Je ne sais pas pourquoi, mais il y a peu de salons du livre dans l'Ouest de la France. Saint-Louis et Colmar en Alsace, Nancy et Metz en Lorraine, Besançon en Franche-Comté, Saint-Étienne et le Quai du polar lyonnais en Rhône-Alpes, Nice, Toulon, La Gaude, Mouans-Sartoux et bien d'autres en PACA, Montpellier en Languedoc, Limoges et bien sûr Brive en Limousin, comptent tous parmi les plus importants du "circuit".

À l'Ouest, en revanche, en dehors de Saint-Malo dédié aux livres de voyage, de quelques petits salons bretons à l'audience locale, comme aussi ceux de Caen ou Saumur, on ne compte guère que Bordeaux, qui a connu bien des vicissitudes et des éclipses, et surtout La vingt-cinquième heure du livre du Mans, seul véritable grand salon généraliste de la moitié occidentale de notre beau pays. Aucune des villes importantes, Le Havre ou Rouen, Tours, Angers, Rennes ou Nantes, Poitiers ou Bayonne, n'a jugé utile d'encourager la lecture par ce genre de manifestations qui permettent pourtant aux lecteurs de découvrir des auteurs qui n'ont pas d'accès au jeu pipeauté des médias, et aux auteurs de rencontrer des libraires et les lecteurs dont les dysfonctionnements de la critique française leur interdisent l'accès.

Mais il y a Le Printemps du livre de Montaigu... la digue, la digue. C'est la raison pour laquelle, après en avoir entendu parler par des "collègues", j'avais souhaité être présent à ce salon. Un salon qui m'a invité le ouiquende dernier. Eric, un lecteur devenu un ami, avait saisi l'occasion pour suggérer au Mot Passant, librairie choletaise, de m'organiser une signature vendredi. Ce qui fut fait : merci à Eric et merci au Mot Passant.

Et puis samedi matin, nous prîmes la route pour rejoindre Montaigu. J'étais déjà passé par la Vendée. Passé. La première chose qui frappe, surtout un mécréant comme moi, surtout le lendemain des déclarations abracadabrantesques de l'évêque d'Orléans - encore un sérieux celui-là ! - sur la structure du latex et la taille des spermatozoïdes - c'est que c'est pas la moitié d'un con, monseigneur, il en connaît un bout là-dessus -, c'est la densité des calvaires, la taille des églises et le nombre des écoles Jeanne d'Arc.

On sent tout de suite qu'on n'est pas ailleurs, qu'il y a comme un micro-climat, une ambiance.

Ensuite, on réalise. En faisant le tour des stands, et en se rendant compte que les livres sur les papes et les saints, les rois et les prétendants, sans parler des Chouans dans tous leurs états, sont dans un nombre tel que, je le... confesse, je ne l'avais pas même imaginé. Et puis on se dit que c'est le poids du local. Alors on part en chasse des livres sur celui qui, pour moi, est le plus grand des Vendéens. Clemenceau. En vain. Parce qu'il proclamait que la Révolution est un bloc, avant de bouffer un curé de plus ? En tout cas on est pris par une envie difficilement réprimable de crier : Vive Clemenceau, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Personnellement, en ce qui me concerne, pour vous donner un exemple, j'étais entre, à ma... gauche : un chouan à coeurs et croix au revers du veston et un éminent vaticanologue, biographe de Benoît et Jean-Paul, à ma droite (normal, donc) la nièce de soeur Emmanuelle et Patrice de Plunkett, ex-royaliste mao-maurassien, ex-figure de la Nouvelle Droite, ex-pilier du Fig Mag et converti à un catholicisme militant en 1985. De quoi, pour le pédé agnostique que je suis, antimonothéiste et anticlérical, défenseur du latex et du droit à l'avortement, libertin et hédoniste, de se sentir, vraiment, en terre de... mission ! Jouissez sans entrave, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Puis en s'asseyant au resto à midi, on a la surprise de découvrir, trônant dans l'angle de la salle... une statue en bois de la Vierge d'une bon mètre vingt ou cinquante. Et on se demande soudain si, par hasard, on ne va pas vous demander, avant de prendre votre commande, de réciter le bénédicité. Si, par hasard, ça ne serait pas obligatoire. Une ambiance, on vous dit, un micro-climat. Pas tout-à-fait comme nous, quoi, mais bon, moi je les respecte les différences ; je ne me casse pas la tête pour savoir si la structure moléculaire de la vraie Croix ou de la Couronne d'épines est plus ou moins serrée que celle du latex. Vive la laïcité des restaurants, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Au demeurant, ce salon est très sympathique et parfaitement organisé. Il attire un monde fou (voir plus haut) venant de bien au-delà de la Vendée, et il faut rendre hommage à cette municipalité, à ce département, d'avoir su enraciner cette manifestation en faveur du livre, à cet endroit - par ailleurs charmant - et dans la durée - c'était la 21e édition. En plus, j'avais été programmé par Philippe Vallet dans un café littéraire. Autant dire que je suis plutôt content de ce voyage vendéen et d'autant plus que nous autres, les 250 auteurs, avons été accueillis comme des... rois. Oui, je sais, c'est facile. Mais pour le gourmand que je suis, le dîner du samedi soir au restaurant du Logis de la Chabotterie restera, je crois, un souvenir tenace. Le Logis de la Chabotterie est une demeure noble que nous avons pu visiter, de nuit, avant de réjouir nos papilles. Un Logis "habité" : les pièces ont été meublées, on a l'impression que les occupants viennent juste de s'en absenter. Une vraie réussite muséographique. Et puis on voit la table où M. de Charette a été étendu, après avoir été tiré par les Bleus dans la forêt voisine : écharpe blanche et pistolet de commandement du héros.

Une ambiance, on vous dit ; un micro-climat. Qui s'est encore précisée quand le représentant du président du Conseil général nous a gratifiés de son allocation de bienvenue dans ce lieu symbolique, et qu'on pourrait résumer par... salauds de Bleus ! Que la Chouannerie ait apporté au-dedans une aide qui aurait pu être déterminante à la coalition de toutes les monarchies européennes contre la France qui venait de substituer la souveraineté nationale au droit divin, de transformer des sujets en citoyens, il ne fut en revanche rien dit. Vive la Nation, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Reste que nos papilles furent effectivement réjouies et comblées par la subtilité des saveurs dont nous a gratifiées le chef étoilé Thierry Drapeau... blanc ou tricolore ? Oui, je sais, c'est facile. Blanc, malgré tout. Reste aussi une dernière notation, pour la bonne bouche. Étant arrivé une petite heure avant l'inauguration du salon, et me trouvant à une très bonne place, près de son entrée, alors que les auteurs venant de Paris le samedi matin, le conseiller général du canton de Montaigu et président du Conseil général de la Vendée, Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, arriva tout sourire, au pas de charge, avisa le premier pékin assis derrière ses piles, môa, et fonça dessus pour lui serrer la louche. Je crains qu'aucune photographie, hélas, n'ait immortalisé ce moment inoubliable.

Pauvre Philippe, s'il avait su !... la louche sodomitique d'un antipapiste, hérétique et relaps (bien qu'anti-européen et fermement opposé à l'admission de la Turquie dans l'UE, tout de même) ; il aurait dû plutôt demander à l'exorciste du canton de s'occuper de mon cas ! Allez, vicomte, vive la République, nom de Dieu ! et à bas la calotte !