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vendredi 21 mars 2008

Droit au suicide assisté, dérive commerciale des musées...

Ces jours-ci, j'ai l'impression que mon Or d'Alexandre est en pleine actualité.

Après la crise boursière qui justifie tout ce que mon Philippe boursicoteur (lequel a entrepris de se libérer de "l'aliénation" qu'impose le capitalisme à tous ceux qui ne détiennent pas le capital, en tentant d'en exploiter les failles) dit des instruments financiers pervers dont l'usage fou favorisé par les dérégulations tous azimuts des dernières décennies ne pouvait aboutir qu'à une crise ;

après la mort de Lucilia Semedo de Veiga (28 ans) au pays des Droits de l'homme et à la prison de Fresnes (où est enfermée ma Marion de L'Or d'Alexandre ; elle y assiste à une scène comparable), le 18 janvier, dans une indifférence quasi générale et celle, notable, de Melles Rachida Dati et Rama Yade (on a pourtant laissé mourir une jeune femme EN DÉTENTION PROVISOIRE, c'est-à-dire en droit, INNOCENTE, à qui l'on n'a administré pendant des semaines alors qu'elle souffrait, seulement du Doliprane et des injonctions à "arrêter son cinéma"), et après plusieurs récents suicides dans nos prisons à l'état chaque jour plus intolérable dans un État qui se veut civilisé et qui est l'un des plus riches du monde ;

après qu'un chercheur israélien eut confirmé l'hypothèse que j'avance dans ce même Or d'Alexandre que tous les emmerdements qui se sont abattus sur l'humanité depuis l'apparition sur terre des monothéismes est due à la consommation de plantes hallucinogènes par Moïse, le jour du buisson ardent, sur le Sinaï, où il inventa ledit monothéisme ;

après l'expo inaugurée à Jérusalem (et qui doit venir à Paris au début de l'été) sur les tableaux des collections juives spoliées par les nazis, expo que j'imaginais en écrivant L'Or d'Alexandre commencée voici deux mois et demi ;

j'ai senti la moutarde me monter au nez ce matin (alors que j'étais encore au lit) en entendant, sur France Culture, deux toubibs nous asséner les poncifs à quatre sous, en provenance directe du Vatican, sur le respect sacré de la vie, nous disant que l'euthanasie et le suicide assisté nous feraient changer de système de valeur, de société, de monde.

Tartuffes !

Ceux-là tiennent, sous le masque de l'éthique, le discours traditionnel de l'Église qui fait passer la morale transcendante devant le droit à disposer de sa propre existence et en toute conscience. Les Pays-Bas, la Belgique, le canton de Zurich sont-ils devenus des abattoirs à personnes âgées, euthanasiées plus ou moins de force par des familles impatientes de toucher l'héritage ou fatiguées de soigner leurs malades ?! Ceux-là alignent les à-peu-près et les contre-vérités : depuis quand la Belgique est-elle un pays de tradition protestante ?! Ignards en plus d'être tartuffes. Alors que, justement, le sud des Pays-Bas s'est séparé du nord pour former la Belgique en partie parce que l'occupation espagnole y avait maintenu une culture catholique radicalement différente des Provinces Unies réformées. Souvenez-vous du roi Baudouin (et de sa très grenouille de bénitier Fabiola, catholique façon Espagne franquiste) qui abdiqua provisoirement pour ne pas avoir à signer la loi autorisant l'avortement.

C'est en fait toujours la même chanson : les exemples de l'étranger sont pleins d'enseignement quand il s'agit de libéraliser l'économie, de déréglementer tout et n'importe quoi et de précariser les humbles, mais jamais lorsqu'il s'agit de reconnaître aux individus la maîtrise de leur vie.

Pourquoi serions-nous les seuls en Europe à avoir raison avec notre stupidissime politique de prohibition et pénalisation de la consommation des drogues douces, qui entretient le trafic et mobilise des moyens policiers qui seraient bien plus utiles ailleurs... pour quoi ? pour avoir les résultats les plus dramatiques d'Europe en matière de toxicomanie.

