Comme je l'écris depuis maintenant plusieurs années, la Grèce vit désormais sous la loi des vautours. C'est à dire que la trahison tous azimuts de Tsipras (une trahison qu'un lecteur de ce blog présentait dans son commentaire à mon précédent billet comme une énième version de sainte TINA : s'il a fait ça, c'est bien entendu qu'il ne pouvait faire autre chose. On n'en a donc jamais fini avec les sophismes ! Car non, en effet, on ne peut mener une autre politique sans s'affranchir du double carcan de l'euro et de l'UE, mais on peut choisir de s'affranchir du double carcan de l'euro et de l'UE pour mener une autre politique, ce que les Grecs choisirent par référendum en 2015, puisqu'on leur avait répété, sur tous les tons, du matin au soir et du soir au matin, que s'ils votaient NON on les expulserait de l'euro et de l'UE, et qu'ils votèrent NON à plus de 61 %. Avant que le gouvernement Tsipras ne s'assoie sur leur vote, comme le gouvernement français s'assit sur le vote des Français de 2005, comme... on s'assoit sur tous les votes dans l'UE, dès lors que ces votes ne correspondent pas à ce que des "élites" en sécession ont décidé de ce qu'ils devaient être) se traduit aussi par un immense transfert de propriété, une spoliation à grande échelle, une expropriation des Grecs de leur propre pays.

Ce pays était en Europe, avec la France, celui qui avait fait la réforme agraire la plus accomplie et le peuple grec était un peuple de petits propriétaires ; la fiscalité confiscatoire imposée par l'UE depuis 2010 contraint aujourd'hui ces petits propriétaires qui ont un capital mais pas de liquidités (puisqu'ils sont réduits par les politiques déflationnistes de la Germano-Europe à une précarité telle que même beaucoup de ceux qui ont encore un travail salarié ne sont pas payés régulièrement ou à des niveaux de salaires insuffisants pour vivre, voire survivre), soit à le vendre à n'importe quel prix pour se soigner ou subsister six mois de plus, soit à la confiscation - faute de pouvoir acquitter des obligations fiscales qui n'ont plus rien à voir avec la faculté contributive des Grecs.

Ainsi le gouvernement Tsipras, dit de gauche radicale, préside-t-il avec zèle (notamment en ayant fait passer en urgence une loi, exigée par l'UE, qui permet de pratiquer par Internet les ventes aux enchères des biens confisqués, lesquelles ne pouvaient avoir lieu physiquement du fait des mobilisations populaires), non à la collectivisation ou socialisation d'une partie de la propriété - qui fut autrefois un des marqueurs des politiques dites de gauche - mais à la spoliation pure et simple des petits propriétaires pour l'essentiel au profit du capital étranger, et accessoirement de la partie de la population grecque la plus riche. Ou quand le libéralisme, dont le respect du droit de propriété a toujours été présenté comme le pilier fondamental, aboutit, dans sa forme euro-germanique, à la violation généralisée de ce droit de propriété.

C'est à ce phénomène que Marie-Laure Coulmin-Koutsaftis, qui dirigea naguère l'ouvrage collectif : Les Grecs contre l'austérité. Il était une fois l'histoire de la dette (Le Temps des cerises, 2015) dont j'ai eu l'honneur d'écrire la contribution conclusive : "La fable du boa et du lapin" (où le lecteur de ce blog cité plus haut trouvera une manière de réponse anticipée à son commentaire à mon précédent post en ce qui concerne Tsipras), vient de consacrer, sur le site du Comité pour l'abolition des dettes illégitimes, un article détaillé que je ne peux que vous recommander de lire.