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jeudi 26 juin 2008

Pacsés... sur le trottoir

Gérard et Bernard avaient décidé de se pacser le jour, ou le lendemain du jour où Caligula allait se pavaner devant les associations de handicapés – après avoir taxé ces mêmes handis, comme tous les malades chroniques, avec sa franchise médicale. Car ce système, grossièrement injuste, prélève le maximum prélevable chaque année sur les revenus des gens qui ont besoin de soins, ou qui crèvent : handicapés, cancéreux, diabétiques, séropos, etc., fussent-ils humbles, alors qu’il ne prélève rien sur les bien-portants, fussent-ils les plus riches : c’est ce que Caligula et Bachelot appellent la solidarité. Quelques jours avant que le même Caligula ne fasse annoncer par d’autres que les malades pris en charge à 100 %, ne seront plus remboursés de leurs traitements à 100 %. C’est-à-dire – traduction en français – que les mutuelles devront payer une part de ces 100 %, donc augmenter leurs cotisations, donc exclure un encore plus grand nombre de gens de l’accès aux soins.

Un grand pas de plus vers la privatisation de la Sécu, bien sûr. Les assureurs en ont tellement marre de ce système archaïque qui les empêche de faire des profits sur le malheur. Attention, ce Gouvernement n’est pas loin de commencer à tuer !

Mais revenons à nos pacsés. Gérard et Bernard se connaissent depuis aussi longtemps que Frédéric et moi… bientôt un quart de siècle. Gérard est ce garçon qui m’a écrit le plus beau papier qu’on puisse écrire sur ''L’Or d’Alexandre'', ce garçon qui m’a dit, au téléphone, que ce livre lui avait donné ses plus beaux moments depuis quatre ans que sa vie a basculé dans le handicap à cause d’un syndrome de Guillain Barret particulièrement sévère. Un syndrome littéraire dans son cas – c’est dangereux, la littérature, on ne le répétera jamais assez –, puisqu’il l’a atteint alors qu’il était en train de lire le volume des Chroniques de San Francisco où ce même syndrome foudroie notre adorable Mouse.

Mais Mouse en sort indemne. Pas Gérard.

Gérard, lui, en a gardé un handicap lourd. Et Bernard est resté à son côté durant tout le long voyage qui l’a mené à la paralysie totale (il n’avait plus que les paupières qui bougeaient), au plus près des rives de l’Achéron. Gérard en est revenu, avec de la chance, grâce à une équipe médicale qui n’a pas lâché prise. Malgré certaines structures hospitalières qui lui ont infligé des traitements indignes d’un pays civilisé. Ah ! la rationalisation financière de la gestion hospitalière… quelles douleurs humaines scandaleuses inflige-t-elle chaque jour, des douleurs dont se foutent Caligula, Bachelot et tous les contrôleurs de gestion. Gérard en est revenu grâce à l’amour de Bernard qui n’a pas flanché. Grâce à sa propre volonté de vivre. Ce fut un long voyage, parsemé d’embûches, de pas en avant et de retours en arrière.

Nous nous sommes rencontrés, tous les trois, à la mi-mai, au salon de La Gaude (voir mon post), et cette rencontre a été un moment rare, dans la vie d’un écrivain et dans la vie d’un homme. Peut-être ce qui m’a le plus ému, ce jour-là, c’est ce qu’ils m’ont raconté sur leur couple, pendant l’épreuve, après, et comment ils s’étaient retrouvés dans ce que j’avais écrit là-dessus à propos de Philippe et Stéphane, dans L’Or.

À La Gaude, Gérard avait voulu venir debout, parce qu’à force d’entêtement, il s’est émancipé de sa « tatamobile ». Et puis, quelques jours plus tard, il s’est cassé le pied. Retour au fauteuil. Cruel. Patience obligée. Qui n’enragerait à sa place de devoir attendre la consolidation pour retrouver la verticalité et la marge de mobilité qu’il a eu tant de mal à se reconquérir ?

Bref, ces deux-là, se rendent au tribunal d’Antibes, le matin du… vendredi 13 juin. Heureux comme quand on part se pacser, puisqu’on n’a toujours pas le droit, dans ce foutu pays, de se marier. Vous remarquez comme l’UMP vous dit que la France doit tenir compte des exemples étrangers lorsqu’il s’agit de précariser les salariés et de démanteler l’État providence. Mais que l’exemple étranger ne vaut rien lorsqu’il s’agit d’accorder l’égalité des droits aux gouines et aux pédés !

Ils vont pour se pacser et ils se retrouvent face à un escalier. Problème.

