Fondé en 2011 par un cardiologue, le docteur Vichas, sur le site de l'ancien aéroport d'Athènes, à Elliniko, le dispensaire solidaire est menacé d'expulsion depuis le 31 mai, par la société qui a obtenu le marché de "l'aménagement du site" : parc de loisirs, un hôtel 5 étoiles des résidences de luxes…

Aucune solution de réinstallation n’est proposée pour ce dispensaire qui a accueilli, depuis sa création, des milliers de patients privés d'accès aux soins du fait des politiques germano-européennes appliquées servilement depuis 2015 par un gouvernement dit de gauche radicale, donné des dizaines de milliers de consultations, fourni des traitements, des soins de dentisterie, etc., alors que l'expulsion est fixée au 30 juin ni par le gouvernement, ni par la région d'Attique, gérée par Syriza depuis les élections régionales du printemps 2014.

L’équipe totalement volontaire qui fait fonctionner ce centre de soins estime que sa disparition entraînera une nouvelle catastrophe sanitaire et sociale. Elle a convoqué une conférence de presse pour le 14 juin.

Je me souviens d'avoir rencontré le docteur Vichas, fondateur de cette "institution solidaire" qui ne reçoit aucun don en argent (voilà 4 ou 5 ans maintenant que j'envoie là les 10 à 15 kilos de médicaments non utilisés que me donnent mes étudiants retraités de l'Université interâges de Créteil) .

C'était à l'automne 2014, à l'occasion de journées consacrées à la "crise grecque" par le MUCEM de Marseille, avec Panagiotis Grigoriou comme conseiller principal des organisateurs et qui nous avait fait intervenir l'un et l'autre, moi après le docteur Vichas. Et je peux vous dire qu'au moment de prendre la parole, j'en avais la gorge nouée : Vichas racontait comment il récupérait des patients non soignés à temps dans un état de plus en plus souvent tragique - notamment des diabétiques qu'il fallait amputer ou d'autres en passe de devenir aveugles - ce qui, d'ailleurs, m'a inspiré un des personnages grecs, dans l'Athènes de la crise, de "Tigrane l'Arménien".

En privé, le docteur Vichas m'avait dit aussi tout le désintérêt des gens de Syriza - dont la victoire était annoncée pour des législatives qui devaient intervenir bientôt - pour cette entreprise, et pour le mouvement des hôpitaux solidaires en général. il essayait de le sensibiliser, d'obtenir des engagements ; il se heurtait à un mur. Et Panagiotis me disait la même chose d'acteurs qu'il connaissait de la scène culturelle.

J'avais tant d'espoir, alors, que la victoire annoncée de Syriza allait bouleverser la donne, que j'ai choisi de me dire qu'ils noircissaient forcément le tableau, que des gens de gauche radicale au pouvoir ne pouvaient pas être indifférents à la santé, à la culture, aux gens qui, sur le terrain, donnaient leur temps et l'énergie à réparer un peu des monstrueux dégâts humains du capitalisme dans sa version germano-européenne. Je me suis dit - je sais aujourd'hui que c'était pour me rassurer - que les mains dans le cambouis, tout à leur tâche, des gens comme le docteur Vichas devaient toujours trouver qu'on ne leur apportait pas assez d'attention.

J'avais tort. C'est Panagiotis et le docteur Vichas qui avaient raison.

Et aujourd'hui, c'est le gouvernement dit de gauche radicale qui est en train de liquider cette "institution solidaire" essentielle à la santé et parfois à la survie de nombreux grecs... pour faire place à une juteuse opération immobilière : un parc à riches.