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mardi 31 mars 2009

En terre de... mission

Je ne sais pas pourquoi, mais il y a peu de salons du livre dans l'Ouest de la France. Saint-Louis et Colmar en Alsace, Nancy et Metz en Lorraine, Besançon en Franche-Comté, Saint-Étienne et le Quai du polar lyonnais en Rhône-Alpes, Nice, Toulon, La Gaude, Mouans-Sartoux et bien d'autres en PACA, Montpellier en Languedoc, Limoges et bien sûr Brive en Limousin, comptent tous parmi les plus importants du "circuit".

À l'Ouest, en revanche, en dehors de Saint-Malo dédié aux livres de voyage, de quelques petits salons bretons à l'audience locale, comme aussi ceux de Caen ou Saumur, on ne compte guère que Bordeaux, qui a connu bien des vicissitudes et des éclipses, et surtout La vingt-cinquième heure du livre du Mans, seul véritable grand salon généraliste de la moitié occidentale de notre beau pays. Aucune des villes importantes, Le Havre ou Rouen, Tours, Angers, Rennes ou Nantes, Poitiers ou Bayonne, n'a jugé utile d'encourager la lecture par ce genre de manifestations qui permettent pourtant aux lecteurs de découvrir des auteurs qui n'ont pas d'accès au jeu pipeauté des médias, et aux auteurs de rencontrer des libraires et les lecteurs dont les dysfonctionnements de la critique française leur interdisent l'accès.

Mais il y a Le Printemps du livre de Montaigu... la digue, la digue. C'est la raison pour laquelle, après en avoir entendu parler par des "collègues", j'avais souhaité être présent à ce salon. Un salon qui m'a invité le ouiquende dernier. Eric, un lecteur devenu un ami, avait saisi l'occasion pour suggérer au Mot Passant, librairie choletaise, de m'organiser une signature vendredi. Ce qui fut fait : merci à Eric et merci au Mot Passant.

Et puis samedi matin, nous prîmes la route pour rejoindre Montaigu. J'étais déjà passé par la Vendée. Passé. La première chose qui frappe, surtout un mécréant comme moi, surtout le lendemain des déclarations abracadabrantesques de l'évêque d'Orléans - encore un sérieux celui-là ! - sur la structure du latex et la taille des spermatozoïdes - c'est que c'est pas la moitié d'un con, monseigneur, il en connaît un bout là-dessus -, c'est la densité des calvaires, la taille des églises et le nombre des écoles Jeanne d'Arc.

On sent tout de suite qu'on n'est pas ailleurs, qu'il y a comme un micro-climat, une ambiance.

Ensuite, on réalise. En faisant le tour des stands, et en se rendant compte que les livres sur les papes et les saints, les rois et les prétendants, sans parler des Chouans dans tous leurs états, sont dans un nombre tel que, je le... confesse, je ne l'avais pas même imaginé. Et puis on se dit que c'est le poids du local. Alors on part en chasse des livres sur celui qui, pour moi, est le plus grand des Vendéens. Clemenceau. En vain. Parce qu'il proclamait que la Révolution est un bloc, avant de bouffer un curé de plus ? En tout cas on est pris par une envie difficilement réprimable de crier : Vive Clemenceau, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Personnellement, en ce qui me concerne, pour vous donner un exemple, j'étais entre, à ma... gauche : un chouan à coeurs et croix au revers du veston et un éminent vaticanologue, biographe de Benoît et Jean-Paul, à ma droite (normal, donc) la nièce de soeur Emmanuelle et Patrice de Plunkett, ex-royaliste mao-maurassien, ex-figure de la Nouvelle Droite, ex-pilier du Fig Mag et converti à un catholicisme militant en 1985. De quoi, pour le pédé agnostique que je suis, antimonothéiste et anticlérical, défenseur du latex et du droit à l'avortement, libertin et hédoniste, de se sentir, vraiment, en terre de... mission ! Jouissez sans entrave, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Puis en s'asseyant au resto à midi, on a la surprise de découvrir, trônant dans l'angle de la salle... une statue en bois de la Vierge d'une bon mètre vingt ou cinquante. Et on se demande soudain si, par hasard, on ne va pas vous demander, avant de prendre votre commande, de réciter le bénédicité. Si, par hasard, ça ne serait pas obligatoire. Une ambiance, on vous dit, un micro-climat. Pas tout-à-fait comme nous, quoi, mais bon, moi je les respecte les différences ; je ne me casse pas la tête pour savoir si la structure moléculaire de la vraie Croix ou de la Couronne d'épines est plus ou moins serrée que celle du latex. Vive la laïcité des restaurants, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Au demeurant, ce salon est très sympathique et parfaitement organisé. Il attire un monde fou (voir plus haut) venant de bien au-delà de la Vendée, et il faut rendre hommage à cette municipalité, à ce département, d'avoir su enraciner cette manifestation en faveur du livre, à cet endroit - par ailleurs charmant - et dans la durée - c'était la 21e édition. En plus, j'avais été programmé par Philippe Vallet dans un café littéraire. Autant dire que je suis plutôt content de ce voyage vendéen et d'autant plus que nous autres, les 250 auteurs, avons été accueillis comme des... rois. Oui, je sais, c'est facile. Mais pour le gourmand que je suis, le dîner du samedi soir au restaurant du Logis de la Chabotterie restera, je crois, un souvenir tenace. Le Logis de la Chabotterie est une demeure noble que nous avons pu visiter, de nuit, avant de réjouir nos papilles. Un Logis "habité" : les pièces ont été meublées, on a l'impression que les occupants viennent juste de s'en absenter. Une vraie réussite muséographique. Et puis on voit la table où M. de Charette a été étendu, après avoir été tiré par les Bleus dans la forêt voisine : écharpe blanche et pistolet de commandement du héros.