Ni vous ni moi ne pouvez penser qu’en 2008, un tribunal du beau pays de France est inaccessible à un fauteuil de handicapé. Ni vous ni moi ne pouvez penser que Melle Dati, qui pose en Dior dans Match, enferme tout le monde et n’importe qui, qui traficote ses CV, qui n’en a cure du principe de non-rétroactivité de la loi pénale fondateur de toute démocratie, qui n’est nullement scandalisée qu’en France, au XXIe siècle, on casse un mariage pour mensonge de l’épousée sur sa virginité, ni vous ni moi ne pouvez penser que cette garde des Sceaux-là ne se s’est pas assurée, ni aucun de ces prédécesseurs avant elle, que tous les tribunaux d’une République dont la devise comporte le mot « égalité » soient accessibles aux fauteuils roulants.

Et on imagine que Melle Dati trouverait le moyen de provoquer la lévitation dudit fauteuil si celui qui y est assis était un dangereux récidiviste, un violeur d’enfant ou un quelconque sans papier. Mais un mec qui vient se pacser…

Quant à la ville d’Antibes, au Conseil général, au Conseil régional… sans doute sont-ils bien trop pauvres pour faire cadeau au tribunal d’Antibes d’un plan incliné quelconque, fixe ou amovible, qui permette à tous les citoyens de l’endroit d’avoir un égal accès à la justice de son pays.

C’est la seule explication que je vois, puisque Gérard est resté sur le trottoir, pendant que Bernard partait à l’intérieur, à la recherche d’une solution. Ça c’est sa photo à ce moment-là, et l’on n'a aucun mal à imaginer son état d’esprit.

– J’ai failli réagir comme ton Philippe quand il se retrouve en bas l’escalier du musée, m’a dit Gérard au téléphone. « Une demi-heure plus tard, nous arrivons devant le musée, une ancienne école de pierre grise à la façade percée de quatre hautes fenêtres protégées par des grilles, de part et d’autre de la porte surmontée d’un drapeau grec. La porte… On ne peut imaginer, tant qu’on n’a pas vécu de près le handicap, combien de fois par jour, pour traverser une rue ou passer entre les tapis de caisse d’une supérette, un fauteuil et son occupant sont confrontés à d’infranchissables obstacles. Avec Malika, nous les faisons survoler à Philippe, comme à Venise et comme Aladin sur son tapis volant. Mais lui et moi nous savons aussi que, sans elle, en bas d’un escalier comme celui qui mène à cette porte-là, je suis impuissant – et moi, je sais exactement comment il va réagir. – Attends ! je vais voir à l’intérieur si quelqu’un peut m’aider. Inutile. Furibard, il file déjà vers la place au platane à une allure digne d’un médaillé d’or des jeux paralympiques. – Rien à foutre de ton musée ! » (L’Or d’Alexandre, p. 244)

Oui, mais là, on n’est pas dans un bled perdu de Grèce centrale, on est au tribunal d’Antibes, le 13 juin 2008 !!!

Comment tout cela se termina-t-il ? Par l’apparition d’une bonne fée. Une greffière qui arrivait au boulot. Qui se soucia de Gérard, qui prit les choses en mains, jusqu’à la signature du PACS de Gérard et Bernard… sur le trottoir, devant le tribunal d’Antibes. Il a changé de visage, notre Gérard, non ?

Comme quoi il ne faut jamais désespérer de l’humanité. Il est bien, naturellement, que cette jeune femme ait réagi ainsi, et qu’elle ait évité à Bernard et Gérard, par surcroît, la soupe à la grimace à laquelle nous avons eu droit, Frédéric et moi, lorsque nous nous sommes pacsés en 2000, devant une dame qui jugeait manifestement aussi scandaleux que dégoûtant qu’on nous ait autorisé cette monstruosité. Car le PACS c’est aussi cela : exposer des couples à l’arbitraire, les mettre dans la situation de voir un des jours les plus importants de leur vie entaché par l’homophobie ordinaire d’un gratte-papier quelconque.

Mais l’attitude de cette jeune femme ne change rien à l’affaire. Comme la charité ne supprime pas l’injustice ; elle ne fait qu’en réparer ponctuellement et partiellement les effets en mettant celui qu’on « aide » dans une situation d’infériorité, d’obligé. Ce qui est en cause, ici, c’est l’humiliation qu’on inflige à un citoyen de la République française, la flagrante rupture d’égalité qui fait que, sans la réparation ponctuelle due aux qualités humaines contingentes d’une personne qui aurait pu ne pas être de service ce jour-là, on nie sa dignité à celui qui est obligé de signer son PACS sur un trottoir.

