Romaric nous donne son analyse de "l'accord" que le gouvernement grec est en train d'accepter sur l'application du troisième mémorandum, et je le trouve bien optimiste ! Passer d'objectifs absurdes à des objectifs tout aussi absurdes mais avec quelques décimales ou points de moins ne change rien à la donne. Cet "accord" est récessif et enfoncera un peu plus la Grèce dans le chaos économique, social et humanitaire.

Cet "accord" ne change rien au coup d'Etat permanent que subit la Grèce de la part de l'Europe depuis cinq ans ; au contraire : la logique mémorandaire, renversée par l'accord de février, est rétablie et Tsipras la ratifie. Il accepte même d'abroger des lois qu'il a fait voter par le Parlement. Libéralisation de la protection sociale, extension du droit de saisie des maisons par les banques et créanciers, ouverture du marché des médicaments, accélération du bradage aux intérêts occidentaux (singulièrement allemands) du patrimoine national, etc.

De surcroît, en négociant des concessions insignifiantes - c'est à dire sans signification autre que symbolique -, Tsipras légitime le principe, la logique à l'oeuvre tout en voulant faire croire qu'il s'agirait d'autre chose que d'un Diktat. C'est la logique de toutes les collaborations.

Non, décidément, on ne me fera, pas plus que le 13 juillet, me contorsionner pour trouver que l'inacceptable est un moindre mal, pour défendre que ce qui aurait été monstrueux si la droite et le Pasok l'avaient fait, serait tout à coup devenu acceptable parce que la gauche dite radicale a accepté de se renier et de gérer ce désastre.

En réalité, Tsipras ayant donné satisfaction à ceux devant qui il a capitulé, on lui fait quelques concessions de forme, qui ne changent strictement rien à la logique à l'oeuvre, afin de lui permettre de changer de majorité lors d'élections qu'il va probablement provoquer rapidement, avant qu'un pôle souverainiste n'ait eu le temps de s'organiser : élimination des résistants de Syriza et probablement de l'ANEL, pour une alliance avec Potami (but de la nomenklatura européenne dès les élections de janvier), voire avec les rescapés du naufrage pasokien ou des "modérés" de la ND. Mais qu'on ne s'y trompe pas, les Grecs ont désormais compris la nature profonde de l'euro, cette ultime combinaison à laquelle se prête Tsipras ne durera pas. Parce que la situation va immanquablement s'aggraver.

Pour l'heure, Tsipras ne s'est pas effondré parce que tout cela a moins d'un mois, que les effets désastreux de son mémorandum ne se font pas encore sentir, qu'il bénéficie de l'aura de celui qui a résisté tant qu'il a pu et qu'une alternative souverainiste n'a pas eu le temps de se reconstruire. Il a donc tout intérêt à provoquer rapidement des élections. Mais cela ne changera rien à l'affaire : ce sera de la déflation, du chômage, de la misère et des morts s'ajoutant aux morts, à la misère, au chômage et à la déflation. Avec au bout la sortie de l'euro de toute façon, que chaque jour qui passe rendra plus difficile parce que chaque jour qui passe dans l'euro détruit un peu plus le pays, sa société, son potentiel productif.