Une ambiance, on vous dit ; un micro-climat. Qui s'est encore précisée quand le représentant du président du Conseil général nous a gratifiés de son allocation de bienvenue dans ce lieu symbolique, et qu'on pourrait résumer par... salauds de Bleus ! Que la Chouannerie ait apporté au-dedans une aide qui aurait pu être déterminante à la coalition de toutes les monarchies européennes contre la France qui venait de substituer la souveraineté nationale au droit divin, de transformer des sujets en citoyens, il ne fut en revanche rien dit. Vive la Nation, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Reste que nos papilles furent effectivement réjouies et comblées par la subtilité des saveurs dont nous a gratifiées le chef étoilé Thierry Drapeau... blanc ou tricolore ? Oui, je sais, c'est facile. Blanc, malgré tout. Reste aussi une dernière notation, pour la bonne bouche. Étant arrivé une petite heure avant l'inauguration du salon, et me trouvant à une très bonne place, près de son entrée, alors que les auteurs venant de Paris le samedi matin, le conseiller général du canton de Montaigu et président du Conseil général de la Vendée, Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, arriva tout sourire, au pas de charge, avisa le premier pékin assis derrière ses piles, môa, et fonça dessus pour lui serrer la louche. Je crains qu'aucune photographie, hélas, n'ait immortalisé ce moment inoubliable.

Pauvre Philippe, s'il avait su !... la louche sodomitique d'un antipapiste, hérétique et relaps (bien qu'anti-européen et fermement opposé à l'admission de la Turquie dans l'UE, tout de même) ; il aurait dû plutôt demander à l'exorciste du canton de s'occuper de mon cas ! Allez, vicomte, vive la République, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

mercredi 25 mars 2009

Otto Wagner (Vienne n° 2)

À Vienne, il y a le beau gars de l'Ephesus museum, des cafés où l'on sert des Sachertorte et autres Apfelstrudel, dont quiconque a feuilleté mes livres se doutera qu'ils ne m'ont pas laissé indifférents, surtout quand on les accompagne d'un café mêlé de chocolat, arrosé d'alcool et surmonté d'une respectable dose de chantilly, surtout quand dans un coin de la salle, jouent une pianiste et deux violonistes... Vienne, quoi !

À Vienne il y a aussi des Schiele et des Klimt, on en reparlera, du baroque et du néo-classique en pagaille. Et puis à Vienne, au fil des promenades, des déambulations, il y a aussi les bâtiments de cet architecte de génie qu'était Otto Wagner.

Dans cette capitale d'un Empire austro-hongrois qui ne sait pas qu'il va mourir bientôt, où règne une gérontocratie qui considère de haut et de loin les gamins de moins de soixante ans (merci à Stéphane, mon kiné, de m'avoir fait emporter là-bas Le Monde d'hier de Stéphane Zweig qui décrit et explique si bien tout cela), des gamins de quarante comme Otto Wagner inventent autour des années 1880 un Jugendstil, qui rompt avec l'historicisme, les pompes et l'académisme de l'art officiel puis, en 1897, ils font Sécession.

