En Grèce, la Troïka re-formée grâce à Tsipras s'oppose à ce que les revenus au-dessus de 500 000 euros soit taxés à 8 % comme le voudrait ce qui reste de gouvernement grec. C'est trop ! Cela encouragerait l'évasion fiscale ! Tous les impôts doivent augmenter, mais les riches il faut les ménager !!! Il est vrai qu'en matière d'évasion fiscale, la Commission européenne dispose de la solide expertise de son président imbibé.

La capitulation tsiprienne prévoyait aussi une augmentation/harmonisation des taux de TVA, qui pèsent sur la consommation des plus pauvres - mais qu'est-ce qu'on en a à foutre des pauvres, à Berlin, à Bruxelles, à Paris, au gouvernement de gauche radicale grecque ! Une nouvelle d'importance en la matière vient de tomber : ce sera 13 % pour le persil (alimentation non conditionnée) et 23 % pour le basilic (en pot, considéré comme une plante). Ca c'est de la réforme ! Et l'on comprend tout ce qu'il faut de compétence à la fine pleur de la Nomenklatura de l'Union européenne et aux fines lames de la métropole allemande dictant ses quatre volontés au gérant de gauche radicale de la petite colonie hellénique pour pour en arriver à pareille décision sur les fines herbes...

Pendant ce temps-là, Le Figaro, propriété de M. Dassault dont l'entreprise n'est pour rien ni dans le déficit grec (on tenta encore en 2009 de caser des Rafale à la Grèce en faillite), ni dans la corruption de la classe politique (un des plus importants scandales politiques ayant touché le PASOK concernait les commissions versée pour l'achat de Mirage), si chérie par ailleurs de Siemens, Krupp, Ferrostal et de la vertueuse Mme Merkel, autant que du très honnête M. Juncker - le président à 40°, comme le cognac, de la Commission -, ancien Premier ministre du paradis fiscal qui a permis à nombre de grandes entreprise grecque de ne pas payer d'impôts en Grèce, publie un entretien (curieusement donné avent le référendum grec) avec Jean-Pierre Chevènement, qui - hélas ! - pas plus que Philippe Seguin, ne réussit autrefois, lorsqu'on pouvait encore arrêter la locomotive folle de l'Union européenne qui nous emmène à toute vapeur vers un désastre européen - sous conduite allemande pour la 3e fois en un siècle -, à dépasser les clivages partisans privés de sens pour restructurer le débat politique autour de la seule question importante : démocratie, république, souveraineté ou oligarchie néototalitaire, empire, marché comme - les trois réalités qui se cachent derrière ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe.

"Le ver était dans le fruit depuis très longtemps dit notamment M. Chevènement. Pour comprendre la nature profondément antidémocratique de l'actuelle construction européenne, il faut remonter des décennies en arrière au «système» Jean-Monnet, que l'on peut qualifier de «système de cliquets». L'Europe fonctionne par une suite de petits faits accomplis sur lesquels les citoyens ne peuvent plus revenir: on commence par le charbon et l'acier, puis par le marché commun, le droit communautaire, la réglementation de la concurrence, et enfin la monnaie unique pour arriver au «grand saut fédéral». Les peuples européens sont amenés à se dépouiller peu à peu de leur souveraineté sans en avoir réellement conscience. Petit à petit, ils se retrouvent piégés. Les dirigeants européens ont amené les peuples où ils ne voulaient pas aller sans leur poser franchement la question. A la fin, s'apercevant de la supercherie, ces derniers ont dit non, en France, mais aussi aux Pays-Bas, au Danemark ou en Irlande. Pourtant les dirigeants ont considéré que cela ne valait rien, au regard d'une orthodoxie européenne qu'ils considèrent au-dessus de toute démocratie. L'Europe s'est construite par effraction et l'essence du système européen est oligarchique. Le Conseil européen des chefs d'Etat est la seule institution légitime, mais ne se réunit que périodiquement et ne dispose pas d'outils pour traduire ses impulsions. La Commission européenne est composée de hauts fonctionnaires qui ne sont pas élus mais nommés de manière très opaque. Comme l'affirme la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, le Parlement européen n'est pas un parlement. Il ne peut pas l'être car il n'y a pas de peuple européen, mais une trentaine de peuples différents."

Et oui, tout est là.

Car ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe - par antiphrase puisque c'est un régime oligarchique de nature néototalitaire, qu'on a construit depuis 1957, dont on voit bien aujourd'hui qu'il aboutit, sous direction teutonne à établir une hiérarchie des peuples, comme autrefois cette même Allemagne voulut organiser l'Europe de l'Ordre nouveau sur une hiérarchie des races, et non une Europe des peuples, de la démocratie ou de la paix - n'est pas réformable. Contrairement à ce que continuent à penser tous les "idiots utiles" de la gauche qui reste fascinée et paralysée intellectuellement devant cet objet qui les condamne à la paralysie et à l'échec, elle n'est pas réformable parce qu'elle a justement été conçue et "construite" pour servir à quoi elle sert.

