulation d'une partie de la dette - au contraire de ce qu'aboient les chiens de garde sur la prétendue défaite de Syriza et sa rentrée dans le rang.

Une fois de plus : le gouvernement Samaras avait anticipé la présidentielle pour enfermer le probable gouvernement qui lui succéderait dans un calendrier défavorable. Or ce gouvernement a négocié au mieux pour se donner du temps. ce qui ne signifie pas qu'il ait abandonné ses objectifs, et que ces objectifs ne signifient pas, à terme, l'indispensable sortie de l'euro.

Quant au deuxième sujet, j'ai toujours été convaincu, pour ma part, que l'acceptation de la tutelle de la Troïka relevait juridiquement de la haute trahison pour ceux qui ont accepté les mémorandums et violé la Constitution? Car la Constitution affirmé dans son article 1er que "la souveraineté populaire constitue le fondement du régime politique" et "que tous les pouvoirs émanent du peuple". Plusieurs articles sur les droits économiques et sociaux ont également été, à l'évidence, violés.

mardi 24 février 2015

Pour ceux qui crient au loup

Ce qui fuite dans la presse du plan de réformes grec est instructif. Il s'agit manifestement pour le gouvernement Syriza/Grecs indépendants de s'attaquer à la Nomenklatura grecque, la caste économique et politique dirigeante dont la Troïka s'est bien gardé d'attaquer les exorbitants privilèges, pendant que Juncker organisait l'évasion fiscale vers le Luxembourg.

Il s'agit aussi de parer à la crise humanitaire provoquée par la Troïka : et l'expression "crise humanitaire" semble figurer dans le document grec. Il s'agit donc, d'après ce que je lis et entends, de fournir de l'électricité gratuitement à 300.000 foyers, et de rétablir l'accès gratuit aux soins pour ceux qui n'ont plus de couverture sociale : une paille !!! En tout cas, je ne vois là nul signe de capitulation ou de trahison.

Après avoir obtenu dans un premier temps le renversement du dispositif de la Troïka : les prêteurs n'imposeront plus leurs réformes aux autorités démocratiques et constitutionnelles, mais les autorités démocratiques et constitutionnelles soumettront leurs réformes aux prêteurs - ce qui est une révolution copernicienne fondamentale -, on assiste donc, à mon avis, à la seconde phase de la démarche du nouveau gouvernement : la présentation d'un plan de réformes non néolibérales.

Et dans le même temps, on apprend que serait en préparation à Athènes une séparation complète des banques de dépôt par rapport aux banques d'affaires. Cette mesure fondamentale du New Deal fut essentielle pour empêcher, jusqu'à sa disparition sous Clinton (comme me le signale un lecteur de ce blog que je remercie, et non sous Reagan comme je l'avais écrit), les crises boursières. En effet, en sanctuarisant les banques de dépôt, elle assure la sécurité de l'épargne en interdisant aux banques de spéculer avec l'argent de leurs déposants. Les soi-disant socialistes français l'avaient inscrite dans leur programme, mais là comme ailleurs ils ont trahi en cédant au lobby bancaire ; la loi qu'ils ont adoptée n'est qu'un faux nez, ne sépare et ne sécurise rien. Quant à la BCE, il semble qu'elle soit outrée par l'outrecuidance grecque consistant à mettre la spéculation sous contrôle. On voit là tomber les masques. On voit là la véritable nature des institutions européennes : pas même la soumission, mais le service zélé de la finance reine... et folle que symbolise si bien la lessiveuse à argent sale, le trou noir de la finance luxembourgeois installés au coeur de l'Europe et dont le parrain est devenu président de la Commission après l'avoir été de l'eurogroupe.

Or donc, je répète depuis vendredi que rien n'est joué et que le gouvernement grec est dans une posture destinée à montrer à son opinion que le blocage n'est pas du côté grec mais... Et qu'il faudra donc rompre - c'est-à-dire sortir de l'euro. Je continue à faire le pari que Syriza n'a pas mis la sortie de l'euro dans son programme parce qu'il aurait été battu, que ce gouvernement a néanmoins compris qu'il n'y a pas d'autre politique possible à l'intérieur de l'euro, qu'il est en train de bâtir un consensus national autour d'une autre politique tout en faisant la démonstration, avec ce plan, que cette autre politique n'est pas compatible avec l'euro puisque les "partenaires" de l'euro entendent maintenir en Grèce la même politique, moyennant quelques aménagements cosmétiques. C'est ce que j'appelle "construire la rupture", tout en se donnant le temps de la préparer techniquement.

Plus que jamais, ma conviction, au vu de ce plan, sérieux mais pas néolibéral, à l'opposé de ceux de la Troïka, c'est que le gouvernement grec est engagé dans cette démarche-là, non dans un processus de concessions sans fin, trahison, capitulation, dont il sait bien qu'il lui réserverait le même sort qu'a connu le PASOK et jetterait le pays dans des aventures aux conséquences incalculables.

J'écrivais hier soir sur ma page Facebook : "Le billard qui se joue est à bandes multiples. Wait and see... et notamment, ce soir, la liste des réformes, la réaction des Européens puis le vote des Parlements qui voteront. Je ne suis pas sûr qu'ils voteront tous et, à ce moment-là, le blocage interviendra peut-être bien plus vite qu'on ne l'imagine." Et je doute fort, ce matin, que les Parlements finlandais, allemand, autrichien goûtent le plan de réformes présenté par Athènes...

Entendons-nous bien, cela ne signifie nullement à mes yeux que le débat qui naît dans Syriza, à gauche, soit illégitime ; bien au contraire ! La sortie de l'euro et le défaut partiel sont à mes yeux nécessaires, voire indispensables. Que la "plate-forme de gauche" joue son rôle d'aiguillon, voilà qui est sain ! Qu'elle en appelle à la mobilisation populaire, voilà qui est éminemment utile ! Je n'ai cessé de dire, depuis avant les élections et encore dans l'entretien avec Coralie Delaume paru samedi dernier sur son blog, l'Arène nue, que la politique suivie par le gouvernement dépendra largement des rapports de force internes à Syriza. Et puis enfin, la démocratie n'est pas, ou ne devrait pas se réduire à signer un blanc-seing pour quatre ou cinq ans à une équipe, quelle qu'elle soit, à abdiquer tout esprit critique au nom du réalisme ; elle exige au contraire, aujourd'hui plus que jamais parce que la crise de représentation est plus profonde encore que la crise du capitalisme dérégulé qui l'a fait naître, que les peuples redeviennent, à temps plein, acteurs de leur histoire.

Cela signifie plutôt, comme je le disais aussi à Coralie, que nous sommes dans une dynamique, pas dans une guerre de tranchée, que nous sommes dans un rapport dialectique entre le gouvernement et son "opposition interne". L'enjeu, c'est aujourd'hui que la gauche de Syriza montre au peuple que le gouvernement ne va pas assez loin, que le gouvernement explique au peuple que, s'il ne peut aller plus vite et plus loin, c'est que l'euro et l'UE - l'Allemagne et les pays de sa zone d'influence exclusive, plus les soumis volontaires comme la France - ne représentent pas ou plus des avantages pour la Grèce mais de puissants freins à son redressement. Et que pour se redresser, pour en finir avec ces freins, avec le chantage permanent, avec l'enchaînement à une dette dont les deux tiers sans doute, au moins, sont illégitimes parce qu'ils viennent de la corruption dont les Allemands et les Français ont été les principaux bénéficiaires, de la spéculation que les gouvernements grecs n'ont pu combattre en raison des malfaçons de l'euro et de l'UE et de leur soumission intéressée, achetée par la corruption, à Berlin et Bruxelles, de l'évasion fiscale organisée par des Etats voyous financiers comme le Luxembourg de M. Juncker, de la transformation par l'UE de la dette des banques qui ont pris des risques inconsidérés en dette des contribuables, de l'enrichissement des Etats qui, dans le cadre des mécanismes européens de soi-disant "aide" à la Grèce, se sont enrichis en reprêtant à la Grèce à des taux qui leur faisaient gagner de l'argent..., il faudra, à la fin, sortir - au moins - de l'euro.

Dans ce processus-là, pédagogique, les critiques de la gauche de Syriza sont donc utiles, indispensables, parce qu'elles feront avancer le débat qui, dans une logique démocratique, devrait aboutir à un référendum sur la sortie de cette monnaie unique - stupide et criminelle. Idéalement au moins, car il est probable, à mes yeux, que la sortie à toute chance de se faire autrement. dans l'urgence.

dimanche 22 février 2015

L'UE ou les leçons non tirées de l'effondrement soviétique

Nous sommes à la fin d'un cycle de quarante ans, le système se fissure de partout sous le poids de ses propres contradictions et aveuglements - comme naguère l'URSS.

Le vote grec est une étape essentielle dans son effondrement sur lui-même.

Mais il faudra du temps encore pour qu'on s'en aperçoive. Comme ce fut le cas pour l'URSS : Andropov arrive au pouvoir en 1982...

