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jeudi 24 décembre 2015

Les Grecs contre l'austérité

Je vais m'absenter de ce blog pendant quelque temps... direction Nisyros.

Je vous souhaite donc à tous une bonne fin d'année, en tout cas meilleure que ne le fut 2015. Si riche en déceptions... Il y a un an, nous pensions que, peut-être, dans la dictature euro-allemande qui s'est abattue sur l'Europe depuis Maastricht, le vote d'un peuple martyrisé pourrait faire bouger les choses. Force est de constater qu'il n'en a rien été. Sinon que le coup d'Etat euro-allemand de cet été a sans doute fait prendre conscience à certains de la véritable nature du projet européen : la fin de la démocratie et de l'Etat social.

Avant de partir, permettez-moi cependant de vous recommander une lecture : ''Les Grecs contre l'austérité, Il était une fois la crise de la dette'', paru fin novembre au Temps des Cerises (15 €).

Ce livre collectif a été coordonné par Marie-Laure Coulmin-Koutsaftis, et comporte une importante et précieuse contribution de sa part sur le contenu des imbéciles et criminelles politiques euro-allemandes mises en oeuvre en Grèce depuis cinq ans, sous prétexte d'euro et d'Europe... avec le brillant succès qu'on sait. Il comporte des contributions passionnantes, dont on trouvera le détail dans la table des matières ci-après - mention spéciale au texte de Romaric Godin, bien sûr, dont on ne redira jamais assez le travail journalistique exceptionnel, unique, qu'il a produit sur la Grèce (mais aussi sur le Portugal, l'Espagne, l'Allemagne...), ainsi qu'à celui d' Eric Toussaint, qui anima la commission d'enquête parlementaire grecque sur la dette, créée à l'initiative de l'exceptionnelle présidente du Parlement que fut Zoé Konstantopoulou, une commission dont le premier souci de Syriza post-capitulation fut de faire disparaître toute trace des travaux sur le site du Parlement grec.

Merci enfin à Marie-Laure, d'avoir insisté pour que je contribue à ce volume ; engagé dans d'autres projets d'écriture, j'ai renâclé, mais je suis aujourd'hui très heureux d'avoir écrit cette "fable du boa et du lapin" qui vient en conclusion de ce volume... qui a déjà eu les honneurs du site de France TV info et de ''L'Humanité''.

mercredi 23 décembre 2015

Déchéance de nationalité des binationaux nés en france : encore un débat vide de sens...

Hollande, Taubira, le PS, les frondeurs et la déchéance : l'expertise en matière d'affaires de cornecul de ces gens-là donne décidément une idée de l'infini...

Déchéance... l'année se termine donc sur un mot qui caractérise parfaitement l'état du PS et, au-delà, d'une classe politique globalement faillie. Un mot qui dit parfaitement le théâtre d'ombres, vide de sens, qu'est devenue l'arène politique. On va donc se jeter à la figure d'un côté Vichy, de l'autre un angélisme irresponsable. Tout cela pour une mesure qui ne sert à rien et dont tout le monde sait qu'elle ne sert à rien : en quoi la déchéance de nationalité punirait-elle ou dissuaderait-elle des gens qui se sont retranchés de la communauté nationale, qui ont pris les armes contre elle ? En quoi s'attaquer avec une légèreté confondante, dans la confusion et la précipitation, à un principe qu'on ne devrait toucher que la main tremblante a-t-il une quelconque utilité ?

La seule question qui pourrait être sérieuse est celle de la binationalité, en général, c'est-à-dire de l'appartenance simultanée, de l'allégeance à deux nations quelles qu'elles soient (européennes, américaines, arabes, israélienne...). Cette question-là fut posée par le FLN durant la négociation des accords d'Evian : ou bien les Pieds-Noirs optaient, après un délai, pour la nationalité algérienne, ou bien ils restaient français en Algérie. Je n'ai pas de réponse toute prête à cette question, je ne sais pas s'il est utile de la poser, mais si l'on doit poser la question des binationaux c'est le principe que la loi doit traiter (l'option, ses modalités, les droits et les devoirs qu'elle suppose si on opte pour la nationalité d'un autre pays tout en demeurant en France), pas des cas particuliers.

En réalité, moins d'un mois après des élections qui ont montré, par le niveau de l'abstention, des votes blancs et nuls et du vote FN, le niveau alarmant de la défiance de la nation à l'égard d'un système politique globalement failli (comme c'est le cas en Grèce, en Espagne, en Italie...), la caste politique qui se succède à elle-même en de fausses alternances privées de sens par l'euro, les traités européens qui prédéterminent les politiques économiques et sociales, le néo-impérialisme allemand, déploie l'éternel rideau de fumée des faux débats et des réformes en trompe l'oeil toujours dévoyées de leur utilité première (il y avait besoin d'une réforme des collectivités locales, pas de cette réforme régionale, absurde, bricolée dans le dos du peuple, sans consultation, ni participation, ni même prise en compte du sentiment des populations, pas plus que des recherches des géographes, entre féodaux soucieux de leurs seules prébendes).

Car les vrais problèmes, ce sont aujourd'hui, à l'égard du terrorisme, les moyens matériels et humains des services de renseignement et de la justice antiterroriste, que nos abandons de souveraineté monétaire et budgétaire à l'Europe allemande nous interdisent de porter au niveau nécessaire, ainsi que le démantèlement, au nom de l'Europe, du contrôle de nos frontières physiques qu'il faudrait rebâtir, l'incroyable irresponsabilité de la même Allemagne et de la même Europe à l'égard de la Turquie, notre politique vis-à-vis de l'Arabie saoudite et du Qatar...

Le vrai débat, c'est comment sort-on de l'impuissance politique que la caste politique a organisée sous prétexte d'Europe, c'est-à-dire comment sort-on de ce piège européen mortel pour la démocratie, afin de rebâtir une nation vraiment démocratique, maîtresse de son destin, capable à la fois de redonner l'espoir à ceux qui l'ont perdu et de donner envie de s'assimiler (pas de s'intégrer) à ceux qui aujourd'hui se sont engagés, au nom d'un "idéal", d'un "absolu", dans une dérive folle de haine et de crime, parce que, sous prétexte d'Europe, notre seul idéal est aujourd'hui une monnaie criminelle et imbécile, la concurrence libre et non faussée, un taux de déficit budgétaire ou un ratio dette sur PIB...

Notre caste politique faillie est peuplée d'habiles - et Hollande est peut-être le plus habile de la caste -, sans conviction ni vision, sans autre projet que de persister dans l'être et dans ses privilèges ; mais les habiles - disait de Gaulle, selon Claude Mauriac - finissent toujours par avoir tort. Il aurait pu ajouter que le problème c'est qu'on ne s'en rend compte, trop souvent, qu'une fois consommée la catastrophe où leur habileté a conduit le peuple.

L'union civile entre personnes du même sexe : c'est (enfin !) Oui en Grèce

Comme ailleurs en Europe, la gauche se révélant incapable d'agir sur l'économique et le social - domaine prédéterminé par les traités européens, l'euro et le néo-impérialisme allemand -, son action modernisatrice se replie vers le sociétal.

Syriza ne fait pas exception à la règle.

En l'occurrence on ne saurait que s'en réjouir pour les couples de même sexe qui, jusqu'alors ne disposaient d'aucun cadre, d'aucune reconnaissance, d'aucune protection.

L'union civile a en effet été adoptée, peu après minuit cette nuit, lors d'un vote par appel nominal et à une majorité bien plus large que celle dont dispose le gouvernement puisque, malgré les protestations de certains secteurs conservateurs de l'Eglise.

27 députés de la Nouvelle Démocratie, dont les anciens Premiers ministre Karamanlis et Samaras, ainsi que Meimarakis, leader au dernières élections et arrivé en tête aux élections internes de dimanche dernier pour la présidence du parti, avec 40 % des voix, ne sont pas venus participer au vote. C'est aussi le cas de Panos Kamménos, ministre de la Défense et président des Grecs indépendants, membres de la majorité, mais qui avait averti qu'il ne voterait pas pour certains des projets sociétaux de Syriza, dont celui-là. Il est cependant à remarqué que, revendiquant sa proximité avec l'Eglise, Kamménos a préféré ne pas voter, tandis que ses députés se divisaient.

