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samedi 31 janvier 2009

L'escroquerie Stauffenberg

Parmi les choses (nombreuses) qui m'énervent intensément ces temps-ci, il y a la manière dont, à propos d'un film à gros budget dont le héros est un scientologue décoré par Caligula, on parle du comte von Stauffenberg comme d'un "résistant allemand".

Que le comte von Stauffenberg ait tenté de tuer Hitler et qu'il ait fait preuve en cette occurrence d'un courage certain n'est pas discutable.

Mais les mots ont un sens et parler à propos d'un officier allemand qui, entré dans l'armée en 1926, a prêté serment à Hitler, envahi à la tête de ses troupes les Sudètes tchécoslovaques en 1938, puis la Pologne, qui a reçu la croix de fer de 1re classe en 40, qui s'est battu sans sourciller sur le front de l'est, est une insulte à tous les résistants d'Europe. Surtout quand on sait ce qu'a commis la Wehrmacht, à laquelle appartenait Stauffenberg, en Pologne ou en Russie...

Stauffenberg est en fait parfaitement représentatif de son milieu social, d'une aristocratie catholique bavaroise pleine de morgue, qui méprisait Hitler et a cru l'utiliser pour maintenir le statu-quo social. Il est parfaitement représentatif de l'attitude de l'écrasante majorité du catholicisme allemand qui a accueilli et suivi Hitler, souvent dans l'enthousiasme, et en espérant que plus elle serait fidèle et enthousiaste plus diminuerait le poids des antichrétiens nazis dans le régime.

Conformément à l'attitude pro-allemande et compréhensive du Vatican, de Pie XI et surtout de Pie XII, car l'encyclique Mit brennende Sorge, rédigée en allemand pour bien montrer son caractère non universel, ne fut qu'une condamnation a minima, du bout de la crosse, floue, impersonnelle, sans aucun point sur aucun i ; d'une diffusion homéopathique, elle fut surtout un cache-sexe à usage externe, destiné à dédouaner le Vatican, aux yeux des démocraties occidentales, d'une collusion trop voyante - celle du Concordat aux conséquences, elles, très directes, très matérielles et très précieuses pour les nazis, celle de la quasi-totalité des évêques, à l'exception d'un seul et encore très partielle, qui firent sonner les cloches pour l'Anschluss ou appelèrent les chrétiens à la mobilisation sans état d'ême dans la croisade contre le bolchévisme.

Stauffenberg n'a réagi ni aux guerres de conquête, ni aux crimes de guerre, ni aux traitements inhumains infligés pendant quatre ans par son armée sur le front de l'est, ni à ce qu'il a vu, forcément, en Pologne et en Russie, du sort réservé aux prisonniers de guerre, aux slaves traités en esclave - aux juifs massacrés bien avant d'être voués à l'extermination industrielle. Il n'a ni déserté, ni refusé d'obéir. Il faut lire là-dessus ''Les Bourreaux volontaires d'Hitler'', de Daniel Jonah Goldhagen.

Stauffenberg n'est pas un résistant parce que, lorsqu'il a agi, après avoir pris le temps de la réflexion - plus de dix ans ! -, il ne l'a pas fait par révolte contre ce qu'il avait vu depuis 1933, ce à quoi il avait participé activement depuis 1938. Il a agi parce que les Russes arrivaient, et qu'en bon catholique ultraconservateur et nationaliste, il s'est dit que les choix qu'il avait faits depuis 1933 de participer aux entreprises criminelles des nazis allaient conduire les bolchéviques à Berlin, que ce à quoi il avait participé aboutissait à un désastre.

Cela n'a rien à voir, mais rien du tout, rien de rien avec les résistants qui, partout à travers l'Europe ont risqué leur vie pour combattre la barbarie et l'inacceptable. Stauffenberg a pactisé dix ans avec la Barbarie, c'est grâce à des gens comme lui que la barbarie a pu mettre l'Europe à feu et à sang et tuer partout des résistants.

Son réveil tardif ne rachète rien et ne lui donne en tout cas aucun droit à ce nom de résistant.