De cette Sécession viennoise, en architecture, Wagner est incontestablement la figure de proue, même si c'est un de ses collaborateurs, Josef Maria Olbrich, qui construit le Pavillon de la Sécession, à la fois manifeste du mouvement et lieu d'exposition pour les artistes qui ont quitté le confortable giron de l'art officiel.

Voici quelques images de cette Sécession architecturale, prises au cours de nos déambulations...

Voici d'abord un superbe immeuble avec deux détails de la façade et de la figure d'angle du toit :

L'immeuble voisin est aussi de lui :

La station de métro qui dessert Schönbrünn et qu'il a construite gratuitement pour faire sa pub auprès de François-Joseph :

Et la station de métro de Karlplatz qui est également de lui :

Alors que le pavillon de la Sécession, Karlplatz également, est de Josef Maria Olbrich :

Wagner est aussi l'architecte, décorateur, designer de cet ensemble unique, à mon avis, en matière de bâtiment abritant un service public, qu'est la poste centrale de Vienne :

Et puis pour finir, cette extraordinaire église, Kirsche am Steinhof, au sommet d'un parc dominant Schönbrünn et Vienne, où sont installés les nombreux pavillons (dont il a construit certains, ainsi que le mobilier urbain) de l'hôpital psychiatrique de cette Vienne de la Sécession dans laquelle le docteur Freud inventait à la même époque la psychanalyse...

mardi 24 mars 2009

Prédateurs...

Mme Parizot (dont le papa, comme M. Arnaud d'ailleurs, le plus riche des Français et le modèle des entrepreneurs pour Caligula, a construit sa fortune sur le rachat à prix bradé d'une partie des actifs de Boussac, grâce à l'assistance de l'Etat et au prix de conditions qu'ils n'ont jamais respectées) s'indigne, moralement, du parachute doré du PDG de Valeo et Mme Lagarde fait une leçon de morale aux patrons de la Société générale, sans compter Caligula qui va en remettre une couche ce soir !...

Ce serait à mourir de rire si ce n'était à pleurer.

Il ne manquerait plus qu'une déclaration indignée de Mme Thatcher sur l'absence de sens moral des patrons, une condamnation morale par Jacques Delors (vous savez le catho dit de gauche qui, de l'Acte unique à Maastricht, a démonté l'Europe de De Gaulle pour lui substituer celle de Thatcher tout en faisant croire qu'il était socialiste) de la dérégulation européenne et du bradage au privé des entreprises nationales. Il ne manquerait plus qu'une excommunication morale par JC (Jean-Claude, pas Jésus-Christ) Trichet de tous ces ignobles conseils d'administration qui ont distribué tant de sous à leurs actionnaires et aux dirigeants, forçant les salariés et les retraités à la misère, les Etats à démanteler petit à petit leurs systèmes de sécurité sociale.

La morale, c'est bien pratique.

Mais où sont-ils donc tous ces politiques, ces patrons, ces économistes, ces journaleux qui nous ont expliqué pendant vingt ans qu'il fallait à tout prix déréglementer, privatiser, démanteler tout ce qui ressemble à un service public, brader au privé les chemins de fer, la poste, les entreprises qui permettaient aux Etats de conduire une politique énergétique cohérente, demain les hôpitaux et les lycées ? Qui nous ont peint pendant vingt ans les patrons comme les seuls vrais héros des temps modernes. Qui nous ont rabâché qu'en dehors des "entrepreneurs", nous étions tous des feignants immoralement assistés qui rêvions tous au RMI et à la retraite anticipée (mais les patrons, M. Arnaud et Mme Parizot compris, sont les premiers assistés de l'Etat : voir plus haut). Que seul le libre marché et la concurrence non faussée étaient capables de préparer l'avenir, que seuls les patrons détenaient les clés - d'or - de cet avenir ; de la félicité universelle. Que l'Etat régulateur, l'Etat planificateur, l'Etat garant de l'intérêt général face aux intérêts particuliers, c'était du pipeau, de l'archéologie, aussi poussiéreux et dépassé que... La Princesse de Clèves, au hasard !

... l'Etat que les patrons convoquent aujourd'hui à les... assister pour les sauver des conneries monstrueuses qu'ils n'ont su ni identifier, ni anticiper, ni gérer.

En tout cas, il y a une chose de sûre : le bal des faux-culs est ouvert et c'est à qui valsera devant les caméras pour faire sa petite déclaration... morale sur l'immoralisme de ses petits copains qui vivent pourtant dans le même biotope idéologique et... moral depuis vingt ans et plus.

