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jeudi 27 novembre 2008

Thanksgiving

A la Maison blanche, pour terminer en beauté ses deux mandats, George W. Bush, l'idole et modèle de notre Sarko national, a gracié deux dindes au lieu d'une - elles s'appellent Pumpkin et Pecan. Elles ont immédiatement pris l'avion pour aller participer à la grande parade de Disneyland.

A Wasilla, Sarah Palin, la Boutin d'Alaska, a gracié une dinde dont on ignore le nom, pendant que, à l'arrière plan, un brave moustachu passait ses congénères (de la dinde, pas de Sarah) dans un de ces écorche-poulets si chers à Boris Vian.

A Paris, rue de Solférino, Martine Aubry a gracié une dinde dont le nom a été tenu secret - on ne sait pas encore si la rescapée participera à la grande parade d'Eurosarkoland.

mercredi 26 novembre 2008

Qu'est-ce qu'elle a fait ?

la grande catholique Boutin, qui prenait d'assaut la tribune de l'Assemblée, Bible en main, afin de pourfendre les ignobles destructeurs de la famille chrétienne qui voulaient imposer leur Pacs infâme à la fille aînée de l'Eglise...

qu'est-ce qu'elle a fait depuis un an, la généreuse et catholique Christine qui pourfendait, avant d'entrer au gouvernement où siège melle Dati (vous savez cette péronnelle toujours si bien sapée, qui porte des bagues hors de prix que Le Figaro gomme, comme au bon temps du camarade Enver Hodja, parce que ça fait tout de même désordre en temps de crise, surtout quand on règne sur des prisons déshonorantes où les gens se suicident par dizaines), l'état scandaleux de nos prisons...

qu'est-ce qu'elle a fait la grande, généreuse et catholique Boutin, depuis les derniers grands froids, pour que les pauvres, aimés du Seigneur, ne crèvent plus la gueule ouverte aux prochains grands froids ?

Qu'est-ce qu'elle a fait ?

Rien.

Mais rassurez-vous, maintenant elle envisage de les enfermer de force, les pauvres aimés du Seigneur, pendant la durée de l'hiver.

C'est Foucault - non ? - qui, il y a quelques décennies, du temps où le libéralisme, la finance, la déréglementation, Sarko, l'Europe et le libre-échange n'avaient pas encore apporté avec eux la félicité universelle, un temps où personne ne crevait plus depuis longtemps la gueule ouverte dans les rues de France, Foucault qui avait écrit quelque chose sur le "grand enfermement" des pauvres à l'âge classique, cet âge d'or du catholicisme boutinien au pouvoir...

Boutin - tiens ! un nom que j'avais oublié, par mégarde, dans la liste du précédent message : quand on vous le dit que l'arrivée des femmes en politique va tout changer, qu'elles apportent plus de proximité, plus d'humanité. Boutin de Boutin !!!

mardi 25 novembre 2008

Depuis dimanche, y'en a un qui rigole

Pathétique et navrant, la pantalonnade à laquelle nous assistons depuis la nuit de samedi à dimanche ne fait évidemment le jeu que d'un seul.

Si Royal, qui a perdu une élection présidentielle imperdable, et Aubry ne s'en rendent pas compte, c'est que comme tout le théâtre d'ombres auquel elles appartiennent, comme tous les lilliputiens qui le peuplent, tous issus du même milieu, avec les même pratiques, le même projet libéral-européen et libre-échangiste, elles ont définitivement perdu tout contact avec la réalité... et toute légitimité.

Mais ça, cela fait longtemps. Depuis que s'est imposée l'idée d'une "classe politique", soi-disant spécialistes et détenteurs de la chose publique qui font carrière, se servent au lieu de servir, n'ont d'autre horizon que de conquérir le pouvoir et de s'y perpétuer - de continuer à vivre sur la bête.

A Athènes, la formation du citoyen visait à ce que chacun à son tour soit capable de participer à la direction des affaires publiques ; à Athènes, chaque magistrat sortant de charge devait rendre des comptes, obtenir quitus pour sa gestion. Le référendum voulu par de Gaulle et que le quinquennat sec, imposé de concert par toute la "classe politique", rend quasi impossible, partait du même principe - ce référendum dont Sarkozy et les socialistes, dans le cas du "non" au traité constitutionnel européen, se sont entendus pour passer par pertes et profits en ratifiant par voie nomenklaturiste et parlementaire, au terme d'un véritable coup de force contre la volonté exprimée par le peuple, la copie conforme du traité rejeté par le suffrage universel. L'obligation, inscrite dans la Constitution de 1958, pour un ministre viré ou démissionnaire de repasser devant le peuple avant de retrouver, éventuellement, un siège de parlementaire puisait à la même source.