D'ailleurs, face aux fusils de ses assassins, il n'a pas crié "Vive la liberté !", ou "Vive l'Allemagne libre !" Il a crié "Vive l'Allemagne... sacrée !"

D'ailleurs, il n'y a jamais eu de résistance allemande. La résistance allemande est une fable, à partir du moment où le Zentrum chrétien a accepté, avec la bénédiction du Vatican, de servir de marchepied à Hitler, où les églises, protestante et catholique, ont béni le Führer, en ignorant les prêtres et les fidèles qui, grâce à la passivité des Stauffenberg, ont été mis en camp dès 1933-34. A partir du moment où les chamailleries entre communistes et sociaux-démocrates ayant permis l'accession au pouvoir d'Hitler, ces puissants partis sont décapités et où leur clientèle se rallie massivement au nouveau régime. La Résistance, elle est à Dachau dès 1933 et elle n'en sortira plus.

Ce qui reste de résistance, dehors, est dérisoire en nombre, même si son courage est héroïque et ne bénéficie d'aucun soutien, aucun, d'aucun réseau dans la société. La résistance allemande, c'est la Rose blanche, Hans et Sophie Scholl, des étudiants et des enseignants, humanistes, qui tentent d'aider les déportés, qui inscrivent des slogans antifascistes et pacifistes sur les murs, qui distribuent des tracts pour expliquer aux Allemands que Stalingrad va les libérer de la Barbarie à laquelle ils se sont donnés. Guillotinés parce qu'ils sont totalement isolés dans un pays qui est entièrement nazifié ; contrairement à ce que prétend le pape Panzer élevé dans les Hitlerjugend. La Résistance allemande, ce n'est pas un officier qui a pactisé dix ans avec la Barbarie et qui tente un putsch avec ses semblables parce qu'ils ont la trouille des soviets et de devoir leur rendre des comptes pour leurs crimes. La seule vraie résistance, c'est l'Orchestre rouge qui travaille pour Moscou.

La vérité c'est que le nazisme a bénéficié d'un écrasant consensus social en Allemagne et que la classe à laquelle appartenait Stauffenberg y a participé activement, que sans le ralliement de tous les semblables de Stauffenberg, le nazisme n'aurait jamais pu ni installer sa dictature en Allemagne, ni assassiner partout en Europe, ni exterminer les juifs.

Alors de grâce, qu'on nous foute la paix avec Stauffenberg !!! Il n'a même pas été foutu de réussir son coup...

jeudi 29 janvier 2009

En grève...

Dans mon cas, je ne sais pas bien ce que cela signifie, puisque je vais travailler au petit polar que m'a commandé H&O pour fêter ses dix ans d'existence, au printemps prochain, mais je me considère en grève.

Je ne peux même pas, comme les braves travailleurs japonais, porter un brassard avec l'inscription "en grève" : à part mon mec, ce soir, je ne sais pas très bien qui le verrait. C'est ça la solitude existentielle du romancier de fond !

Mais, qu'on se le dise, je suis en grève !

En grève contre trente ans de démantèlement de l'Etat providence au prétexte que le libéralisme et le libre-échange généralisé l'exigeaient pour prix de la félicité universelle alors qu'ils nous ont conduits, comme en 1929, à une faillite du système dans laquelle les salariés sont appelés à payer une deuxième fois, par l'impôt, pour empêcher le collapsus du système failli,

En grève contre trente ans de mise en concurrence d'économies qui assuraient aux salariés une protection et un honnête confort avec des économies où le salarié est un esclave sous-payé,

En grève contre cinquante ans de politique européenne qui a privé les Etats démocratiques de l'arme monétaire, de l'arme budgétaire, de la possibilité de faire de l'inflation, si nécessaire, c'est à dire de faire payer au capital plutôt qu'au travail l'endettement de l'Etat,

En grève contre trente ans de politique européenne qui a supprimé, sous la pression anglaise, la préférence communautaire et le tarif extérieur commun, qui a créé une monnaie surévaluée qui correspond peut-être à la structure et aux besoins des économies néerlandaise ou allemande mais qui depuis, depuis trente ans, par les politiques qu'elle a générées a condamné la France et tant d'autres pays, à une croissance anémique et aujourd'hui à la dépression,

