Dans quelques jours, sera signé à Aix-la-Chapelle, ex-capitale du Reich carolingien, un traité présenté comme la suite du traité de l'Elysée, conclu entre deux Etats souverains, la France du général de Gaulle et une République fédérale d'Allemagne en quête des respectabilité, un nain politique auquel de Gaulle proposait de s'engager dans une coopération politique, qu'Adenauer signa, comme pris par surprise et que le Bundestag, avec l'aide du sinistre Monnet, s'employa à vider de toute portée politique en votant - cas unique dans annales diplomatiques - un préambule unilatéral disant le contraire de ce qu'était l'esprit du traité. Puis exigea la démission d'Adanauer pour le remplacer par Ehrard, l'homme lige des Anglo-Saxons qui inaugura une glaciation franco-allemande.

Rien de tel aujourd'hui. Négocié dans le secret et le dos des peuples, comme c'est devenu la norme en régime techno-dictatorial d'Union européenne, le traité d'Aix, qu'analyse Coralie Delaume dans Marianne, n'est qu'un pas supplémentaire dans l'inféodation de la France au néo-Reich, voulue et pilotée par nos zélites depuis si longtemps, comme elle le montre magistralement dans son récent livre Le Couple franco-allemand n'existe pas, Comment l'Europe est devenue allemande et pourquoi ça ne durera pas (Michalon), sur lequel je reviendrai ici puisque je viens d'en terminer la lecture - passionnante.

ici, le lien n'est pas encore totalement fait entre la révolte sociale des Gilets jaunes et l'écrasement de la nation, la négation de ses intérêts fondamentaux par la techno-structure germano-européiste. Et le grand show - malgré son ridicule : es mêmes qui se moquaient des discours interminables de Castro ou autre "grand leader" communiste, s'extasient, exultent, se pâment que notre grand leader aligne des truismes, des platitudes néolibérales, des pipes ou des citations qui ne veulent rien dire : comment l'ISF pourrait-elle être un totem? et que vient faire Freud là-dedans: être pédant à contretemps c'est manifestement un métier à plein temps - du futur signataire du traité scélérat d'Aix dont la popularité est telle qu'il ne se déplace plus sans son "état de siège portatif", s'il prend, avec l'aide active des médias de Kollaboration, risque de retarder encore cette prise de conscience. Pourtant le seul objet de ce grand débat est bien clair : comment on fait pour faire avaler la politique berlino-bruxelloise à ces salauds de manants qui ne veulent plus en bouffer ?

Le lien n'est pas encore totalement fait, mais on sent bien que, chez les Gilets jaunes monte la conscience que rien n'est possible dans un cadre euro/UE, irréformable, et qu'il faudra choisir entre ce cadre et une autre politique. Mais comme règne encore la trouille, longuement instillée par les médias de Kollaboration, d'une "sortie de l'euro" qu'on devrait nommer "reconquête de la souveraineté monétaire qui nous refera maîtres de notre destin collectif" et que la caste politique, solidaire du système même lorsqu'elle prétend le combattre, refuse, à quelques exceptions près d'expliquer, pourquoi il faut mener ce combat, cette prise de conscience est forcément longue.

Ma conviction, c'est qu'elle est néanmoins en train de se faire.

Comme chacun le sait, la Grèce a sur nous quelques années d'avance. Et en Grèce comme ici, le martyre infligé aux pauvres et la destruction des classes moyennes par et pour l'Europe se double d'une attaque frontale de la nation et de ses intérêts fondamentaux : les inspirateurs (pour reprendre le terme utilisé par de Gaulle à propos de Monnet) du traité d'Aix sont les mêmes que les inspirateurs de l'accord de Prespa entre la Grèce et l'Ancienne République yougoslave de Macédoine.