En attendant, les partisans du statu quo - politiques, médias et pseudo intellectuels systémiques communiant dans l'eurolâtrie, le libre-échangisme et le néolibéralisme - feront tout pour ne pas voir, pour que les peuples ne voient pas, pour nier la réalité, pour se convaincre que tout peut continuer... mais la mèche lente a bel et bien été allumée à Athènes.

samedi 21 février 2015

La fin de l'euro arrive (2)

Mais il faudra encore attendre. A l'annonce de l'accord arraché hier soir par la Grèce, sur la reconduction transitoire du plan d'aide, j'ai publié ce post sur ma page Facebook :

"Restons calme ! Ce qui s'est passé ce soir c'est un accord transitoire, sans concessions autres que de forme du gouvernement grec. On savait que Samaras avait accéléré le calendrier des élections pour forcer un probable gouvernement Syriza à capituler devant la nécessité de prolonger l'aide dès le 28 février, c'est-à-dire sitôt son entrée en fonction. Le gouvernement grec a su gérer au mieux cette contrainte de calendrier en obtenant cet accord pont sans concession majeure au terme d'un seul contre tous extrêmement serré. J'aurais préféré le clash dès ce soir. Intellectuellement c'eût été plus satisfaisant. Mais en même temps le répit peut être considéré comme indispensable pour préparer l'opinion grecque à la nécessaire sortie de l'euro, une fois mis en évidence les blocages consubstantiels à la nature de cette monnaie et à l'hégémonie bornée de l'Allemagne, et préparer techniquement , dans les conditions les moins chaotiques possibles, la salutaire sortie de cette monnaie imbécile qu'est l'euro. Pour ma part, je reste confiant."

La désinformation va battre son plein, mais je n'ai pas changé d'avis ce matin, à la lecture des chiens de garde de toute espèce qui annoncent et on peine à cacher leur jouissance face à une prétendue capitulation grecque.

Ce matin, Jacques Sapir tweete : "On va encore bcp discuter. Mais la logique de la troïka est clairement morte". Nous sommes donc une fois encore d'accord. Car l'essentiel, contrairement à ce qu'aboient les chiens de garde ce matin est bien là : la Troïka et les mémorandums sont morts... en trois semaines ! Rien n'est réglé, évidemment, mais c'est essentiel et énorme. Un pas fondamental dans les autres ruptures à construire, dans le consensus national à bâtir autour de la nécessité de ces ruptures.

Donc je répète :

En réalité, ce que je crois c'est qu'il y avait une urgence à parer et tout le monde le savait. Samaras a anticipé l'échéance présidentielle précisément pour que le gouvernement se retrouve confronté à cette urgence. Ce gouvernement n'a pas été élu sur la sortie de l'euro ou le défaut sur la dette. Il a commencé à construire une action de salut public et de consensus bien plus large que sa propre base électorale. Il lui faut les consolider et faire la démonstration, à son opinion, que la rupture est la seule solution. C'est mon analyse et je la maintiens.

Avant de connaître le résultat de la négociation, je disais ceci à Coralie Delaume, dans le long entretien qu'elle a publié ce matin sur son excellent blog, l'Arène nue, et qui contient bien d'autres considérations sur la situation grecque :

" C. D. : Et donc, pour en revenir à la position de Syriza sur l'euro ?

O. D. : Je pense qu’elle se pose de la façon suivante : Syriza ne pouvait pas faire campagne en prônant une sortie de l’euro, comme l’ont fait d’autres petits partis de gauche (Plan B, EPAM, Antarsya). L’opinion reste majoritairement attachée à la monnaie unique, essentiellement par crainte des conséquences d’un retour à la drachme. Dire que la sortie de l’euro s’imposerait, c’était prendre le risque de perdre les élections et donc de la poursuite des mémorandums. Il ne pouvait non plus donner comme horizon un défaut sur la dette. Mais en même temps, Syriza a répété qu’il n’y aurait plus aucun sacrifice pour l’euro et l’on a entendu certains de ses candidats, durant la campagne, dire par exemple que si la BCE, comme elle l’a fait à Chypre, cessait d’approvisionner la Grèce en liquidités, la Banque de Grèce devrait imprimer elle-même des euros… Les arbitrages définitifs sur ces questions ont-ils été rendus ? Je ne le crois pas, et dans une situation aussi mouvante, qui peut assurer que des arbitrages rendus hier seront encore valables au lendemain d’un coup de force des institutions européennes ? Nous sommes dans une dynamique, pas dans une guerre de tranchée. Dès lors la question est celle des convictions. Les membres du gouvernement sont-ils convaincus qu’ils peuvent mener une « autre politique » à l’intérieur de la cage de fer de l’euro et des traités européens ? Et obtenir des partenaires européens les concessions qui leur permettraient de la mener ? Si oui, à mon avis ils se trompent, et s’ils n’ont pas préparé une option de rechange, ils se trouveront dans la situation de devoir capituler. A propos de la situation de Papandréou face à Merkel et Sarkozy en 2009-2010, j’ai écrit dans La Grèce et les Balkans : « en entrant dans la négociation sans alternative à son échec – moratoire sur le paiement des intérêts et le remboursement de la dette, défaut partiel voire sortie de l’euro, afin d’exercer des pressions sur l’Allemagne et la France dont les banques, importantes détentrices de dette grecque, avaient beaucoup à perdre –, le gouvernement PASOK s’est mis d’emblée en position d’accepter même l’inacceptable ». La situation de Syriza est la même aujourd’hui et s’il met ses pas dans ceux du PASOK, il subira le même sort, en ouvrant toute grande la porte aux néonazis d’Aube dorée.

C. D. : Mais le gouvernement Grec sait probablement tout cela. D'abord ils ont dû étudier de près les raisons de l'effondrement du PASOK. Ensuite, Varoufakis, par exemple, a la réputation d'être un économiste assez brillant. Est-il imaginable qu'il n'ait pas compris que l'euro est condamné ?

O. D. : Disons qu'il y a une autre possibilité, c'est que Syriza ait entamé des négociations tout en sachant qu’elles avaient peu de chance d’aboutir. Durant cette période, on mobilise l’opinion (les manifestations de soutien au gouvernement se sont multipliées dans toute la Grèce) sur le thème de la dignité retrouvée, du « salut public », tout en créant les faits accomplis de rupture avec les politiques de la Troïka, comme le vote par le Parlement du premier train de mesures sociales. Durant cette période, on prépare la sortie de l’euro, en s’assurant d’aides extérieures à l’Europe : l’intérêt géostratégique de la Grèce lui donne des cartes à Washington comme à Moscou. Puis on utilise les innombrables bévues de l’UE, la morgue allemande, les pressions et les menaces qui heurtent le patriotisme grec pour dresser, le moment venu, devant l’opinion, le constat que la sortie de l’euro s’impose. L’avenir tranchera, mais le 17 février Varoufakis, écrivait dans le New York Times (Source : blog d’Olivier Berruyer) : « Le problème (... c'est) que nous vivons dans un monde où l’on est entravé par la peur des conséquences. Dans un monde où il n’existe aucune circonstance où nous devons faire ce qui est juste, non pas en tant que stratégie, mais simplement parce que c’est… juste. Nous mettrons un terme, quelles qu’en soient les conséquences, aux accords qui sont mauvais pour la Grèce et pour l’Europe (...) Finis les programmes de « réformes » qui visent les retraités pauvres et les pharmacies familiales tout en laissant intacte la corruption à grande échelle. » Il ne me semble pas que ce soit un discours préparatoire à une capitulation. En somme, si je veux résumer mon sentiment, Merkel ne veut plus de l’euro qui n’a jamais été viable et qui coûterait trop cher à l’Allemagne s’il devait le devenir par les transferts qu’il exige. Mais elle ne veut pas porter la responsabilité de sa disparition et fera tout pour la faire porter aux Grecs. Le gouvernement grec est, à mon avis, tout aussi convaincu que l’euro n’est pas compatible avec la politique qu’il s’est engagé à conduire et que l’Allemagne ne consentira pas aux transferts qui pourraient aboutir à ce que cette monnaie absurde cesse d’enrichir les riches et d’appauvrir les pauvres. Mais il ne pouvait le dire avant les élections et il fera tout pour faire porter la responsabilité de la sortie de la Grèce, aux yeux de son opinion, à l’Allemagne et à l’UE."

Je persiste et je signe. L'avenir dira si j'ai raison, ou si les chiens de garde de l'Ordre antidémocratique européen ont raison de pavoiser.

jeudi 19 février 2015

La fin de l'euro arrive

Une dépêche Reuters, reproduite ci-dessous, annonce le refus de Berlin de la prolongation de l'aide à la Grèce.

La fin de l'euro, que j'ai maintes fois annoncée ici comme inéluctable et désirable, dont j'ai maintes fois écrit qu'elle serait le fait de l'Allemagne, et dont j'ai maintes fois écrit aussi que, faute d'une lucidité de nos dirigeants aveuglés par l'idéologie eurolâtre, elle ne se passerait pas, comme c'était souhaitable, de manière négociée, à froid, mais par une explosion en vol... tout cela approche à grands pas.

La réalité c'est que l'euro n'est pas viable sans des transferts massifs du centre riche vers les périphéries pauvres, comme ils ont lieu entre les régions de Paris ou Toulouse, vers la Corse ou la Haute Saône, Et que l'Allemagne ne consentira jamais à ces transferts. C'est pour cela qu'elle n'attendait que l'occasion de faire sauter l'euro et qu'elle va faire porter le chapeau aux Grecs alors qu'elle est la principale responsable. Cela dit, l'euro est simplement une absurdité criminelle : il n'y a jamais eu et il n'aura jamais de monnaie sans Etat.

Merkel est bel et bien en train de sacrifier l'euro, qui n'est pas vivable sans les transferts auxquels l'Allemagne ne consentira pas et je suis certain que les deutschmarks sont déjà prêts à entrer en circulation.