Pourquoi sommes-nous le seul pays d'Europe où une directive européenne justifie soi-disant l'interdiction à la sauvette du poppers ? Nous étions déjà le seul où, par la grâce du protestant Rocard, le vrai avait été interdit. Pure hypocrisie puisque chacun pouvait, par Internet le commander à Londres, Francfort, Vienne, Barcelone, Bruxelles ou Amsterdam. Et voilà que le conseiller municipal de Solesmes, élu par les moines et Premier ministre du chanoine de Saint-Jean-de-Latran nous interdit le faux. Pourquoi au juste ? raison de santé ! Rigolade !!! quand le Grenelle de l'environnement a pour principale conséquence la multiplication des pubs pour les diesels ! quand on taxe les malades, quand on met des lustres à désamianter Jussieu !!! Non, simplement pour nous empêcher de jouir comme nous l'entendons ; de la même manière qu'on veut nous empêcher de mourir quand nous le déciderons.

Pourquoi le mariage gay et le droit à l'adoption menaceraient-ils de mort la Famille, fût-ce celle façon Boutin, alors qu'elle ne la menace ni au Canada, ni en Belgique, ni en Espagne, ni en Grande-Bretagne ?

Pourquoi une loi reconnaissant aux citoyens sans Dieu et sans morale transcendante le droit de ne pas voir leur fin de vie dictée par les lobbys religieux et leur morale, nous ferait-elle basculer dans l'holocauste des malades et personnes âgées ? Tue-t-on les vieux et les malades qui ne le souhaitent pas, en Belgique, aux Pays-Bas et dans le canton de Zurich ? Y force-t-on des catholiques à se suicider ? Pourquoi admettrais-je que des médecins qui défendent comme un invariant une morale contingente, une morale catholique, m'empêchent de mourir si je le décide, si je décide que les conditions dans lesquelles je dois vivre ne correspondent plus à l'idée que j'ai de ma vie et de ma dignité ?

Faudra-t-il encore longtemps subir leur Diktat, contraindre ceux qui veulent en finir à l'indignité d'une mort volée, ceux qui les aident à la honte du tribunal ? obliger mon Philippe, un des héros de l'Or d'Alexandre, à "déménager pour Amsterdam" s'il décide de mourir.

Ces médecins-là sont les dignes héritiers de ceux qui, au nom du respect de la vie et de la morale, ont fait obstacle pendant des décennies à la morphine contre la douleur, parce que c'était mal de se droguer et rédempteur de souffrir ; les héritiers de ceux qui ont empêché pendant des décennies les femmes d'accoucher sous péridurale parce que Dieu avait dit qu'elles devaient enfanter dans la douleur ; les héritiers de ceux qui ont condamné les mêmes femmes qui voulaient avorter, jusqu'à la loi Veil, au nom du même respect sacré dû à la vie, à subir des curetages sans anesthésie ou à mourir d'infections, ou bien, déjà à faire le voyage d'Amsterdam ou de Londres... quand elles en avaient les moyens financiers.

Dernière chose là-dessus, à ces Diafoirus à la bouche pleine de morale et de respect sacré de la vie : le suicide, avant le christianisme, était un usage social parfaitement reconnu, dans la société romaine par exemple, par les Stoïciens notamment, qui n'étaient ni des hommes sans éthique (faut-il rappeler encore, toujours, que la morale n'est pas la morale catholique, qu'elle est contingente, culturelle, qu'elle n'est pas absolue, invariante, transcendante !?), ni des hommes insoucieux de la dignité due à chaque être humain (non à la vie... c'est autre chose ! la vie n'est pas sacrée en soi, la dignité et la liberté de l'être humain le sont) - la dignité... concept, qu'ingénument et tragiquement, l'un de nos deux Diafoirus avoua être à lui totalement étranger ! Dans ce monde-là, dans ce monde qui reconnaît à l'homme la liberté suprême de disposer de lui-même, le problème n'est pas de durer en souffrant le moins possible, c'est d'atteindre l'ataraxie, l'absence de trouble, la sérénité et d'en finir, quand on le décide parce que, à ses propres yeux, les conditions ne sont plus réunies pour continuer.

