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vendredi 25 septembre 2015

Chroniques nysiriotes (9) : bouc, orages et élections

Deuxième partie

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Chroniques nysiriotes (9) : bouc, orages et élections

Première partie

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samedi 19 septembre 2015

Je serai demain sur France Culture

Je serai demain sur France Culture de 18h15 à 19h00, en direct de Nisyros, pour parler des élections grecques, à l'invitation d'Olivia Gesbert dans "Dimanche et après", avec Gabriel Colettis, Emmanuel Maurel et Denis Sieffert.

Chroniques nisyriotes (8) : la murène, le peintre et le sismologue

Voilà, je me retrouve seul sur notre volcan. Frédéric est reparti ce matin pour Paris. Je le suivrai dans deux semaines. Septembre est beau, chaud, sans vent. Et pourtant la sérénité n’est pas au rendez-vous. La petite maison blanche aux volets bleus, au bout d’Emborio, où j’écris comme nulle part ailleurs parce que j’y suis dans une tranquillité absolue, au bout du monde, avec la seule compagnie des cigales, des grillons, des mésanges, des corbeaux, des chouettes, des chèvres (une d’entre elles, la garce, a trouvé un accès au jardin deux jours avant notre retour au début de ce mois et dévoré une partie de mes plantations de juin… le citronnier et les géraniums sont néanmoins repartis, j’ai renforcé les défenses : elles ne passent plus… pour l’instant !) et, cette année, nouveauté, de quelques moutons, sans compter les vaches et les cochons qui passent parfois dans la rue, cet ermitage, comme un bateau échoué sur la lèvre du volcan, est de moins en moins isolé.

Une Franco-Suisse a commencé par construire, il y a deux ou trois ans, une maison imbécile sur le coteau – une maison d’architecte d’ailleurs, qui n’a rien compris à Nisyros, à son architecture, à l’endroit où elle a posé son machin –, qu’heureusement un arbre nous cache (et puis la dame, très chic, snob comme un pot de chambre, ne vient qu’en août lorsque nous ne sommes pas là). Cette année, un autre architecte, français, a terminé, pas très loin de chez nous, une espèce de baraque assez… bête et moche (sous les ruines d’une forteresse byzantine… même remarque que plus haut sur le fait de poser son truc sans le moindre sens de l’environnement dans lequel on le pose… ces gens-là dénaturent, défigurent pour séjourner quinze jours par an dans un endroit magique…). La scie pour les dalles de sa terrasse a agréablement animé nos juin et juillet, mais nous pensions être au calme en septembre. Erreur ! une Grecque, qui a fini de retaper (très bien, elle, pour le coup !) une ruine juste en dessous de chez nous, pour la louer et l’habiter quand elle n’a pas de client, nous a gratifiés, pour la première fois, hier soir, en place des grillons, de la (certes vague) rumeur de sa télé tout en croyant indispensable d’illuminer sa « maison de charme » comme Versailles, pollution lumineuse de nos nuits seulement pleines d’étoiles, heureusement atténuée par le feuillage d’un figuier (celui-là je ne le taille plus ! qu’il s’épaississe et grandisse !!!). Et puis, à l’autre bout du village a ouvert un café du genre branché, inspiré de Mykonos ou Santorin, assourdissant clients et voisins (heureusement on est assez loin !) du bruit de la même musique anglo-saxonne qui assourdit clients et voisins de ce type d’établissement partout dans le monde. Enfin, un chantier s’est juste ouvert sur notre gauche pour retaper une ruine et, ces derniers jours, deux groupes de touristes sont venus regarder avec les propriétaires grecs, des terrains derrière chez nous… Achat ? Nouvelles maisons ?