J'espère que le gouvernement d'Athènes s'est préparé à cette éventualité.

Je suis sûr - hélas ! - que les autorités françaises seront totalement prises au dépourvu.

BERLIN, 19 février (Reuters) - Le ministère allemand des Finances a rejeté la nouvelle proposition d'Athènes de prolongation de l'aide financière présentée jeudi, déclarant qu'elle ne remplissait pas les conditions fixées par les partenaires européens de la Grèce.

"La lettre d'Athènes ne constitue pas une proposition qui mène à une solution pertinente", a déclaré jeudi le porte-parole du ministère Martin Jäger dans un communiqué.

"En réalité elle s'oriente vers un financement relais, sans remplir les exigences du programme. La lettre ne respecte pas les critères convenus par l'Eurogroupe lundi."

L'euro a aggravé ses pertes et touché son plus bas niveau du jour, à 1,13595 dollar, en baisse de 0,3%, en réaction à cette information. (Noah Barkin et Madeline Chambers, Juliette Rouillon pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

mercredi 18 février 2015

Un éclairant article de Varoufakis dans le New York Times d'hier

L'excellent blog d'Olivier Berruyer donne la traduction française d'un article du ministre grec des Finances Varoufakis dans le ''New York Times'' du 17 février.

Il faut lire aussi le commentaire de Berruyer. Comme lui, je suis persuadé - je l'ai écrit maintes fois ici - que Merkel (laquelle a fait demander par son ambassadeur à Athènes, selon la presse grecque, le remplacement de Varoufakis : on rêve ou on cauchemarde ! La chancelière du Reich, prétendrait donc désormais, choisir ses interlocuteurs, faire et défaire les gouvernements...) a décidé de sortir de l'euro (sans doute depuis un moment), que le QE de la BCE a levé ses derniers doutes, car c'est une inacceptable offense aux dogmes monétaires allemands, et que le jeu actuel de l'Allemagne consiste à faire porter la responsabilité de l'explosion de l'euro par la Grèce...

Mais pour en revenir à Varouf, son article est passionnant. Parce que dans le tohu-bohu des chiens de gardes médiatiques qui, depuis le 25 janvier, prennent leur désir pour des réalités en affirmant que le gouvernement grec finira par plier et passer sous les fourches caudines de la dictature européenne (lire à ce sujet la salutaire tribune dans ''Libération'' du professeur belge de théorie du droit Laurent de Sutter), qu'elle est isolée et donc qu'elle a tort (de Gaulle, isolé, avait tort en 1940), et que, de toute façon, il n'y a pas d'autre solution que la capitulation, parce que dans ce tohu bohu, il replace les choses à leur place :

"La grande différence entre ce gouvernement et les gouvernements grecs précédents est double : nous sommes déterminés à entrer en conflit avec les puissants intérêts particuliers afin de permettre à la Grèce de redémarrer et de gagner la confiance de nos partenaires. Nous sommes également déterminés à ne pas nous laisser traiter comme une colonie fiscale à laquelle certains peuvent imposer comme bon leur semble toutes les souffrances qu’ils jugent nécessaires. Le principe qui demande l’imposition de l’austérité la plus sévère à l’économie la plus déprimée serait ridicule s’il n’était la cause d’autant de souffrance inutile."

"Le problème (... c'est) que nous vivons dans un monde où l’on est entravé par la peur des conséquences. Dans un monde où il n’existe aucune circonstance où nous devons faire ce qui est juste, non pas en tant que stratégie, mais simplement parce que c’est… juste.

Nous mettrons un terme, quelles qu’en soient les conséquences, aux accords qui sont mauvais pour la Grèce et pour l’Europe. Le jeu « étendre et prétendre » étendre les dettes et prétendre que tout va bien – NdT qui a commencé après que la dette de la Grèce est devenue telle, en 2010, que notre pays ne pouvait plus l’honorer, s’arrêtera. Plus de prêts – pas tant que nous n’aurons pas un plan crédible pour faire repartir l’économie afin de rembourser ces prêts, aider la classe moyenne à se relever et régler cette effroyable crise humanitaire. Finis les programmes de « réformes » qui visent les retraités pauvres et les pharmacies familiales tout en laissant intacte la corruption à grande échelle."

"La principale influence est Emmanuel Kant, le philosophe allemand qui nous a enseigné que les hommes rationnels et libres échappent à l’emprise de l’opportunisme en faisant ce qui est juste.

Comment savons-nous que notre modeste programme politique, qui constitue notre ligne jaune, est juste selon la formulation de Kant ? Nous le savons en regardant dans les yeux les gens affamés dans les rues de nos villes ou en contemplant notre classe moyenne à bout de souffle, ou en prenant en compte les intérêts de tous les hommes et femmes qui travaillent dur dans toutes les villes et villages de notre union monétaire européenne. Après tout, l’Europe ne retrouvera son âme que lorsqu’elle regagnera la confiance de son peuple en plaçant les intérêts de celui-ci avant toute autre considération."

Et toc !

mardi 17 février 2015

49-3

Hollande et Macron Valls à contretemps en nous entraînant, à coup de 49-3, pour tâcher d'amadouer l'autiste Merkel et le grand évadeur fiscal Juncker, un peu plus loin dans la spirale de la dérégulation, de l'explosion du droit du travail, de la déflation, cette même spirale du malheur imposée par la Nomenklatura euro-allemande aux Grecs, cette même spirale que les Grecs sont en train de briser.

Au XXIe siècle, ces retardés croient avoir la solution en appliquant de vieilles recettes éculées du XIXe, nées d'une idéologie libérale du XVIIIe. Pathétiques, ces pauvres socialistes sont pathétiques.

Ils finiront sous les 3% comme leurs camarades grecs du PASOK qui n'auraient même plus un député si les élections se déroulaient demain.

Et ils l'auront bien mérité.

lundi 16 février 2015

Bravo ! Fini les capitulards... le gouvernement de résistance dit non

Schäuble avant la réunion de l'eurogroupe s'est dit "désolé pour les Grecs car leur gouvernement se comporte de façon irresponsable (...) comme s'il jouait une grande partie de poker", et a menacé la Grèce d'une expulsion de la zone euro "si elle ne satisfait pas aux exigences minimales".

Le Reich ne tolère pas qu'on lui résiste et Schäuble perd ses nerfs.

Réponse du berger Gabriel Sakellaridis, porte-parole du gouvernement hellénique, à la bergère germaine : "je pourrais aussi dire que je trouve l'attitude du gouvernement allemand irresponsable".

Résultat, ce soir, une "source grecque" qualifie le "plan" de l'eurogroupe... d'"absurde et inacceptable", ajoutant que "ceux qui l'ont remis sur la table perdent leur temps". Conclusion : "En ces circonstances il ne peut y avoir d'accord ce soir".

Seulement ce soir ?

A mes yeux, de toute façon, il n'y a pas de solution pour la Grèce dans la zone euro. Rester dans la zone euro, c'est rester dans la dépendance de ceux pour qui le refinancement de la dette grecque est LE moyen d'annuler le vote du 25 janvier - qu'on les appelle du nom de Troïka ou d'une autre façon -, d'imposer le maintien de la même politique, moyennant ajustements cosmétiques, c'est le moyen comme a dit Juncker de nier les choix démocratiques lorsqu'ils ne sont pas conformes à la politique économique fondue dans bronze des traités européens, c'est-à-dire le moyen de liquider la démocratie.

Quitter la zone euro c'est, pour la Grèce, ouvrir la cage de fer dans laquelle on a enfermé la souveraineté populaire, c'est amorcer l'indispensable processus de destruction de l'euro. Réouvrir les portes de l'espoir à tous les peuples européens qui refusent les Diktats de Berlin et les lois absurdes et suicidaires d'une zone mark étendue à des pays qui n'ont ni les mêmes intérêts ni les mêmes contraintes, ni les mêmes forces, ni les mêmes faiblesses, ni les mêmes trajectoires économiques que l'Allemagne et ses satellites.

L'Union européenne, c'est une nouvelle version de l'Union soviétique, aussi sourde, aveugle, bornée par l'idéologie qui lui sert d'intellect. Elle terminera de la même manière et sa fin approche.

Mon entretien au Monde "Culture & idées" du samedi 14 février

Merci à Antoine Reverchon !

samedi 14 février 2015

Si le vote avait lieu demain en Grèce...

Si le vote avait lieu demain, les électeurs déclarant vouloir voter Syriza seraient 45,4% contre 36,34% et Grecs indépendants 4,7% au lieu de 4,75% ; ce qui mettrait la majorité actuelle à 50,10 %.

Il faut remonter à 1993 pour retrouver un score aussi élevé à un parti arrivé en tête, et même auparavant, ce fut exceptionnel…

La droite s’effondrerait 18,4% contre 27,81%, tous les autres partis se tasseraient, y compris les néonazis d’Aube dorée 4,7% au lieu de 6,28% : ce qui montre une fois de plus que ce parti n’a été que le résultat de l’humiliation infligée par la Troïka, non un vote d’adhésion. Enfin, le parti socialiste PASOK disparaîtrait du Parlement en passant sous la barre des 3 % (2,8% contre 4,68%).

83,1% des personnes interrogées se déclarent satisfaites des premiers jours du gouvernement ; 82 % de l’action du ministre de l’Economie Varoufakis…

Par ailleurs, ce gouvernement, après avoir mis fin au processus de privatisation du port du Pirée, va réexaminer un accord de privatisation d'un montant de 1,2 milliard d'euros par lequel l'opérateur allemand Fraport obtiendrait la gestion de 14 aéroports régionaux.