Ce dont le pays a besoin, aujourd'hui, ce n'est pas de réformes en trompe-l'oeil, comme celles qu'a générées la commission Balladur et qui diminuent encore le poids du suffrage universel - par exemple en dispensant les ministres sortis de charge de repasser par la case élection, afin qu'ils retrouvent automatiquement leur siège de parlementaire-nomenklaturiste, c'est de plus de démocratie directe, de moins de concentration des pouvoirs entre les mains de soi-disant représentants du peuple qui ne sont, de plus en plus, comme le montre si bien la pantalonnade du PS, que les représentants d'eux-mêmes, d'une classe privilégiée et autiste.

Les partis français sont vermoulus, inefficaces, stériles comme l'étaient ceux de 1958. Ce pays a besoin d'un grand courant d'air qui balaye le personnel politique - d'une rare médiocrité - et les structures partisanes actuels. Il a besoin que le débat politique se restructure enfin, non autour de faux clivages et d'ambitions personnelles, mais autour des véritables questions qui se posent aujourd'hui à notre société :

- la construction européenne, telle qu'elle s'est stratifiée depuis les années 50, en excluant les peuples, en ignorant leur volonté et en prenant le libéralisme économique comme alpha et oméga doit-elle continuer sur cette aire ?

- faut-il poursuivre la destruction systématique de l'Etat providence et du droit du travail, démanteler tout ce qui apporte de la sécurité aux salariés pour enrichir toujours plus un nombre toujours plus restreint d'individus qui disposent à la tête de la République, et dans tous les partis dits de gouvernement, des mêmes fondés de pouvoir qui nous répètent en boucle qu'il n'est pas d'autre solution que de se plier aux contraintes de l'époque ?

- faut-il toujours plus de libre-échange, qui fait des salaires la seule variable d'ajustement et génère une redistribution massive en faveur du capital et au détriment du travail ?

Le reste, les chamailleries de Mmes Royal et Aubry au premier chef, n'est que pantalonnade, sans plus de sens que de portée, sinon celle de faire de Caligula un président à vie.

Le deuxième enseignement de cette pantalonnade, c'est que les femmes politiques ne sont en rien différentes des hommes politiques, que ce qui est prégnant ce sont les tares du système dans lequel elles ou ils se meuvent. Ce dont je n'ai, pour ma part, jamais douté.

Golda Meir et Indira Gandhi, Thatcher ou Merkel, Allbright et Rice, Cresson ou Dati, Royal et Aubry : aucune n'agit différemment parce qu'elle est femme.

jeudi 20 novembre 2008

Gérard m'a fait deux plaisirs

Gérard, c'est ce garçon qui m'a dit un jour au téléphone, alors que je venais de lire sa critique sur le site handigay, que L'Or d'Alexandre était ce qui lui était arrivé de mieux depuis qu'un syndrome de Guillain Barret (le même qui touche Mouse dans Les Chroniques de San Francisco, que Gérard lisait justement lorsque Guillain Barré lui est tombé dessus) l'avait cloué sur un lit, avait failli le tuer, et l'avait privé en partie de l'usage de ses membres. Mouse lui a tout récupéré, pas Gérard.

Gérard, c'est ce garçon qui, grâce à Bernard, son mec qui a continué de l'aimer pendant et après comme avant, son mec qui l'a accompagné, jour après jour, qui l'aime et l'accompagne, comme le Stef de L'Or a continué à aimer et accompagner Philippe, ce garçon qui, avec son Bernard, a retrouvé le goût de la vie, a su trouver le courage de reconquérir, pas après pas, tout ce qu'il pouvait reconquérir - aussi parce qu'il a pu puiser dans la force que lui donnait le fait d'être deux.

Gérard c'est ce garçon qui a ajouté que ce livre contribuait aujourd'hui à lui donner envie de continuer à vivre et à avancer.

Gérard c'est ce garçon qui s'est pacsé sur un trottoir avec son Bernard, parce que, dans ce pays, on proclame des droits, on vote des lois, et puis on continue comme avant, en se foutant comme d'une guigne des moyens à mettre en oeuvre pour faire que les droits qu'on a proclamés acquièrent une véritable substance, que ceux à qui on les a reconnus puissent effectivement en jouir.

