Quand ce qui a fait fonction de président de la République durant cinq ans dit qu'il va falloir tirer les conséquences des événements tragiques de la nuit dernière, il pense à lui ? Il va sans doute, dans ce cas, arrêter d'émarger au budget du Qatar, en se faisant payer des conférences bidon par le principal soutien historique du djihaddisme.

Ou bien pense-t-il à la France ?

La France qui, depuis tant d'années, a abdiqué sa souveraineté monétaire, ce qui conduit à la désindustrialisation et au désespoir d'une partie de plus en plus grande de la population, désespoir qui lui-même nourrit la radicalisation.

La France qui a abdiqué après tant d'autres, avec Schengen, les frontières - dont Régis Debray faisait il y a peu l'éloge -, une abdication qui permet l'intensification de tous les trafics, celui des armes comme les autres, alors que l'UE sous direction allemande créait dans les Balkans les Etats mafieux du Kosovo, d'ARYM, du Monténégro, de Bosnie-Herzégovine, inépuisable réserve d'armes pour la criminalité quelle qu'elle soit.

La France où Sarkozy, comme ses prédécesseurs et successeurs, n'a cessé de déconstruire l'Education nationale et notamment l'enseignement de l'histoire nationale, celle des représentations qui permettent de s'identifier à un passé commun, de se reconnaître membres d'une même communauté solidaire et de se projeter ensemble dans le futur - au profit d'une doxa eurolâtre, libérale et individualiste qui substitue au sentiment d'appartenance la guerre de tous contre tous, la concurrence.

La France où Sarkozy, comme ses prédécesseurs et successeurs, n'a cessé, sous prétexte d'Europe, de discipline budgétaire et autres fadaises, de faire reculer l'Etat qui défend l'intérêt général, qui protège, qui permet le sentiment d'appartenance, face aux intérêts privés et aux barbaries économiques et sociales.

La France que Sarkozy et son successeur ont entraîné dans une sanglante impasse au Proche-Orient et, au Proche-Orient comme ailleurs, dans une incroyable succession d'erreurs stratégiques et tactiques - à commencer par l'alignement sur la position absurde des Etats-Unis à l'égard de la Russie, qui est (la Russie, pas le régime russe : on ne fait pas de politique étrangère avec des régimes mais avec des Etats) notre alliée naturelle.

Oui, il y a incontestablement des conséquences à tirer des événements tragiques de la nuit dernière : le licenciement collectif de la caste politique faillie dont les gugusses interchangeables se sont succédé au pouvoir depuis trente ans pour bâtir l'impasse sanglante et l'impasse politique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Car il y a des responsabilités politiques écrasantes aux événements tragiques d'hier soir.

Ainsi, pendant ce temps, où l'on nous appelle à l'union nationale, Fabius et Sapin vont chez Erdogan - qui blanchit le pétrole de contrebande de Daesh et sans l'aide de qui Daesh ne serait pas, ne serait plus. Et pendant ce temps-là le club de football de Paris est présidé par un ressortissant du Qatar, financier historique du djhadisme qui se paye régulièrement les complaisants services d'un certain Sarkozy, et pendant ce temps-là Merkel va discuter avec le même Erdogan, au nom de l'Europe et sans mandat, la libre circulation des citoyens turcs en Europe, et pendant ce temps-là Hollande et consort vont lécher les babouches saoudiennes pour que la métropole mondiale et historique de l'intégrisme islamique nous achète des armes tout en entretenant mosquées et prédicateurs extrémistes sur notre territoire...

Je veux bien adhérer à une "union nationale"... mais mon adhésion requiert, voyez-vous, un minimum de cohérence.

Quant au sens profond de ce à quoi nous sommes en train d'assister, c'est peut-être aussi à un événement du type de Tchernobyl qui révéla en son temps l'obsolescence de l'URSS et accéléra sa chute. Ces attentats, après la crise grecque, à mi-chemin du coup d'Etat européen au Portugal, alors que le gouvernement polonais vient de remettre en cause, en raison des attentats, les quotas de migrants, que Merkel perd le pédales en allant lécher les bottes d'Erdogan tout en se faisant flinguer par la CSU et Schäuble qui veut prendre sa place, sans parler de l'état politique de la France... c'est la manifestation que Schengen, l'euro et toute l'Union européenne sont totalement obsolètes, qu'ils nous paralysent en tout et pour tout devant les défis à relever... Je crois que tout cet édifice est au bord de l'effondrement, comme l'URSS au moment de Tchernobyl.