Le bradage du patrimoine national est manifestement terminé. Les aéroports, les plages, les infrastructures, l'eau, les transports, l'énergie... font partie d'un patrimoine collectif, ils font partie de la chose publique, ils n'ont pas vocation à dégager des bénéfices, ils doivent être au service de tous et n'ont pas à être vendus pour devenir la propriété de quelques-uns.

41 000 euros d'impayés pour le couple Lang...

... chez un traiteur libanais.

La Nomenklatura telle qu'en elle-même !

Je me souviens, lors de mon bref passage à la direction de la Communication du Centre Georges Pompidou, des exigences royales de la reine Monique.

Harcelé au téléphone par "le cabinet de la femme du ministre" pour que l'établissement prenne en charge, sur son budget, le buffet somptueux qu'elle exigeait pour une visite privée du ministre... Pris entre ma présidente qui, à juste titre, refusait d'assumer cette charge et la chère Monique. Je m'en souviens d'autant mieux que le contraste était saisissant entre les exigences futiles de l'inflexible dame sur le nombre des bouteilles de champagne et la nature des canapés avec la lourde atmosphère générale : la visite privée du ministre eut lieu le jour où Mitterrand annonça l'entrée en guerre, sous commandement américain, de la France contre l'Irak.

Je pense que c'est à ce moment-là qu'est né mon profond dégoût de la Nomenklatura qui se croit tout permis, et qui pense que tout lui est dû ; c'est aussi à ce moment-là que j'ai renoncé à faire une "carrière" administrative et à intégrer cette Nomenklatura.

Manifestement rien ne change, ni les habitudes de la Nomenklatura qui nous dirige, ni les exigences de la reine Monique.

vendredi 13 février 2015

Juste pour détendre l'atmosphère

Avant, c'était...

Il ne me reste plus que ça, ça te dit ?!

Mais ça, c'était avant ! Aujourd'hui, c'est plutôt...

Piqué sur la page Facebook de Dimitri Messinis

jeudi 12 février 2015

Une analyse de meszigues sur l'Europe en crise et un entretien donné au Nouvel Economiste

Après une première tribune donnée au site Herodote.net le 19 janvier, avant les élections grecques et intitulée "La Grèce, un pays en détresse", ce même site a publié, le 8 février, un second texte consacré à la crise de l'Union européenne et aux situations nationales qui risquent (pour ma part je ne considère d'ailleurs pas qu'il s'agit d'un risque mais plutôt d'un espoir) de l'aggraver. Il est intitulé : "Une union en crise : les risques belge, italien, britannique et espagnol."

Par ailleurs, hier sur son site Internet et aujourd'hui dans son édition papier, le Nouvel Economiste, publie un article d'Edouard Laugier, issu d'un entretien que nous avons eu ensemble, consacré aux interactions entre la question de la dette et la position géostratégique de la Grèce et intitulé "La Grèce sauvée par la géographie ?".

Enfin, vendredi soir à Paris, samedi ailleurs, dans le supplément "Culture & idées" du Monde, vous pourrez lire un entretien entre meszigues et Antoine Reverchon sur l'ambiguïté des rapports Grèce/Europe occidentale enracinée dans les multiples ingérences de la seconde dans l'histoire de la première.

Farage et la Grèce

Nigel Farage, leader de l'UKIP, parti souverainiste du Royaume-Uni, où l'on sait, plus que nulle part ailleurs sur cette planète ce qu'est un vrai Parlement et ce qu'est une assemblée de zombies comme celle de Strasbourg, est intervenu sur les élections grecques, et sur la déclaration du grand évadeur fiscal Jean-Claude Juncker qui restera dans les annales de ce dernier avatar du totalitarisme - l'Europe néolibérale qui a vidé la démocratie de tout contenu tout en maintenant les seules apparences de la démocratie : " il n'y a pas de choix démocratique en dehors des traités européens". C'est-à-dire on garde le rite électoral, mais il hors de question que les résultats de ce rite change quoi que ce soit à la politique suivie. C'est-à-dire il n'y a plus de démocratie.

Ce que Hollande a répété sous la forme "motion de synthèse d'un congrès socialiste truqué" dans sa récente conférence de presse : "je suis de gauche, mais je suis Européen et l'Europe n'est pas de gauche". C'est-à-dire que je fais primer dans les faits, les politiques de droite européennes sur le discours de gauche que je tiens à l'électorat français pour me faire élire tout en sachant qu'ensuite je mènerai la politique de droite que suppose l'appartenance à l'Europe qui prime sur mes préférences.

Dans les deux cas, cela signifie que nous ne sommes plus en démocratie, nous sommes en Europe anti-démocratique.

On dirait d'ailleurs que les langues commencent à se délier sur ce sujet (même dans Libération, l'organe de Quatremer, c'est dire !!!) : "La Raison délirante de l'Europe, un nouveau fascisme mou ?" demande le professeur belge de théorie du droit Laurent de Sutter, dans une lumineuse tribune du 10 février.

Farage est de droite, et je ne partage pas ses options politiques et sociales, mais Farage a mille fois raison. Et c'est la raison pour laquelle Syriza a choisi les Grecs indépendants comme partenaire de coalition : la seule question qui compte aujourd'hui c'est de savoir si nous voulons rétablir la démocratie confisquée par ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe ou si nous nous résignons à la disparition de la démocratie au nom de ce que les oligarques européens et leurs chiens de garde médiatiques désignent sous le nom d'Europe et qui n'est qu'un ensemble de traités scélérats qui privent les peuples de la faculté de choisir librement leur destin.

Bien sûr les beaux esprits et les grandes âmes me diront d'un air pincé pincé que Kamménos - ou Farage - a une drôle de personnalité, caractériel, excessif, imprévisible, grande gueule...

Oui mais voilà, il a une personnalité - contrairement aux zombies européens.

L'histoire, dans les moments comme celui que nous vivons ne se fait pas avec des zombies, les zombies subissent et obéissent.

Tsipras, varoufakis, Zoe Kontantopoulou, Kamménos, toute l'équipe au pouvoir à Athènes passent aujourd'hui pour caractériel, imprévisibles, simplement parce qu'ils ont du caractère, de la volonté. Simplement parce qu'ils veulent faire et non subir ou s'arranger.

De Gaulle aussi était un caractériel, cyclothymique de surcroît, et Churchill - pour le meilleur, ou en Grèce pour le pire - était loin d'être net !

L'important à mes yeux aujourd'hui, c'est d'avoir des hommes politiques qui vivent, vibrent veulent et ne s'écrasent pas devant la première fausse fatalité venue.

Le refus de la disparition de la démocratie par l'Europe, le rétablissement de la démocratie en Europe sont aujourd'hui les seules questions qui comptent et elle devrait rassembler aujourd'hui tous les démocrates, quelles que soient par ailleurs leurs options économiques et sociales.

Le débat politique normal sur ces options-là reprendra ensuite. Comme ce fut le cas après la guerre entre les résistants d'opinions différentes qui avaient combattu ensemble contre l'inacceptable.

C'est de salut public face à l'Europe dont nous devrions seulement parler aujourd'hui. Le reste, dans le moment présent, est accessoire.

mercredi 11 février 2015

La Confiance en direct

Tsipras a clôt le débat de politique générale par un très beau discours de réponse aux orateurs : "Il n'y aura pas de retour en arrière", dignité, "on ne fait pas chanter la démocratie grecque", "ce gouvernement n'est pas une parenthèse", "notre seule force c'est le peuple grecque", "l'Europe de la solidarité, de la liberté, de la démocratie, ça n'est pas l'Europe de la peur, du chantage, de l'injustice"...

Je dois avouer que ce type - et cette équipe, et la présidente du Parlement - m'épatent. Ses discours ont tous une force incroyable et c'est tellement différent de la novlangue de tous les autres (ir)responsables européens qui parlent pour ne rien dire, ou pour dire le contraire de ce qu'ils vont faire ! Quel bonheur de voir reparaître en Europe du politique, du vrai, et pas de la com !!!

Le vote de confiance vient de se terminer à la Vouli (Assemblée).

299 votants, donc un absent.

Pour la confiance : 162, soit exactement les 149 Syriza et 13 Grecs indépendants.

Contre la confiance : 137. Aucun député ND (droite comprenant l'extrême droite), Aube dorée (néonazis), Potami (parti des oligarques de la télé), Pasok (soi-disant socialistes) et KKE (communistes) n'a donc voté la confiance.

Le gouvernement Tsipras est investi.

mardi 10 février 2015

Excédent record du commerce extérieur allemand

Ou comment l'Allemagne continue à ruiner l'Europe grâce à l'euro, car l'excédent allemand se réalise essentiellement sur ses "partenaires" européens.

Vive l'euro !

Car si l'Allemagne n'exploitait pas les semi-esclaves d'Europe de l'est pour produire les produits semi-finis servant à son industrie, sa soi-disant compétitivité serait moindre.

Et si le mark avait monté au fur et à mesure qu'augmentait sa soi disant compétitivité, les produits allemands seraient plus chers ailleurs en Europe et l'excédent moindre... et notre désindustrialisation aussi.

C'est la démonstration que l'euro enrichit les riches et appauvrit les autres.