Et ceci est bien sûr inacceptable, en France et en 2008.

Voilà pour ce dernier coup de gueule avant les vacances. Merci à tous ceux qui, depuis le début 2008, sont venus visiter ce site et lire ce blog. Merci d’abord à Régine qui les as créés, qui les fait vivre, qui m’a donné les moyens techniques de m’exprimer ici.

Demain, je pars pour le Festival du Livre de Nice d’où je rentre dimanche soir… avant de repartir lundi matin pour Athènes, Kos et Nisyros, l’île du Plongeon où nous venons, Frédéric et moi, de nous acheter un ermitage.

Au programme : l’installation et le farniente, qui n’est pas ne rien faire ; la mer et le soleil, Poséidon et Apollon, pour retrouver les énergies ; les balades et les émanations de soufre du volcan qui soigneront nos poumons et nos corps encrassés par la pollution parisienne… et puis l’écriture de mon prochain roman que j’espère avoir bien entamé à mon retour fin août. Frédéric, lui, rentrera avant.

Il y a un café Internet, maintenant à Mandraki, avec une connexion ADSL, et j’ai le wi-fi sur mon nouveau portable. Je posterai peut-être quelques articles estivaux. Mais ce blog risque malgré tout de sommeiller un peu d’ici à mon retour.

Bel été à tous et à chacun !

jeudi 19 juin 2008

Pour une fois, ce n'est pas moi qui le dis !

C'est un groupe de généraux et d'officiers généraux des trois armes... mais c'est exactement ce que je pense : amateurisme, approximation, incohérence, tout y est, et c'est manifestement la devise du quinquennat, qu'il s'agisse de l'audiovisuel public ou de la politique étrangère, de la défense ou de la culture.

Il n'y a décidément que dans le démontage systématique de l'Etat providence qui jette chaque jour un peu plus d'humbles, actifs ou retraités, salariés ou chômeurs, fonctionnaires sous payés ou malades chroniques taxés par la sinistre franchise médicale, que l'action gouvernementale soit autre chose qu'amateurisme, approximation et inconséquence.

"Le modèle d'analyse présenté par le livre blanc est à notre sens déficient et, davantage, marqué par un certain amateurisme. Le livre blanc souffre en effet d'une quadruple incohérence.

Incohérence, tout d'abord, par rapport à l'évolution générale des crises et des réponses généralement adoptées dans le monde. Alors que les crises se multiplient et se superposent sans se résoudre, l'Europe en général et la France en particulier diminuent leur effort de défense au moment même où chacun les augmente (les dépenses militaires mondiales ont progressé de 45 % en dix ans). On ne peut certes nier la crise budgétaire. Au moins devrait-elle donner lieu à une analyse «priorisante» des arbitrages, entre la défense et les autres budgets, et à l'intérieur du budget de la défense. Le livre blanc n'en fournit pas l'armature conceptuelle, puisqu'au titre des menaces il retient à la fois l'attentat terroriste, la guerre de haute intensité, le désordre dans le tiers-monde et la pandémie grippale.

Incohérence, ensuite, par rapport à l'évolution de la «conflictualité», le paradigme de la «guerre industrielle» (entre arsenaux étatiques) ayant été remplacé par celui de la «guerre bâtarde», le plus souvent «au sein des populations». Ce dernier exige à la fois des forces terrestres plus nombreuses, une capacité de projection aérienne et navale plus affirmée, une réorientation des programmes en conséquence. Ces choix ont été faits par les Britanniques voici plus de cinq ans. Nous en sommes, nous, à la diminution des effectifs de l'armée de terre et au «report» de la décision de construire le deuxième porte-avions, qui signe une rupture capacitaire majeure. Notre incapacité à sortir de la «réduction homothétique», faute d'une véritable analyse que le livre blanc ne fournit pas, conduit le modèle 2008 à n'être que la version dégradée du modèle 1996, lui-même version amoindrie du modèle 1989. Autant dire qu'aucun choix sérieux, hors celui, purement budgétaire, d'une réduction proportionnelle, n'aura été fait depuis vingt ans. Sous ce rapport, la nouvelle orientation en faveur du satellitaire ou la création d'un «commandement interarmées de l'espace» font figure de gadgets, lorsqu'on connaît les besoins réels et actuels des armées. Non que de telles mesures soient en elles-mêmes absurdes. Mais elles ne pourraient valoir que si elles procédaient d'une véritable analyse doctrinale et pratique de la «conflictualité», fondée sur les exemples nombreux que présente l'actualité, du Proche-Orient à l'Asie centrale. Cette analyse est absente du livre blanc. Les «avancées» qu'il présente (satellites, etc.) ressemblent à des lubies parce qu'elles ne sont pas sérieusement argumentées en termes d'arbitrage (alors qu'on voit les intérêts industriels qu'elles servent). Une réduction prévisible et sans imagination du format des armées, à peine compensée par d'hypothétiques innovations technologiques et organisationnelles : il y a comme une imposture à présenter ces résultats comme un progrès dans l'efficacité de l'instrument militaire.

