Dès l'annulation de mes cours vendredi matin, j'ai décidé de rentrer chez nous, à Nisyros, où Frédéric était resté avec les chats, et dimanche matin, je me suis envolé pour Athènes, trois heures d'attente et vol pour Kos, où j'ai attendu le bateau dehors durant quatre heures. Le gouvernement grec, avec beaucoup beaucoup moins de cas (385 aujourd'hui et 5 morts), a réagi beaucoup beaucoup beaucoup plus vite que les salopards incompétent qui dirigent la France : cafés, restos et commerces fermés, sauf ceux où l'on peut retirer des repas.

Club sandwich et frites sur un banc, seul face à la mer. Heureusement il faisait très doux et il n'y avait pas un souffle de vent !

Au port, des Algeco avec une centaine de migrants gardés par la police et l'armée... Je vous en reparlerai bientôt.

Le bateau est arrivé comme prévu à 0h30 et j'ai débarqué une heure et demie plus tard dans mon île chérie : Frédéric et les chats m'attendaient à la maison !

Je suis bien heureux d'être là ! La nature est superbe : les mimosas et les genêts sont en fleurs, des asphodèles partout, des tapis de marguerites et les arbres qui commencent à verdir...

J'évite évidemment tout contact, avec Frédéric comme avec quiconque, durant deux semaines ! mais comme lieu de quarantaine on ne peut guère imaginer mieux ! Surtout que j'ai eu la double chance d'arriver par temps doux et calme - depuis lundi le vent souffle à décorner les chèvres et les bateaux sont à l'arrêt - et moins de 24h avant que le gouvernement ne décide la mise en quarantaine de 14 jours de tous les étrangers arrivant sur le sol grec...

Bref, on est allés faire des courses ce matin, quelques provisions - raisonnables! - au cas où, dans les semaines qui viennent, les bateaux qui ravitaillent l'île se fassent plus rares. Je suis bien sûr resté hors des magasins pendant que Frédéric faisait les achats et maintenant on attend la suite, ensemble, avec nos adorables chats !

Hier, le gouvernement grec a fermé toutes les églises pour les cérémonies publiques - seules les fidèles venant prier individuellement peuvent y entrer : Pâques en Grèce sans messe... On touche à l'incroyable !

Ce qui est certain, c'est que le Premier ministre Mitsotakis, que je tenais pour un nul, montre qu'il tient la baraque. Et quand on se trompe sur quelqu'un, c'est bien de le reconnaître.

Certes, le peuple de Lesbos lui a sérieusement sonné les cloches, mais il a eu l'intelligence et le courage - contrairement à Macron, de ne pas s'entêter face au refus de son peuple. De comprendre que la violence policière ne règle rien quand un peuple a atteint les limites du supportable - en matière de migration comme en toute autre.

Il n'a pas cédé devant Erdogan, alors que je suis persuadé que Tsipras aurait ouvert la frontière, laissé passer et que nous serions aujourd'hui dans un chaos indescriptible.

Quant à l'épidémie, le gouvernement a réagi ici avec deux ou trois temps d'avance par rapport au gouvernement français. Pour une fois qu'on n'est pas surpris en mal, je pense que cela mérite d'être relevé !

Pour le reste, il faudra que les gens de Bruxelles et des gouvernements de Kollaboration qui, en France, ont supprimé des milliers lits d'hôpitaux depuis 40 ans sous prétexte d'économies, afin de maintenir le franc fort, de "faire l''euro" et de s'y maintenir en pliant la France, son Etat, son modèle social et ses services publics, dont l'hôpital, aux règles stupides et criminelles de l'ordolibéralisme allemand rendent des comptes au peuple.

Cet "accident industriel", j'étais certain qu'il adviendrait, sans savoir bien entendu quand ni quelle serait sa nature. Il marque sans doute la fin du cycle néolibéral - on peut en tout cas l'espérer -, comme Tchernobyl a marqué la fin du système soviétique.

La clique qui a mis la main sur notre pays en 1974 et qui exerce le pouvoir sans discontinuer depuis 1982-1983, sous le faux-nez d'alternances bidon et derrière un projet européen dont on voit aujourd'hui à quel point il est mortifère, fait la preuve ces jours-ci que sa morgue n'a d'égale que son incompétence et son mépris de la vie - en plus de celui de la démocratie, de la nation et de la dignité humaine.

Nous le savions, nous qui avons suivi de près l'expérience du laboratoire grec.

Un cycle s'achève ; il va falloir se mettre sérieusement au boulot pour rebâtir, dans le cadre national qui est celui de toutes les conquêtes démocratiques et sociales, et le seul cadre possible pour les reconquérir, la démocratie, l'Etat et l'Etat social, des services publics disposant des moyens nécessaires pour remplir leur mission, une industrie et une agriculture viables, une économie fondée sur l'utilité publique et non sur le profit, sur l'aménagement du territoire et non sur une urbanisation insensée, sur la proximité et non sur la généralisation imbécile des échanges...

Si cette catastrophe permet cette prise de conscience-là, et un sursaut salvateur, elle aura été utile !