Avec la crise qui s’aggrave, beaucoup de gens ont besoin de vendre, ici, pour se faire quelques sous. Je le comprends bien. Mais l’Emborio où nous avons cru trouver notre havre il y a huit ans est en train de changer. Irrémédiablement ? Trop ? Les Européens friqués sont en train de remplacer les chèvres. Et ça ne nous convient pas. Nous avons, ensemble, Frédéric et moi, évoqué pour la première fois, ces dernières trois semaines, la possibilité de partir, de vendre, de redevenir nomades. De fait, nous n’avons jamais eu l’âme de propriétaires, et si nous avons acheté là c’est parce que c’était nous et parce que c’était là Mais si là devient ailleurs… Nul intérêt pour nous de demeurer dans un village qui a un « gros potentiel », qui pourrait « devenir Saint-Paul-de-Vence », comme dit un promoteur français qui « s’affaire » ici depuis plusieurs années, qui ne cesse de racheter des terrains et dont nous ne goûtons guère le « commerce » – à tous les sens du mot.

La chasse a ouvert la semaine dernière, les perdrix – nombreuses à Nisyros, et les lapins qui ont fait leur réapparition après quelques années terribles de myxomatose – n’ont qu’à bien se tenir ; mais les vautours rôdent en toute sécurité partout en Grèce.

En tout cas, pour nous, sans doute la saison prochaine sera-t-elle déterminante. Fin de partie, peut-être…

Au demeurant, il est possible que nous n’ayons pas « besoin » de vendre ! Ce matin, en nous réveillant à six heures – Frédéric avait son bateau à sept –, Emborio « embaumait » le soufre comme jamais. Il y a quelques jours, en montant à l’église qui se trouve à l’intérieur des murs de la forteresse byzantine nous avons croisé trois jeunes gens qui posaient un appareillage sur le toit d’un bâtiment attenant à l’église, en surplomb de la caldeira. Nous leur avons demandé ce qu’ils faisaient… L’un d’eux, francophone, venait de l’École Polytechnique de Zurich, les deux autres appartenaient à une université britannique. Ils posaient un GPS afin de faire des relevés sur une dizaine de jours, et le sol du principal cratère, Stéphanos, (où est apparu pour la première fois depuis plus de vingt ans que je le fréquente un trou rempli de boue bouillonnante, jusqu’ici les trous se contentaient de fumer et l’on entendait l’eau bouillir en sous-sol) a été quadrillé de pierres rouges, apparemment pour mesurer les déformations. Ils opèrent ainsi, pour la deuxième année consécutive, une mission de surveillance du volcan. Le sismologue suisse nous a en effet expliqué que les scientifiques grecs qui, jusque-là, assuraient cette surveillance, disposaient des compétences et des matériels pour le faire, ne disposent plus des crédits – grâce à l’Europe, à l’Allemagne, à la lâcheté française… – pour opérer les relevés nécessaires à la surveillance des volcans égéens (Méthana, Milos, Santorin, Nisyros), si bien que s’est créé un réseau universitaire de solidarité afin de pallier cet effet de la désastreuse politique Merkel-Juncker-Hollande-Lagarde-Tsipras. Un réseau informel, sans crédits affectés, nous expliqua le sismologue suisse car, ajouta-t-il, lorsqu’on demande à Bruxelles, on nous répond que c’est aux Grecs d’assumer le financement. De sorte que ces missions se montent en raclant les crédits inutilisés des fonds de tiroirs et en comptant sur la bonne volonté des scientifiques, sans aucune assurance de pérennité. Ainsi des Américains, nous dit-il encore, se sont-ils chargés de Santorin…

Belle Europe en vérité ! Qui sacrifie la surveillance scientifique et la sécurité des populations à d’imbéciles et criminelles logiques financières !!! Quand enfin, mettra-t-on enfin à mort le Minotaure bruxellois au service du néo-impérialisme allemand ? Chaque jour davantage, l’Union européenne me fait penser à l’URSS finissante, dictature impotente qui n’a qu’un pouvoir de nuisance et aucune capacité d’action positive. Comme le montre une fois encore la « crise des migrants », dont nous avons pu mesurer l’ampleur, sur le port de Kos, au début de septembre en débarquant du ferry avant d’aller reprendre le bateau pour Nisyros. Le FMI et ses imbéciles politiques d’ajustement structurel ont détruit les services publics et toute crédibilité résiduelle de l’État en Afrique, le libre-échange a détruit l’économie malienne reposant sur le coton, ouvrant la voie à l’effondrement du pays, Bush a détruit l’État irakien, enclenchant le processus de désintégration du Proche-Orient dont Daesh est le résultat, Cameron et Sarkozy on détruit l’État libyen, et maintenant nous pleurnichons sur les pauvres réfugiés produits par ces politiques désastreuses. Tout en laissant l’aveugle Allemagne et son bras armé de l’UE détruire la Grèce, pièce à pièce, jour après jour, afin de satisfaire le rapport psychiatrique du peuple allemand à la monnaie. Puis nous pleurnicherons lorsque nous aurons à assumer les conséquences tragiques de la destruction en cours de la Grèce…

