Je vous ai alertés ici sur l'ordre d'expulsion, à la fin juin, du Dispensaire solidaire d'Elliniko et vous ai encouragés à lui manifester votre/notre soutien.

Hier, le professeur Vichas a tenu, comme prévu, une conférence de presse et il y a donné une bonne nouvelle.

L'arrêté d'expulsion a en effet été suspendu, grâce à la mobilisation internationale qui s’est manifestée. Giorgos Vichas a ainsi rendu hommage au « mouvement de solidarité sans précédent en Grèce et en Europe », soulignant notamment qu’ à Bruxelles une manifestation a eu lieu devant le siège de l'UE et devant le consulat grec, et qu'au Parlement européen se sont élevées des voix de solidarité principalement portées par la député allemande (Alliance 90/Les Verts) au PE, Rebecca Harms.

Il a également annoncé que, durant cette suspension, le gouvernement s'était (enfin !) décidé à chercher une possibilité de relocalisation pour le dispensaire et engagé à discuter toutes les options avec sa direction pour trouver la meilleure solution et ne pas compromettre la poursuite des soins sans discontinuité.

Je ne vous cacherai pas ma joie devant cette évolution ! Merci à ceux qui, parmi vous, ont manifesté leur soutien au dispensaire.

Au demeurant, hier était peut-être ce que les anciens appelaient un jour faste : le ministre de l'Agriculture italien a annoncé que son pays ne ratifierait pas le traité de libre-échange avec le Canada (CETA), qui est partiellement entré en vigueur bien que les Parlements nationaux ne l'aient pas encore ratifié (encore et toujours la démocratie européenne !!!), la crise qui couve depuis la formation de la GroKO entre CDU et CSU a pris un tour aigu (dont bien sûr, nul média ici ne lève la langue !) menaçant de faire tomber Merkel et... j'ai appris que le tome II de La Grèce et les Balkans va faire l'objet d'un troisième tirage en septembre.

C'est évidemment pour moi une grande joie de voir le succès de ces trois livres qui ne se dément pas et dont les ventes continuent sur un rythme régulier et soutenu.

Ca l'est doublement parce que si j'ai été accompagné dans cette aventure de cinq ans, de manière patiente et bienveillante, par mon éditrice, Martine Allaire, comme par le responsable du secteur sciences humaines de Gallimard, Eric Vigne, je sais qu'ils ont eu, eux, à se battre contre les commerciaux qui n'étaient guère enthousiastes (euphémisme), arguant qu'ils ne pourraient jamais vendre trois tomes sur une région qui n'intéresse personne...



Et c'est rassérénant aussi ! Je veux dire qu'ils se soient trompés et qu'un projet ambitieux puisse encore leur donner tort en trouvant un public toujours plus large.

Cela dit, hier a été - en même temps ! - un jour néfaste pour bien des Grecs...

En effet, la Vouli (Parlement) a adopté par 154 voix contre 144 (2 députés étaient absents) les 88 conditions posées par l'ex-Troïka (en novlangue eurocrate, il faut dire "les institutions" !) après sa 4 ème évaluation des politiques mémorandaires.

Le projet de loi prévoit ainsi de énièmes nouvelles coupes dans les retraites à compter de 2019, la fixation 5686 euros de revenu annuel du seuil pour ne pas payer d'impôts sur ce revenu à compter de 2020, de énièmes et nouvelles coupes dans les dépenses de santé, de énièmes et nouvelles spoliations de biens publics baptisées privatisations pour ne citer que quelques et bien d'autres mesures dites techniques qui vont rendre encore plus difficiles le quotidien d'innombrables Grecs. Vive l'Europe ! c'est la paix... des cimetières.

Enfin, il faut que je vous touche un mot du projet d'accord entre l'ARYM et la Grèce : le nom international de l'Etat serait donc République de Macédoine du nord. Mais je n'ai encore rien vu de précis sur le VRAI problème entre cet Etat et la Grèce : une Constitution dont un certain nombre d'articles sont plus ou moins clairement irrédentistes et donnent à l'ARYM un droit de regard sur les affaires intérieures des Etats voisins dès lors qu'il s'agit du sort de la minorité prétendument macédonienne.

Or hier, Panos Kamménos, ministre de la Défense et chef de l'ANEL, parti sans lequel le gouvernement Tsipras n'a plus de majorité au Parlement - et qui vient de voter les 88 mesures -, ne votera pas l'accord négocié par le ministre des Affaires étrangères de ce gouvernement et approuvé par son Premier ministre. Y aura-t-il encore une majorité en Grèce si les manifestations de masse de janvier-février - alors que la négociation ne faisait que s'ébaucher - reprennent et s'amplifient ?

Dans un article pour Le Vent se lève, intitulé "La question macédonienne peut-elle faire tomber Tsipras ?" (7 février 2018), j'émettais l'hypothèse que Tsipras pourrait avoir choisi cette question pour tomber en divisant la droite et provoquer des élections avant la sortie du prétendu plan d'aide (prévue en août, et qui sera soit impossible, soit chaotique, soit en trompe-l'oeil), ou en tout cas avant que le train de mesures imposées par l'Euro-Germanie, qui entrera en vigueur ou montera en puissance au 1er janvier prochain (voir ci-dessus les 88 mesures votées hier... et que l'ANEL a approuvées), ce qui provoquera sans doute une chute supplémentaire de sa popularité (intentions de vote actuelles de 20% environ contre environ 30 % à la droite).

Dans quel but ? me direz-vous. Revenir avec assez de députés pour être indispensable à un gouvernement dit d'union nationale avec la droite...

Quant à l'autre côté, le président de l'ARYM, issu du parti ultranationaliste VRMO, le plus important du pays et qui a perdu de peu les dernières élections, a déclaré qu'il ne signerait pas l'accord négocié par le Premier ministre social-démocrate, chef d'une coalition hétéroclite d'une quinzaine de formations dont deux partis albanais et qui ne dispose que de quelques voix de majorité au Parlement.

De surcroît, l'accord doit être approuvé par référendum en ARYM au mois de septembre et il est clair que la VRMO va mobiliser à fond pour le faire rejeter ; il est beaucoup moins clair en revanche que les deux partis albanais de la majorité mobilisent sur une question qui ne les concerne que très indirectement et encore moins clair que l'électorat slave se la majorité parlementaire actuelle se rende massivement aux urnes pour voter Oui, alors qu'elle a voté contre la VRMO, aux dernières législatives pour des raisons économiques et sociales (domaine dans lesquels le nouveau gouvernement n'a en rien changé la donne), ou pour stopper la dérive autoritaire de l'ex-Premier ministre Gruevski - alors même que sur les questions du nom et de la Constitution, une large partie de cet électorat partage l'intransigeance de la VRMO et est hostile au compromis négocié par le gouvernement.

Bref, on a connu des accords mieux partis...

Voilà ! Il faut encore que je vous dise que je vais me faire plus rare ici dans les semaines qui viennent. Nous partons en effet pour Nisyros jusqu'au début de juillet. Je vous souhaite à tous un bel été !

Et n'oubliez pas ! Tigrane l'Arménien (ici pour la revue de presse et les articles complets qu'a suscité ce livre lors de sa première parution il y a un an) est de nouveau en librairie depuis le 11 juin, sous sa nouvelle couverture (due à Méliné Ian) dans la collection de poche d'H&O Editions.