D'abord il y eut 2005 et les deux Non, français et néerlandais, transformés en Oui par transsubstantiation parlementaire.

Puis l'Italie et la Grèce connurent, presque simultanément, un premier coup d'Etat européen: le remplacement, sous intense pression germano-européenne, de deux présidents du Conseil élus, Papandréou et Berlusconi, par deux banquiers non élus, Papadimos et Monti. Le premier ne tenta pas même, tant il était haï, de se présenter aux élections suivantes avec un parti leurre. Le second se hasarda à l'expérience et fut écrasé par le suffrage universel, au profit d'un autre leurre : le Parti démocrate à l'intérieur duquel Matteo Renzi réussit un putsch pour parvenir au pouvoir, bénéficia d'un massif "effet belle gueule", grâce auquel son parti fit un score historiquement haut aux dernières élections européennes, avant d'être rattrapé par sa politique - celle de l'UE et de l'euro, c'est-à-dire celle de l'Allemagne -, et de sombrer au référendum de décembre 2016.

Mais Renzi a laissé deux héritages. Le premier, c'est la trame d'une loi électorale scélérate d'une incroyable complexité (elle fut en partie annulée par la Tribunal constitutionnel avant d'être retripatouillée par les partis fidèles à la Germano-Europe, dont la seule motivation était d'empêcher l'accession au pouvoir du Mouvement 5 étoiles, comme autrefois les partis du système de la IVe République inventèrent une loi, très proche, dite des apparentements, seulement dans le but d'empêcher le Rassemblement du peuple français du général de Gaulle d'emporter les législatives de 1951). Le second c'est le président de la République Sergio Mattarella, vieux crocodile de la Démocratie chrétienne, député durant sept législatures, quatre fois ministres (dont la première sous Andreotti), puis juge au Tribunal constitutionnel : une espèce de concentré de la Caste politique italienne, rescapé du naufrage de la DC, rescapé du naufrage de la coalition dite de centre gauche de L'Olivier... Un inoxydable produit du système élu, pour sept ans, le 31 janvier 2015, au 4e tour de scrutin, par 665 des 991 députés et sénateurs.

Précisons qu'entre-temps Chypre avait connu elle aussi un coup d'Etat européen, qui ruina nombre d'entrepreneurs et paupérisa une partie importante de la population. Puis ce fut l'épisode du second coup d'Etat germano-européen en Grèce, entre la première et la seconde élection législative grecque de 2015, l'annulation germano-européenne des 61,31 % de Non - avec la complicité de Tsipras et de sa bande -, l'étouffement systématique de l'économie grecque et la spoliation des biens privés et publics des citoyens grecs, à une échelle encore jamais vue, dans un pays réputé vivre en démocratie, en temps de paix.

Et voilà donc qu'aujourd'hui, le porte-manteau germano-européen Mattarella, en vertu d'une lecture éminemment contestable de la Constitution, vient de refuser de nommer un gouvernement jouissant d'une majorité élue par plus de 50 % des Italiens ayant pris par au vote, sous le prétexte qu'un des ministres ne lui convient pas, et alors que c'est au Président du Conseil de nommer les ministres et aux Chambres d'investir le gouvernement. Enfin le porte-manteau germano-européen Mattarella nomme, pour le substituer au président du Conseil conforme à la majorité issue des élections, un président du Conseil, Cottarelli, surnommé "Monsieur Ciseaux" en raison de sa rage à opérer des coupes dans tous les budgets de l'Etat, afin de conformer l'Italie aux critères d'austérité imposés par la Germano-Europe - c'est-à-dire un symbole des politiques que les électeurs italiens viennent de rejeter massivement.

En outre Cottarelli est... banquier bien sûr ! Et ancien du FMI par dessus le marché.

Mais n'oubliez pas, hein ? L'Europe c'est la paix. Ou pas.

En tout cas, l'Europe c'est bien la Banque. La Banque, la Banque, la Banque... chante une fois encore la Germano-Europe, comme Carmen, lisant les cartes, chantait : la Mort, la Mort, la Mort...

En réalité, nous sommes aujourd'hui en Italie face à un crise comparable à celle qu'a connue la IIIe République française naissante, le 16 mai 1877 : un conflit de légitimité entre un président élu par un parlement dont la majorité à été écrasée dans les urnes et la nouvelle majorité.

La seule différence, de taille, c'est que le président italien est la marionnette d'une puissance étrangère.

Car Mattarella n'a pas refusé de nommer à l'Intérieur Matteo Salvini au motif que sa politique migratoire serait incompatible avec les traités européens ou les droits de l'Homme ; non, il a refusé de nommer Paolo Savona, un éminent économiste de 81 ans, ancien patron et président de la confédération patronale italienne (bref, un révolutionnaire !), ministre des Finances, pour l'unique raison que celui-ci, après avoir été partisan de l'euro, défend aujourd'hui que l'euro est une cage de fer allemande dans laquelle expire l'économie italienne - la pure et simple vérité.