Pour ce qui est de Nisyros, elle reste à l’écart, pour l’instant, de ce tragique flux des réfugiés. Située en face de la très longue et déserte presqu’île de Cnide, elle ne constitue pas, pour l’heure, un point d’arrivée, parce que l’accès est trop difficile aux points d’embarquement proches de nos côtes.

Quant au sismologue, il nous expliqua que la situation du volcan était, elle, moins rassurante. Nisyros est un volcan explosif, et sa chambre magmatique s’étend sous la mer jusqu’à mi-distance entre Nisyros et Kos. Dans ce type de volcan, poursuivit-il – ravivant quelques souvenirs du prof d’histoire-géo que je fus –, le « bouchon » saute, comme celui d’une bouteille de vin de Champagne, si la pression devient trop forte, libérant une nuée ardente. Notre bouchon, c’est le Diavatis, couronné par la chapelle du Prophitis Ilias qui a donné sa couverture à l’édition de poche de mon Plongeon.

Dans ce type de volcanisme, il vaut mieux, précisa-t-il encore, que des ajustements se fassent progressivement, qu’il y ait régulièrement des tremblement de terre par exemple, afin de libérer une partie des pressions souterraines. Ce fut le cas en 1997, lorsque je vins m’installer pour deux ans à Nikeia : un tremblement de terre par jour au moins pendant un mois… Puis, pendant des années, il y eut effectivement de petits séismes à intervalles plus ou moins rapprochés. Mais plus grand-chose depuis plusieurs années. En 2005, nous dit-il encore, le plancher de la caldeira s’éleva de dix centimètres et un an, puis s’abaissa d’autant l’année suivante, sans qu’aucune explication concluante ait pu être avancée. Bref, conclut-il, « moi, je n’achèterais pas une maison ici… mais n’ayez pas peur, s’il se passe quelque chose, on devrait avoir le temps d’évacuer. »

Je n’ai jamais eu peu de Polyvotis (c’est le nom du Titan qui se trouve sous Nisyros depuis que Poséidon a arraché un morceau de Kos et l’a enseveli dessous), durant nos vingt-deux ans de fréquentation réciproque ; je ne vais pas commencer aujourd’hui. Lorsqu’on choisit de s’établir dans sur ce genre de terre instable, on sait que cela peut finir – presque – à tout moment. Nous nous somme seulement dit, Frédéric et moi, que cette année était décidément curieuse.

Curieuses aussi, les élections de demain. Curieuse la campagne. Pourquoi faire encore une campagne et des élections, puisque, par la grâce de Tsipras, le Parlement et le gouvernement grecs n’ont plus de prise sur une politique déterminée à Berlin et à Bruxelles ? C’est la question à laquelle répondrons beaucoup de Grecs en refusant d’aller voter. Transformé en gendre idéal de Merkel, le faux ex-rebelle Tsipras a répété sur tous les tons qu’il avait résisté tant qu’il avait pu – et que c’est cela la dignité sur laquelle il s’était fait élire en janvier. Et puis il a encore expliqué, de sa voix mâle, que, au cours de la nuit d’horreur de Bruxelles, il lui a bien fallu passer sous la table, lui et la dignité du peuple grec, puisqu’il n’y avait pas d’autre solution. Et d’ajouter encore que, en bon syndic de faillite, qu’il est tout de même plus sympa que les autres. Puissant argument. Non moins puissant que les trois seuls autres de sa campagne : on a accepté l’inacceptable parce que cela aurait été pire que si on l’avait refusé ; on va réformer la société grecque (mais comment donc ! en déflation qui va tragiquement s’aggraver du fait du mémorandum III, avec les nouvelles coupures qu’imposeront les créditeurs dès qu’il sera évident que la déflation provoque une baisse des recettes fiscales prévues…) ; et puis on va bien finir par la « réformer » cette Europe ! Ben voyons…