Gérard m'a fait une première grande joie quand, après le festival du livre de Mouans-Sartoux, le mois dernier, je suis allé le voir au centre héliomarin de Vallauris. Comme je lui avais dit que j'envisageais de faire de Philippe et Stéphane, les héros de L'Or, des personnages récurrents, il m'avait obtenu l'autorisation de visiter le centre, de rencontrer des patients, des toubibs, des kinés, des ergothérapeutes.

J'ai passé une journée avec lui, là-bas ; il a subi récemment une opération du pied qui devrait, qui va - j'en suis sûr, avec la volonté qu'il a, ça ne peut pas être autrement -, lui permettre de gagner en autonomie, parce que son pied restera bien à plat lorsqu'il le posera à terre. Et quand j'en suis reparti... je me suis tâté un peu de partout, pour m'assurer que tout fonctionnait bien. On ressort changé même quand on ressort sur ses deux pieds de cet endroit-là. On ressort bouleversé, remué. Baba devant le boulot des soignants, le courage des patients. Mort de trouille devant ce qui peut nous arriver à tous demain. Indigné par la manière dont on a laissé des locaux se dégrader, par la médiocrité de la cuisine qu'on inflige, en plus de ce qu'ils ont à surmonter, aux patients qui, au moins, devraient pouvoir jouir de tout ce qui peut leur procurer du plaisir, par ce qu'on comprend du manque de personnel, de la manière dont tout le monde est obligé de travailler aux limites de ce qui est possible à chacun.

Alors que des milliards se déversent pour sauver une économie financiarisée après que, au terme de trente ans de déréglementation et de politique européenne exclusivement orientée vers le profit de quelques-uns, cette économie nous pousse un peu plus chaque jour vers le gouffre où les plus faibles, les plus fragiles tomberont les premiers.

Bref, cette journée-là fut une de celles qui comptent dans la vie d'un homme. Et au milieu de cette journée, Gérard m'a fait un incroyable cadeau. Lorsque je suis arrivé, après le déjeuner que j'avais partagé avec les toubibs, pour le retrouver dans sa salle d'ergothérapie, je l'ai trouvé en train de couper à la pince des petits morceaux de céramique, qu'il collait ensuite pour composer une mosaïque.

Et sa mosaïque représentait...

... le plongeur de Paestum, que j'avais devant les yeux, à Nisyros, en écrivant Le Plongeon ; que nous avions choisi, avec H&O, pour mettre en couverture de la première édition du Plongeon.

Je ne peux pas vous dire ce que ça m'a fait. A peu près la même chose que lorsqu'il m'avait dit que L'Or l'aidait à continuer à vivre... Un moment de grâce et d'intense émotion en même temps.

Imaginez que, jusqu'à ce que je relise les épreuves de la réédition en poche de ce roman, j'avais oublié qu'un des personnages, déjà, y perdait ses jambes en moto. Ca doit me travailler au fond de moi depuis longtemps, finalement, cette histoire de handicap.

Voilà, comme Gérard vient de finir sa mosaïque et qu'il vient de m'envoyer ces photos, voilà la raison de ce billet.

Voilà, c'est bien lorsque des livres qu'on a écrits avec son coeur, non seulement rencontrent des lecteurs, mais qu'ils débouchent sur des rencontres humaines, nouent de vraies amitiés. Régine, Martial et Pierre, Charles-Louis, Michel, Alain, Eric et Cédric, Jean-Louis, Philippe-Jean, Benoît et Sébastien, et maintenant Gérard... sans oublier Henri et Olivier, mes deux éditeurs que j'aime et que j'estime, c'est pas si mal en dix ans d'écriture !

Voilà, et comme Gérard connaît mes travers, il m'a envoyé hier ce texte qui m'a lui aussi procuré un plaisir - sans rapport bien sûr, juste un petit coup de jubilation, qui fait que je ne résiste pas à vous le livrer... in cauda venenum !

"Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l'Europe peut-être.

"Seulement voilà, il a pris la France et n'en sait rien faire.

"Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité.

"C'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.

"L'homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux.

"Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir.

"Il a pour lui l'argent, l'agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse.

"Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on le trouve énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve pas quelque surprise.

"On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la bafoue !

"Triste spectacle que celui du galop, à travers l'absurde, d'un homme médiocre..."