Hier, sur RFI, je suis intervenu pour resituer l'arrière fond historique de cet accord. Participation éminemment frustrante (c'est à partir de 14'30 et des poussières), puisque je devais pouvoir répondre à une deuxième question et que j'avais prévu d'expliquer que 70 % des Grecs sont hostiles à cet accord qui n'a rien à voir avec un agenda régional, que l'enjeu est l'extension de l'OTAN et de l'UE à un nouveau pays, raison pour laquelle, à Skopje comme à Athènes on méprise l'avis des peuples, que Merkel et les Américains (l'ambassadeur à Athènes est le même qu'en Ukraine au moment du Maïdan) sont à la manoeuvre avec menaces, pressions de toute sorte et corruption de députés, que la Serbie où Poutine est en visite aujourd'hui et la Bulgarie sont aussi hostiles que l'opinion grecque à cet accord qui n'est qu'un acte supplémentaire de néo-guerre froide anti-russe...

Mais pas le temps !

Bref, après les valises de billets, menaces, pressions physiques sur les députés de Skopje qui ne voulaient pas voter un accord dont la non-validité du référendum, du fait du mot d'ordre d'abstention donné par les adversaires de l'accord, aurait dû stopper le processus de ratification, il fallait tordre le bras du Parlement grec. La démission du ministre de la Défense Kamménos, qui est parti en disant que Tsipras lui avait menti (il a beaucoup menti à beaucoup !) en lui promettant que cet accord, qui ne faisait partie ni du programme de Syriza lors des campagnes électorales de 2015 ni de l'accord de coalition avec les Grecs indépendants de Kamménos, ne viendrait à ratification qu'après des législatives a déclenché les grandes manoeuvres.

Le voyage de Merkel, la semaine dernière, n'avait que ce but véritable, comme celui qu'elle avait effectué à Skopje juste avant le référendum : la chancelière du Reich est en agonie chez elle, mais elle veille jalousement sur ses nouvelles colonies... Il fallait donc trouvé les apostats nécessaires pour faire le boulot.

Ce terme d'apostats a une résonance historique forte en Grèce puisqu'il fait référence à l'achat en dollars sur compte suisses, par le Palais et la CIA, de députés de la première majorité dite à l'époque centriste, pour faire tomber le gouvernement constitutionnel de Papandréou en 1965 et lui trouver un remplaçant, du "centre", appuyé par la droite et convenant au Palais et aux Etats-unis d'Amérique. Parmi les apostats, leur chef de fil même : Konstantinos Mitsotakis, père (officiellement, ou grand-père selon les mauvaises langues qui font de Kyriakos le fils d'une "erreur de jeunesse" de sa soeur, elle-même ancienne ministre et mère du candidat à la mairie d'Athènes ! le coeur de la Caste!). Quant à la crise politique de l'apostasie, elle mène directement au coup d'Etat des Colonels.

Merkel, l'UE et l'OTAN ont trouvé leurs apostats : des dissidents du parti de Kamménos, plus un de Potami, une créature partisane de Bruxelles qui ne serait plus en mesure aujourd'hui de faire élire un seul député mais qui va permettre de ratifier un accord rejeté par 70% des Grecs selon le dernier sondage, et par Mikis Theodorakis, qu'on aura du mal, de ses combats passé, de la guerre civile aux Colonels à faire passer pour un fourrier de l'extrême droite nationaliste. Comme d'habitude, mon ami Panagiotis Grigoriou analyse cette situation avec une tragique lucidité.

D'un côté un référendum invalide prouvant le rejet de l'accord par la population Arymienne, de l'autre côté 151 députés sur 300 votant la confiance à Tsipras, qui est à moins de 20% dans les sondages et lui permettant de faire ratifier par des députés qui ne seront pas réélus un accord rejeté par 70 % des Grecs !!! ou la démocratie selon le Reich européen.