La morale, comme d'habitude, c'est pratique ; ça évite de prononcer le mot de justice ou d'équité qui leur écorcherait probablement la gueule. Comme la charité chrétienne a évité pendant si longtemps de prononcer ceux de dignité humaine. Comme celui de libéralisme évite d'employer son synonyme : redistribution massive et systématique de la valeur ajoutée au profit du capital et des patrons salariés qui se sont agrégés à lui et lui sont devenus indispensables (c'est pour cela que les stock-options ne sont pas moralement condamnables eu égard aux circonstances, mais intrinsèquement perverses), aux détriments des salariés producteurs.

Parler de morale, c'est éviter de parler de règle : celle, par exemple, selon laquelle, à l'intérieur d'une entreprise, la rémunération d'un dirigeant ne devrait pouvoir excéder, toutes formes confondues (fixe, bonus, stock options...), allez, soyons large, cinquante fois c'est déjà beaucoup, c'est déjà trop, le salaire médiant de cette entreprise.

Parler de morale, aujourd'hui, ça évite de dire que le capitalisme social de production, celui né de la guerre, le capitalisme rhénan ou celui de la France gaullienne, s'est transformé, sous prétexte d'Europe et en partie grâce aux politiques d'accompagnement des socialistes et socio-démocrates européens, en un capitalisme de prédation.

dimanche 22 mars 2009

Appelez le 110, bien sûr, donnez...

... et dites merde au pape en prime ! Selon le dernier sondage 23 % des Français, 29 % de catholiques et 52 % des pratiquants ont encore une bonne opinion du pape... ce que je trouve franchement inquiétant pour leur santé mentale !

samedi 21 mars 2009

Repassage et Adjani

Mon homme n'ayant plus une chemise à se mettre, j'ai entamé avant-hier soir un grand cycle repassage. Et hier soir, en repassant, j'ai regardé Arte, qui diffusait un étonnamment juste et politiquement incorrect téléfilm, La Journée de la jupe qui, semble-t-il a battu tous les records d'audience de la chaîne et réuni 2,2 millions de téléspectateurs.

Naturellement, la si rare et si exceptionnelle Isabelle Adjani était plus que parfaite. Quant au suspense, il était plutôt bien construit et conduit, malgré quelques moments de patinage.

Mais ce qui est exceptionnel, par rapport à la production télévisuelle et d'ailleurs littéraire française, c'est bien le sujet - servi de manière si convaincante par cette prof qui pète les plombs à force d'avoir été humiliée, malmenée, insultée dans ce qu'elle est : une femme qui a droit à sa liberté, à sa dignité, à sa... jupe ; dans ce à quoi elle croit : la littérature, le savoir émancipateur, la valeur de l'enseignement, la laïcité, l'humanisme.

Face à elle, ce que M. Chevènement appelait naguère avec tant de raison des sauvageons, qui entre-temps ont eu tendance à virer aux sauvages sans on. C'est-à-dire des êtres humains dont l'école de la République, de capitulation en capitulation, de lâcheté en lâcheté, a fait de méchants imbéciles qui ne voient pas plus loin que le bout de leur religion, de leurs préjugés, de leurs instincts de domination, de leur violence et de leur connerie.

Défaite des Lumières, défaite de l'école, défaite de la République.

Ce téléfilm est une pépite parce qu'il montre ce qui est ; ce que j'ai vu moi-même, il y a déjà presque dix ans au collège Maurice Utrillo dans le XVIIIe arrondissement de Paris - la différence entre Adjani et moi, c'est que je n'ai pas tenu le choc, mon corps m'a jeté dans la maladie et presque dans la mort pour éviter d'avoir à affronter chaque jour un cauchemar face auquel les enseignants sont devenus impuissants.