En grève contre l'autisme des Trichet et autres responsables, journalistes ou experts économiques qui n'ont pas vu venir cette crise mais qui ont imposé l'idée, depuis trente ans, que la "modération salariale" était la clé de toute politique économique et la déréglementation la condition de la croissance ; alors qu'une économie saine devrait avoir pour but principal d'augmenter les revenus des salariés (pas de gonfler hors de toute proportion raisonnable ceux d'une couche d'hyper-privilégiés) et que la déréglementation du capitalisme a toujours, partout, conduit à des crises dans lesquelles les salariés n'ont aucune responsabilités mais dont ils sont les premières victimes,

En grève contre la redistribution massive des richesses, depuis trente ans, en faveur du capital et au détriment du travail,

En grève contre le gouvernement Sarkozy qui s'est fait élire sur l'aggravation de cette politique-là, qui est le plus réactionnaire et le plus bête que la France ait eu depuis Vichy, qui n'a pris que des mesures - paquet fiscal et soi-disant réformes - aggravant le sort des pauvres, des humbles, des classes moyennes, qui n'a cessé de prendre aux pauvres pour donner aux riches, qui précarise chaque jour davantage, qui jette les retraités dans la gêne, qui empêche chaque jour davantage un égal accès aux soins, qui prétend, avec la désinvolture révoltante de François Fillon avant-hier au Vingt-Heures, que la baisse de l'inflation règle la question du pouvoir d'achat, qui conduit aujourd'hui le pays à la dépression en refusant obstinément d'augmenter les salaires et pensions ou de baisser susbstantiellement la TVA,

En grève contre ce gouvernement de la morgue et de la noce, de la Banque et de l'autoritarisme rampant,

En grève contre le danger qu'il représente pour notre société, sa cohérence et son avenir, contre les menaces qu'il fait peser sur les libertés et la démocratie.

J'espère que cette grève sera puissante et qu'elle n'est qu'un début.

Et puis un élément de satisfaction malgré tout : j'ai assez brocardé ici le PS, son inexistence idéologique, la vacuité mégalomane de Mme Royale, son total découplage des réalités, ses responsabilités écrasantes, à commencer par celles de Mitterrand et Jospin qui, au nom de la construction européenne, ont consenti à l'inacceptable et créé les conditions du naufrage actuel, pour relever que le "plan économique" présenté par le PS (notamment l'idée de création d'un pôle bancaire public) renoue enfin avec quelque chose qui ressemble avec la tentative de faire de la politique.

vendredi 23 janvier 2009

L'un regarde dans le rétroviseur, l'autre pas

Il y a parfois des télescopages intéressants dans l'actualité.

Hier on a appris que le pape Panzer levait l'excommunication de quatre évêques traditionalistes.

Rappelons que le traditionalisme, ce n'est pas seulement le folklore de la messe en latin auquel le pape Panzer a depuis peu redonné droit de cité. C'est avant tout une vision autoritaire de la société, réactionnaire, qui condamne toute modernité, toute ébauche de début de liberté de conscience, tout rationalisme, toute tentative d'exister en dehors des lois "naturelles" de Dieu. Raison pour laquelle tout le beau monde qui s'y retrouve cultive, en plus du "droit à la vie" (lire une opposition violente à l'avortement) et de l'homophobie (même si on retrouve là-dedans une proportion non négligeable de pédés marqués par ce qu'il faut bien appeler une forme grave de masochisme), une intense nostalgie, en France, de Vichy ou de l'Algérie française (tant de prêtres ont justifié la torture et les crimes de l'OAS, voué aux gémonies Mauriac qui les dénonçait, bénit et absout par avance ceux qui voulaient assassiner de Gaulle...), en Italie, du fascisme - un crucifix dans une main et l'autre bras tendu devant les photos du Duce, signataire avec un prédécesseur de Panzer des accords de Latran, normalisation des rapports entre l'Etat et l'Eglise que cette dernière avait obstinément refusé à l'Italie parlementaire et démocratique depuis 1870, mais qu'elle accorda sans longtemps barguigner à l'Etat fasciste -, voire...

