Les Grecs sont dans les rues, les Grecs sont en grève, les Grecs sont vent debout contre les "réformes" que le gouvernement entend faire voter à la suite de sa capitulation de juillet. Peu importe puisque, en régime d'Union européenne, la démocratie n'existe plus, l'Etat de droit non plus, la Constitution encore moins. Peu importe puisqu'en régime d'Union européenne, la démocratie, l'Etat de droit, la Constitution ne sont plus que des paravents à la politique unique déterminée ailleurs, à Berlin et Bruxelles, dans l'entre-soi d'une Nomenklatura hors-sol, sans conscience, sans vision, sans intelligence - uniquement conduite par la cupidocratie qu'elle sert.

Démocratie d'apparences (qu'on ménage de moins en moins en Grèce, mais aussi, en France sous état d'urgence à durée indéterminée, ou aux Pays-Bas, la Commission ayant signifié dès le lendemain, comme c'est son habitude, qu'elle s'assiérait sur le référendum néerlandais) dans les Etats, l'Union européenne est une dictature de fait.

Ainsi, en Grèce, déjà, la néo-Troïka, dans sa logique délirante, en est-elle à exiger de nouvelles "réformes", toujours plus déflationnistes.

On ne change pas une logique qui perd depuis six ans.

Déboussolé, le gouvernement d'occupation présidé par Tsipras ne sait plus comment se tortiller pour faire croire à son peuple qu'il résiste et faire croire en même temps aux occupants qu'il exécute fidèlement leurs quatre volontés.

Tout cela est tragique, pathétique.

Car tout le monde sait que le train de mesures que la Vouli est requise de voter, et que le train suivant, qu'exigera dès demain l'eurogroupe n'auront aucune autre contrepartie sur la dette que de façade, au cas où Schäuble accepterait - de manière très improbable - de mettre un peu d'eau dans son schnapps. Probablement en est-il déjà à penser au train qui suivra le train suivant... et à savonner un peu plus la planche de Merkel. Car plus il est intraitable, plus la chancelière du Reich paraîtra trahir les retraités allemands, et la protection bec et ongles de leurs rentes - fût-ce au prix de l'étouffement de la production des autres Européens - en faisant la moindre concession.

Tout le monde sait que ce train de mesures, le suivant, et le suivant, et le suivant... ne feront qu'aggraver une situation que les trois mémorandums précédents et la vingtaine de plans d'austérité intermédiaires n'ont cessé de rendre plus insaisissable, cruelle pour la population, destructrice pour la démocratie.

Mais on ne change pas une politique qui perd depuis plus de six ans.

Le pire c'est que tout cela était écrit. Comme je n'ai cessé de le dire ici et ailleurs, la capitulation de Tsipras n'était pas un acte isolé - une capitulation ne l'est jamais. Ceux qui capitulent espèrent toujours la magnanimité du vainqueur en capitulant. Ils pensent toujours faire la politique du moindre mal. Argument massu de tous les Vichys de l'histoire de l'humanité.

En réalité, ils ne s'acquièrent jamais que le mépris des vainqueurs qui les écraseront toujours plus, avec toujours moins d'égards, de manière toujours plus humiliante, inhumaine, inflexible, puisqu'ils savent que celui qui est en face d'eux, en capitulant, a refusé de prendre les moyens de résister. En l'occurrence la sortie de l'euro, seule issue, et issue qui reste inéluctable, mais qui sera d'autant plus chaotique que chaque jour qui passe la rend plus difficile, parce que chaque jour qui passe sous le joug européen détruit ce qui reste de capacités productives et réduit les marges de manoeuvre du gouvernement de salut public qui finira bien par advenir.

Pourquoi la politique du moindre mal est toujours la politique du pire. Pourquoi la capitulation n'est toujours que l'acte inaugural d'une chaîne sans fin de capitulations.

Dans le même temps, la cécité européenne à l'égard de la Turquie devient chamberlinesque... Plutôt que de regarder en face les réalités d'une Turquie alliée de Daesh, pourvoyeuse d'armes et d'argent, qui a manipulé le flux de migrants et tiré profit de sa manipulation après avoir - ô combien ! - participé à le créer et à l'alimenter, plutôt que de regarder en face la dérive islamiste du régime et les délires despotiques autant que ceaucesciens d'Erdogan, la chancelière du Reich européen, sans mandat de ses partenaires qu'il conviendrait désormais d'appeler ses vassaux, n'a de cesse de nous faire lécher les babouches du néo-sultan, d'aligner les milliards en plus de ceux que l'UE déverse déjà sur la Turquie au titre de l'aide à l'union douanière.

Et voilà maintenant que les gnomes de la Commission osent prétendre que les 72 ou 74 conditions posées à la levée de l'obligation de visas pour l'entrée dans l'UE des citoyens turcs sont réunies !

Alors qu'Erdogan licencie son Premier ministre pas assez servile, alors qu'Erdogan fait lever l'immunité parlementaire du seul parti d'opposition démocratique, alors qu'Erdogan fait juger et condamner à la prison des journalistes tous les jours - les derniers pour avoir révélé les livraisons d'armes de la Turquie à Daesh et l'un d'eux s'est fait tirer dessus à l'entrée du tribunal, par un type que la police s'est bien gardée d'empêcher de tirer -, alors qu'Erdogan massacre dans le Kurdistan turc, alors qu'Erdogan islamise chaque jour davantage la société turque...

Erdogan qui estime que la priorité, pour la Turquie, est de se doter d'un régime présidentiel... dont il sera le président. Et c'est comme les trains de Schäuble : le prochain, ce sera la présidence à vie, le suivant l'hérédité de la présidence...

En attendant, si, une fois de plus, aucun vassal n'ose prendre le contrepied de la chancelière du Reich et de sa Commission, les services secrets d'Erdogan, dont seuls ceux qui ne veulent pas les voir ignorent les liens avec Daesh, pourront délivrer de vrais papiers turcs aux touroristes qui auront envie de venir passer un petit ouiquende à Paris sans même avoir à demander un visa...

Jamais depuis les visites de Chamberlain au Berghof, les dirigeants européens n'auront fait preuve d'un aussi criminel aveuglement, d'une aussi éclatante lâcheté, d'une aussi catastrophique inconscience.

Alors que, face à un Proche-Orient en ébullition/décomposition et à une Turquie de plus en plus islamofasciste qui renoue avec les démons de l'impérialisme ottoman tous azimuts - du Haut-Karabagh aux Balkans ou à la Syrie -, la Grèce est un bastion géostratégique capital pour la sécurité de l'Europe occidentale, nous ne cessons de l'enfoncer, de l'écraser, de la rendre plus ingouvernable, et de l'affaiblir face à une Turquie dont nous ne voulons pas voir quel est le jeu et dont nous nous berçons de l'illusion que, parce qu'elle appartient à l'OTAN, elle est encore une alliée.

Les réveils seront douloureux !