Plus que jamais, il faut détruire l'euro qui détruit l'Europe.

lundi 9 février 2015

Union civile pour les lesbiennes et les gays grecs

Le ministre de la justice Paskevopoulos annonce à la Vouli (Parlement) que le gouvernement va légaliser l'union civile pour les homosexuel(le)s.

Bonne nouvelle ! une de plus.

Nouvelle qui fait litière des accusations des chiens de garde et des pudeurs des bonnes âmes effarouchées qui ont crié au loup quand Syriza s'est allié, avec raison, aux Grecs indépendants, présentés à dessein comme un épouvantail, pour mener une politique de Résistance.

Après la nationalité pour les enfants d'immigrés, voici l'union civile pour les lesbiennes et les gays : Syriza va faire progresser les droits de tous, l'égalité de tous, la justice pour tous. Voilà le vrai message.

Ceux qui refusaient tout droit aux homosexuel(le)s, qui manipulaient Aube dorée, qui persécutaient des femmes séropositives, qui ont dynamité la prévention du SIDA, fait éclater les contaminations, privé des séropositifs du droit d'accès au traitement, ce sont les collabos du gouvernement droite-socialistes aux ordres de Berlin et de Bruxelles.

Appel à manifester

Le mercredi 11 février sera une journée cruciale où les oligarques européens tenteront, par tous les moyens, de faire lâcher le gouvernement de résistance Syriza/Grecs indépendants issu de élections du 25 janvier dernier.

Le 11 à 18h30, le peuple grec manifestera devant le Parlement, sur la place Syntagma (de la Constitution), son soutien au gouvernement qu'il s'est choisi et son opposition aux politiques germano-européennes, stupides et criminelles, qui l'écorchent et l'étouffent depuis cinq ans.

Le combat du peuple grec contre l'Europe des oligarques est le combat de tous les peuples européens, tous menacés par l'Europe des oligarques.

Venez, vous aussi, manifester votre soutien au peuple grec et à son gouvernement de Résistance, le même jour, à la même heure qu'à Syntagma, sur la place du Palais-Royal à Paris.

La fin du discours de Tsipras, hier

traduite par Stathis Kouvelakais, maître de conférences en philosophie politique au King's College de Londres... et sans commentaire : ce texte en dit assez long par lui-même !

« Nous vivons des moments historiques. Les événements bouleversants des derniers jours portent la marque du peuple grec. Le peuple n’a pas délégué ses responsabilités, il y a mis son âme. Il n’a confié le pouvoir à personne, il a pris son sort en main.

Il n’a pas exprimé sa désapprobation. Il a honoré les générations précédentes qui ont résisté et ressuscité ce pays. Il a mis en réserve de l’espoir pour les générations à venir.

Il n’a pas simplement rejeté les chantages et les ultimatums.

Il s’est levé.

Ce peuple ne mérite que le respect. Il mérite d’avancer fièrement, il mérite de vivre dans la dignité. C’est pour cela que ce gouvernement ne peut être que la voix de ce peuple.

A son honneur, à son histoire, à la culture dont il est le porteur, nous ne pouvons être que l’expression de sa volonté.

C’est pour cela que nous ne négocierons pas notre histoire.

C’est pour cela que nous ne négocierons pas la dignité du peuple.

Pour nous, ce sont des valeurs sacrées et intangibles.

Nous sommes chair de la chair de ce peuple, nous sommes issus des pages de son histoire, c’est ce peuple que nous allons servir.

Nous sommes chaque mot de la Constitution de ce pays. Nous avons prêté serment à cette Constitution. C’est à cette Constitution que nous resterons fidèles, et nous y resterons fidèles jusqu’au bout, pour que justice soit rendue aux rêves, aux valeurs, aux luttes et aux sacrifices du peuple grec ».

dimanche 8 février 2015

La guerre comme issue ?

C'est drôle, l'oligarque ukrainien et ses passeports m'ont irrésistiblement évoqué Colin Powell et son flacon d'arme chimique irakienne au Conseil de sécurité de l'ONU.

Allez savoir pourquoi !

Peut-être le même conseiller com en manipulation vue déclenchement guerre ?

Finalement, une petite guerre pour faire oublier la guerre des oligarques euro-allemands contre les peuples européens, ça serait peut-être pas inutile ?

Vers le choc frontal. L'heure de vérité approche.

Le moment de vérité pour la dictature des oligarques euro-allemands arrive, on ne peut plus en douter après les deux discours fondamentaux qui ont été prononcés à Athènes ces derniers jours... Deux discours fondamentaux prononcés ces derniers jours, qui montrent que le gouvernement Syriza/Grecs indépendants ne fera plus marche arrière. On ne revient pas faire amende honorable à Vichy après avoir brûlé ses vaisseaux en prononçant l'appel du 18 juin.

Le premier de ces discours est celui de la présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, élue le 6 avec une majorité record de 235 sur 298 votants. Le site d'information Okeanews en donne de larges extraits.

Superbe discours en vérité : refus de la procédure scélérate des mémorandums, affirmation de la souveraineté du peuple face aux oligarques euro-allemands, revendication de la dette allemande à la Grèce... Tout y est !

"L’Histoire est écrite par les peuples qui espèrent, sont optimistes, contestent, luttent et revendiquent. L’Histoire est également écrite par les dirigeants politiques et les représentants du peuple, les Parlements, quand ils se dressent à la hauteur de leur responsabilité et forment un mur de protection de la société. "

Quand au second, le discours de politique générale du Premier ministre Alexis Tsipras, dont Okeanews rend également compte, voici l'analyse qu'en donne Stathis Kouvelakis, maître de conférences en philosophie politique au King's College de Londres, une analyse que je partage :

"La déclaration de politique générale d'Alexis Tsipras de ce soir a été suivie avec une attention particulière tant dans le pays que dans les chancelleries européennes - et sans doute aussi aux USA. Dans le pays, après le chantage de la BCE et les agressions continues des dirigeants européens, s'étend une atmosphère d'effervescence, de dignité retrouvée, de volonté à la fois de soutenir le gouvernement face au chantage et de faire pression pour empêcher tout recul. A l'extérieur, et plus particulièrement dans les milieux dirigeants, on soupesait chaque mot et surtout chaque mesure annoncée pour jauger de la détermination du premier ministre et de son gouvernement.

La plupart s'attendaient à une inflexion significative, annonçant un retrait, qui faciliterait un "compromis" lors des sommets européens de cette semaine, en réalité une soumission de la Grèce aux diktats. Ceux-là ont certainement été déçus. Car Alexis Tsipras n'a en réalité fait aucune concession de fond. Certes, il a évité d'utiliser le terme "annulation de la dette". Mais il fortement insisté sur son caractère non-viable, revendiqué sa "diminution" et sa "restructuration". Autre point : il n'a pas annoncé le rétablissement immédiat du SMIG à son niveau de 2009 (751 euros) mais il s'est engagé à le rétablir courant 2015. Pour le reste, il a égrené tous les points du programme de Thessalonique : mesures d'urgence pour faire face au désastre humanitaire (nourriture, rétablissement du courant électrique, transport et couverture médicale pour tous), rétablissement de la législation du travail, suppression des taxes injustes sur le foncier, réforme fiscale pour faire payer les riches, relèvement du seuil d'imposition à 12000 euros, réintégration des fonctionnaires licenciés, fin des privilèges accordés aux médias privés, reconstitution de l'ERT (audiovisuel public), activation des parts des banques détenues par l'Etat, fin de la mise en l'encan du patrimoine public (port, infrastructures, énergie), fin de la répression policière des mobilisations populaires.

Point stratégique: Alexis Tsipras a répété qu'il refuse de demander l'extension du "programme d'assistance" actuel et la tutelle de la Troïka et a demandé une extension de la liquidité accordée aux banques grecques basée sur le remboursement des profits effectués par les banques centrales de la zone euro sur la dette grecque et l’extension de la capacité d’endettement du gouvernement grec. Il a enfin insisté sur la nécessité de budget équilibré tout en refusant les excédents primaires exorbitants destinés à rembourser ad vitam aeternam la dette et à recycler l'autorité. Mais même cet engagement de budget à l'équilibre paraît difficilement compatible avec les mesures sociales annoncées dans un contexte de rentrées fiscales anémiques.

Réforme hautement symbolique, celle du code de la nationalité, pour accorder la citoyenneté à tous les enfants d'immigrés nés en Grèce, dont il a fait un éloge vibrant. Il a également longuement insisté sur le rôle du nouvellement créé ministère de l'immigration, dont il souligné le rôle dans la protection des droits humains et de la dignité des personnes, tout en demandant un changement de la politique européenne en la matière. Preuve, s'il en fallait, que la participation des Grecs Indépendants (ANEL) au gouvernement n'a modifié en rien la position de Syriza sur ces questions.

En réalité, le noyau dur des Mémorandums a été balayé. La rupture est bien là. Et Alexis Tsipras a enfoncé le clou de plusieurs façons. Tout d'abord il s'est explicitement référé au rôle de la mobilisation en Grèce et à la solidarité internationale, qu'il a salué de façon appuyée, dans la bataille que livre le gouvernement. Et il a été d'une grande fermeté sur le fait que le rétablissement de la souveraineté nationale et démocratique et de la dignité du peuple grec ne sont pas négociables. Dans le contexte actuel, cela équivaut à un appel à descendre dans la rue, et je ne doute pas qu'il soit entendu, en Grèce et en Europe.