55 ont voté contre :29 ND, les députés présents d'Aube dorée et du KKE (Parti communiste), ainsi que six Grecs indépendants, membres de la majorité, mais leur .

194 ont voté pour : les députés présents de Syriza (plusieurs membres étaient absents dont le vice-président du gouvernement Dragasakis et un ministre adjoint), du PASOK (mais sa présidente était absente) et de ses alliés, de Potami, Union des centres ainsi que 19 députés ND et 3 Grecs indépendants.

C'est un beau Noël pour toutes les lesbiennes et tous les homosexuels du pays, et c'est incontestablement un point positif à porter à l'actif du gouvernement Tsipras... même si, par ailleurs, comme chaque année depuis au moins trois ans, tout Athènes sent le bois brûlé, parce que trop de gens ne peuvent plus se chauffer au fuel, au gaz ou à l'électricité, même si par ailleurs, chaque jour qui passe aggrave la situation économique et la crise humanitaire... dont les lesbiennes et les homosexuels sont aussi victimes que les autres.

lundi 21 décembre 2015

Une claque retentissante pour les Germano-Européens, une de plus.

Désavantagé par un mode de scrutin qui surreprésente l'Espagne conservatrice (à Soria, en Castille-et-Léon où le PP fait 40 %, il faut 20000 voix pour élire un député ; à Barcelone, où Podemos et ses alliés arrivent en tête, il en faut 120000...), Podemos réalise une percée remarquable à 20,65 % des voix et 69 sièges sur 350. Malgré une baisse dans les sondages après la capitulation de Syriza en Grèce, le nouveau parti, qui a réussi une remontée durant la campagne, décroche une 3e place en voix et en sièges, arrivant moins d'1,5 % derrière le PSOE.

Comme en Grèce avec Potami (qui serait aujourd'hui éliminé du Parlement), l'invention d'un parti faux-nez de droite pro-européen, Ciudadanos, monté en neige par les médias dominants et destiné à fournir une roue de secours à la droite discréditée, est un relatif échec (13,93 % et 40 sièges). Il ne permet, en tout cas, pas plus à la droite de rester au pouvoir - ce qui était sa principale "utilité" - que Potami n'avait permis en 2015 de sauver la coalition ND-PASOK que Berlin et Bruxelles, initiateurs et financiers de ce parti créé par et pour la Nomenklatura médiatique, entendaient maintenir au pouvoir.

Avec 28,7 % et 123 sièges, le Parti populaire subit un cuisant revers : il perd 15,92 % et 63 sièges par rapport à 2011.

Quant au PSOE (28,73 % et 90 sièges) qui l'avait précédé au pouvoir et avait mis en oeuvre les politiques germano-européennes que le PP n'a fait que poursuivre et aggraver, il est lui aussi sanctionné, perdant 6,7 % et 20 sièges, après avoir déjà abandonné plus de 28 % cette année-là (le PSOE réunissait près de 44 % des suffrages en 2008).

Le seul résultat des politiques germano-européennes (car la reprise, là comme ailleurs, n'a jamais été qu'une opération de propagande) aura donc été de faire imploser le système politique et de plonger le pays dans une profonde crise politique : en Grèce, les élections législatives de septembre étaient les 5e depuis 2009 et il est bien peu probable que la majorité élue en septembre passe le printemps ; quant à l'Espagne, il paraît fort douteux ce soir qu'elle puisse se doter d'un gouvernement cohérent et stable, hors une "grande coalition", qui devient le modèle de référence de l'Europe allemande, dès lors que l'échec des politiques germano-européennes réduit l'assise électorale des conservateurs et des "socialistes" de telle sorte qu'ils ne sont plus en position de pouvoir gouverner les uns sans les autres, et dont le principal résultat (en Grèce entre 2010 et 2015, comme en Italie depuis 2013) est d'achever le discrédit des partis du "système".

Cela dit, Podemos n'ayant en rien tiré les conséquences de la bérézina de Syriza et refusant les évidences que le Bloc de gauche portugais a, lui reconnues - il n'y a pas de réforme possible de l'UE et de l'euro ; il n'y a pas "d'autre politique" possible dans le cadre de l'UE et de l'euro - son éventuelle arrivée au pouvoir - dans les circonstances actuelles en coalition avec le PSOE, avec le soutien de partis régionalistes/nationalistes - a toutes les "chances" de se terminer par une "normalisation" à la Syriza, en vertu de la doctrine Brejnev de la souveraineté limitée revisitée par l'Euro-Allemagne.

vendredi 18 décembre 2015

Avant ou après les élections espagnoles de dimanche, il faut lire "Podemos" de Christophe Barret

Après-demain, auront lieu en Espagne des élections législatives capitales. Après la Grèce et le Portugal, l’Espagne sera le troisième pays martyrisé par la Germano-Europe et ses politiques criminelles à se prononcer sur son avenir. Et le résultat sera bien sûr passionnant, eu égard à la situation des Espagnols bien sûr, mais aussi pour le devenir de ce qu’il est convenu d’appeler l’Europe, au regard du poids économique et démographique de l’Espagne, bien plus lourd que celui de la Grèce ou du Portugal.

Dans cette situation un livre est paru cet automne, que j’ai lu avec intérêt – et un peu plus –, et que j'invite ardemment à lire parce qu’il est, je crois, essentiel pour comprendre le sens du vote des Espagnols, ce dimanche, et la situation politique – sans doute fort compliquée – qui en résultera. Car ce qu’indiquent les derniers sondages, c’est que, là aussi, le bipartisme, qui en Espagne a structuré la vie politique depuis la fin de transition démocratique – Parti populaire de la droite post-franquiste et Parti socialiste ouvrier espagnol –, est moribond. Si l’on en croit ces mêmes sondages, trois forces politiques (PP, PSOE, Podemos) obtiendraient en effet autour de 20 % à 25 % des voix chacune, Ciudadanos (un "Podemos de droite") autour de 16 % , Izquierda Unida (autour du PC) moins de 5 % et les mouvements régionalistes ou nationalistes, dont les diverses forces catalanes qui, à la faveur des dernières élections régionales, ont affirmé leur intention d’entamer un processus de séparation (sans parvenir pour autant à se mettre d’accord, encore, sur une formule gouvernementale) entre 13 % et 14 % au total.

Si cette configuration est confirmée dimanche soir, l’Espagne risque fort de devenir difficilement gouvernable (c’est en réalité le principal effet des politiques germano-européennes, cet effet étant d’autant plus accusé que ces politiques ont été plus violemment appliquées), la seule coalition semblant pouvoir disposer d’une majorité étant celle du PP et du PSOE, si tant est que ce dernier soit disposé à devenir la roue de secours d’une droite dure – ce qu’a refusé récemment le PS portugais. Une autre solution pourrait dès lors consister en un gouvernement minoritaire (PP/Ciudadanos, PSOE/Podemos, Podemos/IU ?…) dépendant de l’ordre d’arrivée des différentes forces (un sondage donnait, il y a une dizaine de jours, le PSOE au plus bas depuis… 1923, je crois, et derrière Podemos…) ainsi que de leur poids réel dans les urnes, et bénéficiant de la neutralité ou du soutien de mouvements régionalistes ou nationalistes, sans doute payable en nouveaux transferts de compétences vers les communautés autonomes.

Dans tous les cas de figure imaginables, le score que réalisera Podemos sera déterminant pour la formule de gouvernement qui pourra (ou non) se dégager après ces élections. Et c’est la raison pour laquelle on ne saurait trop recommander la lecture du livre de l’historien Christophe Barret, excellent connaisseur de l’Espagne, paru aux Éditions du Cerf et intitulé : Podemos, Pour une autre Europe, Hier l’Italie, la Grèce. Aujourd’hui l’Espagne. Demain, la France ?

Passionnant, ce livre l’est à plus d’un titre. D’abord parce qu’il retrace le bouleversement politique qu’a été le mouvement des Indignés – en Espagne comme en Grèce que je connais bien mieux ; plus encore qu’en Grèce où Syriza lui préexistait et s’en est nourri, alors que Podemos en est né et a eu l’ambition de lui donner une expression politique.