Incohérence, en troisième lieu, par rapport à la volonté politique affichée à juste titre par le chef de l'État. Nous revenons dans l'Otan, avec une capacité militaire affaiblie, et tout en y revendiquant des postes de commandement. Nous prétendons faire de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) un dossier majeur du renforcement de la défense européenne sous présidence française, et nous baissons la garde au moment où nous souhaitons entraîner nos partenaires vers un renforcement de la défense européenne. Mais surtout, nous abandonnons aux Britanniques le leadership militaire européen, alors que nous connaissons la nature particulière de leurs relations avec les États-Unis. La France jouera désormais dans la division de l'Italie. Il est inutile de se payer de mots.

Incohérence, en quatrième lieu, par rapport à la seule certitude que nous ayons : celle de nous engager vingt fois en Afrique dans les années qui viennent, pour y éviter des catastrophes humanitaires ou assurer l'évacuation de nos ressortissants. Si nous pouvons le faire aujourd'hui, c'est parce que notre réseau de bases nous confère une efficacité d'autant plus unique que l'ensemble des pays africains refuse le déploiement de l'US african command (commandement américain en Afrique) sur le sol africain. Pour gagner, et ceci est révélateur de la méthode retenue, 3 000 postes budgétaires, nous affaiblissons de manière définitive notre positionnement, avec ce paradoxe que nos abandons vont conduire mécaniquement à un accroissement du nombre de crises que nous ne pourrons plus prévenir et dans lesquelles nous ne pourrons intervenir qu'à un coût incomparablement plus élevé. En contrepartie, les structures administratives intermédiaires des états-majors n'ont pas été touchées par l'exercice RGPP, alors qu'elles représentaient un gisement d'économies d'au moins le double. Quant aux «bases de défense», il ne s'agira, faute de crédits budgétaires pour de vrais investissements d'infrastructure, que de circonscriptions administratives de mutualisation de certaines dépenses mineures (habillement, restauration, etc.), entraînant simplement la création d'un maillage administratif supplémentaire. La mise en regard de ces deux éléments permet de mesurer le caractère de trompe-l'œil des mesures présentées ces jours-ci."

lundi 16 juin 2008

Vive l'Europe !

La dernière invention des oligarques qui n'acceptent pas plus le non du peuple irlandais que les précédents non des peuples français, néerlandais, irlandais déjà, danois... et de tous ceux qui auraient dit non si on les avait consultés ?

Une directive permettant aux patrons de faire travailler leurs employés... 68 heures par semaine !

Comme ils disent : l'Europe c'est le progrès !!!

samedi 14 juin 2008

Incohérence quand tu nous tiens ! et un grand merci aux Irlandais !

Je n’imaginais pas, il y a trois jours, en écrivant le billet sur le Liban, que Caligula me donnerait si vite raison. Incroyable gribouille : voilà moins d’un an, on dit qu’on ne parlera plus à la Syrie, à ce régime d’assassins, qu’il faut traduire ses responsables en justice.

Et puis hop ! maintenant, on invite Bachar sur les Champs-Élysées le 14 juillet ! Mais quelle incohérence !! et comment, entre ces perpétuelles volte-face, la parole de la France peut-elle avoir la moindre crédibilité ? Le piteux Kouchner adopte un profil bas et avale la couleuvre, le lamentable Lang encense Caligula et ses imprévissibles sautes d’humeur… Tout est donc en ordre, pour produire quoi ? une diplomatie ???

Refuser de parler avec la Syrie il y a un an était irresponsable ; inviter Assad aujourd’hui est indigne. Décidément, il manque à Caligula au moins trois choses pour faire un président de la République française, ce que, je le crains, il ne sera jamais : la culture qui permet de former le jugement et de déterminer une politique, le sens de la mesure et la persévérance.

Je voulais par ailleurs dire ma joie du non irlandais au référendum sur le traité de Lisbonne, et dire merci au peuple Irlandais qui a ainsi vengé le peuple français de l’outrage que lui a infligé sa nomenklatura politique.

