Pathétique et navrant, la pantalonnade à laquelle nous assistons depuis la nuit de samedi à dimanche ne fait évidemment le jeu que d'un seul.

Si Royal, qui a perdu une élection présidentielle imperdable, et Aubry ne s'en rendent pas compte, c'est que comme tout le théâtre d'ombres auquel elles appartiennent, comme tous les lilliputiens qui le peuplent, tous issus du même milieu, avec les même pratiques, le même projet libéral-européen et libre-échangiste, elles ont définitivement perdu tout contact avec la réalité... et toute légitimité.

Mais ça, cela fait longtemps. Depuis que s'est imposée l'idée d'une "classe politique", soi-disant spécialistes et détenteurs de la chose publique qui font carrière, se servent au lieu de servir, n'ont d'autre horizon que de conquérir le pouvoir et de s'y perpétuer - de continuer à vivre sur la bête.

A Athènes, la formation du citoyen visait à ce que chacun à son tour soit capable de participer à la direction des affaires publiques ; à Athènes, chaque magistrat sortant de charge devait rendre des comptes, obtenir quitus pour sa gestion. Le référendum voulu par de Gaulle et que le quinquennat sec, imposé de concert par toute la "classe politique", rend quasi impossible, partait du même principe - ce référendum dont Sarkozy et les socialistes, dans le cas du "non" au traité constitutionnel européen, se sont entendus pour passer par pertes et profits en ratifiant par voie nomenklaturiste et parlementaire, au terme d'un véritable coup de force contre la volonté exprimée par le peuple, la copie conforme du traité rejeté par le suffrage universel. L'obligation, inscrite dans la Constitution de 1958, pour un ministre viré ou démissionnaire de repasser devant le peuple avant de retrouver, éventuellement, un siège de parlementaire puisait à la même source.

Ce dont le pays a besoin, aujourd'hui, ce n'est pas de réformes en trompe-l'oeil, comme celles qu'a générées la commission Balladur et qui diminuent encore le poids du suffrage universel - par exemple en dispensant les ministres sortis de charge de repasser par la case élection, afin qu'ils retrouvent automatiquement leur siège de parlementaire-nomenklaturiste, c'est de plus de démocratie directe, de moins de concentration des pouvoirs entre les mains de soi-disant représentants du peuple qui ne sont, de plus en plus, comme le montre si bien la pantalonnade du PS, que les représentants d'eux-mêmes, d'une classe privilégiée et autiste.

Les partis français sont vermoulus, inefficaces, stériles comme l'étaient ceux de 1958. Ce pays a besoin d'un grand courant d'air qui balaye le personnel politique - d'une rare médiocrité - et les structures partisanes actuels. Il a besoin que le débat politique se restructure enfin, non autour de faux clivages et d'ambitions personnelles, mais autour des véritables questions qui se posent aujourd'hui à notre société :

- la construction européenne, telle qu'elle s'est stratifiée depuis les années 50, en excluant les peuples, en ignorant leur volonté et en prenant le libéralisme économique comme alpha et oméga doit-elle continuer sur cette aire ?

- faut-il poursuivre la destruction systématique de l'Etat providence et du droit du travail, démanteler tout ce qui apporte de la sécurité aux salariés pour enrichir toujours plus un nombre toujours plus restreint d'individus qui disposent à la tête de la République, et dans tous les partis dits de gouvernement, des mêmes fondés de pouvoir qui nous répètent en boucle qu'il n'est pas d'autre solution que de se plier aux contraintes de l'époque ?

- faut-il toujours plus de libre-échange, qui fait des salaires la seule variable d'ajustement et génère une redistribution massive en faveur du capital et au détriment du travail ?

Le reste, les chamailleries de Mmes Royal et Aubry au premier chef, n'est que pantalonnade, sans plus de sens que de portée, sinon celle de faire de Caligula un président à vie.

Le deuxième enseignement de cette pantalonnade, c'est que les femmes politiques ne sont en rien différentes des hommes politiques, que ce qui est prégnant ce sont les tares du système dans lequel elles ou ils se meuvent. Ce dont je n'ai, pour ma part, jamais douté.

Golda Meir et Indira Gandhi, Thatcher ou Merkel, Allbright et Rice, Cresson ou Dati, Royal et Aubry : aucune n'agit différemment parce qu'elle est femme.