Comme en Grèce, ce mouvement s’installe alors qu’un parti se disant socialiste se trouve au gouvernement et choisit d’endosser les politiques les plus antisociales appliquées en Europe occidentale depuis 1945, imposées par la Germano-Europe et par un euro allemand qui interdit tout ajustement par le taux de change, leur appliquant des recettes déflationnistes de dévaluation intérieure (baisse des dépenses publiques, salaires, pensions…) qui ne font en réalité qu’aggraver les maux qu’elles prétendent soigner.

Comme en Grèce, cette situation conduit d’abord à une profonde crise de la démocratie représentative : « L’opinion fait sienne – écrit Christophe Barret –, tout au long de l’été 2011 les slogans lancés par les Indignés : ¡ No nos representam ! (Ils ne nous représentent pas !) Democratia real ya ! et Si se puede ! (Si, c’est possible !) », ce dernier slogan, hérité de la campagne d’Obama, se transformant au final dans le Podemos que choisira le nouveau mouvement comme bannière.

Elle conduit ensuite, comme en Grèce et au Portugal, par la règle du balancier du vieux jeu politique qui n’a pas encore explosé, à une alternance au profit de la droite (législatives du 20 novembre 2011) qui vérifiera la nouvelle règle euro-allemande selon laquelle les élections ne servent plus à rien, puisque l’alternance ne vise que les hommes et les partis alors que la politique doit rester la même.

Christophe Barret retrace d'abord la généalogie intellectuelle et la saga pragmatique d’un petit groupe de jeunes professeurs « progressistes » du campus de Somosaguas de la faculté de sciences politiques et de sociologie de l’université Complutense de Madrid - parmi lesquels Pablo Iglesias, Íñigo Errejón, Carolina Bescansa, Juan Carlos Monedero - qui va fonctionner comme un « laboratoire d’idées » où se mêlent « activisme, militantisme, recherche et enseignement ».

Le diagnostic d’Iglesias est que le mouvement des Indignés s’apparente à « une révolte de subsistance comparable à celles étudiées par les historiens de périodes plus anciennes ». L’outil permettant d’agir, dans cette situation, sera un « discours transversal » destiné à fédérer les oppositions, bien au-delà de la base traditionnelle de la gauche radicale dont sont issus les fondateurs de Podemos, mobilisant par exemple les concepts de souveraineté, de patriotisme, de droits humains ou de décence, et ceci au service de la refondation d’une démocratie (« Par temps de crise – écrit Monedero –, la compatibilité entre capitalisme et démocratie se pose à nouveau ») sur des bases différentes que celles, si éminemment ambiguës, sur lesquelles s'est édifiée la transition démocratique post-franquiste.

Héritier d’une mémoire, celle des vaincus de la guerre civile, ce groupe veut réinventer un « léninisme aimable », puisant aux sources des expériences sud-américaines, de l’œuvre de Gramsci, de sa relecture par Ernesto Laclau (pour lui, « il faut – écrit Barret – donner au peuple, pensé dans un cadre national, une nouvelle unité afin de contrer les profondes inégalités générées par un pouvoir économique, politique, culturel et médiatique écrasant. ») et les travaux de sa compagne, la sociologue belge Chantal Moufle, selon lesquels « à la lutte « gauche-droite » il convient de substituer une confrontation « bas-haut », d’une plus grande capacité inclusive ».

Tout est là - ou presque -, et toute la partie du livre de Barret consacrée à la genèse et à la dissection d’un « projet politique d’irruption plébeienne » est franchement passionnante, tant elle donne à réfléchir – et bien au-delà de l’exemple espagnol !

Elle est suivie d’autres chapitres qui le sont à peine moins (passionnants) consacrés à la stratégie médiatique, à la construction d’un mouvement politique – ses forces, ses faiblesses, ses contradictions – destiné non à troubler le jeu électoral ou à s'y insérer, mais à y conquérir une "hégémonie culturelle", à en devenir le centre – la question des alliances se posant d'une manière cruciale, dès lors que cet objectif apparaît différé ou problématique et qu'on risque, par la participation à un jeu dont on ne peut changer les règles, d'y perdre son âme et son utilité.

L’auteur se pose aussi, toujours avec précision et pertinence, la question de la parenté avec Syriza, mise en scène – il y aura bientôt un an – lors du dernier meeting de la campagne électorale grecque sur la place Omonia : Iglesias parlant en grec et esquissant des pas de syrtaki, tic-tac tic-tac, Athènes d’abord, Madrid ensuite… Il analyse comment ces partis-frères ne le sont à maints égards qu’en apparence. Et quelles parentés/oppositions le « populisme » de Podemos entretient avec d’autres mouvements qui, ailleurs, prétendent incarner d’autres types de « projet politique d’irruption plébeienne » – le FN en France ou Cinq étoiles en Italie. Il pose aussi la question du rapport des dirigeants de Podemos au passé franquiste qui ne passe pas, à l’Église dans sa lourde dimension traditionnelle, mais aussi aux convergences avec la « théologie du peuple » du pape François…

Enfin le livre se clôt – provisoirement ! – sur les contradictions internes, les difficultés organisationnelles ou programmatiques, l’absence de leçon réelle tirée de la bérézina de Syriza en Grèce (le refus de tirer les conséquences qui s’imposent, clairement, et au contraire du Bloc de gauche portugais qui a fait, lui, son aggiornamento, de l’impossibilité d’alternance réelle dans le cadre de l’euro et de l’UE) qui ont conduit Podemos, depuis l’été grec tragique, à un déclin dans les sondages qui semblait inexorable – et dont les sondages de ces dernières semaines semblent indiquer qu’il ne l’était pas.

Bref, le livre de Christophe Barret est de ceux qu’il faut lire… avant comme après les élections de dimanche.

On me permettra juste un regret : que trop d’éditeurs aujourd’hui – parmi lesquels, manifestement, Le Cerf, pourtant une vieille maison à la réputation de sérieux et de qualité – ne jugent plus nécessaire de se payer le travail pourtant indispensable d'un relecteur. L’auteur que je suis est bien placé pour savoir qu’à force de corriger et recorriger un texte on n’y voit plus les coquilles. On est trop intime avec son propre texte pour en discerner encore les défauts. Et les copier-coller qui vous permettent de réécrire une phrase ou un passage laissent souvent des scories. C’est un des boulots essentiels de l’éditeur que de les éliminer. Or Le Cerf ne l’a manifestement pas fait. C’est dommage pour Christophe Barret dont le travail méritait meilleur traitement éditorial, et c’est souvent bien agaçant pour le lecteur.

Bartolone : la caste faillie dans toute sa splendeur

Bon alors je vous explique :

1/ le type est candidat "socialiste", il accuse sa concurrente (que je conchie par ailleurs pour ses connivences avec les cathos réacs anti-pédés) d'être la défenderesse exclusive de Neuilly, pimentant en outre son propos de quelques mots assez infâmes ;

2/ il est battu mais élu ;

3/ il a un gros coup de mou et court se faire requinquer à l'hosto américain de... Neuilly ;

4/ il préfère quand même la cave de l'hôtel de Lassay que Chaban a jadis peuplée de bordeaux de légende à celui de chef de l'opposition au conseil régional... c'est tout de même plus confortable ;

5/ ses camarades le reconduisent à la cave de l'hôtel de Lassay par acclamations ;

6/ il démissionne du conseil régional qu'il prétendait diriger, sans la moindre conscience qu'il se fout ainsi de la gueule des électeurs qu'il a exhortés à voter pour lui ;

7/ je suis plutôt satisfait d'avoir voté blanc les deux derniers dimanches ;

8/ cette caste faillie, sans scrupule ni honneur, ne mérite que d'aller le plus rapidement possible dans les poubelles de l'histoire.

jeudi 17 décembre 2015

En Grèce, un nouveau pas - décisif - dans la descente aux enfers

Chaque semaine, désormais, apporte un train de nouvelles mesures prises par le gouvernement de capitulation (pour ne pas employer un autre mot que l'histoire a chargé d'infamie), votées par le Parlement en exécution de la capitulation initiale du 13 juillet. Chaque semaine, Tsipras qui avait promis d'être chaque mot de la Constitution, de mettre fin aux lois omnibus votées selon la procédure d'urgence, généralement de nuit, au mépris des droits d'amendement du Parlement transformé en chambre d'enregistrement des diktats de l'étranger, ajoute une monstruosité à une autre approchant, à chaque pas davantage, un pays et un peuple que j'aime d'un abime dont on ne connaît ni la nature ni la profondeur.