De plus, à la fin de son discours, après un long hommage à la longue histoire de lutte du peuple grec, il a remis sur le tapis la question des indemnités de guerre de l'Allemagne et placé Manolis Glezos à la tête de la démarche qui sera menée par le gouvernement. Or l'on sait que ce sujet est un véritable "chiffon rouge" pour les dirigeants allemands.

Globalement, on peut dire qu'Alexis Tsipras a envoyé un message de fermeté et de combativité tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de son pays. Il a démenti les attentes de ceux qui misaient déjà sur une pente descendante de concessions menant à une capitulation. Il semble tout à fait exclu que les dirigeants européens puissent tolérer en quoi que ce soit la politique qui a été présentée aujourd'hui devant le parlement grec.

On se trouve donc bien devant un scénario de confrontation, qui prendra un tour décisif au cours de cette semaine, avec la conjonction des sommets européens et des mobilisations de rue. Nous sommes sans doute à la veille de grands événements, qui peuvent bouleverser le cours actuel des choses en Grèce et en Europe.

Dans la combinaison de la détermination de la direction grecque, de la mobilisation du peuple et de la solidarité internationale se trouve l' "équation magique" d'une victoire possible !"

samedi 7 février 2015

Le consensus s'élargit.

Selon une étude d'opinion parue aujourd'hui 72 % des Grecs soutiennent le Gouvernement Syriza/Grecs indépendants dans sa position vis-à-vis de la Troïka : l'approbation est de 91,5 % et 91 % pour les électeurs ayant voté Syriza ou Grecs indépendants, mais il est aussi de... 43,5 % (au lieu de 30 % dans le précédent sondage) chez ceux du parti de droite Nouvelle Démocratie, 51 % du parti de centre gauche Potami, dernier avatar du système déchu le 25 janvier, 54,5 % du vieux PASOK ("socialiste" qui a collaboré avec la droite, Berlin et Bruxelles) et 81,5 % du parti communiste KKE (qui a exclu toute alliance avec Syriza) : c'est bel et bien une union nationale, la vraie, celle des Grecs, pas des partis collabos de la politique euro-allemande, qui se dessine sur une ligne de résistance.

59 % des personnes interrogées pensent que l'épreuve de force avec la Troïka va intervenir dans les prochaines semaines, 60 % que le gouvernement grec va persister et 75 % qu'il va tenir ses engagements !...

Enfin, malgré la campagne de trouille, si seulement 9,5 % espèrent une sortie de la Grèce de l'euro, seuls 35,5 % la redoutent, alors que 33 % pensent qu'elle n'interviendra pas. Ce sur quoi, à mon avis, ils s'illusionnent... et ce sera au moment où elle arrivera, du fait de l'autisme allemand, que se posera la question de vérité pour le devenir d'une adhésion qui apparaît aujourd'hui massive - et dépassant très largement l'assise électorale des vainqueurs - du peuple grec à l'action de son gouvernement.

vendredi 6 février 2015

Dignité retrouvée, la Grèce se rassemble...

Reçu à l'instant le mail d'un copain d'Athènes : "Inutile de te décrire l'ambiance d'ici. Cela a quelque chose comme un aout 1944 par exemple. Même ceux qui ont voté ND se disent à présent Syrizistes. Les gens rejettent aussi l'euro et cela de plus en plus. Dans les mentalités l'UE est morte, SAUF chez de nombreux jeunes, je crois et chez les universitaires !"

Et il ajoute à notre attention :

"Voilà pour le moment opportun de l'histoire, travaillez l'opinion publique en France, les gens doivent se réveiller et ainsi résister aussi, c'est à dire briser le dit axe franco-allemand. Agadir c'est terminé !!!"

On s'y emploie, je te jure, Panaghiotis ! Car c'est Panaghiotis Grigoriou, l'auteur de l'indispensable blog greekcrisis.fr qui m'écrit ces lignes.

Sincèrement et en essayant de ne pas prendre mes désirs pour des réalités, je crois que quelque-chose de capital est en train de se dérouler en Grèce. Tous les échos des copains, là-bas, vont dans le même sens : nombre d'électeurs de droite semblent révulsés - patriotiquement parlant - par l'attitude des oligarques européens et sont sensibles au discours du gouvernement sur la dignité retrouvée.

D'Egine, Liza m'écrit : "Ici, on sent que même ceux qui ont voté Samaras s'unissent parce qu'ils retrouvent leur dignité perdue. Mon épicier est tout fier le matin de me montrer le journal avec la photo de Varoufakis..."

Et Georgia de Patras : "Un seul désir de la part de certaines personnes avec lesquelles j'avais des discussions interminables et qui n'avaient aucune confiance en ce "gamin" (Tsipras)... qu'il continue et pourvu qu'il réussisse !!! Si nous devions revoter le pourcentage d'Alexis aurait une sacrée augmentation. La meilleure satisfaction pour nous tous qui avons osés rêver à une autre Grèce!!!! et ce qui est encore plus réconfortant c'est qu'ils n'ont plus honte d' accepter qu'ils s'étaient trompés..." "Enfin unis !!!" Conclut-elle.

Or ces témoignages sont corroborés par toutes les enquêtes d'opinion publiées depuis les élections, par la création de comités citoyens transpartisans pour soutenir le gouvernement, par la manifestation de soutien au gouvernement qui a rassemblé des milliers de personnes hier soir sur la place Syntagma, là où, il y a peu encore, les gouvernement collabos aux ordres de Berlin et de Bruxelles faisaient gazer les citoyens pacifiques usant de leur droit constitutionnel de manifester - une manifestation sans organisateur, née des réseaux sociaux, et à laquelle Syriza n'était pas même partie prenante.

En octobre 1940, lors de la tentative d'invasion de la Grèce par l'Italie fasciste, le OXI (Non) du dictateur fasciste grec Métaxas avait conduit ses opposants, y compris les communistes dans les prisons et les camps, à s'enrôler dans l'armée pour combattre et repousser l'agresseur. Première victoire d'un peuple contre une armée de l'Axe, car l'armée italienne, malgré sa supériorité écrasante en hommes et en matériels, avait été repoussée loin à l'intérieur du territoire albanais, forçant Hitler à intervenir dans les Balkans à l'automne 1941... et donc à retarder son offensive contre l'URSS - ce qui l'empêcha d'arriver devant Moscou avant l'hiver et, selon Churchill, changea le cours de la guerre.

"On ne dira plus que les Grecs se battent comme des héros, entendit-on sur les ondes en français de la BBC, on dira désormais que les héros se battent comme des Grecs."

Puis la Résistance grecque fut rapide et massive, raison pour laquelle l'occupation allemande fut une des plus sauvages et destructrices d'Europe, mettant à sac le pays, déclenchant une tragique famine, détruisant l'essentiel du potentiel économique... raison pour laquelle aussi, peut-être, l'Allemagne n'a jamais indemnisé les victimes de ses crimes, n'a jamais puni les Allemands coupables des crimes de guerre et contre l'humanité perpétrés en Grèce, raison pour laquelle elle refuse obstinément de reconnaître sa dette à l'égard de la Grèce, de lui rembourser par exemple l'emprunt forcé extorqué à la Banque de Grèce pour l'entretien de l'Afrikakorps...

Pas plus qu'hier ses devanciers à croix gammée, Mme Merkel n'accepte qu'un peuple résiste à ses Diktats stupides et criminels, mais pas plus qu'hier, l'espoir et la dignité revenus, les Grecs ne plieront. Je le pense et l'espère. D'ailleurs Manolis Glézos - qui arracha la croix gammée de l'Acropole au printemps 1941 et qui, aujourd'hui député européen Syriza, continue à réclamer que l'Allemagne paye ses dettes, est à lui seul de symbole de cette continuité enfin renouée après cinq ans de gouvernements de collaboration.

Quant à Stéphanos Saraphis, un résistant libéral et républicain, rallié à l'EAM/ELAS, le principal mouvement de Résistance à majorité communiste dont il devint le général en chef (il mourra après guerre, écrasé par la voiture d'un agent d'une base américaine... "accident" dont le responsable fut acquitté par les tribunaux américains...), il justifia ainsi ce ralliement à l'agent de liaison anglais qui s'en indignait :

« Le peuple grec a toujours eu l’habitude d’aimer les Anglais, mais les Grecs ne sont pas des Indiens, des fellahs, des Bédouins, des Zoulous ou des Kaffirs dont l’allégeance peut être acquise en achetant leurs chefs tribaux ou leurs roitelets, mais une nation libre, quoique petite, dont les combats, dans les temps anciens et modernes, ont enseigné au monde entier le sens de la liberté. Si les Britanniques comprenaient cela et nous traitaient en égaux, nous demeurerions toujours des amis et réglerions nos différends dans une voie amicale, sans conflit . »

Les oligarques germano-européens feraient bien de méditer Sarafis... Car il y a là une des principales clés de compréhension de la situation en Grèce aujourd'hui.

En tout cas, ce qui est en train de se passer en Grèce - la lutte d'un peuple contre les oligarques germano-européens au service de la finance - est à mes yeux du même ordre que la mobilisation de l'automne 1940. Un sursaut patriotique, d'unité, de dignité ; et un exemple à suivre pour tous les peuples européens martyrisés par un euro et une Europe qui ne sont plus que le faux nez du néolibéralisme et du néoimpérialisme allemand.

