En Grèce, la mobilisation sociale n'a pas cessé. On a cru un moment, lorsque les paysans sont rentrés dans leurs fermes, qu'on avait pu l'avoir cassée par la crise (voulue ?) des migrants qui a vu, en tout cas, la troublante convergence entre une Allemagne, parlant seule sans aucun mandat et négociant seule sans aucun mandat de ses vassaux européens, et l'islamofascisme turc que l'UE a décidé de subventionner et récompenser pour l'aide qu'il apporte à Daesh, le massacre des Kurdes qui le combattent, l'instrumentalisation des migrants rançonnés par Erdogan, son clan, ses mafias et ses polices, la suppression de la liberté de la presse et le musellement, en général, de toutes les oppositions à un régime de plus en plus personnel, autoritaire, policier, mégalomane... un régime dont le Premier ministre Davutoglu vient de déclarer qu'il appuierait l'agression de l'Azerbaïdjan contre les populations arméniennes du Haut-Karabagh... jusqu'à l'Apocalypse.

Face à cette convergence, le gouvernement d'occupation grec a fait semblant de croire, une fois encore, que sa bonne volonté consistant à ratifier un accord inacceptable avec la Turquie, lui vaudrait un peu de mansuétude de la part du tortionnaire allemand. Réponse rapide : Merkel a refusé toute sortie de la Troïka revisitée du FMI réclamée par Tsipras, et par dessus le marché, Tsipras a dû feindre de se scandaliser d'une "fuite" au sein dudit FMI indiquant que, faute d'une réduction de la dette grecque évidemment insoutenable, mais que refuse toujours aussi obstinément Schäuble et Merkel (laquelle est désormais affaiblie, par la victoire électorale de l'AFD, face à son jusqu'au-boutiste ministre, cf. ci-dessous), la Grèce pourrait bien se retrouver en cessation de paiement à la veille d'un référendum sur le Brexit paralysant toute réaction de l'UE pour des semaines...

Au-delà, les mouvements sociaux se multiplient dans le pays : depuis 10 à 15 jours, des usines agro-alimentaires ou de menuiserie sont occupées dans le Nord, des protestations et des grèves ont eu lieu dans les médias, à l'Opéra et à l'Orchestre national, la presse, les fonctionnaires, les hôpitaux... Plusieurs manifestations ont eu lieu contre le retour des experts du Quartet pour "l'évaluation" en cours des politiques du gouvernement précédant le déblocage d'une prochaine tranche de prêt. Hier était aussi le jour d'arrivée au centre d'Athènes d'une Marche contre le chômage de 220 kms, partie de Patras le 3 avril. Initiative du maire communiste (KKE, élu avec l"'appui de Syriza) de la 3e ville de Grèce, cette marche a rassemblé des milliers de participants. Si le KKE et les syndicats qui lui sont liés l'ont organisée et encadrée, elle a, à l'évidence, réuni bien au-delà et mobilisé/suscité l'adhésion de, sur l'itinéraire, bien des forces sociales et associatives dépassant largement l'audience du vieux parti communiste. Elle devrait aussi déboucher sur une nouvelle grève générale de deux jours contre la politique du gouvernement et ses projets.

Hier aussi, les étudiants ont empêché la vice-ministre du Travail et des Assurances sociales Rania Antonopoulos de prendre la parole à Agrinio dans une réunion d'explication des mesures anti-sociales adoptées et préparées par le gouvernement de "gauche radicale"... qui a dû être annulée.

C'est dans ce contexte que le gouvernement d'occupation Tsipras a conclu avec le Chinois Cosco, à des conditions désastreuses, la cession du Pirée que le premier gouvernement Syriza avait bloquée lors de son arrivée au pouvoir au début de 2015. Un bradage qui a provoqué une mobilisation des dockers et des heurts violent avec la police, alors que, sur le même port du Pirée, les heurts violents entre clans, ou gangs, de migrants (car tous ne sont pas d'innocents et inoffensifs réfugiés...) de diverses origines se multiplient sous le regard d'une police dépassée qui rechigne à intervenir et à se retrouver la cible des deux partis aux prises.