Ce que montre parfaitement ce téléfilm, c'est le drame humain de ces profs-là qui n'ont que deux solutions - quand leur corps refuse de leur donner la possibilité d'échapper dans la maladie comme l'a fait le mien :

- s'accrocher à ce qu'ils croient de tout leur être et défendre bec et ongle la culture qui libère, lutter jusqu'à perdre leur santé mentale contre la barbarie, contre le ré-asservissement de la femme, contre l'homophobie (car, comme d'habitude et, naturellement, ces deux combats-là vont ensemble, car comme d'habitude la volonté de chosifier la femme s'accompagne de la haine du "gros pédé", de "l'enculé" qu'on a laissé fleurir dans les cours d'école !) ;

- ou bien tolérer l'intolérable. Pire : composer avec, chercher à le justifier au nom du relativisme, au nom du respect de soi-disant identités ; oublier que la tolérance et le respect réclamés par la barbarie conduisent la liberté au tombeau. Oublier cette phrase fondamentale de Louis Veuillot, grand polémiste catholique du XIXe siècle, que j'ai placée en épigraphe de la troisième partie de ma Quatrième Révélation : "Quand je suis le plus faible, je vous demande la liberté parce que tel est votre principe. Mais quand je suis le plus fort, je vous l'ôte parce que tel est le mien". Collaborer avec la barbarie.

Ce que montre aussi ce film, avec une vérité stupéfiante, c'est la lâcheté de la hiérarchie, celle du principal qui étouffe tout, parce que sa carrière dépend de l'absence de vagues, de sa capacité à étouffer pour que, surtout, ni au rectorat ni au ministère on n'entende jamais parler de son collège.

Une seule faute de goût dans ce téléfilm : au lieu de faire un cours sur Molière, en tenant ses sauvage-ons en respect avec son calibre, Adjani aurait dû faire un cours sur La Princesse de Clèves. Car l'état catastrophique actuel de l'école a pour cause, à mes yeux, l'alliance de deux forces :

- la démagogie du relativisme, la veulerie de tant de professeurs qui ont accepté au fil des années, par conviction ou par contrainte du consensus ambiant, de substituer l'étude des bandes dessinées à celle de la littérature, la soi-disant pédagogie aux savoirs, le contenant au contenu, le jeu et la facilité à la discipline et à l'effort ;

- le libéralisme économique qui n'a nul besoin de citoyens éduqués connaissant Molière ou La Princesse de Clèves, mais de consommateurs et de travailleurs qui ne pensent pas, qui ne lisent pas, qui se contentent de regarder TF1 et de satisfaire leurs besoins, leurs instincts.

Dans ce monde-là, la loi, la règle, n'est plus librement consentie et intégrée par tous comme la condition d'une vie en société, la garantie du faible contre la violence du fort, celle du rouge-gorge contre l'épervier écrivait Hésiode huit siècles avant notre ère. La loi, la règle, c'est le dernier garde-fou, la punition, la prison, ce qui doit maintenir - de force - les sauvage-ons qu'on a consciemment refusé d'éduquer, dans le rôle de producteur précaire réclamé par Mme Parizot et de consommateur sans conscience politique exigé par les télés Coca-Cola.

C'est pourquoi le mépris du président de la République pour La Princesse de Clèves ou les chercheurs, la vulgarité d'expression et la fascination des Rolex qu'il partage précisément avec ces sauvage-ons, la démagogie des syndicats enseignants, le tout-répressif de Melle Dati et de son patron, l'absence totale de réflexion sur ce que devrait être la réforme radicale du système d'éducation dont sont redevables les sauvage-ons (car il ne s'agit pas de ne pas réduire les postes : le système actuel c'est le tonneau des Danaïdes ; il faut concevoir un système d'éducation spécifique pour répondre sérieusement au problème spécifique de barbarisation que ce téléfilm dépeint parfaitement), sont les différentes facettes d'un même problème.

vendredi 20 mars 2009

Un beau gars (Vienne n° 1)

Dans la Neue Hofburg, est installé un musée des fouilles autrichiennes d'Éphèse. Petit, le musée ; le produit reste aujourd'hui sur place. On peut y voir un impressionnant ensemble de sculptures appartenant à un monument à la gloire des victoires de l'empereur Lucius Verus sur les Parthes. Impressionnant, mais très... romain.

On peut y voir surtout une pure merveille de la statuaire grecque, copie romaine en bronze d'un original du IVe siècle avant notre ère, probablement dû à Lysippe. Il s'agit d'un athlète après l'exercice, il tenait dans sa main droite un strigile et, avant de passer aux bains, commençait sa toilette en raclant sur son bras gauche la couche d'huile et de poussière dont les garçons s'enduisaient à leur arrivée à la palestre.

Le plus étonnant, c'est que cette merveille fut découverte en 234 morceaux : joli puzzle, non ? mais quand en plus c'est pour ressusciter un aussi beau gars, on se dit que l'archéologie est une discipline formidable. Même si d'aucun, je n'en doute pas, doivent préférer les Rolex et ranger les déterreurs de vieilleries dans le même placard à balai que les lecteurs de La Princesse de Clèves...