J'ajoute qu'à Athènes, comme je le pensais, la présence des Grecs indépendants dans le gouvernement facilite incontestablement ce mouvement de rassemblement, de véritable unité nationale, de résistance à la fausse fatalité fabriquée dans les couloirs de la chancellerie du nouveau Reich et la tanière des nuisibles de Bruxelles. Cette union des patriotes des deux rives est aussi une nécessité ici et maintenant.

jeudi 5 février 2015

Ambiance à Berlin...

Schäuble : "nous sommes tombés d’accord sur le fait que nous ne sommes pas d’accord."

Varoufakis : "De mon point de vue, nous ne sommes même pas tombés d'accord sur le fait de ne pas être d'accord."

En fait, j'adore Varoufakis !

Et pendant ce temps-là, lâche, veule, soumis à l'OTAN, capitulard devant la Frau, le fils spirituel de Guy Mollet pour ce qui est du socialisme expéditionnaire, s'est transformé en petit-fils de Pétain face à la provocation de la BCE. Le premier secrétaire du PS qui a laissé une rue de Solférino où même les toilettes ne fonctionnaient plus (dixit sa camarade Martine Aubry), n'a pas encore compris que l'histoire ne s'écrit pas avec la même encre qu'une motion de synthèse d'un congrès socialiste truqué.

mercredi 4 février 2015

La guerre est déclarée

"La BCE a annoncé ce mercredi soir qu'elle cessait d'accepter les titres grecs comme collatéraux. Le système bancaire grec n'est désormais relié à la zone euro que par le programme d'accès à la liquidité d'urgence qui est soumis à un accord avec les créanciers d'ici au 1er mars", annonce-t-on ce soir.

Tous les Bisounours qui n'ont pas encore compris ce qu'a dit Juncker - il n'y a plus de démocratie en dehors des traités - et qui pensaient encore que l'Europe est encore compatible avec la démocratie, que Merkel transigerait et que le "bon sens" l'emporterait, ne pourront plus s'illusionner longtemps : il va falloir maintenant choisir : la démocratie ou ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe.

L'Europe ne peut pas tolérer une victoire de la démocratie : concéder quoi que ce soit à la Grèce signifierait reconnaître qu'on s'est trompé depuis trente ans et accepter la remise en cause du système qui a été bâti pour priver les peuples de leur souveraineté. Il n'y a jamais eu d'autre solution que la destruction de l'euro ou la soumission au système dont l'euro est l'instrument.

Nous arrivons au moment de vérité : les oligarques ont déclaré la guerre à un peuple, ce peuple s'est démocratiquement insurgé le 25 janvier dernier. Le gouvernement issu de cette insurrection démocratique n'a plus qu'un choix : sortir de l'euro, ce qui entraînera sans doute la fin à plus ou moins long terme et par un effet domino plus ou moins rapide, de cette monnaie imbécile et criminelle qui nous étouffe depuis la fixation des critères dits de convergence du traité de Maastricht de 1992, ou bien capituler.

Je n'ai jamais eu le moindre doute, et je l'ai écrit ici maintes fois, sur le fait que ce moment adviendrait et que ce serait dur, probablement chaotique, mais qu'il n'y avait pas d'autre solution qu'une sortie de l'euro, que c'était la condition non suffisante, mais nécessaire, d'une sortie de l'étau ; j'ai exprimé ici, plusieurs fois, avant et après les élections, mes doutes sur la conscience que les hommes au pouvoir aujourd'hui à Athènes avaient ou non de l'inéluctabilité de ce moment ; j'ai exprimé mon espoir qu'ils avaient envisagé et s'étaient préparés à cette option.

Ils ne pouvaient pas ignorer qu'on en arriverait là avec ce qu'ils ont fait depuis 10 jours. S'ils l'ont ignoré, s'ils ne se sont pas préparés, s'ils pensaient un accommodement possible, ce sont des rigolos et ils capituleront. Dès lors ils sont politiquement morts. Mais je ne pense pas que ce soient des rigolos...

Nous ne tarderons plus à savoir.

mardi 3 février 2015

Gouvernement grec : les dernières annonces

De passage à Londres, où il a reçu le soutien à sa volonté de rompre avec l'austérité du chancelier de l'Echiquier George Osborne, le ministre des Finances Varoufakis a proposé, comme solution alternative à l'effacement d'une partie de la dette, l'échange des actuels titres de dette grecque contre des obligations perpétuelles excluant le remboursement du capital et dont les taux d'intérêt seraient fixés en fonction de la croissance.

Panos Kamménos, le ministre Grec indépendant de la Défense a pour sa part annoncé la réorganisation des procédures de passage des marchés d'armement et la réouverture de tous les dossiers des marchés passés, afin d'établir une transparence complète des conditions dans lesquelles ils ont été conclus et la transmission à la justice de tout élément pouvant donner lieu à poursuites pour corruption.

Rappelons que l'effort d'armement disproportionné que doit soutenir la Grèce est dû à la permanence de la menace turque, à Chypre et dans l'Egée, et à l'absence totale de solidarité européenne face à cette menace comme d'initiative diplomatique sérieuse ou de pressions sur la Turquie pour qu'elle y mette un terme. Rappelons que le Grèce est le 2e client de l'industrie d'armement allemande, et le 3e de la française, que ni l'Allemagne ni la France n'ont donc intérêt à ce que cessent ces menaces qui justifient d'aussi juteux contrats. Rappelons que ces marchés d'armement ont été le principal moteur de la grande corruption en Grèce et que toute corruption profite d'abord aux corrupteurs qui, en l'occurrence se nomment Siemens, champion toutes catégories (dont les responsables poursuivis en Grèce sont protégés par la vertueuse Merkel), Krupp, Ferostal, Dassault... et que le prix de cette corruption a été payé par le contribuable grec. Rappelons que cette corruption a également enrichi la classe politique kleptocrate des deux partis qui ont alterné au pourvoir depuis 1974 - Nouvelle démocratie et socialistes du PASOK -, largement arrosée, c'est-à-dire ceux-là mêmes que Merkel, Juncker, Schäuble, Moscovici et consorts tenaient tant (allez savoir pourquoi !) voir rester au pouvoir à Athènes. Rappelons encore que les coupures budgétaires prescrites par la Troïka (UE, BCE, FMI) qui ont jeté les Grecs dans une paupérisation et une précarité de masse, qui les ont privés de chauffage en hiver, détruit le système de santé et condamné à la mort, à l'amputation ou à la cécité des cancéreux ou des diabétiques non soignés, qui ont démantelé/privatisé l'enseignement supérieur, rendu impossible le fonctionnement normal de l'enseignement primaire et secondaire, exigé le bradage du patrimoine public, etc. que ces coupures ont - allez savoir pourquoi ! - largement épargné ces dépenses d'armement. Rappelons enfin que la menace turque a empêché la Grèce, depuis 1974, de mettre en valeur les ressources pétrolières et gazières de l'Egée qui auraient pu augmenter ses exportations et réduire sa facture énergétique, tandis que ces dépenses d'armement, qui ont enrichi l'Allemagne et la France, ont excédé, sur la longue durée, les transferts financiers de l'UE vers la Grèce et ont si largement contribué au creusement de la dette que la vertueuse Merkel jugerait aujourd'hui immoral qu'elle fût en partie annulée.

Pour sa part, le ministre de la Protection des citoyens, Iannis Panoussis, a annoncé que l'usage des gaz lacrymogènes par les forces de police serait désormais étroitement limité aux cas d'agressions de ces forces par des manifestants violents. Car si l'on feint parfois, ici, de s'offusquer de l'entrée au gouvernement des "gaullistes sociaux" que sont les Grecs indépendants, on a ignoré que le pro-européen Samaras, après avoir phagocyté la plus grande partie du FN grec, le Laos, tout en entretenant des liaisons dangereuses avec les néonazis d'Aube dorée, en contact permanent avec son chef de cabinet, s'était engagé, avec ses alliés "socialistes", dans une dérive autoritaire de plus en plus inquiétante. Ainsi les forces de police ont-elles fait, dès le gouvernement de son prédécesseur, le banquier pro-européen Papadémos, un usage de plus en plus systématique, massif et disproportionné des gaz lacrymogènes contre des citoyens pacifiques qui ne faisaient qu'user de leur droit constitutionnel de manifester. Le centre d'Athènes s'est ainsi retrouvé, à maintes reprises, noyé dans d'épais nuages de gaz qui mettaient des heures à se disperser. De même à Skouriès, en Chalcidique, ces mêmes forces dites de l'ordre ont-elles asphyxié une population locale qui tentait de s'opposer au permis de saccage écologique attribué à une société canadienne d'exploitation aurifère - remis en cause par le nouveau gouvernement - allant jusqu'à balancer leurs grenades à gaz dans l'école où se trouvaient alors les enfants du village. Désormais, a déclaré Iannis Panoussis, les gaz ne pourront plus "servir à pourchasser des retraités ou des enseignants".

Quant à Georgios Katrougkalos, ministre adjoint pour la réforme administrative, il a déclaré, à propos de la négociation qui vient de reprendre, toujours dans la plus totale opacité et absence de démocratie, du traité scélérat de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis : "Je peux vous assurer qu'un parlement où Syriza détient la majorité ne ratifiera jamais l'accord de libre-échange. C'est un grand service que l'on rend non seulement au peuple grec mais aussi au peuple européen dans son ensemble". Et là encore, les Grecs indépendants sont sur la même ligne.