Mais de qui peut-il bien s'agir, sacrebleu ?

Mais de Napoléon, le petit, bien sûr, vu par le grand Victor. Allez, allez ! ne me dites pas que aviez pensé à quelqu'un d'autre, je ne vous croirai pas !

Merci Gérard.

jeudi 13 novembre 2008

Big brother Darcos

J'écrivais hier dans ce blog que Caligula-Sarko "menace dès qu'il le peut les libertés publiques" : Edvige, rétroactivité de la loi pénale, arbitraire en matière d'expulsions érigé en règle, renvoi décidé à l'Elysée de tel patron de presse ou de tel journaliste condamnés pour impertinence par l'ombrageux souverain... les exemples ne manquent pas, sans même parler du démontage systématique de la protection sociale qui est partie intégrante de notre modèle démocratique, et devraient alarmer dans une démocratie saine encore dotée d'anticorps.

Ce n'est hélas que trop peu le cas, et les défenses immunitaires contre le populo-sarko-médiautoritarisme me semblent affaiblies d'une manière alarmante.

J'espère avoir tort, et que, à l'occasion d'un de ces coups de scalpel dont il est coutumier, juste pour voir si le corps social réagit encore aux attaques extérieures ou s'il est parfaitement anesthésié, ce corps social va se réveiller pour de bon et envoyer valser le docteur Frankenstein et tous ses assistants.

En attendant, j'ai entendu hier, médusé, au répondeur de l'excellentissime "Là bas si je suis" de Mermet, une nouvelle hallucinante révélée par l'excellentissime site Rue 89 (deux anticorps qui restent vivaces, heureusement). Une nouvelle sur une nouvelle atteinte à l'une des plus fondamentales des libertés publiques fondamentales.

Le sieur Darcos, ci-devant ministre de l'Education nationale, celui qui juge qu'il y a trop de profs devant les élèves, celui qui considère que les instits de maternelle sont là pour changer les couches et qu'on pourrait les remplacer avantageusement pour les finances de son ministère par des dames de service (comme c'est déjà le cas, à l'hôpital, pour les infirmières par des aides soignantes et pour les aides soignantes par des dames de service), ce Darcos-là a lancé un appel d'offre pour payer, à une entreprise privée naturellement, 100 000 euros par an, auxquels s'ajouteront 120 000 euros pris sur le budget de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qui, chacun le sait, se portent si bien en France, où les maîtres de conf à Science po n'ont pas été augmentés d'un centime depuis six ans (j'en sais quelque chose, j'en étais jusqu'à ce que je refuse de continuer à me faire entuber plus longtemps), où la plupart des jeunes chercheurs n'ont ni poste, ni salaire décent, ni matériel, où les labos publics sont réduits à la mendicité, leur patron passant désormais plus de temps à faire des dossiers pour trouver le fric nécessaire à leur survie, qu'à chercher...

Mais dans quel but me direz-vous, cet appel d'offre de 220.000 euros annuels appelés à pleuvoir sur un cabinet d'audit quelconque, comme la manne sur les Hébreux dans le désert ?

Eh bien c'est simple... surveiller les opinions des universitaires et des chercheurs ! On cauchemarde. Non, ce n'est pas l'Italie fasciste des années 1920, la Russie stalinienne, le Portugal salazariste, ni la Roumanie des Ceaucescu où Elena, l'épouse du Danube de la pensée, comme Darcos et Pecresse, attachaient plus d'importance aux opinions des chercheurs qu'à leurs résultats.

Non, cela c'est en 2008 au "pays des Droits de l'homme" où la liberté de pensée et d'opinion a été reconnue en 1789... mais où un tout petit Danube de la pensée est devenu roi... il y a moins de deux ans. Si, si, je vous assure, ça fait moins de deux ans ! ça paraît long, je sais bien ; mais vu le tour que prennent les choses au PS, il est chaque jour plus probable que nous n'en ayons pas fini de si tôt ! Dans quel état en sortiront les faibles, les malades, les vieux, les handis, les gays anormaux et inférieurs non insultés ni par Vanneste ni par Longuet, les chercheurs, les universitaires, les classes moyennes, la République et la démocratie, ça c'est une autre histoire !