Pour ces gens-là, le peuple juif reste le peuple déicide, et si leur antijudaïsme, comme celui de l'Eglise officielle d'avant Vatican II, n'est pas l'antisémitisme nazi, il en a fait le lit, lui a ouvert la voie, l'a déculpabilisé, quand il ne l'a pas approuvé par la voix de nombreux évêques allemands entre 1933 et 1945...

Sans oublier les appels aux crimes, les crimes et les absolutions données aux criminels des épiscopats baltes, slovaque, croate évidemment, hongrois...

Sans oublier l'assourdissant silence et les crapuleries, en France, de messeigneurs Baudrillart, Mayol de Luppe, Caillot, Marmottin, Beaussard, Dutoit, Costa, Auvity, La Villerabel et tant d'autres ; messeigneurs Théas et Saliège qui élevèrent la voix furent des exceptions...

Sans oublier le sauvetage massif et la mise à l'abri systématique, planifiés, financés des criminels de guerre de toute l''Europe, dont l'organisation fut confiée par Pie XII au futur Paul VI. Dommage que les juifs n'aient pas bénéficié de la même sollicitude vaticane, mais passons, non sans rappeler que le milicien Touvier, criminel contre l'humanité fut, encore dans les années 1980, arrêté dans une maison religieuse... traditionaliste.

Car les traditionalistes sont bien les héritiers revendiqués de cette tradition-là. Si bien que, même lorsqu'ils viennent des beaux quartiers, ce qui est généralement le cas, et qu'ils portent des parfums de prix, ils puent la charogne !

Eh bien le pape Panzer, lui, il trouve qu'ils sentent la rose !

Depuis qu'il est monté sur le trône de saint Pierre, il n'a de cesse de leur faire des risettes.

Il est vrai que tout cela a une logique.

Y avait-il vraiment urgence, d'abord, à ce que ces messieurs du conclave élisent un pape allemand avant que la génération grandie dans les Hiltlerjugend n'ait passé l'arme à gauche ?

Mais il y a plus grave, parce que ce pape-là, manifestement, n'a pas été qu'élevé dans les Hitlerjugend. Il en a intégré une partie de l'enseignement.

Déjà, il y a quelques années, cardinal se rendant pour une célébration du débarquement du 6 juin sur les plages de Normandie, il avait imputé la responsabilité des désastres de la deuxième guerre mondiale... au traité de Versailles.

Rhétorique classique du nationalisme allemand le plus borné, qui a fait, comme la veulerie du Zentrum catholique allemand de l'entre-deux guerres, le jeu de la propagande nazie, avant de lui servir de marchepied (Herr Von Papen était un familier des antichambres pontificales) pour se hisser au pouvoir. Certes, le traité de Versailles n'était pas parfait, mais il était le résultat d'une guerre, elle-même terrible, résultat du militarisme allemand ; sa logique punitive était compréhensible pour l'époque, et il avait été dialectiquement dépassé depuis le milieu des années 1920, par la substitution au Diktat d'une logique de négociation et de sécurité collective.

Les plages de Normandie ne sont donc pas le résultat de Versailles (ainsi que le perroquet Panzer le prétend, répétant en cela une vulgate chère aux nazis), mais du nazisme secrété par la société allemande comme réponse à la crise de 29.

Il est vrai que, dans cette analyse, Benoît n'est pas qu'allemand, il est aussi éminemment vatican. Benoît XV, que Clemenceau appelait du surnom si mérité pour son philogermanisme entre 1914 et 1918, le pape boche, puis Pie XI et surtout Pie XII, nonce à Munich et à Berlin, inlassable défenseur de l'Allemagne à la secrétairerie d'Etat, artisan du concordat avec Hitler, anticommuniste fanatique et qui voit les nazis, avant tout, comme un rempart contre ces bolchéviques prêts à déferler sur l'Europe catholique depuis la Russie orthodoxe, n'auront cessé de chérir l'Allemagne, face à la France radicale, athée et franc-maçonne, face à l'Angleterre schismatique. Un tropisme allemand qui, d'ailleurs, n'est pas non plus sans raison financière...

