De passage à Londres, où il a reçu le soutien à sa volonté de rompre avec l'austérité du chancelier de l'Echiquier George Osborne, le ministre des Finances Varoufakis a proposé, comme solution alternative à l'effacement d'une partie de la dette, l'échange des actuels titres de dette grecque contre des obligations perpétuelles excluant le remboursement du capital et dont les taux d'intérêt seraient fixés en fonction de la croissance.

Panos Kamménos, le ministre Grec indépendant de la Défense a pour sa part annoncé la réorganisation des procédures de passage des marchés d'armement et la réouverture de tous les dossiers des marchés passés, afin d'établir une transparence complète des conditions dans lesquelles ils ont été conclus et la transmission à la justice de tout élément pouvant donner lieu à poursuites pour corruption.

Rappelons que l'effort d'armement disproportionné que doit soutenir la Grèce est dû à la permanence de la menace turque, à Chypre et dans l'Egée, et à l'absence totale de solidarité européenne face à cette menace comme d'initiative diplomatique sérieuse ou de pressions sur la Turquie pour qu'elle y mette un terme. Rappelons que le Grèce est le 2e client de l'industrie d'armement allemande, et le 3e de la française, que ni l'Allemagne ni la France n'ont donc intérêt à ce que cessent ces menaces qui justifient d'aussi juteux contrats. Rappelons que ces marchés d'armement ont été le principal moteur de la grande corruption en Grèce et que toute corruption profite d'abord aux corrupteurs qui, en l'occurrence se nomment Siemens, champion toutes catégories (dont les responsables poursuivis en Grèce sont protégés par la vertueuse Merkel), Krupp, Ferostal, Dassault... et que le prix de cette corruption a été payé par le contribuable grec. Rappelons que cette corruption a également enrichi la classe politique kleptocrate des deux partis qui ont alterné au pourvoir depuis 1974 - Nouvelle démocratie et socialistes du PASOK -, largement arrosée, c'est-à-dire ceux-là mêmes que Merkel, Juncker, Schäuble, Moscovici et consorts tenaient tant (allez savoir pourquoi !) voir rester au pouvoir à Athènes. Rappelons encore que les coupures budgétaires prescrites par la Troïka (UE, BCE, FMI) qui ont jeté les Grecs dans une paupérisation et une précarité de masse, qui les ont privés de chauffage en hiver, détruit le système de santé et condamné à la mort, à l'amputation ou à la cécité des cancéreux ou des diabétiques non soignés, qui ont démantelé/privatisé l'enseignement supérieur, rendu impossible le fonctionnement normal de l'enseignement primaire et secondaire, exigé le bradage du patrimoine public, etc. que ces coupures ont - allez savoir pourquoi ! - largement épargné ces dépenses d'armement. Rappelons enfin que la menace turque a empêché la Grèce, depuis 1974, de mettre en valeur les ressources pétrolières et gazières de l'Egée qui auraient pu augmenter ses exportations et réduire sa facture énergétique, tandis que ces dépenses d'armement, qui ont enrichi l'Allemagne et la France, ont excédé, sur la longue durée, les transferts financiers de l'UE vers la Grèce et ont si largement contribué au creusement de la dette que la vertueuse Merkel jugerait aujourd'hui immoral qu'elle fût en partie annulée.

Pour sa part, le ministre de la Protection des citoyens, Iannis Panoussis, a annoncé que l'usage des gaz lacrymogènes par les forces de police serait désormais étroitement limité aux cas d'agressions de ces forces par des manifestants violents. Car si l'on feint parfois, ici, de s'offusquer de l'entrée au gouvernement des "gaullistes sociaux" que sont les Grecs indépendants, on a ignoré que le pro-européen Samaras, après avoir phagocyté la plus grande partie du FN grec, le Laos, tout en entretenant des liaisons dangereuses avec les néonazis d'Aube dorée, en contact permanent avec son chef de cabinet, s'était engagé, avec ses alliés "socialistes", dans une dérive autoritaire de plus en plus inquiétante. Ainsi les forces de police ont-elles fait, dès le gouvernement de son prédécesseur, le banquier pro-européen Papadémos, un usage de plus en plus systématique, massif et disproportionné des gaz lacrymogènes contre des citoyens pacifiques qui ne faisaient qu'user de leur droit constitutionnel de manifester. Le centre d'Athènes s'est ainsi retrouvé, à maintes reprises, noyé dans d'épais nuages de gaz qui mettaient des heures à se disperser. De même à Skouriès, en Chalcidique, ces mêmes forces dites de l'ordre ont-elles asphyxié une population locale qui tentait de s'opposer au permis de saccage écologique attribué à une société canadienne d'exploitation aurifère - remis en cause par le nouveau gouvernement - allant jusqu'à balancer leurs grenades à gaz dans l'école où se trouvaient alors les enfants du village. Désormais, a déclaré Iannis Panoussis, les gaz ne pourront plus "servir à pourchasser des retraités ou des enseignants".