La dernière est de taille. Qu'on en juge (source Iskra, site Internet de l'Unité populaire, la scission anti-mémorandaire de Syriza) :

"Le gouvernement Tsipras d’après la reddition va au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer, au-delà des désirs inavoués des gouvernements-vassaux les plus à droite, en mettant à l’encan et en hypothéquant tous les « emprunts rouges ». Il s’agit en réalité de toute la richesse immobilière des ménages, de l’ensemble des entreprises grecques, et dans le même lot de l’ensemble de la richesse publique, rassemblée dans un superfonds au sein duquel un rôle prépondérant -si ce n’est le contrôle effectif-, reviendra aux étrangers.

Ces mesures abominables, avec beaucoup d’autres-tout aussi inadmissibles, font partie de l’accord avec les « institutions », qui a été inscrit dans le projet de loi des prérequis exigences des créanciers NdT déposé samedi pour être voté dans le cadre d’une procédure d’urgence avant mardi, en totale violation, une nouvelle fois, des règles de fonctionnement de l’assemblée et de la constitution.

Concrètement, dans le projet de loi, les fonds vautours ont par principe la possibilité de racheter les emprunts rouges des grandes entreprises et les prêts immobiliers, sauf ceux de l’habitation principale, et à partir du 15 février, la voie sera également ouverte au rachat des emprunts des petites et moyennes entreprises, des prêts pour l’habitation principale et des prêts à la consommation.

Le gouvernement a demandé et obtenu un « délai politique » concernant le cadeau fait aux fonds des habitations principales et des PME, dans le but de donner la priorité au projet de loi sur l’assurance sociale.

En même temps, avec le projet de loi, se constitue un super-fonds qui comprendra le TAIPED et tous les biens publics (biens immobiliers, actions, DEKO entreprises et organismes publics NdT), y compris le TChS Fonds de Stabilité Financière NdT). Le super-fonds en question sera dirigé en réalité par les « institutions », il disposera en guise d’hypothèque de toute la Grèce, qui sera mise en liquidation pour rembourser les créanciers." (La suite sur ce site)

Cette mise à l'encan d'un pays tout entier par un parti qui, il y a tout juste un an, se préparait à accéder au pouvoir en se présentant comme le défenseur de la dignité des Grecs a quelque chose de pathétique, de révoltant, de profondément douloureux aussi.

D'autant que, dans le même temps, le bon élève Tsipras, qui croyait pouvoir obtenir, par son zèle, un peu de souplesse afin de rendre un peu moins inhumaines les mesures - sans issue économiques - qu'il choisi d'endosser, a dû renoncer devant le veto des créanciers. Son "plan social" visait à assurer un accès aux soins au tiers de la population qui n'a plus de couverture sociale, d'instituer des cellule de soutien aux personnes vulnérables, d'amplifier l'aide alimentaire d'Etat, de fournir de l'électricité aux plus pauvres à un tarif réduit et de développer le soutien scolaire.

Nein !

Le projet de loi a donc été retiré de l'ordre du jour du Parlement.

Tsipras fait ainsi l'expérience de son impuissance à obtenir la moindre marge de manoeuvre à l'intérieur de la logique à laquelle il s'est soumis. En réalité le gouvernement grec montre ainsi qu'il n'est plus, en rien, souverain. Qu'il n'est plus qu'un organe d'exécution de type colonial, une courroie de transmission à laquelle tout droit d'initiative est dénié.

Le problème, c'est qu'en signant la capitulation du 13 juillet, Tsipras ne pouvait l'ignorer.

En Allemagne, le Bild annonce (source le site grec de To Pontiki) qu'on en aura bientôt fini avec Tsipras, annonçant sa chute dans les trois mois. Pour une fois, j'aurais tendance à être d'accord avec lui, et c'est à peu près l'échéance que j'envisageais au lendemain de la victoire à la Pyrrhus des élections législatives de septembre.

Mais pour laisser place à qui ?

La droite est en ruine et incapable même d'organiser l'élection de son chef. Elle est aussi en cours de radicalisation autoritaire, révélant ainsi la logique des politiques européennes à l'oeuvre. Le PASOK est en état de coma dépassé. Potami, le parti de l'oligarchie médiatique financé par Bruxelles est en état de mort clinique et ne serait sans doute pas même présent au Parlement si les élections avaient lieu aujourd'hui. Unité populaire reste empêtré dans ses contradictions sur l'Europe et l'euro, incapable de tenir un discours clair sur la nécessité absolue de sortir de l'euro pour sortir de la spirale mortelle dont le peuple grec est prisonnier depuis cinq ans, incapable de construire un front du refus avec l'EPAM, Antarsya, le KKE, d'autres... Alors ?

Il faut bien reconnaître que les scénarios les plus sombres, que j'écartais absolument il y a moins de six mois, avant le référendum, lorsque Fabien Perrier, de Libération, me posa la question dans un entretien par téléphone, redeviennent possibles.

Tandis que l'Union européenne sous hégémonie allemande de plus en plus dure, paye au maître-chanteur Erdogan la rançon que la chancelière Merkel avait pris l'initiative, sans mandat, d'aller négocier avec le sultan, soutien de Daesh, en pleine campagne électorale, légitimant ainsi la stratégie de la tension destinée à assurer la reconduction, par la terreur, de l'AKP, les violations de l'Etat de droit et des droits de l'Homme, les arrestations arbitraires, procès d'opinion et autres joyeusetés qui, bien sûr, légitiment la relance de la négociation d'adhésion à l'UE d'un pays qui occupe au tiers, et colonise, un Etat de l'UE, tout en violant régulièrement l'espace maritime et aérien d'un autre, organisant de surcroît la submersion des îles grecques par un flux migratoire qu'Ankara n'a cessé de manipuler.

Il y a là, à mes yeux, une accumulation d'erreurs de jugement, de décisions criminelles, d'inconséquences qui sont sans équivalent depuis 1945.

Et il y a bien peu de chances que pareille accumulation ne se paye pas.

mercredi 16 décembre 2015

Ils ont tout compris au message des électeurs !

Je me rappelle la belle époque où les communistes défendaient que, s'il y avait encore quelques problèmes mineurs en URSS, c'est qu'on n'avait pas fait assez de ce qu'ils appelaient le communisme.

Eh bien voilà, si les électeurs s'abstiennent, votent blanc ou FN, ce n'est pas qu'ils sont contre les politiques germano-européennes qui détruisent l'Etat social et vident de tout sens la démocratie, ce n'est pas parce qu'on précarise, qu'on appauvrit, qu'on libéralise, qu'on fait de la déflation... c'est qu'ils pensent qu'il faut plus de politiques germano-européennes, moins d'Etat social et de démocratie, plus de précarité, plus d'appauvrissement, plus de libéralisation, plus de déflation. Si le FN monte depuis 30 ans ce n'est pas que les politiques qu'on met en oeuvre depuis 30 ans sont erronées, qu'elles échouent et nous enferment dans une tragique impasse économique, sociale, démocratique. C'est simplement qu'on n'en a pas fait assez !

Conséquence logique : puisque le PS, l'ex-UMP et le fantomatique centre voient leur base électorale se réduire inexorablement, comme peau de chagrin, et que bientôt plus aucun des trois ne sera en mesure de gouverner sans les deux autres, il faut faire un grand parti où ils seront tous.

Dès hier, Moscovici a joué les mères maquerelles ; puis, ce matin, la pimpante et sémillante Raffarin est sortie du bois en faisant des avances ouvertes, immédiatement reprises au vol (et au tweet : ça n'a rien d'autre à faire que de tweeter un premier ministre de la République française ???) par Manu, le mâle dominant. Et les centristes en jouissent déjà...

Il n'y a donc plus guère de doute : l'heure de la grande partouze dénommée union nationale, à l'italienne, à la grecque ou à l'allemande, approche !

Pour le plus grand profit de qui ? je vous le donne en mille !

Cela dit, dans cette triste époque, il y a aussi parfois des moments réjouissants.