Les masques sont donc une fois encore tombés : c'est l'ordre européen, c'est-à-dire l'ordolibéralisme allemand, qui conditionne désormais, partout en Europe, l'exercice du suffrage universel, qui contraint les choix des électeurs - en application du théorème Juncker énoncé au moment de la "crise grecque" : pas de démocratie contre les traités européens. C'est-à-dire pas de démocratie du tout. Explicitement désormais, le rite électoral est désormais limité à un concours de mode destiné à désigner le plus jeune, le plus avenant ou le mieux habillé parmi ceux qui ont accepté de conduire la seule politique acceptable - déterminée ailleurs, par la Caste qui sait mieux que les peuples ce qui est bon pour eux, hors de tout contrôle démocratique, et pour l'éternité des temps. Et c'est encore mieux si c'est un banquier et le plus soumis aux volontés de l'Allemagne : Macron, par exemple.

Une fois de plus, la preuve est faite que ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe est incompatible avec la démocratie. Et comme on ne la changera plus, comme on ne la réorientera plus, parce qu'elle a été précisément conçue, dès l'origine, pour servir exactement à quoi elle sert, soit on choisit la démocratie et on sort de l'euro et de l'UE, soit on choisit de rester dans l'UE et l'euro et on enterre la démocratie.

C'est bien là qu'est le noeud gordien de la question italienne qu'il faut trancher, si l'on ne veut pas voir mourir la démocratie en Italie comme ailleurs en Europe. Hier soir, en meeting à Naples, Luigi di Maio, le leader du M5S n'a pas dit autre chose : "Pour revenir aux urnes, nous n'avons pas besoin du drapeau du mouvement, mais du drapeau italien, car dans ces couleurs il y a le peuple italien et la souveraineté appartient au peuple italien, pas au peuple allemand."

Alors ? Gouvernement "technique" (sous-entendu "neutre", alors qu'on nomme à sa tête un idéologue de la soumission aux dogmes allemands) sous la houlette de "Monsieur Ciseaux" pour gagner quelques mois et surtout mettre l'Italie à genoux devant les marchés, afin que la majorité trouve une situation dans laquelle elle aura pieds et poings liés. Forcer la Ligue et M5S à prendre l'engagement de rester dans l'euro où ils seront ligotés, et pilonner que la sortie de l'euro conduirait les Italiens à la ruine, à la pauvreté, à la faillite. Alors que c'est juste le contraire : la sortie de l'euro est la condition du redressement italien. Jouer autant qu'on peut sur la trouille durant ce répit.

Mais si ça foire ? Comme en France en 2005, comme en Grèce pour le référendum (car si plus de 61 % des Grecs ont dit Non en 2015, ce n'est certes pas qu'ils étaient tous pour une sortie de l'euro, mais vu l'intense propagande, du matin au soir et du soir au matin, leur pilonnant qu'un Non signifierait la sortie de l'euro et l'expulsion de l'UE, c'est bien qu'ils en ont assumé le risque). Comme avant le Brexit et les prévisions d'une Tamise rouge de sang et des nuages de criquets ravageant le Yorkshire si les Britanniques votaient Leave.

Alors, à l'instar du président monarchiste Mac Mahon en 1877 refusant de confier le pouvoir à la majorité républicaine élue en 1876 et qui choisit finalement de démissionner après que les urnes eurent renvoyé une majorité républicaine à la Chambre en octobre 1877, le porte-manteau germano-européen Mattarella devra bien se soumettre ou se démettre (selon les mots de Gambetta, à Lille, le 15 août 1877, durant la campagne électorale) si le peuple italien confirme son choix dans un nouveau scrutin.

Or c'est ce qu'indique le premier sondage réalisé depuis la crise institutionnelle déclenchée par le porte-manteau Mattarella puisque la Ligue (qui est bien autre chose qu'une extrême droite comme en témoigne le fait qu'Alberto Bagnai, économiste qu'on ne peut classer à droite a été élu sénateur sous cette étiquette) gagnerait 10 points, passant de 17,3 % à 27,5 %, tandis que le M5S se tasserait de 32,7 % à 30 % : la coalition déjà majoritaire dont le porte-manteau refuse de nommer le gouvernement, représentant donc près de 60% du corps électoral. Sans compter qu'une des extrêmes droites, Fratelli d'Italia, partenaire lors des dernières élections de Berlusconi et de la Ligue, s'est déclarée hier opposée aux décisions du porte-manteau et disposée à entrer dans la coalition.

Que peut-on dire, dès lors, sinon que la politique germano-européenne du porte-manteau est en train d'élargir et de cimenter un bloc patriotique, face aux partis de l'étranger (pour reprendre l'expression de "l'Appel de Cochin" lancé par Chirac en 1978) : effondrement du berlusconisme à 8 % et stagnation du PD sous 25%.