Voilà donc mon beau gars du jour !

Mais tout à coup je m'aperçois, en lisant ce billet, que ce bronze est une copie du même original que celui de Croatie, dit l'Apoxiomen, dont Alain Pallier m'avait envoyé la photo l'automne dernier et à qui j'avais consacré un billet le 1er novembre...

Pas une crevette, le mec !

Allez, et juste pour le plaisir, une tête de mon dieu tutélaire, celui de La Quatrième Révélation, qui a perdu une aile entre les rives de l'Égée et celles du Danube ; et puis une superbe tête classique-sévère d'Artémis, la chasseresse, la lunaire, la jumelle d'Apollon qui fit dévorer Actéon - après l'avoir transformé en cerf - par ses propres chiens, parce qu'il l'avait vue nue, au bain...

mercredi 18 mars 2009

Salaud !

Ce pape est un salaud, et un de la pire espèce, pontifiante (normal pour un pontife, vous me direz), dissimulée derrière ses soi-disant qualités intellectuelles remarquables.

En quelques mois, il aura donc, avec son Eglise qui prêche l'amour du prochain :

- interdit à un tétraplégique de se marier à l'Eglise, sous prétexte que le mariage doit viser à l'enfantement et que le tétra ne peut enfanter ;

- ordonné la reprise du procès en cannonisation de Pie XII, ce pape qui aimait tant l'Allemagne et haïssait tant le communisme, qu'il eut à l'égard d'Hitler, de l'invasion de la Pologne, des oustachis croates génocideurs de Serbes orthodoxes, des criminels de guerre en tout genre qu'il s'employa à faire sauver, des pudibonderies de langage, des bontés et une indulgence qui, "normalement", ont dû le mener tout droit cramer dans les éternels feux de l'enfer ;

- réinstitué la prière pour la conversion des Juifs déicides ;

- levé l'excommunication et donc réintégré dans le sein de l'Eglise, sans plus de conditions que Sarko n'en a mis à filer du fric aux banques et aux entreprises (lesquelles, depuis trente ans, nous bassinent avec l'insupportable assistanat qui freine la croissance...), les pires crapules réactionnaires et para-nazies (cela dit, on ne peut lui enlever le bénéfice de la cohérence à Ratzy !);

- mais excommunié, sans le moindre état d'âme, les parents et le médecin qui ont permis l'avortement d'une gamine violée de NEUF ANS ;

- mobilisé les foules pour empêcher qu'on débranche, après plus de 20 ans, une pauvre fille réduite à l'état de légume perpétuel, qui avait demandé qu'on la débranchât si lui arrivait ce qui lui est arrivé ;

et voilà que, maintenant, sur le continent où le SIDA fait des ravages, ce salaud en blanc continue à brailler son discours criminel contre la capote, afin de tuer un peu plus d'Africains que le discours du Vatican et de ses Eglises locales n'a déjà contribué à en tuer depuis l'apparition du Sida (tiens, on attend avec intérêt les commentaires là-dessus de la dernière femme en date de notre très catholique président qui, si j'ai bien compris, est devenue quelque chose comme potiche de la lutte anti-SIDA) ;

Vous appelez ça comment vous ? Moi j'appelle ça un salaud, une crapule, un assassin. Et la robe blanche n'y change rien. Ce type me soulève le coeur ; il devrait être traduit devant une Cour internationale pour crime contre l'histoire, pour crime contre l'humanité. Je n'ose même pas dire que ce pape est le pape rêvé des antichrétiens et des anticléricaux. Même s'il justifie à lui seul tout ce que je pense et tout ce que j'écris sur la religion de mort, et non d'amour, qu'il incarne. On en préférerait malgré tout un moins con, moins irresponsable, moins autiste, moins privé de tout vrai sens moral et toute humanité.

Comme me soulève le coeur qu'un président de la République française n'ait rien trouvé de plus urgent et de plus pertinent qu'aller se pavaner avec Bush d'abord, puis avec ce salaud-là, et nous asséner en prime qu'un instituteur ne vaudrait jamais un curé pour transmettre aux enfants la distinction entre le bien et le mal.

Beurk !

Bon, à part ça, mon mec et moi, nous rentrons de Vienne : je ferai un ou deux billets sur ce voyage, avec quelques images, dès que la colère sera un peu passée.

dimanche 8 mars 2009

Le Château du silence...