Le peuple doit combattre pour la loi comme pour ses murailles, disait jadis Héraclite d'Ephèse. Il serait peut-être temps que le peuple français se réveille et se mette à combattre pour ses libertés comme il combattrait à ses frontières face à un envahisseur. Avant qu'il ne soit trop tard.

mercredi 12 novembre 2008

Un beau pays

La Cour de cassation vient d'annuler la condamnation du sieur Vanneste pour injures homophobes : il n'est donc pas homophobe de prétendre que l'homosexualité est une menace pour l'humanité, qu'elle est inférieure à l'hétérosexualité, que nos comportements sont moralement inférieurs à ceux des hétéros, que les pédés sont anormaux, nocifs à la société.

Voilà qui me rassure et qui me donne confiance en la justice de mon pays ! Pour la Cour, de tels propos "ne dépasse(nt) pas les limites de la liberté d'expression". Et l'avocat du sieur Vanneste de relever qu'il s'agit là d'une grande victoire de la liberté d'expression. Qu'est-ce qu'il disait donc de différent, au juste, là-dessus, le chancelier Hitler ? et la Cour de cassation aurait-elle aussi défendu sa liberté d'expression sur le sujet, une liberté d'expression qui a conduit les homosexuels qui refusaient d'être inhibés à se faire rééduquer en camp ? Avec un triangle rose sur la poitrine.

Et pendant ce temps-là, le sénateur Longuet (UMP, tendance ex-Occident) assimile allègrement homosexualité et pédophilie (merci pour l'info, Alain). Encore un qui profite de la liberté d'expression pour laquelle la Cour de cassation combat sans relâche. On fait des progrès tous les jours dans notre beau pays. Alléluia !

Hier soir, les journalistes de France 2, qui n'ont sans doute aucun souvenir, ni des manipulations policières dans l'Italie des années de plomb, ni des Irlandais de Vincennes inventés par les super-gendarmes de Mitterrand, annoncent l'arrestation des coupables des attentats contre la SNCF et du "chef du commando". Vous m'avez bien lu, pas des présumés ou soupçonnés coupables. Le démantèlement à très grande vitesse du terrorisme feroviairo-corrézien annoncé urbi et orbi par la dame qui achète ses châles chez le même fournisseur que le président afghan, ne fait pas naître le moindre germe de doute dans le cerveau d'un journaliste de télé-Sarko. Je ne sais pas s'ils sont coupables ou non ; je trouve juste cette affaire bizarre. Combien faudra-t-il d'Irlandais de Vincennes et autre annonce de l'arrestation des responsables de la profanation du cimetière juif de Carpentras pour que les journalistes adoptent ne serait-ce que l'ébauche d'un début de circonspection à l'égard d'une information policière qui tombe à pic, et l'ébauche d'un début de respect de la présomption d'innocence ?

Peu importe qu'aujourd'hui, alors que pourtant les membres du redoutable commando de l'épicerie corrézienne sont en garde à vue, un autre attentat ait lieu sur les voies et que, déjà, les enquêteurs... avouent ne disposer d'aucune preuve matérielle. En un temps record, la police de notre beau pays, en cagoule, a arrêté de dangereux ultra-gauchistes qui avaient trouvé refuge au coeur de la Chiraquie (d'ici à ce qu'on nous apprenne que Jacques et Bernadette sont de dangereux anars planqués... ) honnie par le maître de Neuilly. Alléluia !

Sarkozy s'attaque aux retraites, réduit chaque jour un peu plus les humbles à la précarité, aggrave la politique de "modération salariale" qui cache une redistribution de la plus-value au détriment du travail et au profit du capital, redistribution qui est à la vraie racine de la crise actuelle puisque c'est elle qui contraint les salariés à s'endetter pour vivre. Ce grand catholique deux fois divorcé va faire autoriser le travail le dimanche (j'appartiendrais à l'épiscopat, je commencerais à me méfier !), menace les libertés publiques dès qu'il le peut, commet connerie sur connerie sur la scène mondiale et européenne en s'agitant pour faire croire qu'il agit...

Et il monte dans les sondages. Alléluia !

Royal réduit la politique à un théâtre où elle se met en scène, à la manière d'un Le Pen déguisé en gourou retour de son ashram, où le discours varie en fonction du vent. Hier quasiment plus à droite que Bayrou, aujourd'hui presque plus à gauche (dans les mots) que Besancenot. Elle, la Boutin de gauche qui admire la justice chinoise, qui confessait (c'est le mot) que les enfants ne peuvent mentir dans les affaires de pédophilie, qui s'abîme en prière dans les églises, qui susurrait que les profs sont des feignants, a perdu, à force de bourdes et d'inconséquences, une élection imperdable après deux mandats catastrophiques d'un président de droite, en laissant le candidat le plus à droite qu'ait jamais eu la droite, s'emparer du thème du pouvoir d'achat.