Bref, pour Benoît, la guerre de 1939-1945 est le résultat de Versailles, pas du nazisme. Ce qui lui permet ensuite, une fois pape, d'exonérer le peuple allemand de toute responsabilité dans la guerre, l'occupation de toute l'Europe, les crimes de guerre et contre l'humanité. Non, les Allemands ne sont pas responsables; les seuls responsables, ce sont Clemenceau, Lloyd George, Wilson et Orlando. Et puis un peu le malheur des temps et la déchristianisation.

Pas étonnant qu'ensuite, troisième mouvement, Panzer Benoît ordonne la reprise du surréaliste procès en canonisation de Pie XII, suspendu par Jean-Paul II qui, bien que réactionnaire, avait quelques raisons, en tant que Polonais, d'en vouloir à ce pontife qui refusa obstinément, de 1939 à 1945, de condamner l'agression allemande contre la Pologne puis les exactions commises contre son peuple.

Tout cela est d'une logique imparable, et d'une grande cohérence !

Comme l'est la levée de l'excommunication des quatre pingouins traditionalistes et le fait que l'un d'entre eux, le jour même, évalue le nombre des juifs morts en camps de concentration à 300 ou 400000 et nie qu'aucun soit passé dans d'inexistantes chambres à gaz. Point d'extermination donc, ce qui explique que le futur saint Pie XII ait, bien qu'au courant de tout, refusé de dire le moindre de mot de condamnation (si! une dizaine, très vagues, quelques secondes à peine dans un discours radiodiffusé de Noël de plus de 40 minutes...). Qu'il ait envoyé un de ses fidèles collaborateurs, autrichien et lui franchement philonazi, voir le général SS de Rome, lors de la rafle des juifs romains, pour lui faire dire de ne pas mettre le très saint père dans une situation telle qu'il serait obligé de réagir publiquement. Singulier courage christique qui mérite à coup sûr la sainteté !

Benoît XVI n'est pas plus nazi que Pie XII ; ils sont juste, tous les deux, des réactionnaires bornés - de ceux qui, de tout temps, sont les imbéciles les plus utiles du monde aux vrais criminels. Mais rassurons-nous, comme le dit Sarko, un prêtre est toujours mieux à même qu'un instituteur d'enseigner aux enfants ce que sont le bien et le mal ; alors un pape, vous pensez !

Hier aussi, le président Obama fermait Guantanamo et déclarait qu'on ne peut combattre ses ennemis, fussent-ils les pires criminels, en reniant ses principes, que la torture était de nouveau prohibée au Etats-Unis : une parenthèse de barbarie venait de se refermer. Tandis que tonton Panzer, l'oeil fixé dans son rétroviseur déformant, déployait tous ses charmes pour racoler quelques traditionalistes, vestiges, survivances anachroniques d'autres barbaries.

mercredi 21 janvier 2009

Fou ?

Caligula tape du poing sur la table pour dire aux patrons des banques dont les inconséquences plongent des millions de gens dans la misère qu'ils ne peuvent se servir de l'argent de la collectivité pour se faire attribuer des "bonus".

D'abord, il faudrait revenir sur la question des "bonus". Ces gens-là ne gagnent-ils pas assez pour se voir en plus attribuer des rallonges, quels que soient leur résultats ? Et alors que les salariés normaux vivent depuis trente ans la "modération salariale" si chère à Trichet, le démantèlement des systèmes élémentaires de sécurité, le chômage de masse qui a servi à leur imposer les deux premiers ?

Ensuite, il est moralement insensé que ces naufrageurs qui viennent tendre leur sébile d'un côté songent même à continuer à se remplir les poches de l'autre. Cela montre à quel point le système reagano-thatchérien, le système accepté par la social-démocratie européenne sous prétexte de construction européenne, le système qui sous-tend Maastricht et la monnaie unique, le système dont, voici deux ans, Caligula prétendait que c'est parce qu'il était incomplètement appliqué en France que la France allait mal, combien ce système est fou.