Ainsi de la déclaration du ci-devant sénateur Gérard Longuet, qui n'a jamais vécu que de prébendes, de cumuls et de fonctions qui ne constituent en rien un métier, Gérard Longuet qui n'a jamais brillé ni par sa gestion de la Lorraine, ni par ses réussites ou sa clairvoyance dans ses fonctions ministérielles, Gérard Longuet qui n'a jamais rien "produit" et qui s'illustre surtout pour avoir fait le coup de poing avec Occident, mettant le chômage sur le compte du fait que "Les Français ont un poil de la main". La Caste faillie dans toute son inconscience, toute son inconsistance et toute sa morgue... Il y a des moments où ces privilégiés vous rappellent furieusement 1788.

Ainsi du poignard planté ce jour dans le dos du Chef.

"Tu quoque mi Estrosi"...

Et on n'est qu'aux ides de décembre ; c'est vous dire où on en sera à celles de mars !

M'est avis qu'à l'ex-UMP, le nombre va grandir de ceux qui, en attendant ce qu'ils imaginent être leur "tour", préféreront à l'Elysée une vieille pantoufle usée de 71 ans, (pur produit de la caste faillie, calamiteux Premier ministre qui mit le pays à l'arrêt en 1995 et calamiteux ministre des Affaires étrangères, coresponsables de la calamiteuse équipée libyenne comme du refus de dialoguer avec la Syrie, quand il était encore temps d'éviter la catastrophe en Syrie, pivot du système chiraquien corrompu, naguère condamné pour prise illégale d'intérêts... et qui présente donc toutes les qualités pour devenir chef de l'Etat), parce qu'ils espèrent que la vieille pantoufle ne sera ni trop remuante ni surtout trop vindicative, plutôt qu'un psychopathe agité, incliné à l'autocratie, haineux et prêt à écraser tout ce qui dépasse ou à accrocher son prochain à un croc de boucher...

lundi 14 décembre 2015

De déni en déni : jusqu'où ?

A en croire notre médiacratie, à coté de laquelle le Völkischer Beobacheter et la Pravda finissent par faire province et petit genre, le FN aurait subi hier une cuisante défaite.

Alors voyons un peu les chiffres.

Avec 59 % de participation, dans un scrutin local qui, même s'il est en partie proportionnel (en partie car les formations dites classiques ont refusé la logique proportionnelle en transformant le scrutin voulu par le législateur en ersatz de scrutin majoritaire là où la proportionnelle était susceptible de permettre au FN d'emporter un exécutif), avantage les notabilités (on a longuement entendu que les candidats FN n'avaient aucune expérience, étaient supposés incompétents, incapables de gérer une région) et défavorise donc le FN (qui dispose effectivement de peu de sortants et de compétences avérées, n'a jamais assumé d'exécutif régional), sans alliance et après un tir de barrage médiatique intense, le FN progresse sensiblement entre les deux tours.

Excusez du peu : il recueille 800 000 voix de plus qu'au premier tour, soit une augmentation de plus de 13 % de son capital d'électeurs.

Il dépasse aussi de plus de 400 000, les 6,4 millions de suffrages réunis par Marine Le Pen au 1er tour de la présidentielle de 2012, scrutin le plus favorable pour le FN (avec les européennes) et où la participation était de 79,48 %. Compte tenu de ces 20 points d'écart de participation, la progression est donc impressionnante.

Et je ne parle même pas de la comparaison avec le second tour des régionales de 2010 où le FN, n'ayant pu se maintenir partout, recueillait 1,943 millions de voix alors qu'on est ce soir au-dessus de 6,8 millions.

En outre le nombre des sièges (118) de conseillers régionaux détenus depuis 2010 a plus que triplé (358 ; le PS en a... 355) : sacrée défaite en effet !!!

D'autant que ce gain aura des conséquences lors des prochaines sénatoriales : ce sera notamment le cas dans les départements les plus peuplés où l'élection a lieu à la proportionnelle et où le corps électoral (grands électeurs) après les municipales, les départementales et les régionales est profondément remodelé.

Le fait que le FN n'emporte pas de région ce soir n'empêche pas que ce scrutin est pour lui un succès de grande ampleur ; on peut en outre penser que c'est un avantage puisqu'il ne risquera pas, ainsi, de s'enliser dans la gestion de régions et de devoir en rendre compte durant la campagne présidentielle.

Ajoutons que le site de Marianne relève ce matin que les votes blancs et nuls ont augmenté de 43 % entre les deux tours : ils atteignent le niveau record de 5 %, soit 1,3 millions de Français qui ont ainsi récusé l'offre politique qui leur était proposée, comme l'ont fait aussi une partie importante des abstentionnistes. Ces blancs et nuls atteignent même 7,8% en PACA (5,41% de votes blancs, 2,42% de votes nuls) et à 7,3% en Nord-Pas-de-Calais Picardie (4,53% de votes blancs, 2,83% de votes nuls) "du jamais vu pour ces territoires depuis la naissance de ce type de scrutin en 1986".

La réalité c'est donc d'abord la défiance massive qui frappe les partis dits de gouvernement et que, comme l'a d'ailleurs dit Sigmar Gabriel, la politique germano-européenne, et comme il ne l'a pas dit l'euro, le démontage par l'Europe de l'Etat social et de la démocratie, nourrisse l'ascension du FN. Un scrutin après l'autre le capital électoral du FN augmente : il est aujourd'hui, à lui seul, capable de dépasser son score de premier tour et d'approcher, à lui seul, 50 % des exprimés, alors même que toutes les autres formations politiques se mobilisent pour lui "faire barrage".

Mais derrière ce barrage le niveau de l'eau monte. Inexorablement. Continuer à croire au plafond de verre est une illusion aussi stupide et ravageuse que celle d'un euro coopératif ou d'une autre Europe.

Si l'on veut arrêter cette montée, il n'y a qu'une seule solution : rompre radicalement avec les logiques libérales, dont l'Europe a été le moteur et le paravent depuis plus de 30 ans, avec le néo-impérialisme allemand qui en est devenu le fer de lance, et qui nourrissent sans cesse et toujours plus le FN en nous conduisant dans les impasses économiques, sociales et démocratiques où nous sommes aujourd'hui.

Première "conséquence" de ce scrutin ? Pas de "coup de pouce" au SMIC. Le gouvernement n'aura pas été long à signifier comment ils a "compris" le message des urnes et le cas qu'il fait de la déclaration du chef des Solfériniens sur une nécessaire inflexion "sociale" de sa politique. Pas plus que les attentats de Paris qui ont mis en évidence les conséquences criminelles des coupes budgétaires imposées par les politiques germano-européennes, pas plus que l'échec patent de Schengen et les conséquences criminelles d'un refus du contrôle physique des frontières, le scrutin d'hier ne remettra en cause aucune des politiques suicidaires mise en oeuvre par une classe politique faillie et largement discréditée.

La course à l'abîme continue...

Le ministre grec de l'Economie oublie une partie partie de son patrimoine...

Au tableau des réussites de Syriza ne manquait que l'éthique...

Alors voilà, je vous explique : Yorgos Stathakis est ministre de l'Economie depuis janvier dernier, l'un des piliers de Syriza et un poids lourd du gouvernement de la "gauche radicale". Or Yorgos Stathakis a malencontreusement "oublié" de faire figurer, dans la déclaration de patrimoine qu'il a dû établir après son élection comme député du département de Chania (Crète), en 2012... juste un million d'euros.

Oui, je sais, ça la fout mal pour un député, ministre de... "gauche radicale".

D'autant que, dans l'opposition, ladite "gauche radicale" de Stathakis n'avait pas de mots assez dure pour ces hommes du système, de la ND et du PASOK, qui dissimulaient leur patrimoine, faisaient de fausses déclarations, échappaient à l'impôt. D'autant que le programme de ladite "gauche radicale" avait mis au nombre de ses priorités la lutte sans pitié ni merci contre ses moeurs scandaleuses et intolérables à l'heure où le peuple devait lui consentir à des sacrifices sans nom et sans fin...

Alors forcément, que le ministre de l'Economie du gouvernement de la "gauche radicale" oublie de déclarer un million d'euros... C'est un peu comme Cahuzac chargé de la lutte contre la fraude fiscale.

