Comparaison n'est pas raison, l'histoire ne se répète jamais à l'identique, tout ça tout ça...

N'empêche... quand vous êtes historien (ce qui dénote déjà une forme de pathologie mentale), il y a des choses qui font tilt et vous ne pouvez vous empêcher de faire des allers-retours qui sont parfois éclairants, voire pertinents.

Ainsi ce matin, à l'hosto où je n'avais rien d'autre à faire, après une intervention chirurgicale bénigne hier, qu'à attendre ma sortie en lisant ce qui apparaissait sur mon fil Facebook, après une intervention bénigne hier, me suis-je dit que ces 803 nouveaux millions de cadeaux aux très riches et très citoyens qui font émigrer leurs capitaux... m'éveillaient un souvenir.

Retour à la maison, une fois réveillé d'une bénéfique sieste, je m'empare donc du Jardin et Tudesq, "La France des notables, 1815-1848", vol 6 de la nouvelle histoire de la France contemporaine, paru au Seuil en 1973. Bingo !

Arrivé sur le trône à la mort de son frère Louis XVIII, le 16 septembre 1824, Charles X hérite du ministère Villèle, appuyé sur une "chambre retrouvée" élue en mars, où siègent seulement 19 opposants libéraux (la "gauche" de l'époque) dans une assemblée de 430 membres composée au 3/5e de nobles et pour moitié d'anciens émigrés.

Charles X hérite aussi d'une "opération extérieure" décidée sous son prédécesseur : l'armée française, commandée par le duc d'Angoulème, s'en est allée, en avril, tailler des croupières (jusqu'au fort de Trocadéro) aux Cortes et aux Espagnols libéraux, afin de restaurer l'absolutisme à Madrid.

Ce roi, ce ministre, lui-même chevalier de la Foi, et cette chambre conduisent aussi une vigoureuse politique de rapprochement du trône et de l'autel, s'employant ainsi en quelque sorte, à réparer le lien abîmé par la Révolution entre l'Etat et l'Eglise catholique.

Ce roi, ce ministre et cette Chambre s'employèrent également à faire voter, en avril 1825, la loi dite "du milliard es émigrés", destinée à "indemniser" les émigrés "spoliés" par la Révolution. En réalité, nous apprennent Jardin et Tudesq, le capital effectivement mobilisé pour la constitution d'une rente à 3% versée aux bénéficiaires fut de... 867 millions. A 64 millions près, notre Charles X, notre Villèle havrais et notre chambre retrouvée semblent bien suivre un modèle... trouva son terme, cinq ans plus tard, avec les Trois Glorieuses.

Ensuite, vous allez renoncer à une journée chômée pour travailler sans salaire afin de financer la dépendance. Ensuite les retraités doivent faire des efforts. Ensuite comme on a mis la SNCF dans l'impossibilité de remplir correctement ses missions pour justifier l'ouverture à la concurrence, évidemment prélude à la privatisation, on va mettre l'hôpital public un peu plus hors d'état de fonctionner correctement afin de pouvoir le privatiser et l'on dit froidement aux personnels de santé qu'il n'y a pas d'argent magique (pour eux, mais pour les très riches, il y a des réserves apparemment inépuisables de magie !) et qu'il faut qu'ils se bougent (ils se bougent, il est vrai, ceux qui vont mettre leur argent au Luxembourg, chez le président de la Commission européenne, aux Caïmans ou aux Bermudes...).

Et puisque je sors de trois jours d'hôpital, je finirai ce billet par un hommage vibrant aux personnels hospitaliers : compétents, attentifs, humains, gentils. Merci à eux !!! Surtout quand on sait sans qu'elles conditions ils doivent travailler... Le brancardier qui m'a emmené hier au bloc 10h30, avait fini à 21h00 la veille au soir et ne devait reprendre qu'à 18h30 le lendemain. Il avait été rappelé en urgence à 6h30 pour reprendre son service à 7h30. c'est lui qui m'a ramené à ma chambre à 16h30 et il avait encore 3h00 à travailler : argent magique ou insupportable arrogance de notre petit Charles X ?