Le Château du silence est mon meilleur livre, j'en reste persuadé et je ne suis pas le seul de cet avis ; il est aussi mon plus grand échec en terme de ventes. Il n'a pas eu de chance : il est sorti en septembre 2003, trois mois avant le dépôt de bilan du diffuseur d'H&O, lequel diffuseur n'a trouvé de repreneur et n'est reparti sur de nouvelles bases qu'à l'été suivant (le diffuseur, c'est ce maillon essentiel de la chaîne du livre, dont les lecteurs ignorent souvent l'existence, mais qui est capital puisque c'est lui qui assure la mise en librairie des livres et... empoche la plus grande partie du prix que paye le lecteur à son libraire). Il n'a doublement pas eu de chance : des attachées de presses particulièrement incompétentes ont été incapables de le défendre.

Il n'était sans doute pas non plus dans l'air du temps. Qui, en France, s'intéresse à Chypre et aux disparus de 1974 ? En 2003, personne. C'est vrai que c'est beaucoup moins passionnant que l'usage que fait de ses trous Mme Angot, les galipettes de Mme Despentes, le nombril de MM Beigdeder ou Zeller, les états d'âme d'un maoïste devenu fan du pape, les affres d'une ex-truie devant la maternité, le dernier produit marketing de la fille naturelle ou du conseiller polygraphe, et condamné pour plagiat, d'un président défunt...

Mais l'été dernier L'Express, puis hier, ''Le Monde'', semblent soudain découvrir le problème : il n'est jamais trop tard pour bien faire !!!

Lorsque je l'ai découverte, moi, cette question des disparus, à l'été 1987, à l'occasion de vacances à Chypre avec mon homme, j'en ai été complètement bouleversé. J'étais en train d'écrire alors mon premier roman, mais j'ai su tout de suite que, si jamais j'arrivais au bout, si jamais je continuais à écrire, ce serait aussi pour faire sortir ces disparus-là d'une deuxième mort, celle du silence dont on les a enveloppés, parce que la Turquie est l'alliée privilégiée des Américains et que, comme Israël, elle a donc tous les droits. A commencer par celui de massacrer qui bon lui chante et quand bon lui chante, à commencer par celui de violer impunément le droit international, depuis 1967 pour Israël et 1974 pour la Turquie à Chypre.

Il m'a fallu longtemps, onze ans, pour trouver le moyen romanesque de parler de cette question. Et puis un jour, pendant les deux ans que j'ai passés à Nisyros, dans l'été 1998, alors que j'étais allé me balader avec Chantal, une amie très chère, à Rhodes, sur le bateau du retour, le Nisos Kalymnos qui a depuis pris sa retraite, tout s'est mis en place.

J'ai écrit Le Château du silence comme je n'ai écrit aucun autre de mes livres. Avec un sentiment d'urgence et de nécessité absolus. Plus vite qu'aucun autre de mes livres, en quelques semaines, et en arrivant presque du premier coup à ce que je voulais. En me couchant avec et en me levant avec, en étant occupé que de lui. Il s'est passé des choses étranges durant l'écriture de ce livre et, souvent, j'ai eu l'impression de n'être pas seul à l'écrire, même si, au final, je n'ai pas disjoncté comme mon narrateur. J'avais besoin de rendre la parole à qui on l'avait enlevée, à qui avait été martyrisé, à qui était peut-être encore martyrisé à l'heure où j'écrivais ce livre. Car des sources convergentes ont indiqué, jusque dans les années 1990, que la Turquie détenait encore, vivants (vous avez vu Midnight Expres et Yol ?) certains de ces disparus ravis à la vie en 1974.

J'ai donc été content de lire, hier, cet article du Monde, racontant comment on est en train de faire progresser la paix sur cette île si douée pour le bonheur, que les Anglais d'abord, puis les Américains, tantôt aidés de leurs séides fascistes grecs, tantôt appuyés sur leurs séides turcs, ont balafré, marqué au fer rouge, ravagé, en dressant l'une contre l'autre, puis en séparant, enfermant dans une logique de purification ethnique des communautés grecque et turque qui vivaient en parfaite harmonie.

Il faut lire Citrons acides de Lawrence Durrell.