Or, Yorgos Stathakis, lui, n'a pas même démissionné ; il a juste rédigé "volontairement" une nouvelle déclaration qu'il a remise à la commission de contrôle du patrimoine des élus. Or, à l'issue de la comparaison par les experts comptables de cette commission (présidée par un syriziste), il s'avère que le ministre de l'Economie de la gauche radicale n'aurait pas oublié seulement un million... ce serait plutôt 1,8 millions.

Nul doute que cet épisode soit apprécié par les retraités à qui le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie vont encore couper les pensions, par les endettés à qui à qui le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie vont saisir le domicile principal, par les îliens qui vont voir tout augmenter grâce à la hausse de la TVA décidée par le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie, par les malades que les nouvelles coupes dans le budget de la santé, décidées par le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie, vont priver d'accès aux soins... tout cela en application des diktats euro-allemands dont le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie se sont fait l'exécutant.

mardi 8 décembre 2015

Tsipras, le Quartet, le FMI et Gramsci

Romaric Godin nous apprend aujourd'hui que Tsipras souhaite la sortie du FMI du "plan d'aide" à la Grèce... qu'il vaudrait mieux appeler plan de déflation sans fin.

1er enseignement : il n'y aura pas de restructuration de la dette autre que symbolique, comme je n'ai cessé de l'écrire depuis le 13 juillet. Tsipras a alors présenté à son peuple cette restructuration comme la contrepartie à venir des "sacrifices" qu'il acceptait... en contravention avec le mandat qu'il avait demandé au peuple par référendum dix jours plus tôt. L'Allemagne y a toujours été opposée et le FMI y est favorable, jugeant cette dette insoutenable. Souhaiter la sortie du FMI, c'est donc renoncer à la restructuration et s'aligner un peu plus sur l'Allemagne. Dans quel but ?

2e enseignement : les créanciers n'en ont jamais assez. La capitulation du 13 juillet les rend logiquement insatiables : comme je l'écris aussi depuis le 13 juillet, une capitulation n'est jamais un acte isolé parce qu'elle révèle que vous n'envisagez pas de sortir de l'étau dans lequel vous êtes (en l'occurrence l'euro), elle a donc pour effet de multiplier les exigences de celui devant lequel vous capitulez, et générer un processus continu de capitulations en chaîne, voire de capitulations anticipées, prévenant les désirs du maître dans l'espoir de s'en attirer les bonnes grâces (cf. l'histoire de Vichy). Ainsi Romaric Godin précise-t-il que :

"La réunion de l'Eurogroupe de lundi 7 décembre a été l'occasion d'une nouvelle demande des créanciers d'aller plus loin et plus vite. La semaine dernière, 13 mesures ont été présentées par l'Euro Working Group, la commission technique de l'Eurogroupe, à Athènes, parmi lesquelles la réforme de la sécurité sociale et l'établissement du fameux « fonds de privatisation », inspiré de la Treuhandanstalt est-allemande, qui doit « valoriser » les actifs publics et gérer le produit des ventes. Les créanciers sont décidés à réduire les discussions sur ces mesures. Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a indiqué qu'il fallait un paquet législatif avant « la mi-décembre », bref avant une semaine. C'est dire si la marge de manœuvre d'Athènes est étroite. Si l'Eurogroupe n'est pas satisfait, il pourrait ne pas libérer le dernier milliard d'euros de la première tranche de « l'aide. »

Jeroen Dijsselbloem est allé encore plus loin : il a indiqué qu'il voulait finaliser les « grandes réformes budgétaires et structurelles », avant la fin de l'année. Il s'agit évidemment de la réforme des retraites qui promet d'être douloureuse. Alexis Tsipras cherche à éviter des coupes franches dans les retraites en favorisant les hausses de cotisations, mais les créanciers sont farouchement opposés à cette vision."

Ces derniers développements de la tragédie grecque entrent d'ailleurs en résonance avec l'émission La Marche de l'histoire de Jean Lebrun que j'ai écouté tout à l'heure, en déjeunant, à mon retour de Créteil où j'ai parlé à mes retraités-étudiants... de l'évolution en Grèce depuis le référendum... L'invité, Gaël Brustier, parlait de Gramsci. Il est l'auteur je crois d'un A demain Gramsci, au Cerf, que je vais peut-être m'offrir pour le lire à Nisyros en janvier.

Car à ma grande honte, je connais bien peu ce penseur sur lequel je lis, ces temps-ci, des choses bien stimulantes sous la plume de gens avec qui, sur Facebook, je me sens en symphonie intellectuelle (notamment de jeunes souverainistes de gauche), comme dans le passionnant livre de Christophe Barret que je viens de terminer Podemos, Pour une autre Europe - lui aussi paru au Cerf... chacun ses lacunes !!!

Ainsi Gaël Brustier concluait-il, en illustrant par l'exemple de l'Union européenne, la pensée de Gramsci selon laquelle, si j'ai bien compris, moins un pouvoir sait susciter d'adhésion et plus il a recours à la coercition...

lundi 7 décembre 2015

Résultats

Au lieu de taper sur les abstentionnistes, regardez la réalité : l'abstention monte partout en Europe au fur et à mesure que l'Union européenne vide le vote de tout sens. Lorsque des traités prédéterminent tout ce qui fait une politique économique et sociale (dictature du marché, concurrence libre et non faussée, libre circulation des capitaux, des fraudeurs/optimiseurs fiscaux mais aussi des armes et mafieux de tout acabit, monnaie, budget, recul des services publics, c'est-à-dire de l'Etat, démantèlement du droit social appelé flexibilisation du marché du travail, pillage de la propriété publique au profit d'intérêts privés appelé privatisations...), lorsqu'on fait la démonstration que si l'on vote Non c'est quand même Oui, lorsqu'on s'affiche de gauche et que, sitôt arrivé au pouvoir, on mène une politique de droite aux ordres de Berlin, Francfort et Bruxelles, conduite par une nomenklatura hors-sol, au service des lobbys, il ne faut pas s'attendre à ce que les gens continuent à aller voter.

Les injonctions morales n'y changeront rien.

Aujourd'hui, dans la quasi totalité des pays européens, les exécutifs ne "représentent" plus que 20 % à 30 % des corps électoraux et dans nombre de pays, désormais, on n'atteint plus ces scores que par une alliance de la vraie droite et de la fausse gauche.

Les responsables de cette situation ne sont pas ceux qui se détournent du vote parce que les "représentants" ne représentent plus que leur caste, c'est la caste qui, sous prétexte d'Europe, nous a conduits là depuis tantôt plus de 30 ans.

Quant à ceux qui, tous les ans, à chaque élection, continuent à faire une fixette sur le doigt qui montre la lune, ils sont pathétiques.

Ca ne fait en effet jamais que 32 ans que ça dure. Depuis qu'on a pris le "tournant de la rigueur", c'est-à-dire depuis qu'on a cessé de faire de la politique au nom de l'Europe et de la monnaie, avant, en 1992, de faire une loi d'airain du rapport psychiatrique de l'Allemagne à la monnaie qui nous conduit, avec le libre-échange généralisé et la dérégulation de la finance (merci encore à Mitterrand et Bérégovoy !), à la désindustrialisation, au chômage de masse, à la destruction de l'Etat social, au retrait de l'Etat...

Il est d'ailleurs à parier que les conséquences que vont tirer de ce vote les inflexibles censeurs de l'abstention et des électeurs FN, comme les porte-parole de la Propagandastaffel qui ont fait silence sur les deux Non danois à l'UE, c'est "qu'il faut accélérer et amplifier les réformes afin de créer les conditions d'une croissance saine et durable"... Et donc que, en réalité, ce vote est une approbation de la ligne Macron.

Car l'autisme de la Nomenklatura politique et médiatique faillie n'a pas plus de limite que celle de l'URSS finissante, et comme les émigrés d'autrefois, ces gens-là ne comprennent ni n'apprennent jamais rien.

Si après le référendum grec, on ne veut pas comprendre que l'euro/UE et la démocratie sont incompatibles et que la politique criminelle de Berlin, appliquée par Bruxelles et Francfort, mise en oeuvre ici par Sarkozy comme par Hollande, rend chaque jour plus inexorable la montée du FN et plus irrésistible sa montée au pouvoir, cela augure de jours noirs. Et proches.

