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samedi 28 février 2015

Deux déclarations passionnantes de Tsipras

La première a eu lieu avant-hier au comité directeur de Syriza :

"Nous allons rapidement procéder à des réformes radicales afin de lutter contre la fraude fiscale et la corruption, et reconstruire l'administration publique ; nous allons mettre en œuvre le mandat populaire d'exercer la gouvernance du pays en commençant par défaire le régime du mémorandum et de ses représentants au sein du mécanisme d'Etat ; nous allons maintenir et étendre la large unité populaire sans précédent, en mettant en œuvre le tronc fondamental de nos engagements dans les couches populaires ; nous allons mettre en valeur la dynamique géopolitique du pays dans la force de négociation du gouvernement."

Il a ajouté que les négociations avec les Européens "étaient très dures", qu'"il y avait d'énormes pressions" et que "la bataille dure allait continuer". "Les pressions sur la Grèce ont eu un caractère de chantage, on était sur un terrain miné, les forces conservatrices (en Europe) ont tenté de nous piéger pour nous conduire à une asphyxie budgétaire", ajoutant que "tous ceux qui croient que nous allons nous enfuir seront déçus" (Source : latribune.fr, 28/2/2015, "La Grèce s'attaque à l'évasion fiscale")

Intéressant, non ? Pour moi, cette déclaration confirme tout ce que j'écris depuis deux semaines : réformer en s'attaquant aux privilèges que la Troïka s'est bien gardé de remettre en cause, mettre à bas l'édifice juridique des mémorandums, renforcer le consensus populaire avec le temps acheté à l'Europe, en menant, par la mobilisation populaire, autour des réformes accomplies, l'action pédagogique qui permettra, à terme, de se libérer des contraintes européennes.

La seconde c'est l'annonce, en Conseil des ministres : - que les premières lois, la semaine prochaine, traiteront de la crise sociale (facilités de paiement pour les ménages endettés, protection contre l'expulsion...), de la suspension de l'autorisation d'exploitation des mines d'or pour réexamen, de la réouverture de la chaîne publique ERT ;

- que la question de l'allégement de la dette n'était pas morte et que l'accord en juin ne serait pas un nouveau mémorandum ;

- que le gouvernement relèvera le salaire minimum de 586 à 654 euros mensuels par voie législative courant mars.

Le délai obtenu contre des concessions à l'Allemagne et à ses larbins volontaires comme le gouvernement français, ne signifie donc, en rien, comme je le soutiens ici depuis "l'accord" un abandon des objectifs sur lesquels Siryza et les Grecs indépendants ont obtenu une majorité parlementaire. Il s'agit de gérer le temps et les contraintes.

Juste un rappel sur les memorandums, pour ceux qui n'auraient pas suivi l'actualité grecque (ou ne l'auraient suivi que par les Leparmentier, Quatremer, Guetta et autres Cuturier...), ou qui - chose hautement improbable - n'auraient pas lu le troisième tome de La Grèce et les Balkans.

Il y a eu trois mémorandums depuis mai 2010 (en plus d'une dizaine d'autres plans de coupes budgétaires depuis 2008). Il s'agit de documents de plusieurs centaines de pages, élaborés par des fonctionnaires étrangers de la Troïka (Commission européenne, BCE, FMI) qui ne connaissent rien à la société grecque ni au pays. Ces textes ont été élaborés en dehors de tout contrôle démocratique, ils contenaient des centaines et des centaines de mesures totalement disparates, touchant tous les domaines de la vie nationale, du droit privé au droit fiscal ou au fonctionnement des administrations, du droit social,aux conventions collectives.... Ils ont été transmis aux députés quelques jours, voire parfois quelques heures avant le vote, interdisant aux parlementaires de se faire même une idée approximative de ce qu'ils contenaient. Ils se présentaient sous la forme d'une loi avec un article unique, autorisant le gouvernement à transcrire dans le droit interne les mesures contenues dans les centaines de pages en annexe. Les parlementaires ne pouvaient donc pas les amender : c'était à prendre en bloc ou à laisser en bloc, avec, chaque fois, la menace d'un arrêt des crédits en cas de non vote. Et était appliquée à chaque fois la procédure d'urgence limitant dans la durée le débat parlementaire.

Ce régime est donc une négation de la Constitution grecque, de l'Etat de droit qui prévoit dans tous les régimes démocratiques qu'une loi doit avoir un objet défini et ne pas mêler des choses disparates (le Conseil constitutionnel français a, plusieurs fois, annulé des lois dites de cavalerie parlementaire parce qu'elles dérogeaient à ce principe fondamental), les prérogatives du Parlement qui était mis en situation de délibérer dans l'urgence et sous la contrainte de textes qu'il n'avait pas eu le temps matériel d'étudier, et le droit - fondamental en démocratie - d'amendement des parlementaires.

Syriza gagne du terrain

En intention de vote, le sondage du jour donne 47,6% pour Syriza, contre 45,4 % il y a deux semaines et 36,4 % dans les urnes le 25 janvier. Avec les 4,3 % des Grecs indépendants (4,75 % le 25 janvier), la majorité actuelle serait donc à de 52,4 % des voix, contre 20,7% à la droite, 6,4% à Potami (parti soi-disant de centre gauche, créé par l'oligarchie médiatique), 5,9 % aux néonazis d'Aube dorée, 4,8% aux communistes staliniens du KKE, et 3,4 % aux pseudo-socialistes. .

68 % contre 23% sont satisfaits de la négociation avec les Européens ; 81% veulent rester dans l'euro contre 15% qui se déclarent pour un retour à la drachme.