Pour tout vous dire, j'étais plutôt sceptique sur la capacité et la résolution de la coalition italienne à résister aux pressions de l'Euro-Germanie (le traumatisme de la trahison Tsipras n'est pas près de s'effacer chez moi et je crois n'être pas seul dans ce cas) ; il n'en est pas moins indubitable que le refus de cette coalition de passer sous les fourches caudines du porte-manteau me paraît de bon augure pour la suite... à hauteur de ce qu'une concession sur la nomination du ministre des Finances aurait représenté d'incapacité ou d'absence totale de volonté, avant même d'accéder au pouvoir, à résister aux pressions de l'Eurogermanie.

Quant au résultat du vote à venir, il est évident que le porte-manteau ayant explicitement refusé de nommer le ministre des Finances en raison de son hostilité à l'euro, plus le réflexe patriotique sera massif, et plus le mandat de rupture avec cet euro donné à la nouvelle majorité confirmée sera clair.

Et il faut dire que, pour entretenir et développer ce réflexe, on peut compter sur la morgue et la bêtise politique crasse de la Caste eurogermanique. Car ils sont tellement bêtes, tellement coupés des réalités, des peuples, tellement étrangers au patriotisme et aux gens que leur politique torture et tue chaque jour, tellement sûrs d'eux-mêmes et dominateurs, qu'ils vont peut-être finir par faire péter leur bastringue... A la manière dont la Nomenklatura soviétique a tué l'URSS et provoqué son effondrement.

Ainsi, hier, on apprenait par un tweet de l'interviewer (sur la Voix de l'Allemagne, la Deutsche Welle) du commissaire allemand Günther Hermann Oettinger que celui-ci lui avait déclaré : "Les marchés vont apprendre aux Italiens à voter correctement".

Voilà qui est dit sans complexe ! La caste eurogermanique - et sa branche française, la clique Macron - répudient désormais toute hypocrisie dans la brutalité de ses propos. Ils sont à ce point hors sol, qu'ils ne se rendent même plus compte de ladite brutalité qui révèle aux peuples le hideux mufle de leur dictature bancocrate au service de l'ordolibéralisme allemand.

Il faut dire que le coco Oettinger, commissaire chrétien démocrate du IVe Reich, n'en est pas à son coup d'essai. Dans mes 30 bonnes raisons pour sortir de l'Europe, paru fin 2016, j'écrivais ainsi à son propos : "À l’Économie numérique, Juncker nomme l’Allemand Günther Hermann Oettinger. Comme ministre président du Land de Bade-Wurtenberg, celui-ci avait déclenché, en 2007, une violente polémique par son éloge funèbre, fort ambigu, d’un de ses prédécesseurs, forcé de démissionner en 1978 à la suite de révélations sur son passé de juge sous le IIIe Reich. Puis en 2011, Oettinger (« canard boiteux » dont le gouvernement s’est débarrassé en « l’expédiant » à Bruxelles, selon un document de l’ambassade américaine à Berlin révélé par Wikileaks) avait proposé qu’on mette en berne, devant les bâtiments de l’Union, les drapeaux des États endettés et même de remplacer les fonctionnaires grecs supposés incompétents par des fonctionnaires européens…"

Quant au tweet, démenti pour la forme (ce qui ne trompe personne sauf les gogos qui sont toujours d'accord pour avaler une couleuvre après l'autre), sitôt qu'on s'est aperçu des ravages qu'il allait provoquer dans l'opinion italienne, l'im-Monde de chez nous le qualifie de gaffe. Quel humour ! Le quotidien de la Caste regrette encore, lui, qu'on dise la vérité toute crue : c'est contre-productif ! Mais ce n'est pas une gaffe, Messieurdames de l'im-Monde, c'est bien un système de gouvernement ! (NB : la réponse du Commissaire du IVe Reich serait en réalité : "Ma préoccupation est, et mon attente est, que les prochaines semaines montreront que les marchés, que les emprunts d'Etat, que le développement économique de l'Italie pourraient être si radicaux qu'ils constitueraient un signal possible pour les électeurs, de ne pas choisir les populistes de gauche et de droite"... ce qui revient exactement au même !)

D'ailleurs, la presse de la métropole allemande du IVe Reich ne dit pas autre chose. Elle remet ça avec entrain et sans le moindre complexe. Ainsi, après les PIGS, le Club Med, et les fainéants voleurs de Grecs, l'ami Lenny Benbara nous apprend-il, dans Le Vent se lève que : "l’hebdomadaire des élites allemandes, ''Der Spiegel'', a publié un éditorial dans lequel on explique que la Ligue et le M5S sont «des piques-assiettes» et en remet une louche : «Comment pourrions-nous définir autrement le comportement d’un pays qui demande de financer le farniente et qui menace ensuite ceux qui sont sommés de régler leurs dettes ? Au moins, les clochards disent merci quand on leur donne quelque chose.» "

Mais on est loin du racisme, n'est-ce pas ? Et l'Europe c'est la paix... Sauf quand il s'agit de taper sur la gueule de ces salauds du sud.