Mais une fois de plus, Caligula est à côté de la plaque. Le problème n'est pas le bon sens, le sens moral ou la décence des naufrageurs qu'on a élevés dans l'idée centrale de ce qu'est ce libéralisme de Caligula et de ses petits copains du Fouquet's : un renard libre dans un poulailler libre.

Le problème, c'est que, plutôt que d'imposer la loi d'airain de ce libéralisme aux faibles, aux précaires, aux retraités, aux assurés sociaux, aux chômeurs, aux classes moyennes, etc. et de s'en remettre, pour le respect de la décence par les puissants, à leur bonne volonté, à une charte du CNPF - chiffon de papier parmi les chiffons de papier -, il faut en revenir à un monde où l'Etat ne se contente pas de réguler. Mais où il réglemente, où il se redonne les moyens de faire respecter par les renards et les requins une règle qui s'impose à eux dans le poulailler, où on ne légifère pas aux fins de déconstruire les sécurités qui protègent la vie des faibles, mais à celles de faire respecter le minimum d'intérêt général et le minimum de justice sociale.

La vraie question, à laquelle Caligula se garde bien de se colleter, c'est qu'aucun dirigeant dans aucune entreprise ne devrait pouvoir être rétribuer plus de tant de fois plus que le moins payé de ces salariés, salaires, primes, bonus et autres stock options comprises. la réalité, c'est que les renards, les requins, les Trichet et les Caligula, depuis trente ans, ont imposé un ordre dans lequel l'éventail des revenus s'est ouvert d'une manière... folle, en conjuguant la "modération salariale" défendue bec et ongles par Trichet et l'explosion démente des salaires et "petits à côté des puissants".

Pour le reste, je me demande depuis hier si l'élection présidentielle française ne rendrait tout simplement pas... fou.

Que Mme Royal n'ait rien de mieux à faire par les temps qui courent que d'aller se balader à Washington où personne ne l'a invitée est déjà un signe inquiétant - et pathétique. Mais que là-bas où personne ne sait probablement qui est sa petite personne, elle n'ait rien de mieux à déclarer qu'elle est la muse, l'inspiratrice, le vraie responsable, en somme, de l'élection d'Obama, en dit long sur la dame - et sur ses tendances à la mégalomanie.

Et que dire de Caligula, qui attend avec impatience Obama pour réformer le monde ? Il y a un an et demi, il n'avait rien de plus pressé que d'aller lécher les bottes d'un Bush en fin de course avec lequel plus personne ne voulait être vu. Il y a six mois, il partait en Russie et obtenait, tout seul, la fin de la guerre et le retrait russe de Géorgie. Hier, l'ami d'Israël, a obtenu le cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Tout cela est naturellement d'un ridicule achevé : "Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur", disait Cocteau. Caligula n'a rien obtenu d'autre de Poutine que ce que Poutine avait décidé, en temps et heures, de donner. Et il n'a pas même été foutu de l'obtenir dans une formulation qui préserve en apparence les principes. Caligula n'a rien obtenu de ces amis Israéliens qui ont arrêté de massacrer les civils de la bande Gaza à l'heure où ils avaient décidé de le faire en commençant à les massacrer. Quant à réformer le monde... Obama attendait bien sûr avec une impatience non dissimulée de pouvoir le faire en fonction des idées de Caligula... lesquelles, au fait ?

Hier, Obama, dans son discours d'investiture, a dit en substance qu'on ne pouvait pas continuer à prendre aux pauvres pour donner aux riches. J'ai déjà dit ici que je ne nourris aucune illusion sur Obama : il est américain et ses marges de manoeuvre sont extraordinairement étroites, du fait des circonstances comme des règles du système à la tête duquel il arrive. Mais constatons au moins que son discours, au moins, constitue une rupture par rapport aux trente années que nous venons de vivre... et qu'il est à l'exact inverse du discours et de la pratique caliguliennes depuis un an et demi.

Entre Royal qui a inspiré Obama et Caligula qui est impatient de réformer le monde avec lui, on peut tout de même avoir des doutes sur les conséquences de l'élection présidentielle française sur la santé mentale des candidats, heureux ou malheureux, non ?

vendredi 16 janvier 2009

Onze morts dans les prisons française en quinze jours...

mais ce n'est la faute ni à la politique pénale démente, ni à l'état des prisons françaises... Melle Dati a accouché et reste ministre : tout va donc pour le mieux dans le meilleur pays des droits de l'homme possible.