On est en réalité « sidéré » par le vide « sidéral » de la pensée de cette gauche soi-disant radicale. Ils n’ont rien appris ni rien compris des six mois durant lesquels ils ont pourtant vu de près la réalité – irréformable – de cette Europe et de cet euro par lesquels le peuple grec étouffe, crève, est privé de toute souveraineté, par lesquels sa démocratie agonise sous l’effet du coup d’État permanent européen. Ils se disent de gauche radicale ; mais, pour l’euro, ils sont candidats à appliquer une politique de droite plus dure, plus cruelle, plus destructrice que celle du gouvernement de droite qu’ils ont remplacé en janvier. Ils savent que la politique qu’ils veulent mener ne mène nulle part qu’à la catastrophe, à plus de misère, plus de chômage, plus de faillites, plus de morts ; mais ils veulent avoir le déshonneur de la conduire.

La « maladie européenne » a cela d’étrange que le virus mortel qu’elle est, a réussi à se faire passer pour le médicament.

Ou bien alors, comme beaucoup le disent ici, ils sont « achetés », ils sont les instruments conscients des forces qu’ils servent, ils ont mimé la résistance alors que les forces du système étaient discréditées, à l’agonie, mais ils n’ont jamais eu la moindre intention de changer quoi que ce soit au système, juste de prendre la place des autres. Cynisme ou incapacité à penser ce qu’est l’Europe, en réalité et non en fantasmes ? Je n’ai toujours pas tranché.

En face, la nouvelle pasionaria du PASOK a éructé ses insignifiances avec beaucoup de vulgarité après s’être allié à l’insignifiant Kouvélis de la Gauche démocratique qui, un temps, avait déjà joué les supplétifs du gouvernement Samaras-Vénizélos. Potami, le parti de Bruxelles et des oligarques des médias, a déroulé la rhétorique bruxello-berlinoise qu’il est payé pour dérouler, l’opération consistant à créer une roue de secours au gouvernement droite-PASOK avait échoué en janvier dernier ; elle pourrait bien réussir en septembre. Aube dorée, sûre de récupérer plus que ne lui accorde les sondages des médias oligarcho-bruxellois, l’a joué plutôt profil bas. L’afflux des réfugiés, un gouvernement totalement dépassé et une fois de plus privé de toute « solidarité européenne » autre que verbale, font son jeu. De même que la faillite des Grecs indépendants, partenaires de coalition de Syriza, qui avaient quitté la Nouvelle Démocratie sur le thème de la souveraineté et du patriotisme bafoués par les mémorandums I et II et qui ont avalisé le mémorandum III. Hier soir, Kaménos, d’une voix fatiguée, tentait d’expliquer aux électeurs qui lui ont fait confiance que ce mémorandum III est patriotique et qu’ils ne doivent pas partir vers Aube dorée… Avec quel résultat ??? Le tribun ne semblait pas seulement fatigué, il paraissait aussi vaguement pathétique.