Et elle arrive en tête des votes des militants socialistes. Alléluia !

Alléluia ! Alléluia ! Alléluia ! En vérité, je vous le dis mes chères soeurs, en vérité, je vous le dis mes chers frères, nous vivons décidément dans un très très beau pays !!!

mercredi 5 novembre 2008

Obama ? c'est pas pire...

Comme disent nos copains du Québec pour signifier qu'ils ne sont pas mécontents de quelque chose. Je le suis d'autant moins que le souvenir de matins où l'on s'est couché en pensant que Peres ou Kerry seraient élus, pour se réveiller avec Netanyahou ou Bush bis flottait hier soir comme un mauvais rêve.

C'est pas pire d'abord, pour le monde, que nous soyons certains qu'après un accident cardiaque du vieux Mc Cain, ce monde ne se retrouve pas avec la chasseuse de caribou caractérielle et aussi inféodée au lobby pétrolier que l'actuel vice-président Cheney, en charge de décider de la paix et de la guerre avec l'Iran ou la Corée du Nord, un doigt sur la détente nucléaire.

Ca rassure.

C'est pas pire également, parce que la présidence Bush est ainsi désavouée sans appel. Le plus nuisible, le plus idéologue et le plus bête président des Etats-Unis d'Amérique depuis Calvin Coolidge et Hoover est battu par contumace, avec tout ce qu'il représente, le néo-conservatisme, la dérégulation, une conception à la fois cynique brutale et stupide des relations internationales, le mépris pour les droits fondamentaux, la réhabilitation de l'internement administratif (cher à Melle Dati qui nous refait là-dessus un projet de loi présenté aujourd'hui au Conseil des ministres) et de la torture.

Tout cela a été battu à travers Mc Cain. Mais je n'oublie pas que tout cela, les Américains le savaient déjà il y a quatre ans et qu'ils avaient réélu Bush.

Pour le reste, je ne suis pas un obamaniaque. Non que j'aie quoi que ce soit contre ce garçon ; parce que je crois que, dans le système américain (j'entends l'univers mental autant que le système politique et économique), les marges d'action réelles d'un président sont extrêmement étroites. Et que celui qui tenterait de faire bouger significativement les lignes, noir ou pas, serait impitoyablement éliminé.

J'espère avoir tort.

Pour le reste, le symbole est évidemment énorme, et extraordinairement positif. Or, la vie des peuples est faite - aussi ou peut-être avant tout - de symboles. Et puis ce type est presque trait pour trait un anti-Sarkozy, alors forcément, ça me fait plaisir. Un anti-Sarkozy ? à l'évidence.

Pour commencer sa carrière, Obama a choisi l'action sociale dans les banlieues défavorisées de Chicago, puis s'est imposé, par la base, à son parti et à l'establishment ; Sarko n'a jamais rien fait d'autre qu'apparatchik, s'élevant par intrigues et protection jusqu'à la mairie d'un ghetto de riches.

L'un a épousé une femme issue d'un milieu social modeste qui s'est construite par son boulot et sa détermination ; l'autre collectionne les héritières qui lui assurent réseau ou fric.

Obama vient d'être élu par les jeunes et les actifs ; notre Caligula national l'a été par les vieux et les rentiers.

L'un est aussi élégant qu'intello, entouré d'universitaires ; l'autre transpire une vulgarité conjuguée à un mépris de l'intelligence et la culture très berluscono-bushiens, emmène Bigard au Vatican et déplace un responsable policier parce qu'il n'a pas assez bien protégé la villa de son ami Clavier.

Obama pense et réfléchit, gagne en offrant une perspective ; Sarko réagit, toujours dans l'affectif et l'immédiat.

