Comme disent nos copains du Québec pour signifier qu'ils ne sont pas mécontents de quelque chose. Je le suis d'autant moins que le souvenir de matins où l'on s'est couché en pensant que Peres ou Kerry seraient élus, pour se réveiller avec Netanyahou ou Bush bis flottait hier soir comme un mauvais rêve.

C'est pas pire d'abord, pour le monde, que nous soyons certains qu'après un accident cardiaque du vieux Mc Cain, ce monde ne se retrouve pas avec la chasseuse de caribou caractérielle et aussi inféodée au lobby pétrolier que l'actuel vice-président Cheney, en charge de décider de la paix et de la guerre avec l'Iran ou la Corée du Nord, un doigt sur la détente nucléaire.

Ca rassure.

C'est pas pire également, parce que la présidence Bush est ainsi désavouée sans appel. Le plus nuisible, le plus idéologue et le plus bête président des Etats-Unis d'Amérique depuis Calvin Coolidge et Hoover est battu par contumace, avec tout ce qu'il représente, le néo-conservatisme, la dérégulation, une conception à la fois cynique brutale et stupide des relations internationales, le mépris pour les droits fondamentaux, la réhabilitation de l'internement administratif (cher à Melle Dati qui nous refait là-dessus un projet de loi présenté aujourd'hui au Conseil des ministres) et de la torture.

Tout cela a été battu à travers Mc Cain. Mais je n'oublie pas que tout cela, les Américains le savaient déjà il y a quatre ans et qu'ils avaient réélu Bush.

Pour le reste, je ne suis pas un obamaniaque. Non que j'aie quoi que ce soit contre ce garçon ; parce que je crois que, dans le système américain (j'entends l'univers mental autant que le système politique et économique), les marges d'action réelles d'un président sont extrêmement étroites. Et que celui qui tenterait de faire bouger significativement les lignes, noir ou pas, serait impitoyablement éliminé.

J'espère avoir tort.

Pour le reste, le symbole est évidemment énorme, et extraordinairement positif. Or, la vie des peuples est faite - aussi ou peut-être avant tout - de symboles. Et puis ce type est presque trait pour trait un anti-Sarkozy, alors forcément, ça me fait plaisir. Un anti-Sarkozy ? à l'évidence.

Pour commencer sa carrière, Obama a choisi l'action sociale dans les banlieues défavorisées de Chicago, puis s'est imposé, par la base, à son parti et à l'establishment ; Sarko n'a jamais rien fait d'autre qu'apparatchik, s'élevant par intrigues et protection jusqu'à la mairie d'un ghetto de riches.

L'un a épousé une femme issue d'un milieu social modeste qui s'est construite par son boulot et sa détermination ; l'autre collectionne les héritières qui lui assurent réseau ou fric.

Obama vient d'être élu par les jeunes et les actifs ; notre Caligula national l'a été par les vieux et les rentiers.

L'un est aussi élégant qu'intello, entouré d'universitaires ; l'autre transpire une vulgarité conjuguée à un mépris de l'intelligence et la culture très berluscono-bushiens, emmène Bigard au Vatican et déplace un responsable policier parce qu'il n'a pas assez bien protégé la villa de son ami Clavier.

Obama pense et réfléchit, gagne en offrant une perspective ; Sarko réagit, toujours dans l'affectif et l'immédiat.

L'un est contre la guerre en Irak ; l'autre est pour et, élu, il n'a eu de cesse d'aller lécher les bottes de ce Bush que personne ne voulait déjà plus voir. Avec quelle utilité ? pour quel résultat ? Comme l'a relevé récemment Jean-François Lisée (directeur exécutif du Centre d'études et de recherches internationales de l'université de Montréal, ancien conseiller diplomatique des premiers ministres indépendantistes du Québec, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard) à propos des récentes déclarations de notre président au Québec, en rupture radicale avec la politique étrangère française depuis le début des années 1960, la diplomatie de Sarkozy est « Un mélange d’impulsivité et d’opinions nourries par ses amis des milieux d’affaires. Une propension à sacrifier les équilibres stratégiques à long terme au profit du gain tactique immédiat. »

Obama semble convaincu de la nécessité d'exercer des pressions sur Israël pour parvenir à une paix durable au Proche-Orient (grands dieux ! faites que Netanyahou ne l'emporte pas aux prochaines élections israéliennes ; pour la première fois depuis la mort de Rabin, on pourrait peut-être avoir avec Tsipi Livni une "femme d'Etat" suffisamment forte pour faire les concessions nécessaires, et un président américain qui la mette dans la situation de ne pouvoir se dérober, de l'aider, par sa pression, face à sa propre opinion...) ; Sarko a aligné la France sur Bush et sur Tel-Aviv, en cachant tout cela derrière le trompe-l'oeil en carton-pâte de son union de la Méditerranée.

L'un semble convaincu de la nécessité d'établir un dialogue direct avec l'Iran ; l'autre, notre Bush, juge cette position... immature : ou comment l'hôpital se fout de la charité !

Obama veut établir un système universel de santé ; Sarko a commencé de le détruire avec les franchises médicales et continue avec la loi sur l'hôpital qu'on va réduire un peu plus à la misère et à la... charité.

L'un veut que l'Etat garantisse les retraites ; l'autre a entrepris de démonter notre système de retraite par tous les bouts : en réduisant les retraités à la précarité, à la gêne ou à la misère pour les contraindre demain à travailler jusqu'à la tombe.

Obama veut mettre fin aux expulsions des propriétaires touchés par le système des subprimes ; Sarko avait fait de l'importation de ces subprimes en France un de ses thèmes majeurs de campagne, et la loi Boutin s'attaque de front au logement locatif social afin de promouvoir l'accession à la propriété, c'est-à-dire qu'elle va encourager l'endettement privé plutôt que de donner à l'Etat les moyens d'assurer à chacun un toit décent à un loyer en rapport avec ses capacités de paiement.

L'un est pour rétablir une véritable progressivité de l'impôt, détruite par Reagan, les Bush et entérinée par Clinton ; l'autre n'a eu de cesse, depuis son arrivée au pouvoir, de prendre aux classes moyennes pour faire des cadeaux fiscaux aux plus riches.

Etc. Autant dire que l'Obamania de l'UMP est une pure et simple escroquerie intellectuelle. La filiation politique de Sarko c'est Reagan et Bush.

Et puis si c'est pas pire c'est aussi que je trouve Barack... beau, séduisant, sexy ; et quitte à paraître léger - un brin pétasse -, cela aussi me fait plaisir.

Ce qui, en revanche, m'assombrit franchement, c'est l'adoption, par référendum, en Californie, de la proposition n° 8. Un noir entre à la Maison Blanche, mais on fait sortir des mairies les gays et les lesbiennes qui avaient obtenu le droit au mariage. Ce matin, il leur a été enlevé, alors que, par référendum également, les Constitutions de Floride et d'Arizona ont été amendées afin d'interdire toute reconnaissance future de ce droit au mariage.

La discrimination sur une base raciste a reçu un sale coup hier, pas la discrimination qui frappe les homosexuels.