La vraie surprise de cette campagne vient en réalité de la Nouvelle Démocratie. Avec son air de « viens-y si t’es un homme ! », le nouveau leader de la droite a redonné un inattendu regain de vigueur à la vieille maison vermoulue des clans ennemis Karamanlis-Mitsotakis-Samaras. Rien de neuf au fond, le discours de collaboration est le même que celui du croque-mort Samaras, mais Meïmarakis a mis dans cette campagne quelque chose de voyou qui va sans doute permettre à la ND de limiter les dégâts, voire de reprendre du poil de la bête. L’amusant, c’est que le bonhomme a toujours été un second couteau qui n’avait pas la moindre chance de jouer les premiers rôles. Il est en somme la créature de… Tsipras. Menacée d’explosion après le désastre référendaire, la ND s’est choisie, comme chef provisoire, en attendant le congrès où les clans devaient régler leurs comptes au couteau et dans le sang, le type qui ne gênerait personne et que chacun était certain de pouvoir « mener par le bout du nez ». Manque de bol ! Les élections précipitées font de ce leader par défaut un Premier ministre potentiel ! S’il le devient, jamais l’expression « gouvernement de rencontre » n’aura été plus justifiée… depuis Vichy.

Car les sondages du système donnent Syriza et la ND au coude à coude. Peu importe au demeurant puisque la politique sera identique. Il faut juste constater que, lorsque Tsipras a pensé qu’il suffirait de créer un semblant de rapport de forces, sans préparer l’inévitable sortie de l’euro si l’on voulait ne pas céder, pour obtenir des concessions de l’UE, il s’est trompé. Et que lorsque Tsipras a sans doute pensé que les Grecs auraient peur d’une sortie de l’euro et voteraient Oui au référendum, ce qui lui permettrait de signer le mémorandum III sans en porter la responsabilité, il s’est encore trompé. Il a cru que mimer la résistance suffirait à préserver sa popularité et à lui assurer une facile reconduction avant que les effets désastreux de son mémorandum se fassent trop sentir : nous saurons demain soir s’il s’est trompé ou non. Car les Grecs ne sont pas dupes, ils voulaient en janvier recouvrer vraiment leur dignité, ils voulaient vraiment en juillet rompre avec les logiques euro-allemandes, mortifères, à l’œuvre depuis cinq ans. Tsipras n’étais pas populaire parce qu’il était Tsipras, il était populaire parce qu’il incarnait cette ligne-là. S’il n’incarne qu’un simulacre, il deviendra vite aussi impopulaire que Papandréou ou Samaras.

Ce que je constate pour l’heure, depuis trois semaines et mon retour à Athènes puis à Nisyros après un mois d’août à Paris, c’est que les Grecs ne croient plus en aucune parole politique. La « trahison » de Syriza a provoqué, un profond désabusement – plus que du scepticisme, du dégoût. Le KKE, le vieux parti communiste orthodoxe qui a toujours prôné la sortie de l’OTAN, la sortie de l’euro et de l’UE, tirera probablement quelques marrons de ce feu-là. En refusant toute alliance, notamment avec l’Union populaire (les dissidents de Syriza qui refusent le mémorandum III comme les deux autres, restent sur les positions initiales de Syriza et assument une sortie de l’euro si celle-ci est nécessaire à l’autre politique qu’ils affirment vouloir conduire), le KKE se condamne néanmoins à l’isolement, gelant une fois de plus des voix dont il est très utile à la perpétuation du système qu’elles restent gelées.

Quant à l’Union populaire, il était sans doute illusoire de croire qu’en si peu de temps, elle parviendrait à se structurer, quadriller le pays, organiser une campagne, convaincre. Ici, à Nisyros, le responsable de la section de l’île est passé à l’Union populaire, et ses affiches, celles du KKE, celles de l’EPAM (petit parti de gauche anti-euro) sont les plus visibles – en en voit quelques-unes, malgré tout, de Syriza maintenu, mais d’aucune autre formation. Pour autant, je n’ai pas l’impression – au-delà des sondages – que le discours de l’UP « ait pris ». Lafazanis, Lapavitsas, Konstantopoulou… mais ils étaient avec Tsipras, vous diton : tous dans le même sac ! Je le regrette, mais l’effet dévastateur de la « trahison » Tsipras semble tout oblitérer, aujourd’hui, y compris la crédibilité du discours de ses ex-opposants internes. Et si, dans ce climat de défiance aiguë, l’UP se retrouvait demain entre 5 et 10 %, ce serait déjà beau ! Au demeurant, l’essentiel pour l’UP, aujourd’hui, est bien de prendre date… pour les prochaines élections, une fois que l’échec du mémorandum III sera patent.