Une fois encore, on ne combat pas le FN avec des injonctions morales, on le combat en rompant, radicalement, avec les politiques européennes qu'ont impliquées, le franc fort d'abord, puis un euro irréformable et qui, depuis 30 ans, nous ont conduits dans l'impasse économique, sociale et démocratique dans laquelle nous sommes.

dimanche 6 décembre 2015

Grève générale, une de plus ; retour sur référendum ; Glézos, toujours résistant

Le papier du jour de Panagiotis Grigoriou, sur son blog Greekcrisis, est particulièrement intéressant, à quatre titres.

Sur la schizophrénie de Syriza... "Comme lors de la précédente journée d’action datant de novembre dernier, SYRIZA (le parti) et SYRIZA (ses syndicalistes), a appelé à manifester contre la politique de... SYRIZA (le gouvernement). C’est une première, d’ailleurs plutôt perçue comme une parodie de plus, par pratiquement tout le monde en Grèce... Syrizistes compris."

Sur le tragique de l'impasse politique dans laquelle la Germano-Europe et la capitulation devant elle d'un Tsipras paralysé par la vénération du fétiche monétaire allemand ont plongé le pays. Avec cette réaction d'un anonyme au bulletin de satisfaction de l'Unité populaire après la énième grèce générale du 3 décembre : "Un... camarade alors visiblement excédé, a aussitôt... apposé suite à ce texte, le commentaire suivant: “Une fois de plus, vous écrivez ‘grand succès’ et ‘compte à rebours pour le gouvernement’ et ainsi de suite. Soyez enfin sérieux, en rabâchant tout cela les gens ne vous prennent plus au sérieux. Le vrai succès serait alors la grève illimitée jusqu'à faire annuler définitivement l’adoption des mesures d’austérité. Cessez de fonctionner comme une soupape de sécurité... créatrice d’illusions. Par ces journées d’action de 24 heures, c’est plutôt la notion de la grève qui est ainsi déconsidérée, aux yeux de la majorité des gens. Les longues luttes des métallurgistes comme celles des ouvriers de l’usine Coca-Cola, nous montrer le chemin. Arrêtez de caresser les oreilles des gens”. Où y a-t-il encore une alternative à TINA ?

Sur la signification réelle du référendum de juillet : "Les Grecs, n’oublieront jamais par exemple l'intensité de ce grand moment démocratique que fut le referendum de juillet 2015, et surtout, ils n’oublieront pas sa trahison. D’après mes sources (directes), quelques jours seulement avant la tenue de ce scrutin, un proche collaborateur d’Alexis Tsipras avait confié “off the record” à un journaliste d’une radio athénienne que “l'équipe gouvernementale s'attend à un résultat proche de 48% pour le NON, et de 52% pour le OUI, une telle issue, nous permettra alors d'agir en conséquence”, a-t-il même précisé"

Sur la lettre ouverte que l'infatigable résistant Manolis Glézos* vient d'adresser aux 300 députés grecs :"Brisez enfin l’assujettissement aux œillères des partis, et libérez vos propres consciences. Assis sur le parterre de l’ultime seuil de ma vie, je m’adresse donc à vous tous, pour ainsi crier haut et fort, vis-à-vis de chacun d’entre vous: Reprends-toi. Réveille-toi de l'opium que constitue la ligne du parti. Qu'as-tu promis au peuple pour qu’il vote en ta faveur, faisant de toi un représentant de la Nation ? Ne le ressens-tu pas?"

J'ajoute : ce blog est indispensable à notre information : Panagiotis traverse, comme beaucoup de Grecs, une phase extrêmement difficile, les "tuiles" se sont multipliées, ces derniers temps, pour lui et sa compagne. Pour qu'il puisse continuer à nous informer, faites un don (colonne de droite de son blog). Il m'a dit que mon dernier appel, ici, avait eu des retombées (les dons, leur seule ressource en ce moment, sont remontés à 725 € en novembre) : merci pour eux ! et si vous le pouvez, aidez-le à continuer à nous informer !

  • Pour mémoire, Manolis Glézos est né en 1922. Le 30 mai 1941, avec son compagnon Lakis Sandas, il décroche du mât de l'Acropole la croix gammée qui y flotte depuis le 27 avril. Résistant, arrêté et torturé par les Allemands puis par les Italiens, il devient directeur du quotidien communiste, Rizospastis, puis est condamné à mort, en 1948 et en 1949, par le régime autoritaire et monarchique installé par les Anglais puis soutenu à bout de bras par les Américains, le procureur lui reprocher d’avoir, par son geste de 1941, d'avoir augmenté « les difficultés du peuple grec ». Il est sauvé par une mobilisation internationale à laquelle se joint le général de Gaulle qui écrit au roi de Grèce pour demander sa grâce. Elu député de la Gauche unifié en 1951 alors qu'il est toujours emprisonné, il est libéré en 1954 après une grève de la faim, réemprisonné en 1958 sous accusation d'espionnage, libéré en 1962, arrêté le 21 avril 1967 par les Colonels qui s'emparent du pouvoir, emprisonné puis placé en résidence surveillée jusqu'en 1974. Député PASOK (socialiste) de 1981 à 1986, il rejoint le Synaspismos, ancêtre de Syriza, dont il conduit la liste nationale en 2000. Cofondateur de Syriza (coalition de partis jusqu'à l'unification de 2014 en parti unitaire), à la tête du mouvement "citoyens actifs", il est au premier rang de toutes les manifestations contre la politique euro-allemande à partir de 2009. Malmené et gazé par la police à plusieurs reprises, il doit être hospitalisé plusieurs jours en 2010. Infatigable résistant, à 92 ans, il oppose au discours "moral" de Merkel et consort sur la dette, le défaut allemand sur ses dettes à l'égard de la Grèce, grâce à l'astuce du chancelier Kohl lors du traité de réunification, sur l'indemnisation des victimes grecques de la terreur allemande entre 1941 et 1944, et le non remboursement de l’emprunt forcé contracté par la Banque de Grèce pour couvrir les frais d’occupation et l’approvisionnement de l’Afrikakorps. Elu député européen Syriza en mai 2014, il prend ses distances avec la ligne Tsipras dès les lendemains de l'accord intérimaire de février conclu par le gouvernement grec avec les créanciers, en prenant position contre cet accord et accusant le gouvernement d'oublier les engagements sur lesquels il a été élu en janvier. En juillet 2015, il démissionne du Parlement européen, s'étant engagé lors de son élection à laisser sa place après un an de mandat. Après la capitulation de Tsipras, il se rallie à l'Unité populaire.

vendredi 4 décembre 2015

Délitement à Athènes

On enregistre la démission du chef de brigade en charge de la coordination de la lutte contre la fraude fiscale. Dans sa lettre de démission au Premier ministre, ce haut fonctionnaire justifie sa décision par l'absence de moyens budgétaires en rapport avec la tâche qui lui a été confiée.

La lutte contre la fraude fiscale faisait partie aussi bien du programme de Syriza que de celui des Grecs indépendants... mais "Tout coule" comme disait Héraclite au VIe siècle avant notre ère.

J'ai dit et répété, ici et ailleurs, après la capitulation de Tsipras, qu'on ne réforme pas un pays avec le couteau de l'étranger sous la gorge, surtout quand ce couteau est justement destiné à égorger le peuple et protéger les privilèges des puissants. Car la politique euro-allemande n'a jamais visé la réforme, elle n'a jamais visé à faire payer les riches qui, historiquement, en Grèce, ont été largement préservés de l'impôt. Cette politique n'a jamais été destinée à rendre l'Etat plus efficace - condition d'une progression du consentement fiscal. On ne trouve normal de payer ses impôts que lorsque l'Etat vous rend des services à hauteur de votre contribution.

En Grèce, la progression du consentement fiscal passe par la professionnalisation des fonctionnaires, pas par leur licenciement ; il passe par de meilleurs traitements, afin que les fonctionnaires n'aient pas à occuper un 2e emploi pour vivre décemment, ce qui nuit à leur productivité/assiduité, ni à demander des enveloppes à l'administré pour lui rendre les services dus, un administré pour lequel l'enveloppe est donc un second impôt ; il passe par l'investissement, pour que les fonctionnaires puissent remplir normalement leurs fonctions (lorsque, Nisyriote, vous allez à Kos pour contester une facture d'électricité et que vous attendez plusieurs heures parce que les ordinateurs ne fonctionnent pas en raison... d'une coupure d'électricité, votre consentement à l'impôt n'en sort pas renforcé...) ; il passe par la justice fiscale : que les riches et très riches, que la politique germano-européenne a encore enrichis depuis cinq ans, contribuent enfin à proportion de leurs capacités.