L'un est contre la guerre en Irak ; l'autre est pour et, élu, il n'a eu de cesse d'aller lécher les bottes de ce Bush que personne ne voulait déjà plus voir. Avec quelle utilité ? pour quel résultat ? Comme l'a relevé récemment Jean-François Lisée (directeur exécutif du Centre d'études et de recherches internationales de l'université de Montréal, ancien conseiller diplomatique des premiers ministres indépendantistes du Québec, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard) à propos des récentes déclarations de notre président au Québec, en rupture radicale avec la politique étrangère française depuis le début des années 1960, la diplomatie de Sarkozy est « Un mélange d’impulsivité et d’opinions nourries par ses amis des milieux d’affaires. Une propension à sacrifier les équilibres stratégiques à long terme au profit du gain tactique immédiat. »

Obama semble convaincu de la nécessité d'exercer des pressions sur Israël pour parvenir à une paix durable au Proche-Orient (grands dieux ! faites que Netanyahou ne l'emporte pas aux prochaines élections israéliennes ; pour la première fois depuis la mort de Rabin, on pourrait peut-être avoir avec Tsipi Livni une "femme d'Etat" suffisamment forte pour faire les concessions nécessaires, et un président américain qui la mette dans la situation de ne pouvoir se dérober, de l'aider, par sa pression, face à sa propre opinion...) ; Sarko a aligné la France sur Bush et sur Tel-Aviv, en cachant tout cela derrière le trompe-l'oeil en carton-pâte de son union de la Méditerranée.

L'un semble convaincu de la nécessité d'établir un dialogue direct avec l'Iran ; l'autre, notre Bush, juge cette position... immature : ou comment l'hôpital se fout de la charité !

Obama veut établir un système universel de santé ; Sarko a commencé de le détruire avec les franchises médicales et continue avec la loi sur l'hôpital qu'on va réduire un peu plus à la misère et à la... charité.

L'un veut que l'Etat garantisse les retraites ; l'autre a entrepris de démonter notre système de retraite par tous les bouts : en réduisant les retraités à la précarité, à la gêne ou à la misère pour les contraindre demain à travailler jusqu'à la tombe.

Obama veut mettre fin aux expulsions des propriétaires touchés par le système des subprimes ; Sarko avait fait de l'importation de ces subprimes en France un de ses thèmes majeurs de campagne, et la loi Boutin s'attaque de front au logement locatif social afin de promouvoir l'accession à la propriété, c'est-à-dire qu'elle va encourager l'endettement privé plutôt que de donner à l'Etat les moyens d'assurer à chacun un toit décent à un loyer en rapport avec ses capacités de paiement.

L'un est pour rétablir une véritable progressivité de l'impôt, détruite par Reagan, les Bush et entérinée par Clinton ; l'autre n'a eu de cesse, depuis son arrivée au pouvoir, de prendre aux classes moyennes pour faire des cadeaux fiscaux aux plus riches.

Etc. Autant dire que l'Obamania de l'UMP est une pure et simple escroquerie intellectuelle. La filiation politique de Sarko c'est Reagan et Bush.

Et puis si c'est pas pire c'est aussi que je trouve Barack... beau, séduisant, sexy ; et quitte à paraître léger - un brin pétasse -, cela aussi me fait plaisir.

Ce qui, en revanche, m'assombrit franchement, c'est l'adoption, par référendum, en Californie, de la proposition n° 8. Un noir entre à la Maison Blanche, mais on fait sortir des mairies les gays et les lesbiennes qui avaient obtenu le droit au mariage. Ce matin, il leur a été enlevé, alors que, par référendum également, les Constitutions de Floride et d'Arizona ont été amendées afin d'interdire toute reconnaissance future de ce droit au mariage.

La discrimination sur une base raciste a reçu un sale coup hier, pas la discrimination qui frappe les homosexuels.

samedi 1 novembre 2008

Deux rayons de soleil dans un monde de brutes

Tiens, allez, une confidence : ces temps-ci, je me sens de moins en moins à l'aise avec mon époque.

La connerie ambiante, le mépris pour la culture et l'intelligence, les petits cons qui viennent vous emmerder toute la soirée d'hier à sonner à votre porte parce que la conjuration des imbéciles et des marchands a entrepris d'en faire de petits Américains ;

le fric comme seul étalon universel et le sacrifice sur l'autel du Libre Marché (c'est-à-dire à la loi de la jungle) de l'Etat-providence qui avait assuré au plus grand nombre, en Europe de l'Ouest, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la sécurité, la dignité, le loisir de pouvoir se consacrer à autre chose que le travail et la survie - à la culture, même, si on en avait le goût pervers ;