En attendant, les élections de demain, si l’on veut se hasarder aux prédictions, verront sans doute une abstention record… Si la ND arrive devant, elle pourra sans doute former un gouvernement avec Potami et le PASOK. Démonstration serait ainsi faite que la gauche, radicale ou non, au pouvoir avec l’euro, dans l’UE, c’est une politique de droite dans l’immédiat et le retour de la droite assurés dans les délais les plus brefs. Si Syriza arrive premier, il est peu probable que son avance lui permette de gouverner seul ou avec les Grecs indépendants – si ceux-ci parviennent à ne pas être éliminés de la Vouli. Il faudra donc alors nouer d’autres alliances. Avec le Pasok ? Tsipras a dit qu’il ne l’excluait pas si le PASOK se débarrassait de ses têtes les plus compromettantes. Avec Potami ? Ce serait une nouvelle et importante victoire de Berlin et Bruxelles. Avec la ND : c’est sans doute encore… un peu tôt. Mais si, comme cela est fort possible, sinon probable, la chambre issue des élections de demain est ingouvernable, il n’est nullement à exclure que cette grande coalition des mémorandaires pro-européens advienne après les élections de… novembre ? Pour combien de temps ?

La seule chose certaine, c’est que la politique germano-bruxelloise a plongé la Grèce dans une inextricable, tragique et dangereuse crise politique, aux conséquences aujourd’hui impossibles à évaluer, en plus des crises financière, économique, sociale, humanitaire. Car si la politique actuelle continue, sans qu’une alternative n’émerge à la poursuite de la catastrophe germano-européenne, il se passera la même chose qu’à Nisyros si les tensions internes ne viennent pas à être atténuer par des tremblements de terre d’ajustement. Dans les années 1930, la même déflation imposée à la Grèce aujourd’hui par Merkel, Juncker, Lagarde, Hollande, Tsipras et consort, a débouché sur le New Deal aux États-Unis, sur le succès massif et fulgurant des nazis en Allemagne, sur la victoire du Front populaire en France, sur des dictatures fascistoïdes dans beaucoup de pays du Sud-Est européen dont la Grèce. Plutôt que de pleurnicher sur ce que seront les conséquences des politiques euro-allemandes à l’œuvre en Grèce depuis cinq ans, il conviendra de se rappeler qui sont les responsables… à l’heure des comptes.

Mais ce septembre nisyriote fut aussi plein de moments d'intenses bonheurs celui - d'être ici, avec Frédéric -, celui d'avoir retrouvé des amis, Tomas et Ornella, de passage au début de ce mois. Tomas et Ornella étaient parmi mes plus proches voisins, à Nikeia, où j'ai habité de 1997 à 1999 et où j'ai fini d'écrire Le Plongeon, où j'ai écrit en totalité Le Château du silence. Ornella est italienne et enseigne maintenant le yoga ; Tomas est un peintre anglais de grand talent - il a fait le portrait de Frédéric, et il a fait aussi le mien, qui figure en couverture de ce site. Cette expérience de pause devant un regard qui vous scrute, qui cherche votre vérité dans l'apparence est une expérience forte que j'ai transposée dans Le Château. Cette expérience, d'autres durant ces deux ans de voisinage ont lié une profonde amitié... mais nous ne nous étions plus vus depuis douze ans... Tom et Ornella sont partis s'installer à Andros, nous nous sommes accrochés à Nisyros... Leur retour ici, pour quelques jours a été une grande joie - celles de retrouvailles où l'on renoue comme si l'on s'était quittés le mois dernier, comme si le temps n'avait pas passé, sans fausse note, sans malentendus, sans décalage... Ensemble nous avons partagé de précieux moments, une soirée de panilliri à Emborio, nous avons dansé avec les villageois, nous avons constaté avec bonheur que nous étions d'accord aussi sur l'analyse de la situation en Grèce, ce pays que nous aimons tant et où eux, vivent presque sans interruption depuis plus de vingt ans.