On tue à Gaza, on bombarde les hôpitaux, les écoles, les bâtiments de l'ONU ; on tire sur les gamins, dans le dos des civils qui s'enfuient ; on utilise dans des zones pleines de civils des armements prohibés par le droit international dans les zones où se trouvent des civils ; on a décidé d'éradiquer le Hamas après l'avoir créé pour embêter Arafat et, dans ce but, on fait la guerre du marteau-pilon contre le moucheron, c'est-à-dire en écrasant tout et tout le monde... sauf le moucheron : on commet chaque jour ce que, partout ailleurs, on qualifierait de crimes de guerre, ce qui a valu, ici ou là, dans les Balkans des interventions armées de l'ONU et de l'OTAN, ce qui a valu à d'autres d'être traduits devant un tribunal international. Deux poids, deux mesures ? Cela fait tellement longtemps que ça dure au Proche-Orient qu'on en a pris... l'habitude ? Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des enfers possibles.

Sarkozy se mêle de tout, à tort et à travers, toujours plus démago, demandant des excuses au président de la SNCF, décidant de la gratuité de ceci, du taux de remboursement ou d'intérêt de cela, déplaçant la secrétaire d'Etat à l'écologie, la seule de ce gouvernement qui connaît ses dossiers et n'est pas trop réactionnaire, pour la mettre au placard. Elle gênait tant que cela à l'écologie, depuis que les députés lui avaient savonné la planche ? Au fait, Sarko, c'est lui aussi qui décide souverainement de la couleur et de la forme des sous-vêtements des forces armées françaises ? Allez, va ! tout est vraiment pour le mieux dans le meilleur des grandmamamouchilands possibles.

On va limiter le temps de parole des députés de l'opposition, alors qu'on prétendait donner plus de pouvoir au Parlement, alors que LE vrai problème c'est l'inflation législative, la maladie grave qui consiste à légiférer sur tout et rien, n'importe comment de préférence. Tout est pour le mieux dans la meilleure des démocraties possibles.

On est partis quinze jours à Nisyros. C'était génial, un temps de printemps, des bains de mer, de longues balades, des marrons dans la cheminée et l'écriture, tous les après-midis, comme nulle part ailleurs.

Pas de journaux, si peu de radio : j'ai entendu que RFI (vous savez l'audiovisuel international à la tête duquel le roi a nommé la femme de son ministre des Affaires étrangères : encore une chose inimaginable ailleurs que dans une démocratie à la gabonaise !) allait licencier 200 personnes. En Grèce, ça ne changera pas grand chose, car en dix ans, RFI que j'écoutais régulièrement en 1997-99, est devenu totalement inaudible. Alors qu'on entend parfaitement la BBC, les Russes, les Chinois, les Roumains : les Russes et les Roumains, les derniers à émettre en français !!!

Merci Mme Kouchner ! ça m'a fait de vraies vacances : quinze jours sans Dati, sans Gaza, sans Sarko, c'était presque aussi bon que la douceur du soleil, la caresse de la mer, les odeurs de soufre, les cyclamens parme, les premières marguerites, les papillons et les arums.

Il y a des moments comme ça, où l'homo politicus que je suis pourtant, à l'extrême limite du dégoût, éprouve vraiment, mais vraiment, la tentation du retrait dans la tour d'ivoire - en l'occurrence un parallélépipède blanc et bleu sur le flanc d'un volcan qui fume.

En attendant, il a fallu rentrer.

Hélas !

Pour le reste, j'ai eu le plaisir, ce matin de recevoir le n°35 (janvier-février 2009) de la revue Questions internationales, de la Documentation française qui publie notamment mon article sur la Grèce depuis l'an 2000.

Allez, à tous une bonne année ! On n'y croit guère mais on va faire un effort pour se convaincre que le pire n'est jamais sûr ! avec ce petit montage d'images de notre volcan en hiver...