le parfum rance d'endogamie dans lequel baigne la critique littéraire, laquelle, naturellement, a encensé ce non-roman, tellement caractéristique de la non-littérature française actuelle, qu'est La Meilleure Part des hommes, parce qu'elle parle du Milieu au Milieu, parce qu'elle cause du Sida toujours très porteur pour les hétéros qui croient faire l'aumône aux pédés de s'intéresser à eux (comme pour les pédés qui ne se rendent même pas compte que cette non-littérature-là ne fait que broder sur le vieux motif mal recyclé de la malédiction, reproduire et conforter les plus navrantes idées reçues qui traînent dans le cerveau reptilien de tous les beaufs), un Milieu qui vit dans huit arrondissements parisiens et qui adore qu'on (lui) parle de lui, parce qu'elle est écrite par un normalien, publiée chez Gallimard, alors que la même critique n'ouvrira même pas un livre parlant d'histoires de pédés venant d'un petit éditeur... de province en plus : comment ça ? on pourrait être pédé, éditeur, habiter en province et publier des choses intéressantes, des romanciers qui ne sont ni académiciens ni normaliens et qui n'écrivent ni sur le Sida ni sur le fist fucking ?! Vous voulez rigoler, bien sûr...

la corruption généralisée d'élites prédatrices qui ne se rendent même plus compte qu'elles sont corrompues et qu'elles sont devenues aussi illégitimes que stériles, la débilité consternante du débat intellectuel et politique, BHL ou Glucksmann, Ferry et Julliard, Nicolas Sarkozy et Sarah Palin (on se moque si facilement d'elle, en France, sans même apercevoir à quel point ces deux-là, avec Berlusconi, sont de la même famille et peut-être bien... des précurseurs), les Rolex et la chasse au caribou...

il est vrai que j'ai de plus en plus souvent l'impression d'être né trop tard dans un monde trop vieux, de me fatiguer à combattre contre des moulins à vent alors que la pente sur laquelle nous glissons n'offre aucune aspérité où se raccrocher.

Et puis parfois il y a des moments de grâce.

Louis-Georges Tin est à coup sûr l'un des penseurs de la société contemporaine les plus intéressants. Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, à cause de mes gènes de vieux républicain gaullo-chevénementistes, mais il est toujours pertinent. Il stimule, agace, interroge - ce qui fait, d'abord, l'honneur d'un intellectuel.

Je n'ai pas encore lu son Invention de la culture hétérosexuelle, mais je vais le faire, c'est sûr, peut-être à Nisyros où nous devrions aller passer la fin de l'année. Surtout après ce qu'en a écrit Philippe-Jean Catinchi, un des rares vrais critiques littéraires qui nous restent - une des rares plumes talentueuses et non serves de la corporation - raison pour laquelle, sans doute, on le laisse si peu écrire.

Mais tout-à-l'heure, Frédéric m'a fait lire le papier de Louis-Georges sur les dernières initiatives pontificales, celles qui visent à débusquer l'infâme homosexuel parmi les candidats à la prêtrise. Dans Tout est bien, Roger Stéphane rapporte que Malraux définissait l'intelligence comme "la destruction de la comédie, plus le jugement, plus l'esprit hypothétique". En tout cas, pour ce qui est de la destruction de la comédie, cher Louis-Georges, l'objectif est atteint et la lecture de votre texte a suffi à dissiper ici la grisaille de cette journée un rien cafardeuse !

Mais avant-hier, Alain Pallier, avec qui je partage mon amour immodéré de la Grèce, qui est devenu un ami après qu'il eut rangé Le Plongeon parmi les livres de voyage du Guide du Routard de la Grèce des îles et que je l'en eus remercié, Alain qui est responsable du guide Croatie (en plus des grecs et de quelques autres), un peu par provocation puisqu'il sait combien j'aime le catholicisme militant (à l'occasion génocidaire... voir L'Or d'Alexandre) et furieusement homophobe de nos amis croates, m'a envoyé la photographie d'un fabuleux Grec découvert en Croatie en 1999.

Coup de foudre !

Il s'agit d'un athlète (apoxiomen d'autres photos) qui, après l'exercice à la palestre pour lequel il s'est enduit d'huile et de poussière, racle cette croûte mêlée de sa sueur, à l'heure du bain, après l'effort, à l'aide du petit instrument courbe de métal qu'on appelle un strigile.

Il s'agit surtout d'un chef d'oeuvre.

Et voilà la morale du jour : bien que ce monde soit chaque jour davantage celui des brutes, des Sarkozy, de la bêtise, des Benoît XVI et des Palin, il reste malgré tout les plaisirs de l'intelligence et de la beauté.