Depuis plusieurs jours, la Grèce a un nouveau sujet d'inquiétude... d'angoisse, même pour beaucoup de Grecs, de jeunes et de parents.

Depuis quelques jours, les Grecs descendent de nouveau dans la rue pour crier leur inquiétude, leur angoisse, leur colère.

La Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) est de retour, exige de énièmes, inutiles et désastreux "sacrifices". Le gouvernement de la droite et des socialistes, aux ordres de Berlin et Bruxelles et qui ressemble chaque jour davantage à un gouvernement d'extrême droite, mime la résistance tout en promettant de nouvelles mesures stupides, destinées à tuer un peu plus l'activité, cette fois l'augmentation de la TVA dans le secteur touristique.

Bref, la Success Story grecque, selon les mots de l'inénarrable Premier ministre Samaras le printemps dernier, poursuit son bonhomme de chemin dans une Europe que l'euro allemand et la déflation imposée par Merkel et la lâcheté, ou/et le conformisme intellectuel ravageur, de ceux qui, à Paris ou ailleurs, lui obéissent conduit inéluctablement vers la catastrophe économique et démocratique.

Mais cette fois, ce n'est pas la Troïka, son imbécillité criminelle, ni la Kollaboration du gouvernement que les Grecs conspuent dans la rue.

Cette fois, il s'agit de la vie ou de la mort d'un jeune homme de 21 ans.

Il s'agit plus précisément de Nikos Romanos, qui fut le meilleur ami d'Alexandros Grigoropoulos, 15 ans, tué sous les yeux de Nikos par le tir tendu d'un policier lors d'une manifestation pacifique le 6 décembre 2008. C'était avant la Troïka et l'écorchage en règle du peuple grec, la jeunesse grecque se révoltait déjà contre une réforme antidémocratique de l'éducation, les salaires de misère proposés aux jeunes et les premiers effets sur la société grecque de la crise du capitalisme financier dérégulé par la grâce de Thatcher et Reagan, de l'Union européenne de Delors et de socialistes en peau de lapin du genre Bérégovoy.

Or, Nikos Romanos, qui se revendique "combattant anarchiste et antiautoritaire", a été arrêté, en février 2013, avec deux camarades, après un casse raté, très "artisanal" et sans violences, d'une banque en province. Et les trois garçons ont été tellement "malmenés" par la police que la presse officielle a cru bon alors, dans la meilleure tradition de la propagande, de maquiller leurs photos afin de ne pas montrer à quel point ils avaient été défigurés.

Or, Nikos a été condamné à quinze ans et onze mois de prison.

Or, Nikos ayant réussi son examen d'entrée à l'Université en prison, demande à pourvoir bénéficier, comme le permet la loi, d'autorisations de sortie à fins éducatives pour entamer des études supérieures.

Or, le pouvoir veut maintenant faire condamner Nikos pour "appartenance à une organisation terroriste", chef d'inculpation pourtant écarté lors du premier procès, et qui sert à lui refuser lesdites autorisations.

Or, Nikos à entamé une grève de la faim le 10 novembre dernier pour protester contre cette iniquité.

Or, il a été hospitalisé et est aujourd'hui menacé de mort.

Et c'est pour crier leur inquiétude, leur angoisse et leur colère face au sort de Nikos et à l'entêtement du gouvernement de plus en plus honni qui mène ce gamin à la mort que les Grecs descendent dans la rue ces jours-ci.

Sur les motivations du gouvernement, on peut s'interroger. Tous les sondages donnant depuis des semaines la coalition sortante de la droite et des socialistes plus ou moins largement battue par la gauche dite radicale de Siryza, ce pouvoir discrédité, aux ordres de l'étranger, moribond, pourrait bien avoir la tentation de provoquer le désordre dans la rue pour tenter de récupérer les dividendes de la peur du bourgeois dans les urnes. Bien qu'après le passage de la Troïka chargée de faire appliquer les Diktats de l'Allemagne et de ses féaux européens, comme après celui d'Attila, il ne reste plus guère de bourgeois ayant encore beaucoup à perdre... mais enfin, on ne peut écarter ce calcul. Ailleurs, en d'autres temps, la stratégie de la tension a payé.

Toujours est-il que, hier, j'ai reçu un message de Dimitris Alexakis, animateur à Athènes d'un espace de création artistique et traducteur, après avoir longtemps vécu en France où il a travaillé dans l'édition (Seuil, L'Olivier, Verticales...). Inquiet du silence de nos médias français (mais quel intérêt les chiens de garde qui sévissent dans nos feuilles et sur nos ondes auraient-ils à ébruiter cette affaire ?), il me demandait si je pouvais l'aider à diffuser des informations sur le sort de Nikos.

Et bien entendu j'ai tout de suite accepté.

Il a entrepris de traduire en français des textes sur le sort de Nikos et ses implications dans l'explosive situation créée en Grèce par l'irresponsable et criminelle politique de l'Allemagne et de l'Union européenne.

A la veille de l'anniversaire de la mort d'Alexandros Grigoropoulos, je vous donne donc à lire le texte de la lettre ouverte publiée hier par les parents de Nikos, Pavlina Nasioutzik, essayiste, et Giorgos Romanos, médecin, traduite par Dimitris Alexakis. Je lui ouvrirai à l'avenir ce blog, autant qu'il le voudra.

« Le ministre grec de la Justice, M. Athanassiou, a déclaré hier qu’il essayait en vain d’entrer en contact avec nous. Il est étrange qu’il n’ait pas utilisé le numéro de téléphone que nous avions mis à sa disposition lorsque nous avions demandé à le rencontrer, il y a 7 jours.

Il est déplorable qu’il mente en prétendant que Nikos absorbe des aliments liquides. Nous exigeons que soit immédiatement publié un communiqué médical établissant la vérité. M. Athanassiou propose la solution de l’enseignement à distance.

Il est révoltant qu’il se montre ainsi ignorant des raisons pour lesquelles ces autorisations de sortie sont délivrées aux prisonniers. Les autorisations sortent le prisonnier de la nuit carcérale pour le relier à la collectivité. Les permis de sortie à fins éducatives maintiennent l’enseignement vivant au lieu de le stériliser, raccordent le prisonnier à l’ensemble social et transmuent l’enseignement en éducation, en culture.

Il est injustifiable que soient proposés des droits virtuels alors même que la grève de la faim de notre fils est réelle.

Le temps presse implacablement. La réponse ne peut être qu’une. Autrement, la Grèce pleurera dans quelques jours son premier prisonnier politique mort des suites d’une grève de la faim. On ne peut pas bâtir l’avenir sur la Mort.

Les parents de Nikos Romanos Pavlina Nasioutzik, Giorgos Romanos »