La Grèce, on ne le dira jamais assez, est depuis cinq ans le laboratoire de docteurs Frankenstein qui testent la destruction par l'Europe et l'euro de l'Etat social et de la démocratie. La capitulation de Tsipras et ses conséquences - du taux de taxation des riches à celui du persil et du basilic - nous concerne tour. C'est notre avenir !

Reste l'hypothèse de la rupture impossible en juillet à l'orée de la saison touristique, la feinte de l'acceptation et, le retournement après la saison, pour dire aux Grecs : les conditions qu'on nous impose en plus de celles que nous avons déjà acceptées sont décidément... inacceptables ! Hypothèse que je n'écarte pas tout à fait, mais à laquelle je ne crois plus vraiment - notamment en raison des discours de plus en plus durs, voire insultants de la garde rapprochée de Tsipras, à l'égard de ceux qui n'acceptent pas cette capitulation. Une "source", hier, m'a cependant affirmé qu'un retournement "à gauche" serait dans les tuyaux pour des élections en septembre... A voir !

Pour l'heure, les indices vont plutôt dans l'autre sens : Maria Damanaki, qui quitta naguère le Synaspismos (noyau de Syriza) pour aller à la soupe au PASOK de Papandréou et fut nommée par lui commissaire européenne, fait part de son enthousiasme délirant pour le "nouveau Syriza", tandis que Photis Kouvelis, qui quitta Syriza pour aller à la soupe et faire entrer son parti-cule dans le gouvernement droite-Pasok de Samaras et Vénizélos, se dit prêt à réintégrer Syriza pour y soutenir la nouvelle orientation de toutes ses forces. On a les soutiens qu'on mérite !

En attendant de voir comment tout cela tourne, voici quelques autres suggestions de lecture, sur les débats internes à Syriza et à ses compagnons de route :

- de Panos Kosmas, membre de Syriza : "Le gouvernement, par l’accord du 13 juillet, a-t-il repoussé le chantage de Schäuble ? La réponse est non. (…) Le gouvernement n’a pas récusé le chantage ; il a accepté une des deux propositions de Schäuble. (…) Déjà le FMI estime que la clause de « correction automatique » du programme va rendre celui-ci non gérable politiquement, alors que les grands médias internationaux abondent en analyses et estimations que ce programme est non viable, en conséquence de quoi l’échec de l’une des deux propositions de Schäuble va ramener sur scène la deuxième, la « pause » d’un Grexit temporaire. Cependant entre temps le patrimoine public sera bradé, les salaires, les retraites et l’état social auront subi un nouveau coup de massue, une grande partie du patrimoine et des dépôts des classes populaires seront confisqués."

- d'Antonis Ntavanellos, membre de Syriza : ""Il s’agit d’un mémorandum que Samaras n’aurait pu imposer, ni la «grande coalition» Samaras (ND) et Venizelos (PASOK). Les créanciers et la classe dominante grecque ont déposé ce troisième mémorandum dans les mains de Syriza avec l’objectif de mettre à profit son influence au sein des classes laborieuses et populaires et de la sorte promouvoir des contre-réformes; mais aussi dans le but de briser les forces sociales et politiques menaçantes du monde du travail regroupées autour de Syriza (…). Nous tous, en plus d’être membres du parti, nous sommes membres d’organisations sociales, par exemple de syndicats. Là, nous avons l’obligation de stimuler la lutte, la résistance sociale contre les mesures spécifiques du troisième mémorandum. Et cela avec les mêmes armes traditionnelles : la grève, les manifestations et les occupations, etc. Objectivement, ces luttes vont se retourner contre le gouvernement qu’a soutenu et soutient le parti de Syriza. Individuellement et collectivement nous serons placés dans cette position tragique si nous décidons d’accepter le nouveau mémorandum."

- d'Eric Toussaint, coordinateur scientifique de la commission constituée par la présidente du Parlement hellénique sur l'audit de la dette : « Désormais le gouvernement de Tsipras se fait le complice des créanciers en violation des droits humains. (...) Nous sommes dans une situation où les trois partis de droite qui ont perdu le référendum du 5 juillet 2015 sont ceux qui sont en train de dicter avec les créanciers les lois que le Parlement doit adopter. (...) Il est très important de souligner que Zoé Konstantopoulou, la présidente du Parlement grec qui a créé la Commission, a sauvé l’honneur de Syriza aux côtés des 31 députés qui ont voté contre l’accord le 15 juillet voir http://cadtm.org/Discours-de-Zoe-Konstantopoulou-en ). Cette présidente a décidé de ne pas démissionner de sa fonction. Tant qu’elle continue, nous continuerons la Commission avec le statut actuel. Et s’il y a un coup de force pour la démettre, c’est-à-dire un vote de la droite et d’une partie de Syriza, ou si elle décide de changer de position et de quitter la présidence du Parlement, la commission convoquera ses membres pour continuer de manière autonome. Zoé Konstantopoulou, continuera quoiqu’il en soit à travailler avec la Commission. En résumé, tant qu’elle est à son poste, on continue avec le Parlement, sinon on continuera de manière autonome sans appui institutionnel.».