Enfin, il est à noter que, après ses déclarations de dimanche - "On ne peut pas pressurer continuellement un pays en dépression : il vient un moment où doit intervenir une stratégie de croissance" -, le président américain Obama dépêche à Athènes, selon Avghi, le quotidien de Syriza, cité par Panaghiotis Grigoriou dans son indispensable blog greekcrisis.fr (soutenez-le financièrement si vous le pouvez, il en a besoin), une délégation de membres de haut rang de l'administration du Trésor, "ayant l’expertise de la crise de la dette (...), pour des entretiens avec le gouvernement grec. C’est bien cette équipe qui ira incarner le rôle de médiateur entre Athènes et Bruxelles, afin d’arriver à une solution mutuellement acceptable" ! On rêve !!! Ainsi l'autisme merkelien inquiète désormais suffisamment Washington pour qu'il juge indispensable une médiation entre Européens.

Cette initiative en dit long sur la profondeur du blocage allemand - sans doute Merkel va-t-elle se faire tancer par Obama, le 9 février, lors d'une rencontre bilatérale préparatoire au G7 où la Grèce occupera probablement une partie importante de la discussion. C'est que cet autisme allemand et ses possibles conséquences semblent inquiéter sérieusement la Maison Blanche à un moment où le contexte régional réévalue la position géostratégique de la Grèce. Car on ne peut plus ignorer que la Turquie, en pleine dérive autoritaire et mégalomaniaque d'un Erdogan, loin de l'aimable "islamiste modéré", de l'inoffensif équivalent d'un "démocrate chrétien" qu'ont voulu nous vendre, depuis des années, les Guetta et autres chiens de garde aveugles de l'inepte politique d'adhésion de la Turquie à l'UE, est un des protecteurs/pourvoyeurs des djihaddistes de Daesh. C'est aussi que, à l'heure où l'armée de Kiev et les milices néonazies qui combattent à ses côtés enchaînent défaites sur débandades, certaines se trouvant bien près d'être enfermées dans une poche qui risque de priver les oligarques de Kiev d'une grande partie de leurs forces, Tsipras a déclaré hier à Chypre, en partie occupée et illégalement colonisée par la Turquie depuis 1974, lors de son premier voyage à l'étranger, que la Grèce et Chypre devaient être un pont entre l'Europe et la Russie. Tandis que, la semaine passée, le nouveau ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Kotzias, rappelait vertement aux oligarques de Bruxelles que la politique extérieure commune était du domaine de l'intergouvernemental et qu'on ne pouvait donc faire de déclaration - en l'occurrence agressive à l'égard de la Russie - sans avoir consulté les Etats membres et donc la Grèce.

Alors sans doute pense-t-on à Washington que l'urgence n'est peut-être pas de voir l'autisme merkelo-bruxellois pousser les Grecs dans les bras de Poutine...

lundi 2 février 2015

L'explosion de l'euro, c'est pour quand ?

La question essentielle que je me pose désormais, c'est de savoir quand l'euro va exploser en vol sous l'effet de l'autisme merkellien.

Le plus vite serait le mieux.

De cette monnaie stupide (jamais, nulle part, il n'y a eu de monnaie sans Etat) et criminelle (en interdisant les dévaluations différentielles à l'intérieur de la zone, elle appauvrit inexorablement les pauvres et enrichit mécaniquement les riches), l'Allemagne est, et de loin, le principal bénéficiaire ; pourtant, elle refuse de consentir aux transferts qui le rendraient - peut-être - viable mais qui seraient électoralement suicidaires.

La question de Merkel est donc, aujourd'hui : comment puis-je parvenir à faire exploser l'euro sans paraître en porter la responsabilité ? Mais le lendemain du jour où il explosera, les marks seront prêts à circuler, j'en mettrais ma main au feu !

Alors que chez nous - ou l'eurolâtrie prive la nomenklatura dirigeante de tout sens critique et de toute capacité d'anticipation hors des dogmes révélés de cette eurolâtrie - ce sera la panique.

La deuxième question que je me pose est : est-ce que le gouvernement Syriza, lui, prépare dès maintenant cette sortie ? Ou pense-t-il vraiment trouver un accommodement comme il le dit ? Vu la personnalité et le parcours de Varoufakis, j'ai tendance à penser depuis une semaine qu'il sait où il va, alors que j'avais plus que des doutes avant les élections.

En tout cas, c'est un jeu de go passionnant !

dimanche 1 février 2015

2e sondage postélectoral en Grèce

70 % pensent que Tsipras va réussir comme Premier ministre, 67% pensent qu'il était prêt pour gouverner.

Surtout, 33% des électeurs de droite pensent qu'il va réussir, ce qui montre la dimension de cette première semaine : le sursaut patriotique, le retour à la dignité impressionne (on verra la suite et s'il réussit à entraîner) un tiers du noyau dur resté fidèle à la droite dimanche dernier.

Je me rappelle en 2012, à Nisyros, un copain devenu responsable Syriza dans l'île où je vis trois ou quatre mois de l'année et le Dodécanèse qui, le jour où nous arrivions, celui des élections de juin, nous a dit : "Vous allez voir, on va leur montrer que nous ne sommes pas des rayas". Pour ceux qui ne connaissent pas : raya, c'est le troupeau, en turc, le terme qui servait à désigner les chrétiens dans l'Empire ottoman). Il avait juste quelques années d'avance, mais ce "den eimaste rayades" que j'ai encore dans l'oreille est la principale explication du vote Syriza/Grecs indépendants... Ce que les eurolâtres et les bonna âmes "de gauche" qui font la fine bouche ne veulent ou ne peuvent pas comprendre. C'est ce philotimo grec, si intraduisible, qui est à la fois amour-propre, honneur, respect de soi, fierté, crânerie, bravade... et à coup sûr incompréhensible pour les Hollande et les Merkel, les gnomes de Bruxelles ou les Quatremer, Couturier, Leparmentier, Guetta et autres chiens de garde de la soumission.

Lire ici une bonne analyse du scrutin de dimanche dernier et de l'explosion du vieux système politique qu'il traduit.

Syriza : voilà L'ENNEMI

Syriza est désormais L'ENNEMI. S'ils ne se plantent pas, c'est l'ensemble de l'édifice idéologique bâti au nom de et par ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe qui s'effondre : le "There is no alternative" de Thatcher. Imaginer qu'il y aura autre chose qu'une guerre sans merci, c'est croire aux Bisounours ou à la marmotte qui met le chocolat dans le papier.

Aucune calomnie ne sera épargnée (les "gaullistes" Grecs indépendants, qui siègent à Strasbourg avec les conservateurs britanniques, dont chacun sait qu'ils sont des dangers pour la démocratie... transformés en dangereux nationaux-populistes, l'irresponsabilité, la collusion supposée avec le diable Poutine..., le tout colporté, aussi, par les idiots utiles de la "gauche" prétendument morale et réellement eurolâtre) : les grandes orgues de la propagande vont jouer sur tous les tons du mensonge et de la diffamation.

Ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe est un édifice de nature totalitaire, fondé sur le présupposé que la seule politique possible est celle qui est inscrite dans les traités - ce qu'a rappelé cette semaine Juncker : pas de démocratie hors du cadre des traités... qui, justement, sortent les politiques économiques du champ de la démocratie. Elle a gardé l'apparence de la démocratie parce que c'est plus pratique, mais elle a vidé le vote de tout contenu en le réduisant à un concours de beauté ne pouvant revenir qu'à désigner celui qui conduira cette politique unique.

Le déchaînement de l'oligarchie au pouvoir et des chiens de garde des médias, ou de 90 % d'entre eux, était donc à la fois inévitable et prévisible dès lors que le vote grec ne portait plus sur le visage de qui mènerait la politique dictée à Berlin et Bruxelles, mais sur le choix d'une politique alternative à celle-là. S'imaginer que Merkel ou Juncker, ou quiconque d'autre dans la nomenklatura pourrait adopter une autre position, relève de l'illusion.

Il est remarquable, à cet égard, que les critiques les plus dures, après celles de l'Allemagne et des Baltes, viennent de Madrid et de Lisbonne, car évidemment, les gouvernement collabos de ces deux capitales seraient confrontés, si Athènes obtenait aujourd'hui quoi que ce soit, à l'embarrassante question : mais alors, pourquoi avez-vous capitulé avant de combattre, pourquoi nous avez-vous infligé la politique stupide et criminelle que vous nous avez infligée, au nom et par l'Europe, s'il y avait une autre voie possible ?

Dès aujourd'hui, pour la nomenklatura qui, depuis Jean Monnet, a vu dans l'Europe l'occasion rêvée de vider la démocratie de tout contenu, le gouvernement d'Athènes est donc L'ENNEMI.

Qu'on ne s'y trompe pas, la seule question qui vaille est aujourd'hui celle de la récupération par les peuples européens de la souveraineté qui leur a été confisquée, par et au nom de l'Europe. C'est une guerre qui a commencé il y a une semaine à Athènes, pas la guerre de tous contre tous (du salarié du privé contre le fonctionnaire, de celui qui travaille contre les assistés, de la main d'oeuvre à bas coût contre les travailleurs protégés sommés de renoncer à leurs "privilèges" pour devenir "compétitifs"...) au seul profit des puissances d'argent, c'est la guerre des peuples européens contre une "Europe" de l'oligarchie qui ne peut être ni réformée ni amendée parce qu'elle a été conçue, précisément, pour servir à quoi elle sert : le démontage de l'Etat social et la transformation de la démocratie en coquille vide.