Le toujours excellent Romaric Godin donne aujourd'hui une analyse, toujours aussi pertinente, d'un récent entretien donné au ''Bild'' par le président américain.

Qu'on me permette ici de mettre cet entretien en rapport avec mes "30 bonnes raisons pour sortir de l'Europe", écrit pour l'essentiel avant l'élection de Trump. Dans ce livre j'indique en effet :

- que l'UE a été dès l'origine et reste fondamentalement un instrument de guerre froide voulu par les EU. Mais si le pouvoir américain de demain considère que son adversaire est désormais la Chine et que, dans ce conflit, son allié naturel est la Russie, l'UE perd toute importance : c'est bien ce que vient de dire Trump ;

- que l'UE n'a jamais été que le moyen d'intégration politique et économique dont l'OTAN est le versant militaire. Or si le paragraphe 1 se vérifie, l'OTAN et l'UE sont condamnées. L'UE perd son fédérateur caché américain et l'Allemagne va devoir produire un effort significatif de défense si l'OTAN est redéfinie a minima ou s'évapore. Dans ce cas, ses leçons de morale budgétaire ont toutes chance de devoir se relativiser ;

- que l'UE s'est insensiblement - à l'image de la Ligue de Délos au Ve siècle avant JC, alliance entre cités souveraines devenue instrument de l'impérialisme athénien - transformée en instrument de domination de l'hégémon allemand. Ce que dit Trump sans ambages dans cet entretien ;

- que le Danemark, la Suède (membres, comme l'Autriche ou le Portugal, de l'AELE, cette Europe anglaise qu'ils abandonnèrent quand Londres fit le choix de la CEE), peut-être les Pays-Bas (membre fondateur de la CEE, mais dont l'objectif prioritaire, durant des décennies, fut d'obtenir l'adhésion du Royaume-Uni à la CEE) , après le Brexit, ne tarderont pas à "filer à l'anglaise" de la prison européenne... ce à quoi les encourage Trump en disant qu'il est prêt à passer rapidement un accord de commerce avec Londres ;

- que la 30e raison de sortir de l'UE est que, contrairement aux apparences, elle est déjà morte : ce que confirme largement cet entretien.

Ce qu'il révèle en outre c'est que la passion de l'asservissement des "élites" françaises, leur jouissance morose à se rouler aux pieds de l'Allemagne et à souhaiter sa victoire, comme autrefois Laval, sur tous les tons et à toutes les heures, a fait disparaître la France des radars américains. Pour Trump, l'Europe c'est la Grande-Bretagne qui, en votant le Brexit, a montré qu'elle entendait assumer son destin, et l'Allemagne qui, par l'UE, a établi son hégémonie sur l'ouest, le sud et le centre du continent.

Enfin, paradoxalement, ce retournement américain, s'il s'accomplit et qu'il conduit, comme je le crois, l'UE de l'agonie actuelle au tombeau, valide le discours souverainiste - il n'y a de réalité en politique internationale que dans l'Etat-nation. Il revalorise aussi à terme, la place de la France en Europe, dès lors que disparaîtra le Machin de Bruxelles, puisque, avec le Royaume-Uni, elle est la seule puissance nucléaire.

Après des décennies de trahison des "élites politiques" et des clercs - trahison dont l'actuelle dérisoire campagne présidentielle est peut-être l'acmé, campagne pour une élection dont le seul enjeu est de savoir qui, et à quel degré, mènera la politique de Berlin et ira faire la danse du ventre à Bruxelles pour obtenir quelques marges de manoeuvre -, la lumière apparaît peut-être enfin au bout du tunnel.

Leur UE est déjà du passé, au même titre que l'URSS, mais ils refusent de l'admettre. L'illusion européenne est aujourd'hui usée jusqu'à la corde, et les "élites" qui ont conduit les peuples dans cette impasse depuis 60 ans refusent de l'admettre. Cela ne changera rien à l'issue. L'histoire - et les peuples - sont impitoyables pour ce genre de cécité.