À mes yeux, comme je l'ai écrit dans ma préface à la réédition du ''Parce que c'était lui'' de Roger Stéphane, la mort de cet homme fut admirable, et sa lettre d'adieu une réponse définitive, pour moi, à toutes les objections de tous les cathos et autres tartuffes qui prétendent continuer à nous imposer leurs valeurs jusqu'à nous empêcher de rentrer vivants et conscients, volontairement, au tombeau.

« Je me rappelle le cercueil couvert de tricolore, dans le courant d’air glacial, sous la colonnade du Palais Royal, où ceux qui l’avaient connu et aimé se retrouvèrent une dernière fois autour de lui, dans le « respect dû à la libre détermination d’un athée ». Je me rappelle aussi qu’il a confié son chien à un restaurateur (auquel il avait laissé une ardoise aussi bien sûr)… pour être certain, au moins, que ce chien chéri serait bien nourri. Je me rappelle surtout la lettre d’adieu à ses amis publiée dans Le Nouvel Observateur, à la fois légère et poignante :

« Je suis fauché. Bon (…) quelques originales, le bureau de J.-J., je pourrais me remettre une fois à flot. Mais ensuite ?… Mes retraites ne payent que mon loyer (…). Mais surtout, je suis fatigué. Je n’ai plus de souffle ; mon cœur est incertain ; mon rein s’est réveillé (je ne peux écrire cette phrase sans penser aussitôt à celle d’une aliénée que je vis à Sainte-Anne à la fin des années 40, que j’interrogeai sur les conditions de son internement et qui me répondit : « Ça va, mais on m’a enlevé mon rein quand les Allemands l’ont franchi…» . (…) Ce serait aussi supportable si ma capacité de travail et de réflexion était intacte : en deux ou trois ans, je ne suis pas venu au bout/terme du Malraux que j’aurais pourtant bien voulu finir/terminer. Je ne le sens plus ; je sens que je rabâche. Voilà. Je vais m’étendre définitivement. J’écrivais tout à l’heure que rien n’est plus ridicule qu’un suicide sans cesse ajourné. Je me trompais : un suicide manqué est encore plus ridicule. Mais je prends toutes les précautions : absorption de deux flacons de Digitaline, plus le revolver, si besoin. Je vous embrasse tous . »

Ou la mort d’un aventurier en vieux Romain… »

Et puis il y eut, pour accompagner mon petit-déjeuner, l'excellentissime émission La Fabrique de l'histoire : les critiques y critiquaient l'expo Marie-Antoinette... ou lorsque les musées n'en ont franchement plus rien à foutre du contenu, de l'histoire, de la pédagogie, de la culture, pourvu qu'ils attirent le chaland français, mais aussi américain et japonais, en promettant à Margot sa larmichette, en privilégiant l'émotion sur la réflexion, en catapultant le visiteur dans l'univers d'un navet à succès plutôt qu'en essayant de lui expliquer ce que furent le contexte qui donna naissance à la révolution, et les ressorts de la contre-révolution ; ou lorsque le contenant compte infiniment plus que le contenu ; ou lorsque la com et les benéf comptent infiniment plus que ce que l'on a dire : parfaite métaphore du Sarkozysme ! Dérive commerciale des musées, transformation des expos en parcs de loisirs, démantèlement de toute politique culturelle et renonciation à tout ce qui a présidé, il y aura bientôt 40 ans à la création d'un ministère des Affaires culturelles dont on ne sait plus aujourd'hui, à la tête de l'État, s'il convient d'en commémorer la naissance ou le tuer avant, à moins qu'on ne choisisse, comme pour la Résistance, de commémorer pour en mieux étouffer l'esprit : c'est l'un des coeurs, l'une des motivations essentielles qui m'ont fait écrire L'Or !

