Quand la soumission à l'Eurogermanie commémore la victoire sur l'Allemagne qui, pour la seconde fois en un siècle, d'abord sous la forme impériale et militariste, puis sous la forme impériale et racialiste, jeta l'Europe et le monde dans la guerre, afin de s'assurer un "espace vital"...

Quand le destructeur de l'Etat social, par soumission à l'Eurogermanie, commémore une victoire qui fut aussi celle d'un CNR, dans lequel se retrouvèrent tous ceux qui, de l'extrême droite d'avant-guerre aux communistes, avaient, à un moment où un autre, par réflexe patriotique ou réflexion politique, instantanément ou avec retard, rejeté l'occupation allemande et la collaboration avec l'ennemi, un CNR fondé - aux termes de quels efforts pour dépasser les calculs personnels et les oppositions ! - par Jean Moulin sous l'autorité du général de Gaulle, un CNR qui, conscient que le libre marché était à l'origine de la guerre à travers la crise de 1929, entreprit de nationaliser, de planifier, de réguler, d'assurer à chacun une sécurité minimale devant les aléas de l'existence, posant ainsi les fondations de ce qui fut la période de croissance la plus forte et de répartition de ses fruits la moins inégalitaire de l'histoire de l'humanité - d'un État social. Un CNR dont le démolisseur qui commémore démolit aujourd'hui méthodiquement ce que l'Eurogermanie a laissé subsister de cette oeuvre, liquide l'Etat social, l'intérêt général au profit des intérêts particuliers.

Commémoration, en somme, de la vertu par le vice.

Le livre de ce moment que nous vivons, c'est incontestablement L'Etrange Défaite de Marc Bloch.