Romaric Godin nous apprend aujourd'hui que Tsipras souhaite la sortie du FMI du "plan d'aide" à la Grèce... qu'il vaudrait mieux appeler plan de déflation sans fin.

1er enseignement : il n'y aura pas de restructuration de la dette autre que symbolique, comme je n'ai cessé de l'écrire depuis le 13 juillet. Tsipras a alors présenté à son peuple cette restructuration comme la contrepartie à venir des "sacrifices" qu'il acceptait... en contravention avec le mandat qu'il avait demandé au peuple par référendum dix jours plus tôt. L'Allemagne y a toujours été opposée et le FMI y est favorable, jugeant cette dette insoutenable. Souhaiter la sortie du FMI, c'est donc renoncer à la restructuration et s'aligner un peu plus sur l'Allemagne. Dans quel but ?

2e enseignement : les créanciers n'en ont jamais assez. La capitulation du 13 juillet les rend logiquement insatiables : comme je l'écris aussi depuis le 13 juillet, une capitulation n'est jamais un acte isolé parce qu'elle révèle que vous n'envisagez pas de sortir de l'étau dans lequel vous êtes (en l'occurrence l'euro), elle a donc pour effet de multiplier les exigences de celui devant lequel vous capitulez, et générer un processus continu de capitulations en chaîne, voire de capitulations anticipées, prévenant les désirs du maître dans l'espoir de s'en attirer les bonnes grâces (cf. l'histoire de Vichy). Ainsi Romaric Godin précise-t-il que :

"La réunion de l'Eurogroupe de lundi 7 décembre a été l'occasion d'une nouvelle demande des créanciers d'aller plus loin et plus vite. La semaine dernière, 13 mesures ont été présentées par l'Euro Working Group, la commission technique de l'Eurogroupe, à Athènes, parmi lesquelles la réforme de la sécurité sociale et l'établissement du fameux « fonds de privatisation », inspiré de la Treuhandanstalt est-allemande, qui doit « valoriser » les actifs publics et gérer le produit des ventes. Les créanciers sont décidés à réduire les discussions sur ces mesures. Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a indiqué qu'il fallait un paquet législatif avant « la mi-décembre », bref avant une semaine. C'est dire si la marge de manœuvre d'Athènes est étroite. Si l'Eurogroupe n'est pas satisfait, il pourrait ne pas libérer le dernier milliard d'euros de la première tranche de « l'aide. »

Jeroen Dijsselbloem est allé encore plus loin : il a indiqué qu'il voulait finaliser les « grandes réformes budgétaires et structurelles », avant la fin de l'année. Il s'agit évidemment de la réforme des retraites qui promet d'être douloureuse. Alexis Tsipras cherche à éviter des coupes franches dans les retraites en favorisant les hausses de cotisations, mais les créanciers sont farouchement opposés à cette vision."

Ces derniers développements de la tragédie grecque entrent d'ailleurs en résonance avec l'émission La Marche de l'histoire de Jean Lebrun que j'ai écouté tout à l'heure, en déjeunant, à mon retour de Créteil où j'ai parlé à mes retraités-étudiants... de l'évolution en Grèce depuis le référendum... L'invité, Gaël Brustier, parlait de Gramsci. Il est l'auteur je crois d'un A demain Gramsci, au Cerf, que je vais peut-être m'offrir pour le lire à Nisyros en janvier.

Car à ma grande honte, je connais bien peu ce penseur sur lequel je lis, ces temps-ci, des choses bien stimulantes sous la plume de gens avec qui, sur Facebook, je me sens en symphonie intellectuelle (notamment de jeunes souverainistes de gauche), comme dans le passionnant livre de Christophe Barret que je viens de terminer Podemos, Pour une autre Europe - lui aussi paru au Cerf... chacun ses lacunes !!!

Ainsi Gaël Brustier concluait-il, en illustrant par l'exemple de l'Union européenne, la pensée de Gramsci selon laquelle, si j'ai bien compris, moins un pouvoir sait susciter d'adhésion et plus il a recours à la coercition...