La journée de demain devrait voir une très large mobilisation populaire à Athènes actant une fois de plus le divorce entre la Caste et le peuple. Et cette coagulation, sur le terrain patriotique de la question macédonienne, des frustrations et des oppositions de dix ans de violences sociales et de quatre ans de gouvernement syriziste qui ont porté ces violences à leur point le plus haut est évidemment à haut risque pour le gouvernement. Et ce risque, Tsipras ne l'a bien sûr pris que sous pression de l'OTAN et de l'Allemagne pour des raisons de néo guerre froide (étendre l'OTAN et l'UE au détriment des intérêts russes dans la région, ce qui était impossible tant que la Grèce y opposait son veto). Après avoir trahi le résultat du référendum de 2015, Tsipras ne fait qu'appliquer les directives qu'il a reçues de Berlin et de l'OTAN.

Que se passera-t-il demain, lorsque la droite nationaliste reviendra au pouvoir à Skopje où le pouvoir actuel est aussi artificiel et privé de légitimité que celui d'Athènes (et de Paris, et de Berlin et de Madrid...) ? Ce gouvernement nationaliste trouvera dans l'accord qu'il interprétera une base juridique pour contester tel manuel scolaire grec, tel nom d'institution, tel... Bien loin de régler la question , cette accord est gros de futurs et inextricables conflits, dans lesquels elle trouvera immédiatement l'appui de la Turquie.

Que se passera-t-il si la prochaine assemblée à majorité nationaliste décide, à Skopje, d'enlever "du Nord" du nom du pays... La Grèce aura, en vertu de l'accord, appuyé l'admission de l'ARYM dans toutes les organisations internationales où elle désire entrée, elle sera dans l'OTAN, elle sera admise comme candidate à l'UE. Qui fera quoi ? On l'expulsera de l'OTAN, on interrompra les négociations d'adhésion à l'UE? Évidemment pas. La Grèce aura perdu tout moyen de pression et l'irrédentisme pourra s'exprimer sans frein ni limite. Avec, évidemment, l'appui inconditionnel de la Turquie.

Quant à la droite grecque qui se dit hostile à l'accord ? Syriza aura fait le sale boulot et en portera la responsabilité. Comme le parti communiste grec des années 1920 se discrédita en acceptant le projet de Macédoine unifiée du Komintern qui prévoyait de détacher les provinces macédoniennes de la Grèce, comme le même parti perdit le soutient de larges secteurs de la société grecque lorsque, durant la guerre civile, il refit la même erreur au profit de Tito et en échange des approvisionnements livrés par les Yougoslaves.

Comme Syriza a appliqué, durant les quatre dernières années, des mesures que la droite aurait eu le plus grand mal à imposer, "neutralisant" une grande partie de l'opposition "de gauche"; Syriza applique aujourd'hui un agenda germano-Otanien qui aurait profondément divisé la droite (Samaras fit naguère tomber Mitsotakis parce qu'il avait, à ses yeux, trop de concessions dans le dossier macédonien).

Historiquement, Syriza et Tsipras auront été de parfaits auxiliaires de la droite et du système, exonérant la droite de l'impopularité charriées par les politiques qu'ils ont accepté de mener à sa place, puis lui restituant le pouvoir en les ayant débarrassé ainsi de mesures inacceptables qu'ils lui auront éviter de prendre ! Cela justifiera bien un joli susucre pour Tsipras. Une place de vice-président dans un gouvernement dit d'union nationale dirigé par la droite ? Une sinécure à Bruxelles ou Strasbourg ?

Reste à gérer les suites intérieures de l'accord. Il semble qu'à Lesbos, bastion de gauche, le chef de la police a reçu l'instruction de faire surveiller l'embarquement des ferrys : en Grèce aussi, l'UE est le moteur d'une criminalisation des oppositions, comme le montrent notamment les poursuites engagées contre Lafazanis, ancien ministre Syriza, fondateur du LAE, pour sa participation aux mobilisations contre les ventes aux enchères de biens saisis pour dettes en vertu de la loi scélérate votée par Syriza en violation des engagements pris devant les électeurs et en exécution des Diktats germano-européens, qui conduit à une spoliation de masse.

Reste à savoir maintenant comment il va le gérer sur le plan sécuritaire. Les quatre dernières années ont montré que, sur ce plan-là non plus, le gouvernement de la "gauche radicale" n'avait rien à envier à un gouvernement de droite dure.