Voici trois ans, au terme du débat politique le plus exemplaire de ces dernières années, au terme d’un exercice démocratique remarquable qui a agité le peuple dans ses profondeurs, qui a conduit à des records de vente de livres sur l’Europe et le texte qui était proposé à nos suffrages, le peuple français, souverain, avec un taux de participation remarquable, avait dit non au projet que défendait la quasi totalité de ces nomenklaturas (qui contrairement au vocabulaire commun ne sont pas des élites) politique, médiatique et économique.

Or, moins de trois ans après, ce que le peuple souverain a refusé d’avaler, on le lui a administré par lavement parlementaire. Car le traité de Lisbonne ne change rien à l’esprit du texte que nous avions massivement repoussé. La ratification parlementaire était légale. Elle est illégitime : ce que le peuple a dénoué, seul le peuple aurait dû pouvoir le renouer. Cette forfaiture légale n’a été possible que par la lâcheté des parlementaires socialistes qui, pour ou contre le texte, auraient dû s’opposer comme un seul homme à ce déni de démocratie qui consistait à contourner la décision du peuple souverain. Ils ne l’ont pas fait et se sont déshonorés. Il est déjà arrivé dans l’histoire, en 1940 par exemple, que des assemblées ne soient pas à la hauteur de leurs responsabilités.

Eh bien ce que nos parlementaires n’ont pas eu le courage de faire, le peuple irlandais l’a fait. Merci !

Un fait est incontournable dans tout ceci, c’est que ce qu’il est convenu d’appeler la construction européenne se fait depuis au moins une décennie contre la volonté des peuples. Ceux que l’on consulte répondent régulièrement non. Les autres sont requis de se taire.

Pourquoi ? pour de multiples raisons et je ne suis pas forcément d’accord avec certaines de celles qui ont conduit les Irlandais à dire non avant-hier. Mais la vraie raison, la plus profonde c’est que l’actuelle construction européenne, depuis Schuman et Jean Monnet, est une construction de nature oligarchique qui vise à vider de leur contenu les démocraties nationales sans créer de démocratie européenne, parce qu’il ne peut y avoir, aujourd’hui (dans cent ans on verra) de nation européenne et que la nation est le seul cadre qui permet le projet et le débat politiques, l'exercice véritable de la démocratie.

Toute l’histoire de la construction européenne, et la BCE créée par le catastrophique traité de Maastricht en est la caricature, vise à imposer, par un appareil technocratique et le niveau supranational, ce que les gouvernements nationaux ne pourraient faire avaler à leur peuple. Parce que les oligarchies européennes sont persuadées de savoir, mieux que les peuples, ce qui est bon pour eux. Là est toute la philosophie de l’entreprise la plus antidémocratique du XXe siècle… après les totalitarismes fascisto-nazi et communiste.

Ainsi l’Europe aura-t-elle été le cheval de Troie de la déréglémentation et du libre-échange généralisés qui contiennent en eux les déficits des comptes sociaux, la précarisation de couches de plus en plus larges de la société, le démantèlement des États providence et les famines de demain. Au lieu de concevoir la politique de transports ferroviaires à l’échelle continentale dont nous avons besoin, elle a imposé le tout routier, organisé la privatisation des compagnies nationales. Il est vrai que l’exemple britannique était tellement concluant !

Au lieu de préparer un monde de l’après-pétrole, elle a imposé la privatisation des monopoles nationaux de l’énergie qui donnaient aux États la possibilité de mettre en place des politiques énergétiques déterminées par l’intérêt général plutôt que par le profit à court terme. Au lieu de s’occuper de tenter d’élever le niveau de la protection sociale partout en Europe, elle a privilégié la libre circulation des capitaux et généralisé une concurrence qui poussent les salaires à la baisse et exerce des pressions de plus en plus insupportables sur les systèmes de Sécurité sociale et de retraite par répartition. Afin de pouvoir, à terme, ouvrir au privé ces deux champs de profits potentiels énormes pour les sociétés d’assurance.

Aujourd’hui, elle empêche de faire du déficit si cela est nécessaire pour soutenir la croissance, de dévaluer la monnaie, comme les Etats-Unis le font, si la conjoncture le rend souhaitable ou nécessaire, elle met à mort des secteurs entiers de l’économie, et jette dans le malheur des milliers de personnes, pour faire respecter les dogmes d’une théorie économique et monétaire révélée par on ne sait quel dieu, elle empêche de diminuer la TVA sur tel ou tel secteur pour répondre vite et fort à telle ou telle conjoncture. Elle paralyse les gouvernements, fragilise les humbles, décide de son empyrée, contre la volonté des peuples, ce qui est bon pour eux.