Voilà donc, après que les Chypriotes turcs ont enfin chassé cette ordure de Denktash en 2005, qu'on est en train de refermer doucement les plaies. Même si c'est au prix de quelques mensonges, car les disparus turcs de 1964, ceux d'une guerre civile larvée provoquée par la volonté de puissance de Denktash qui bloqua le fonctionnement d'institutions impraticables concoctées par les Anglais afin de rester arbitres, puis par refus brutal de Makarios de rester otage de cette situation, ces disparus-là n'ont rien à voir avec les disparus grecs de 1974, victimes de l'impérialisme turc auquel donnèrent libre cours les imbécillités de la junte grecque d'alors, poussée par les Etats-Unis pour de fumeuses raisons stratégiques : Makarios un Castro de la Méditerranée, il fallait vraiment être un Talleyrand aux aussi petits pieds que M. Kissinger pour y croire !

Sans doute faut-il en passer par cet amalgame pour ne pas désigner la Turquie comme seule responsable des crimes qu'elle a commis. reste la question centrale : il n'y aura pas de véritable paix à Chypre, comme il n'y aura pas de véritable paix en Palestine, tant que les puissances occupantes n'auront pas rapatrié les colons qu'ils ont illégalement implantés dans des territoires qu'ils occupent illégalement.

Pour mémoire :

Le recensement de 1960 donnait une population de 573.566 habitants dont 81,7 % appartenant à la communauté grecque (77 % d’orthodoxes, 4,7 % de maronites et arméniens) et 18,3 % à la communauté turque (dont une partie est d’ailleurs alors hellénophone).

Depuis 1974, ces 18,7 % de la population chypriote turque ont été regroupés sur les 38 % du territoire de la République de Chypre, devenue entre-temps membre de l'Union européenne, qu'occupe la Turquie, reconnue candidate par l'Union européenne - ce qui est tout de même un comble d'absurdité d'européenne !!! Les Turcs ont procédé au Nord à une "purification ethnique" presque totale de la population grecque qui, là comme ailleurs était massivement majoritaire, car la population turcophone était disséminée sur l'ensemble du territoire de l'île. Ils y ont proclamé un Etat fantoche du nord de Chypre qu'ils sont seuls à reconnaître.

Le rapport entre populations grecque et turque a sensiblement varié depuis 1974 : la population chypriote turque a en effet été touchée par un fort mouvement d’émigration depuis 1974, essentiellement dû à l'incurie et à la corruption des gouvernements Denktash (1974-2005), alors que le sud de l'île, grec, passait du sous-développement à une remarquable prospérité. La communauté chypriote turque ne représente plus aujourd’hui que 11,7 % de la population légale de l’île, par rapport aux 88,3 % de Grecs (85,1 % d’orthodoxes et 3,2% de maronites et arméniens).

Ces chiffres ne tiennent pas compte des 115.000 colons anatoliens que la Turquie a illégalement installés depuis son invasion du Nord de l’île en 1974 afin d’infléchir le rapport démographique global : ceux-ci sont désormais plus nombreux dans la zone occupée que les 88.000 Chypriotes turcs. Ils excluent également les 35.000 soldats turcs des forces d'occupation qui font du Nord de Chypre, selon le rapport du secrétaire général de l’ONU (5/1995/1020 du 10/12/1995) « une des zones les plus militarisées dans le monde ».

lundi 2 mars 2009

Le Gouvernement israélien...

vient d'annoncer le doublement du nombre de colons dans les territoires occupés illégalement par Israël depuis 1967.

On attend avec intérêt les sanctions internationales qui ne manqueront pas d'être adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU.

N'importe quel Etat dans le monde (sauf la Turquie qui fait la même chose à Chypre depuis 1974) violant ainsi le droit international serait immédiatement placé sous le plus drastique des embargos.

Il n'y a naturellement aucune raison qu'il en soit autrement pour Israël. Ca ne saurait donc tarder !... après 42 ans de viols à la fois continus et répétés par Israël du droit international. La seule raison pouvant expliquer une impunité serait qu'Israël et la Turquie sont des alliés stratégiques des Etats-Unis qui, en conséquence, ont le droit de violer à leur guise le droit international que tout autre Etat est tenu de respecter ; mais cela est naturellement absurde puisque, par définition, le droit international s'impose à tous de la même façon.

Ah, au fait, aujourd'hui se réunit une conférence internationale des donateurs destinée à financer la reconstruction, dans la bande de Gaza, de ce qu'Israël vient d'y détruire pour la... dixième fois en dix ans ? Ca ne vous fait pas chier, vous, de payer pour ce qu'Israël va redétruire une onzième fois dans six, neuf ou quinze mois ?

Il est vrai que la bande de Gaza est tenue par des terroristes. Pas Israël, bien sûr.