Reçu à l'instant le mail d'un copain d'Athènes : "Inutile de te décrire l'ambiance d'ici. Cela a quelque chose comme un aout 1944 par exemple. Même ceux qui ont voté ND se disent à présent Syrizistes. Les gens rejettent aussi l'euro et cela de plus en plus. Dans les mentalités l'UE est morte, SAUF chez de nombreux jeunes, je crois et chez les universitaires !"

Et il ajoute à notre attention :

"Voilà pour le moment opportun de l'histoire, travaillez l'opinion publique en France, les gens doivent se réveiller et ainsi résister aussi, c'est à dire briser le dit axe franco-allemand. Agadir c'est terminé !!!"

On s'y emploie, je te jure, Panaghiotis ! Car c'est Panaghiotis Grigoriou, l'auteur de l'indispensable blog greekcrisis.fr qui m'écrit ces lignes.

Sincèrement et en essayant de ne pas prendre mes désirs pour des réalités, je crois que quelque-chose de capital est en train de se dérouler en Grèce. Tous les échos des copains, là-bas, vont dans le même sens : nombre d'électeurs de droite semblent révulsés - patriotiquement parlant - par l'attitude des oligarques européens et sont sensibles au discours du gouvernement sur la dignité retrouvée.

D'Egine, Liza m'écrit : "Ici, on sent que même ceux qui ont voté Samaras s'unissent parce qu'ils retrouvent leur dignité perdue. Mon épicier est tout fier le matin de me montrer le journal avec la photo de Varoufakis..."

Et Georgia de Patras : "Un seul désir de la part de certaines personnes avec lesquelles j'avais des discussions interminables et qui n'avaient aucune confiance en ce "gamin" (Tsipras)... qu'il continue et pourvu qu'il réussisse !!! Si nous devions revoter le pourcentage d'Alexis aurait une sacrée augmentation. La meilleure satisfaction pour nous tous qui avons osés rêver à une autre Grèce!!!! et ce qui est encore plus réconfortant c'est qu'ils n'ont plus honte d' accepter qu'ils s'étaient trompés..." "Enfin unis !!!" Conclut-elle.

Or ces témoignages sont corroborés par toutes les enquêtes d'opinion publiées depuis les élections, par la création de comités citoyens transpartisans pour soutenir le gouvernement, par la manifestation de soutien au gouvernement qui a rassemblé des milliers de personnes hier soir sur la place Syntagma, là où, il y a peu encore, les gouvernement collabos aux ordres de Berlin et de Bruxelles faisaient gazer les citoyens pacifiques usant de leur droit constitutionnel de manifester - une manifestation sans organisateur, née des réseaux sociaux, et à laquelle Syriza n'était pas même partie prenante.

En octobre 1940, lors de la tentative d'invasion de la Grèce par l'Italie fasciste, le OXI (Non) du dictateur fasciste grec Métaxas avait conduit ses opposants, y compris les communistes dans les prisons et les camps, à s'enrôler dans l'armée pour combattre et repousser l'agresseur. Première victoire d'un peuple contre une armée de l'Axe, car l'armée italienne, malgré sa supériorité écrasante en hommes et en matériels, avait été repoussée loin à l'intérieur du territoire albanais, forçant Hitler à intervenir dans les Balkans à l'automne 1941... et donc à retarder son offensive contre l'URSS - ce qui l'empêcha d'arriver devant Moscou avant l'hiver et, selon Churchill, changea le cours de la guerre.

"On ne dira plus que les Grecs se battent comme des héros, entendit-on sur les ondes en français de la BBC, on dira désormais que les héros se battent comme des Grecs."

Puis la Résistance grecque fut rapide et massive, raison pour laquelle l'occupation allemande fut une des plus sauvages et destructrices d'Europe, mettant à sac le pays, déclenchant une tragique famine, détruisant l'essentiel du potentiel économique... raison pour laquelle aussi, peut-être, l'Allemagne n'a jamais indemnisé les victimes de ses crimes, n'a jamais puni les Allemands coupables des crimes de guerre et contre l'humanité perpétrés en Grèce, raison pour laquelle elle refuse obstinément de reconnaître sa dette à l'égard de la Grèce, de lui rembourser par exemple l'emprunt forcé extorqué à la Banque de Grèce pour l'entretien de l'Afrikakorps...

Pas plus qu'hier ses devanciers à croix gammée, Mme Merkel n'accepte qu'un peuple résiste à ses Diktats stupides et criminels, mais pas plus qu'hier, l'espoir et la dignité revenus, les Grecs ne plieront. Je le pense et l'espère. D'ailleurs Manolis Glézos - qui arracha la croix gammée de l'Acropole au printemps 1941 et qui, aujourd'hui député européen Syriza, continue à réclamer que l'Allemagne paye ses dettes, est à lui seul de symbole de cette continuité enfin renouée après cinq ans de gouvernements de collaboration.

Quant à Stéphanos Saraphis, un résistant libéral et républicain, rallié à l'EAM/ELAS, le principal mouvement de Résistance à majorité communiste dont il devint le général en chef (il mourra après guerre, écrasé par la voiture d'un agent d'une base américaine... "accident" dont le responsable fut acquitté par les tribunaux américains...), il justifia ainsi ce ralliement à l'agent de liaison anglais qui s'en indignait :

« Le peuple grec a toujours eu l’habitude d’aimer les Anglais, mais les Grecs ne sont pas des Indiens, des fellahs, des Bédouins, des Zoulous ou des Kaffirs dont l’allégeance peut être acquise en achetant leurs chefs tribaux ou leurs roitelets, mais une nation libre, quoique petite, dont les combats, dans les temps anciens et modernes, ont enseigné au monde entier le sens de la liberté. Si les Britanniques comprenaient cela et nous traitaient en égaux, nous demeurerions toujours des amis et réglerions nos différends dans une voie amicale, sans conflit . »

Les oligarques germano-européens feraient bien de méditer Sarafis... Car il y a là une des principales clés de compréhension de la situation en Grèce aujourd'hui.

En tout cas, ce qui est en train de se passer en Grèce - la lutte d'un peuple contre les oligarques germano-européens au service de la finance - est à mes yeux du même ordre que la mobilisation de l'automne 1940. Un sursaut patriotique, d'unité, de dignité ; et un exemple à suivre pour tous les peuples européens martyrisés par un euro et une Europe qui ne sont plus que le faux nez du néolibéralisme et du néoimpérialisme allemand.

J'ajoute qu'à Athènes, comme je le pensais, la présence des Grecs indépendants dans le gouvernement facilite incontestablement ce mouvement de rassemblement, de véritable unité nationale, de résistance à la fausse fatalité fabriquée dans les couloirs de la chancellerie du nouveau Reich et la tanière des nuisibles de Bruxelles. Cette union des patriotes des deux rives est aussi une nécessité ici et maintenant.