Aujourd’hui, alors que le spectre de la pauvreté menace de plus en plus d’Européens, sa priorité est d’obtenir la déréglementation… du secteur des jeux, afin que les pauvres surendettés, puissent perdre l’argent qu’ils n’ont pas sur Internet !!!

Aujourd’hui, les peuples estiment que l’intégration européenne leur a fait assez de mal. Nous n’avons pas besoin d’institutions parasites qui confisquent un peu plus la souveraineté populaire. D’un président et d’un ministre des Affaires étrangères alors qu’il n’y a rien à présider puisqu’il n’y a ni nation ni État européen, et qu’il ne peut pas y avoir de politique étrangère européenne. Nous n’avons pas besoin d’une Yougoslavie ou d’une Belgique étendues aux dimensions du continent. Nous avons besoin de plus de coopération entre des gouvernements démocratiques, souverains et responsables devant leur peuple.

C’est ce qu’ont dit avant-hier les Irlandais comme, avant eux, les Français, les Néerlandais ou les Danois.

Je n’ai aucune illusion. On ne les écoutera pas. On contournera leur décision comme on a contourné celle des Français, des Néerlandais et des Danois. Parce que nous ne vivons déjà plus en démocratie. Mais il étaient important, pour l’histoire, qu’une fois de plus ils le disent : Nous, le peuple, nous ne sommes pas d’accord avec l’avenir que d’autres ont décidé de nous imposer.

mercredi 11 juin 2008

Fiasco diplomatique et rideau de fumée

En politique étrangère, comme en toute autre chose, Sarkozy agit et réfléchit après. Depuis un an, sa politique étrangère, confiée à l’un des plus mauvais locataires du Quai d’Orsay (un des…, parce que le regretté Douste est, en la matière, indéboulonnable), se résume à une suite de foucades, de bévues et d’inconséquences.

Personne ne s’y trompe d’ailleurs à l’étranger, où tout le monde rigole, et la présidence de l’Union réserve sans doute à nos partenaires quelques bons fous rires supplémentaires.

Quel besoin avait-on, bien sûr, d’aller faire allégeance et de jouer les carpettes devant un Bush totalement démonétisé, en fin de course et que personne ne veut plus fréquenter ?

Pourquoi, alors qu’on dénonce à l’envi, et avec raison, l’irresponsabilité de la BCE et l’euro fort, ne s’est-on pas servi du non du peuple français pour exiger une renégociation des missions de la Banque centrale, en lui donnant des objectifs en matière de croissance, pas seulement d’inflation ? avant de signer un traité simplifié, qui n’est ni simplifié ni renégocié, qui a été imposé par un véritable coup d’État parlementaire contre la souveraineté populaire et qui sera, je l’espère, renvoyé demain aux oubliettes de l’histoire par le peuple irlandais.

Quant au tapis rouge scandaleusement déroulé devant les babouches khadafiennes l’hiver dernier, on a vu hier ce que l’on pouvait en attendre : une grossière torgnole du conducator libyen envoyée en pleine poire à notre Caligula, sur son ultra-fumeux projet d’Union méditerranéenne.

L’Union méditerranéenne !… la grande idée du règne. On ne fait pas plus méditerranéen que moi, mais qu’est-ce que c’est encore que ce machin ? Un truc, un gadget qui ne servira à rien qu’à dilapider l’argent public en casant des copains et en fournissant des sinécures aux dictateurs à la retraite.

Comme la francophonie.

Car de cette belle idée, on a fait une bureaucratie pompe à fric qui ne sert à rien qu’à rémunérer une pléthore d’inutiles et à organiser des sommets fastueux où l’on agite du vent.

Alors que, pendant ce temps-là, on a liquidé toute véritable diplomatie culturelle française. Poudre aux yeux ! Sarkozy va à Athènes pour proposer une « nouvelle alliance franco-grecque », mais dans le même temps où on chantait les louanges de la francophonie au cours de grand-messes aussi coûteuses qu’inutiles, on liquidait en silence le réseau des Instituts français qui avait fait de la Grèce un pays dont toutes les élites politiques, économiques, culturelles parlaient et/ou pensaient en français. Fini : aujourd’hui le français est non seulement détrôné, en Grèce, par l’anglais, mais aussi par l’allemand et l’italien – l’Allemagne et l’Italie ayant développé leurs institutions culturelles à mesure que nous démantelions les nôtres. Incroyable politique de gribouille qui consiste, pour des raisons d’économies immédiates (forcément, il faut bien financer les fastes francophones et, demain, la bureaucratie de la nouvelle Union méditerranéenne !), à sacrifier l’avenir.