Mais de cela ni Merkel/Schäuble, ni Barroso/Druncker, ni Trichet/Draghi, ni Sarkozy/Hollande ne se sont jamais souciés. Au contraire, la politique germano-européenne n'a jamais visé qu'à dépecer l'Etat, à démanteler l'Etat social, privatiser la propriété commune au plus grand profit des intérêts privés (allemands au premier chef bien sûr, mais les grandes familles grecques qui sont à l'abri de l'impôt, championnes du capitalisme compradore, intermédiaires entre la Grèce et l'étranger dominant, en tirent aussi un très important bénéfice), à couper dans les dépenses publiques, à diminuer les traitements des fonctionnaires, à préserver les privilèges fiscaux, donc à détériorer, encore et à la fois, les services rendus aux citoyens et leur consentement fiscal.

Et que Tsipras/Syriza ait endossé tout cela, prétendument au nom du moindre mal et en réalité par vénération pour un fétiche monétaire allemand, est une tragédie démocratique.

La démission du responsable de la lutte contre la fraude fiscale, et les attendus de cette démission, en disent long sur cette tragédie - et sur la responsabilité écrasante de Tsipras/Syriza qui a renoncé à rien changer au système qui a ruiné la Grèce en acceptant le Diktat germano-européen.

Il y a quelques jours, j'ai signalé ici la démission de son mandat de député de Gavriil Sakellaridis, ex-membre de la garde rapprochée de Tsipras. Il faut signaler aussi la récente déclaration de Stathis Panagoulis, lui aussi élu Syriza en septembre, qui a donc échappé à la purge des listes par les Tsipriotes des éléments alors suspects de ne pas être les godillots de la politique mémorandaire version gauche radicale. Stathis est le frère d’Alexandros Panagoulis (auteur d'un attentat contre le colonel Papadopoulos, torturé, emprisonné dans des conditions inhumaines, assassiné après le retour à la démocratie : il faut lire Un Homme d'Oriana Fallaci qui fut sa compagne). Il a refusé de voter les mesures facilitant la saisie de la résidence principale des ménages surendettés, le 13 novembre dernier, et siège, depuis son exclusion, comme indépendant (l'autre dissident est Nikos Nikolopoulos, ancien député et ministre de la Nouvelle Démocratie, exclu pour son opposition au mémorandum Samaras, élu en septembre sur les listes des Grecs indépendants qui l'ont exclu à leur tour après ce vote). Il vient de déclarer qu'il voterait contre un projet de budget qui ne contient aucune mesure sociale, ne fait que répondre aux exigences absurdes des créanciers et mène le peuple grec à la "pauvreté absolue".

Peau de chagrin, la majorité de Tsipras se fait plus étriquée à chaque vote ; quant à l'opposition, elle aussi en pleine décomposition (le vote pour la présidence de la ND a été un retentissant fiasco et n'a pu se tenir en raison de défaillances techniques massives), elle a refusé (pour l'instant ?), lors de la récente réunion convoquée par le président de la République, à la demande de Tsipras, de servir de roue de secours au gouvernement.

Le délitement de la démocratie hellénique, sous l'effet de l'euro et des politiques germano-européennes, dont Tsipras et Syriza ont accepté de se faire les agents d'exécution (plus ou moins rétifs afin de mimer une résistance qui, de toute façon, n'obtient que des concessions symboliques), se poursuit donc lentement. Comme je l'ai écrit dès les lendemains du scrutin de septembre, la victoire ne fut qu'une victoire à la Pyrrhus, par défaut, sans perspectives ni lendemains.

Et pendant ce temps-là, l'Europe choisit de fermer les yeux sur les crimes d'Erdogan, sur son soutien à Daech, sur sa manipulation du mouvement migratoire. Elle choisit de fermer les yeux et de céder à son chantage en payant trois milliards, dont pas un centime n'ira bien sûr aux réfugiés et dont la totalité enrichira le système mafieux de l'AKP et le clan qui le dirige. L'Europe paye Erdogan qui, son chantage payant, n'a aucune raison d'y mettre un terme. Tout au contraire. Et elle menace d'exclure la Grèce de l'espace Schengen : d'abord je vous étrangle, je vous écorche, je vous étouffe, ensuite je file du fric à celui qui organise une vague migratoire qui vous submerge, et enfin je vous accuse de ne pas faire le boulot que je vous ai enlevé tout moyen de faire... La logique est imparable !

Pendant ce temps-là aussi, l'OTAN se déclare prête à intégrer le Monténégro... c'est-à-dire un Etat lui aussi totalement mafieux. Rappelons en effet que le Monténégro est dirigé depuis 1991 par un clan dont les parrains sont le Premier ministre Djukanovic et le président de la République Vukanovic, qui n'ont cessé depuis d'alterner à ces postes. Ce clan a mis le pays en coupe réglée, donné asile à des gros bonnets de la Mafia sicilienne, de la Camora et de la Dranghetta. Accusé par le parquet de Naples d'être un rouage essentiel du trafic de cigarettes (entre autres !) vers l'Italie, des millions de cigarettes de contrebande transitant par le Monténégro, Djukanovic a fait l'objet, en 2004, en Italie, d'un mandat d'arrêt pour crime mafieux et destructions de preuves... Il a en outre supprimé toute réelle liberté de la presse dans son pays.

Rappelons aussi que cette région (Kosovo, Albanie, Bosnie, ARYM, Monténégro) a été "réorganisée" aussi brillamment que le Proche-Orient par les Etats-Unis (ici très efficacement secondés par l'Allemagne : les services spéciaux teutons ont notamment couvé, armé, formé, protégé les terroristes de l'UCK kosovare, Mme Merkel n'ayant pas rechigné à serrer la main de Thaçi, fortement soupçonné d'être l'organisateur d'un trafic d'organes d'êtres humains prélevés sur des prisonniers serbes sans anesthésie...), et qu'elle est aujourd'hui un foyer de radicalisation islamiste (la Turquie, l'Arabie, le Qatar, comme ailleurs, sponsorisent l'intégrisme dans des populations musulmanes de Bosnie, du Kosovo, d'ARYM, d'Albanie, de Bulgarie à l'Islam autrefois très souple et "arrangeant"), et un inépuisable réservoir d'armes pour les terroristes islamistes qui circulent, grâce à Schengen, aussi facilement que, grâce à l'UE et au Luxembourg de Druncker, les riches et les grandes entreprises peuvent échapper à l'impôt par l'optimisation/évasion fiscale.

Dans ce panorama bien sombre, reste l'espoir d'un prochain écroulement sur soi de cet édifice européen qui tue nos économies, notre Etat social, notre démocratie, nos nations - qui prive d'espoir, par ses politiques criminelles, par sa déification du Marché, de la Concurrence, de la Monnaie, les jeunes qu'elle jette dans des idéologies démentes et barbares. Car les peuples ne cessent plus de dire Non aux politiques criminelles de cette Europe : Non des Grecs trahi par Tsipras, Non des Finlandais dont le Parlement débattra bientôt de la sortie de l'euro, Non des Polonais, Non des Portugais engagés depuis peu dans une expérience de type Syriza (un gouvernement qui se dit de gauche et veut rompre avec l'austérité consubstantielle à l'euro tout en restant dans l'euro... mais soutenu par un PC et un Bloc de gauche qui ont tiré les leçons de l'échec de Syriza et disent nettement que l'euro n'est plus compatible avec la démocratie), peut-être un Non, demain, des Britanniques, le Non, hier, des Danois.

Combien de temps encore l'Europe et ses "élites" faillies, hors-sol, pourront-elles ignorer ce que disent les peuples, s'asseoir sur leurs votes et continuer comme avant ? En France, cette folie va sans doute aboutir dimanche à un nouveau séisme. Car on ne combat pas le Front national avec des injonctions morales ; on le combat en rompant radicalement avec les politiques germano-européennes qui, depuis 30 ans, n'ont cessé tout à la fois d'échouer et de le nourrir.