L'autre intense bonheur de ce septembre c'est d'avoir profité à plein de la mer - si douce. La chaleur nous a empêché de faire nos balades habituelles de fin d'été ; nous ne sous en sommes que baignés davantage. Avec de longues explorations masque au visage et palme aux pieds. Le petit port d'Avlaki, sous Nikiea, est une espèce d'aquarium où l'on croise toutes sortes de poissons... avec quelques nouveaux venus - de mer Rouge par Suez, nous dit-on - en forme de flûte et avec un bec se terminant en pavillon de trompette. Surtout, un jour, j'ai suivi pendant cinq bonne minutes une superbe murène, violette piquetée de jaune vif. D'ordinaire, ces beaux mais peu avenants animaux ne sont visibles, que dans le creux d'un rocher d'où ne sort, de temps à autre qu'une gueule menaçante. Mais cette murène-là, ce jour-là, était en balade, ruban de soie violette et jaune ondulant au ras du fond...

mercredi 9 septembre 2015

De Nisyros...

Juste un mot, pour dire qu'entre les chèvres qui rôdent la nuit autour de la maison (elles ont moins à manger qu'en juin-juillet hors du village !), d'où un sommeil - le nôtre - parfois agité, et le mélange - potentiellement explosif - de colère et de refus de croire encore à quelque chose ou à quelqu'un... l'entretien que j'ai donné au site hors-série avant notre départ de Paris est en ligne.

mardi 1 septembre 2015

A propos de l'Appel de Gabriel Colettis

D'Athènes, où je suis depuis quelques jours, et où toutes mes rencontres concourent à me conforter dans mes impressions :

- l'effet du mémorandum Tsipras, ses dispositions fiscales criminelles (hausses d'impôts, paiement exigés en avance pour l'année prochaine sur la base des chiffres d'affaire de l'année précédente...), arrivant sur une économie ravagée et une société martyrisée depuis 5 ans vont avoir des conséquences tragiques et sans doute une nouvelle vague de faillites, sans précédent, et d'émigration...

- les élections auront lieu dans un climat délétère de désillusion totale à l'égard de Tsipras et des tsipriotes contre qui monte une colère sourde, d'absence de crédibilité de toute parole politique après les catastrophes enchaîne depuis le référendum, d'absence de toute alternative, de rancoeur proche de la haine contre ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe, sans doute avec une abstention record qui verra les électorats les plus mobilisés faire des scores probablement inattendus...

Dans ce contexte donc, je reçois ce matin cette mise au point de Gabriel Colettis sur l'Appel que j'ai publié sur ce blog il y a quelques jours... Si vous-même l'avez relayé et si vous le pouvez, merci de noter et de signaler que les signatures sont désormais à donner sur l'adresse du site suivant :

http://unavenirpourlagrece.com/

et plus à l'adresse personnelle de Gabriel Colettis. Ci-après son message...

"Chers Amis,



Vous avez bien voulu signer l'Appel « Un Avenir pour la Grèce » et aussi relayer cet Appel sur vos réseaux. Puis-je vous demander un service supplémentaire pour le futur ? Si vous continuez de diffuser cet Appel, ou si cet appel est encore sur votre blog ou votre site, pourriez-vous inviter les personnes concernées à le signer, non plus en m'envoyant un mail, mais en allant sur le site qui a été construit pour recevoir les signatures ? Pour cela, pouvez-vous SVP supprimer la partie en fin d'appel indiquant d'écrire à mon adresse, et la remplacer par l'adresse du site, ou bien remplacer le texte par celui que je vous joins en attaché (modifié dans ce sens).

Voici le lien vers le site : http://unavenirpourlagrece.com/



La raison de ma demande est que je ne parviens plus à traiter « manuellement » les très nombreuses signatures que je reçois. Je vous prie de bien vouloir excuser ce défaut d'appréciation de l'écho rencontré par l'Appel, largement sous-estimé et tant mieux !



Merci beaucoup de votre soutien très précieux et qui a déjà fait la preuve de son efficacité. Bien à vous



Gabriel"