Bienfaiteur de l'humanité

Jean-Claude Malgloire est de ces précurseurs, un de ces artistes qui ont fait plus pour rendre la vie plus belle que la plupart des fausses gloires (artistiques, littéraires, politiques...) plus ou moins faisandées qui monopolisent de nos jours l'intérêt des médias.

Jean-Claude Malgloire a créé la Grande Écurie de la Chambre du Roy en 1966, dit le programme de l'Orlando de Haendel que je suis allé écouter (en version de concert) avec une de mes amies les plus chères, avant-hier soir au Théâtre des Champs-Élysées.

Jean-Claude Malgloire est de ceux qui, en France et dans le monde, ont ressuscité la musique baroque tuée par le goût bourgeois, de ceux qui ont fait ensemble un travail extraordinaire de chercheurs et d'artistes pour exhumer les partitions oubliées, redonner à cette musique des instruments qui n'existaient plus, former des musiciens, des chanteurs, des danseurs...

L'aventure de la redécouverte et de la renaissance de la musique baroque après la deuxième guerre mondiale est probablement l'une des plus belles entreprises culturelles du siècle passé, conduite par des passionnés, des chefs comme Malgloire, Harnoncourt, Gardiner, Pinnock, Herreweghe et William Christie bien sûr ; des voix extraordinaires comme Lesne, Jacobs ou Bowman - mon préféré, sans conteste.

Cette aventure-là aura apporté à quelques-uns dont je suis un supplément de bonheur, de jouissance, de sérénité, dont Malgloire a sa part : M. Malgloire, je vous le dis comme je le pense, vous êtes un bienfaiteur de l'humanité !

Bon, à part cela, la soirée d'avant-hier n'était pas inoubliable. L'Orlando n'est pas l'opéra de Haendel que je préfère. Même si la partition est pleine de beautés, elle ne me transporte pas comme le Giulio Cesare in Egitto, mon Haendel préféré. Il y a, à mon goût, trop de tunnels et de langueur entre les coups d'éclat et les vertiges de sensualité ou de virtuosité qui font de Haendel, à mes oreilles, un des dix plus grands musiciens de tous les temps.

Restait l'incroyable magie de la voix des contre-ténors (on rêve toujours de savoir quelle serait la différence si l'angélique monstruosité de l'institution des castrats avait survécu). Malheureusement, Christophe Dumaux, qui tenait le rôle titre... On l'a senti tout de suite : le timbre est exceptionnel, la richesse des nuances prometteuse, la prestance en scène et la... beauté doivent faire miracle dans une version mise en scène, mais il lui manquait cruellement la puissance.

C'était la première fois que j'entendais ce chanteur dont la carrière est fulgurante. Je ne peux dire qu'une chose : il m'a séduit mais il ne m'a pas convaincu. Sans doute n'était-il pas en forme ce soir-là. Cela arrive à tout le monde, mais on avait mal pour lui à tendre l'oreille dès que l'orchestre prenait le relai des clavecins. La version concert ne pardonne rien : l'orchestre n'est pas dans la fosse mais sur la scène, derrière les chanteurs, si bien que... plus d'une fois, on a eu envie de demander à M. Malgloire de baisser le son.

Et la faiblesse de M. Dumaux était d'autant plus flagrante et cruelle que le reste de la distribution était impeccable : très belle basse d'Alain Buet, deux sopranos de grande classe, Mmes Eléna de La Merced et Yvette Bonner qui nous a gratifiés de moments de grâce pure, avec une mention spéciale à l'autre contre-ténor, Jean-Michel Fumas, dont la voix a sans doute moins de velouté, de raffinement, mais qui, lui, est audible sans effort depuis le poulailler, ce qui, tout de même, est la première des qualités au concert.