Aussi - hier encore -, l'ancienne président du Parlement, Zoé Konstantopoulou, a-t-elle adressé eu Premier ministre Tsipras une lettre ouverte qui, sous la forme de questions, est un réquisitoire d'une violence inaccoutumée pour celle qui s'est battue, là où elle se trouvait, et de toutes ses forces et de toute son énergie, contre le coup d'Etat européen de juillet du Mémorandum III, entériné par l'équipe dirigeante de Syriza... qui avait pris l'engagement solennel de ne jamais y consentir, ni sur le fond, ni en employant les moyens - négation de la démocratie parlementaire - qui ont été mis en oeuvre pour sa ratification par le Parlement. Malgré son désaccord profond avec Tsipras, Zoé Konstantopoulou, tout en rejoignant la scission de gauche de Syriza, Unité populaire, avait alors réaffirmé son estime et son amitié pour le Premier ministre, tout en dénonçant plus tard le rôle joué auprès de lui par les "concepteurs" de la politique du gouvernement Tsipras II : Dragasakis, Tsakalotos, Stathakis. Ce qui frappe, dans le ton de cette lettre ouverte, c'est la dureté du propos de l'ancienne président du Parlement pour le Premier ministre lui-même.

"Tout cela constitue une leçon et un rappel : la défense de la démocratie, de l’intérêt public et social, des droits de l’homme, requiert un engagement sans contrepartie. Elle requiert des hommes décidés à défendre des valeurs supérieures universelles, même au prix de sacrifices personnels, et non des individus qui sont le jouet de leur ambition personnelle et de leur amour du pouvoir. Malheureusement, dans le gouvernement actuel, il n’existe pas de tels individus. Il n’y en aura pas non plus dans aucun gouvernement qui procèderait de l’actuel Parlement."

Par ailleurs, la chère Coralie Delaume, dans Le Débat, a, il y a peu, publié un papier passionnant sur les "Indépendantes", ces institutions adémocratiques de l'UE qui participent au démontage par l'Europe de l'Etat social et à la liquidation de toute démocratie en Europe autre que formelle (rite électoral réduit à un concours de beauté chargé de désigner qui conduira la politique unique pré-écrite dans les traités) - un ordre européen de la nouvelle Sainte Alliance réactionnaire et libérale dont les "Indépendantes" sont les indispensables chiens de garde..

Coralie s'attachait surtout au rôle de la BCE, notamment dans la stratégie d'étouffement de la Grèce qui aboutit à la capitulation de Tsipras. Grâce à son indispensable blog, L'Arène nue, l'ami Frédéric Farah nous éclaire aujourd'hui sur le rôle éminemment toxique d'une autre Indépendante absolument stratégique : la Cour européenne de justice. C'est tout aussi passionnant et c'est à lire impérativement !

Pendant ce temps-là, les conservateurs allemands, derrière la grosse Katastrophe Schäuble, ont remis en service la grosse Bertha contre... la BCE. Une BCE dont ils défendaient pourtant, hier encore, l'intouchable "indépendance"... Les temps changent - et les récentes victoires électorales de l'AFD n'y sont pas pour rien.

Romaric Godin donne ici une intéressante analyse de ce nouvel indice du (salutaire) processus d'autodestruction dans lequel est engagée la soi-disant Union européenne... et c'est à lire également.

C'est que, aujourd'hui, cette BCE écorne de plus en plus l'orthodoxie - c'est-à-dire le rapport psychiatrique des Allemands à la monnaie - qui fonde le trop fameux modèle allemand - politique budgétaire stupide et suicidaire parce qu'il hypothèque l'avenir par la dégradation des infrastructures, monnaie forte étouffante pour la production, déflation ravageuse pour les classes moyennes, vulnérabilité d'un secteur bancaire gavé d'actifs toxiques, priorité absolue à l'électorat des retraités et donc à la rente sur le travail, exploitation de la main d'oeuvre à bas coût importée... -, ce modèle allemand que le néo-impérialisme d'outre-Rhin entend imposer à toute l'Europe.

Non que je pense, d'ailleurs, que la politique de Draghi serve à quoi que ce soit - sinon à faire gonfler la bulle spéculative boursière, les liquidités que crée la BCE étant dirigées vers le seul secteur financier, au lieu de l'être - dans un esprit keynésien - vers les salaires (ce qu'a décidé le gouvernement... Cameron !) afin de relancer l'économie par la consommation et non de prétendre la relancer par l'offre - dogme de l'économie "classique" qui a toujours, partout, été démenti par les faits. Mais pour cela, il faudrait soit/et sortir de la logique mortifère de la mondialisation et du libre-échange généralisé soit/et sortir de l'euro et dévaluer.

Verboten !