Et on pourrait en dire autant de notre effacement en Pologne, en République tchèque, en Roumanie…

C’est comme, en matière de politique culturelle, le Louvre Lens ou Beaubourg Metz : on crée des éléphants blancs qui aspirent des budgets colossaux pour des effets minimaux et on prive du peu de moyens qu’ils avaient les gens qui œuvraient sur le terrain.

Mais le plus absurde, dans le voyage caligulesque du ouiquende dernier, fut sans doute l’escale libanaise. Le Liban est une réalité historique et politique dont la France se doit de garantir la pérennité. Mais le Liban tel qu’il est aujourd’hui est le résultat des innombrables bévues françaises commises entre 1918 et 1945. À commencer par la détermination des ses frontières.

Car les frontières du Liban, du Grand Liban, ont été dessinées par nous dans un seul but : diviser pour régner. Car au lieu de dessiner un Liban chrétien homogène, on décida de créer un Liban qui serait le plus étendu possible tout en restant à majorité chrétienne. C’est-à-dire que les frontières actuelles du Liban sont le résultat de la volonté française des années vingt d’enlever à la Syrie le plus possible de territoires, tout en gardant au Liban une majorité chrétienne.

La Syrie (avec quelque apparence de raison) n’a jamais accepté cette injustice qui lui fut faite par le pouvoir colonial sans que les populations fussent jamais consultées sur leur sort. Les équilibres démographiques ont changé mais les frontières sont restées. Chrétiens devenus minoritaires, territoire artificiel, absence de véritable conscience nationale, corruption généralisée, dont on oublie un peu vite que le martyr Hariri, grand ami de Chirac devant l’Éternel (c’est bien toujours son fils qui le loge, non ?), fut le champion toutes catégories, structures claniques plus que politiques… la situation libanaise est aussi complexe qu’instable.

Aussi quand, dans ce magasin de porcelaines, l’éléphant Sarkozy fit irruption il y a un an, il y commit, directement ou par Kouchner interposé, toutes les erreurs imaginables.

L’alignement sur Bush et sur Israël, ne pouvait déjà que nous priver, sur la scène proche-orientale en général, de l’audience que nous y avions depuis le général de Gaulle. La fanfaronnade irresponsable de Kouchner sur la guerre en Iran et la connerie sarkozyenne de refuser de parler avec la Syrie ont fini de nous priver de tout moyen d’action réel au Liban. Alliée par défaut de l’Iran, la Syrie refusera toujours, quel que soit son régime (parce que c'est la nature des choses, le poids de l'histoire et de la géographie), que le destin libanais se décide contre elle ou sans elle. Elle ne pouvait accepter cette double provocation. La politique Sarkouchnérienne impliquait donc, en elle-même, la déstabilisation du Liban à laquelle nous avons assisté.

Pour que la Syrie accepte enfin le Liban tel qu’il est, puisqu’il semble qu’on ne puisse (hélas !) discuter du sujet tabou que semble être devenu celui des frontières (quitte à créer dans les Balkans de nouveaux États aussi maffieux que privés de toute viabilité), c’est-à-dire pour que le Liban soit enfin stabilisé, tout le monde sait qu’il faudra en passer par Damas… et par Tel-Aviv. Tout le monde sait que le Liban est une pièce du puzzle régional, une contrepartie pour la Syrie, qu’il n’y aura donc pas de paix réelle au Liban avant que la Syrie n’ait obtenu d’Israël, c’est-à-dire des Américains, la restitution du Golan et son château d’eau. Dans ce contexte, le rôle de la France n’est pas d’aller rouler des mécaniques, ici ou ailleurs, il est de faciliter le dialogue israélo-syrien, et d’expliquer sans relâche aux Américains que la clé de la stabilité est là, et nulle part ailleurs. Refuser de parler à la Syrie et s’aligner sur Israël constitua donc une incroyable connerie qui privait automatiquement la France de toute influence dans le jeu libanais.

Et c’est ce qui est advenu.

Car, à cet égard, le voyage du ouiquende dernier ne fut qu’un pitoyable rideau de fumée destiné à masquer le plus lamentable fiasco diplomatique que la France ait connu dans la région depuis l’expédition de Suez, en 1956. Sarkozy peut parler d’Union méditerranéenne et aller se pavaner à Beyrouth avec toute la nomenklatura politique qui s’est complaisamment prêtée à son petit jeu, il n’a pas plus de crédibilité au Proche-Orient qu’ailleurs. L’absurde politique française conduite depuis un an, n’a eu qu’une conséquence : permettre à l’Arabie saoudite d’assurer son leadership dans le jeu libanais. Belle réussite en vérité. Car c’est bien par l’Arabie et grâce à la reprise (via la Turquie) d’un dialogue israélo-syrien sur le Golan que la dernière crise libanaise a été surmontée.

