Mme Parizot (dont le papa, comme M. Arnaud d'ailleurs, le plus riche des Français et le modèle des entrepreneurs pour Caligula, a construit sa fortune sur le rachat à prix bradé d'une partie des actifs de Boussac, grâce à l'assistance de l'Etat et au prix de conditions qu'ils n'ont jamais respectées) s'indigne, moralement, du parachute doré du PDG de Valeo et Mme Lagarde fait une leçon de morale aux patrons de la Société générale, sans compter Caligula qui va en remettre une couche ce soir !...

Ce serait à mourir de rire si ce n'était à pleurer.

Il ne manquerait plus qu'une déclaration indignée de Mme Thatcher sur l'absence de sens moral des patrons, une condamnation morale par Jacques Delors (vous savez le catho dit de gauche qui, de l'Acte unique à Maastricht, a démonté l'Europe de De Gaulle pour lui substituer celle de Thatcher tout en faisant croire qu'il était socialiste) de la dérégulation européenne et du bradage au privé des entreprises nationales. Il ne manquerait plus qu'une excommunication morale par JC (Jean-Claude, pas Jésus-Christ) Trichet de tous ces ignobles conseils d'administration qui ont distribué tant de sous à leurs actionnaires et aux dirigeants, forçant les salariés et les retraités à la misère, les Etats à démanteler petit à petit leurs systèmes de sécurité sociale.

La morale, c'est bien pratique.

Mais où sont-ils donc tous ces politiques, ces patrons, ces économistes, ces journaleux qui nous ont expliqué pendant vingt ans qu'il fallait à tout prix déréglementer, privatiser, démanteler tout ce qui ressemble à un service public, brader au privé les chemins de fer, la poste, les entreprises qui permettaient aux Etats de conduire une politique énergétique cohérente, demain les hôpitaux et les lycées ? Qui nous ont peint pendant vingt ans les patrons comme les seuls vrais héros des temps modernes. Qui nous ont rabâché qu'en dehors des "entrepreneurs", nous étions tous des feignants immoralement assistés qui rêvions tous au RMI et à la retraite anticipée (mais les patrons, M. Arnaud et Mme Parizot compris, sont les premiers assistés de l'Etat : voir plus haut). Que seul le libre marché et la concurrence non faussée étaient capables de préparer l'avenir, que seuls les patrons détenaient les clés - d'or - de cet avenir ; de la félicité universelle. Que l'Etat régulateur, l'Etat planificateur, l'Etat garant de l'intérêt général face aux intérêts particuliers, c'était du pipeau, de l'archéologie, aussi poussiéreux et dépassé que... La Princesse de Clèves, au hasard !

... l'Etat que les patrons convoquent aujourd'hui à les... assister pour les sauver des conneries monstrueuses qu'ils n'ont su ni identifier, ni anticiper, ni gérer.

En tout cas, il y a une chose de sûre : le bal des faux-culs est ouvert et c'est à qui valsera devant les caméras pour faire sa petite déclaration... morale sur l'immoralisme de ses petits copains qui vivent pourtant dans le même biotope idéologique et... moral depuis vingt ans et plus.

La morale, comme d'habitude, c'est pratique ; ça évite de prononcer le mot de justice ou d'équité qui leur écorcherait probablement la gueule. Comme la charité chrétienne a évité pendant si longtemps de prononcer ceux de dignité humaine. Comme celui de libéralisme évite d'employer son synonyme : redistribution massive et systématique de la valeur ajoutée au profit du capital et des patrons salariés qui se sont agrégés à lui et lui sont devenus indispensables (c'est pour cela que les stock-options ne sont pas moralement condamnables eu égard aux circonstances, mais intrinsèquement perverses), aux détriments des salariés producteurs.

Parler de morale, c'est éviter de parler de règle : celle, par exemple, selon laquelle, à l'intérieur d'une entreprise, la rémunération d'un dirigeant ne devrait pouvoir excéder, toutes formes confondues (fixe, bonus, stock options...), allez, soyons large, cinquante fois c'est déjà beaucoup, c'est déjà trop, le salaire médiant de cette entreprise.

Parler de morale, aujourd'hui, ça évite de dire que le capitalisme social de production, celui né de la guerre, le capitalisme rhénan ou celui de la France gaullienne, s'est transformé, sous prétexte d'Europe et en partie grâce aux politiques d'accompagnement des socialistes et socio-démocrates européens, en un capitalisme de prédation.