Quant à Georgios Katrougkalos, ministre adjoint pour la réforme administrative, il a déclaré, à propos de la négociation qui vient de reprendre, toujours dans la plus totale opacité et absence de démocratie, du traité scélérat de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis : "Je peux vous assurer qu'un parlement où Syriza détient la majorité ne ratifiera jamais l'accord de libre-échange. C'est un grand service que l'on rend non seulement au peuple grec mais aussi au peuple européen dans son ensemble". Et là encore, les Grecs indépendants sont sur la même ligne.

Enfin, il est à noter que, après ses déclarations de dimanche - "On ne peut pas pressurer continuellement un pays en dépression : il vient un moment où doit intervenir une stratégie de croissance" -, le président américain Obama dépêche à Athènes, selon Avghi, le quotidien de Syriza, cité par Panaghiotis Grigoriou dans son indispensable blog greekcrisis.fr (soutenez-le financièrement si vous le pouvez, il en a besoin), une délégation de membres de haut rang de l'administration du Trésor, "ayant l’expertise de la crise de la dette (...), pour des entretiens avec le gouvernement grec. C’est bien cette équipe qui ira incarner le rôle de médiateur entre Athènes et Bruxelles, afin d’arriver à une solution mutuellement acceptable" ! On rêve !!! Ainsi l'autisme merkelien inquiète désormais suffisamment Washington pour qu'il juge indispensable une médiation entre Européens.

Cette initiative en dit long sur la profondeur du blocage allemand - sans doute Merkel va-t-elle se faire tancer par Obama, le 9 février, lors d'une rencontre bilatérale préparatoire au G7 où la Grèce occupera probablement une partie importante de la discussion. C'est que cet autisme allemand et ses possibles conséquences semblent inquiéter sérieusement la Maison Blanche à un moment où le contexte régional réévalue la position géostratégique de la Grèce. Car on ne peut plus ignorer que la Turquie, en pleine dérive autoritaire et mégalomaniaque d'un Erdogan, loin de l'aimable "islamiste modéré", de l'inoffensif équivalent d'un "démocrate chrétien" qu'ont voulu nous vendre, depuis des années, les Guetta et autres chiens de garde aveugles de l'inepte politique d'adhésion de la Turquie à l'UE, est un des protecteurs/pourvoyeurs des djihaddistes de Daesh. C'est aussi que, à l'heure où l'armée de Kiev et les milices néonazies qui combattent à ses côtés enchaînent défaites sur débandades, certaines se trouvant bien près d'être enfermées dans une poche qui risque de priver les oligarques de Kiev d'une grande partie de leurs forces, Tsipras a déclaré hier à Chypre, en partie occupée et illégalement colonisée par la Turquie depuis 1974, lors de son premier voyage à l'étranger, que la Grèce et Chypre devaient être un pont entre l'Europe et la Russie. Tandis que, la semaine passée, le nouveau ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Kotzias, rappelait vertement aux oligarques de Bruxelles que la politique extérieure commune était du domaine de l'intergouvernemental et qu'on ne pouvait donc faire de déclaration - en l'occurrence agressive à l'égard de la Russie - sans avoir consulté les Etats membres et donc la Grèce.

Alors sans doute pense-t-on à Washington que l'urgence n'est peut-être pas de voir l'autisme merkelo-bruxellois pousser les Grecs dans les bras de Poutine...