La France n’y est pour rien. Sarkozy lui a fait perdre la main au Liban et le show télévisé de Beyrouth n’y a rien changé.

mardi 3 juin 2008

La virginité devrait-elle être requise pour devenir Garde des Sceaux ?

C’est une interrogation qui me taraude, en regardant les premières questions au gouvernement cet après-midi, et en bouillant de colère à l’écoute des arguties de Melle Dati, prête à justifier les retours au pire obscurantisme juridico-patriarcal ! Ne se résolvant à faire appel d’une décision de justice aussi injustifiable en principe que tragique dans ses conséquences sur la partie de la population la plus sensible aux archaïsmes religieux et culturels les plus contraires à ce qui fonde un État de droit et cette égalité entre les sexes qu’on s’apprête pourtant à inscrire dans la Constitution. Mais ce gouvernement, il est vrai, n’en est pas à une incohérence près !

Voilà donc que Melle Dati pousse le cynisme, ou la bêtise, jusqu’à prétendre que cette exception de virginité justifiant la nullité d’un mariage a protégé une jeune fille victime d’un mariage forcé. Mais on rêve ! ou on cauchemarde !!! On ne doute pas que Mme Boutin (et la hiérarchie catholique si chère au coeur de notre souverain) se réjouisse(nt) de voir ainsi la virginité considérée comme une condition essentielle du consentement au mariage ; mais les autres ! quelle honte ! ne l’éprouvent-ils pas, les Kouchner, Amara, Hirsch, Pécresse, Kosciusko-Morizet, la honte qu’il y a à continuer à siéger dans pareil gouvernement ?

Il paraîtrait que c’est le président de la République qui a « convaincu » Melle Dati d’interjeter appel, hier, de cette décision scandaleuse. Une décision intervenue… début avril. À cause de son caractère inacceptable en principe ? Non bien sûr, sinon il n’aurait pas tant attendu ; seulement parce que notre Caligula a sans doute compris que la position de sa ministre était en train de lever une vague d’indignation dans l’opinion. C’est dire l’absence totale de cohérence de ce gouvernement de réactionnaires et d’irresponsables, de ce ramassis hétéroclite d’amateurs, d’incapables et d'apprentis-sorciers. Mais dans quel pays sommes-nous au juste, où il faut que le président sermonne sa créature pour la ramener au simple bon sens ?! Où il faudrait arguer, pour protéger les jeunes filles du mariage forcé, de leur « faute » antérieure audit mariage. Mais Melle Dati se rend-elle compte de la monstruosité de cet argument ?! des monstruosités auxquelles ce jugement ouvre la voie ?! Melle Dati, pendant qu’elle y est, n’envisagerait-elle pas de rétablir les lois de Vichy sur l’adultère ?

Voilà donc une péronnelle qui a menti sur ses titres universitaires avant d’accéder à LA fonction qui, entre toutes, dans la République, devrait requérir la plus scrupuleuse honnêteté ; voilà une ambitieuse dont l’ascension ne doit rien aux compétences ni à l’expérience, mais tout à la faveur du prince, ou plutôt de l’ex-épouse du prince ; voilà une jeune femme qui compense son défaut d’autorité naturelle par une caricature de l’autoritarisme de son patron, qui est incapable de garder ses collaborateurs et encore plus de diriger ou d’inspirer le respect au grand corps judiciaire à la tête duquel l’a placée Caligula ; voilà une parfaite représentante du bling-bling sarkozien qui s’affiche dans les magazines en top model habillée par des grands couturiers alors qu’elle a à gérer les prisons les plus scandaleusement médiévales d’Europe occidentale ; voilà une femme politique qui n’a ni le moindre sens de la décence, ni la compétence, qui s’attaque un jour à la non rétroactivité de la loi pénale, fondement de tout État de droit, qui se montre en dessous de tout dans le débat technique majeur que suppose une révision constitutionnelle, provoquant le mépris à peine voilé des députés et de leur président, et qui fait appel d’une décision tout en continuant à la justifier, non sur le principe, ce qui est le rôle du garde des Sceaux, mais sur des questions d’opportunité, c’est-à-dire avec des arguments totalement étrangers, justement, à ce qu’est le droit, comble de l’absurde pour un Garde des Sceaux !

Malaise ! Haut-le-cœur ! Nausée ! Révolte ! Je le dis tout net : Melle Dati me dégoûte !!!