Libération publie aujourd'hui un papier de Fabien Perrier fort juste sur la description de la situation même si on pourrait y ajouter quelques éléments.

Ainsi pour des milliers de salariés grecs les salaires ne sont plus, depuis longtemps, versés régulièrement. La vaporisation du droit social jointe au chômage de masse a en réalité installé la toute-puissance des employeurs qui payent ce qu'ils veulent quand ils veulent. Le chantage au licenciement ou/et les difficultés des entreprises font que bien souvent les salaires ne sont versés que tous les deux, trois ou cinq mois.

Ainsi les commerçants dont les impôts et taxes divers, cotisations patronales, s'élèvent, du fait de la fiscalité délirante imposée par l'Euro-Germanie, jusqu'à 78 % du chiffre d'affaires - vous avez bien lu chiffre d'affaires et pas bénéfices, ce qui bien évidemment n'a fait que doper l'économie grise, sans quoi le nombre des faillites et des fermetures serait encore plus apocalyptique. Ainsi des nouvelles énièmes coupes tous azimuts que le gouvernement de "gauche radicale" s'est engagé à faire au 1er janvier 2019.

Dans ces conditions, on comprendra, qu'en absence de tout allègement de la dette, puisqu'on a fait qu'admettre les Grecs au privilège de payer plus longtemps plus d'intérêts d'une dette en partie odieuse, le discours actuel sur la sortie de la Grèce des "plans d'aide", qui n'ont jamais aidé que les banques allemandes et françaises qui s'étaient chargé, au-delà de toute raison et prudence en dette grecque.

On pourrait multiplier les exemples et les compléments à l'infini, tant les criminelles politiques euro-allemandes ont eu d'effets délétères et mortifères sur les Grecs - et qu'elles continueront à en avoir exactement autant qu'hier, et même plus, demain et après-demain, jusqu'à la saint glin-glin. Mais on ne saurait en faire reproche à Fabien Perrier (que je connais et que j'apprécie, qui fait un très beau travail sur la Grèce où il a choisi de vivre pour témoigner, ce qui n'a rien d'un choix de facilité ! même si, comme on va le voir, nous sommes en désaccord sur des points capitaux) qui devait bien entendu sélectionner pour tenir un calibre.

Ce qu'on lui reprochera, en revanche, c'est cette sentence assénée d'emblée au lecteur, et qui n'a d'autre fondement que la doxa européenne élevée au rang de vérité révélée : "le pays vit, selon lui, le «dernier acte du drame des mémorandums» signés pour éviter à tout prix une sortie de la Grèce de l’euro, aux conséquences vraisemblablement encore plus dramatiques." Et voilà, le tour de passe-passe débouchant une fois de plus sur la conclusion que tout le monde aura compris : TINA. C'est bien malheureux, ce qui arrive aux Grecs mais c'est ainsi et il n'y avait pas d'autre solution, puisque la sortie de l'euro eût été pire. Rideau ! Pas de débat possible. La question ne peut même pas être posée.

Le peuple grec a beau avoir refusé les solutions euro-germaniques à plus de 61% à l'été 2015, alors qu'on lui répétait du soir au matin et du matin au soir que, s'il les refusait, il serait expulsé de l'euro et de l'UE, le peuple grec a beau avoir pris le risque de la sortie : la question ne sera pas posée", comme disait le président du tribunal aux défenseurs de Zola durant le procès du "J'accuse", dès lors qu'ils glissaient de la question de la diffamation au cas de Dreyfus qui avait justifié l'article accusé de diffamation.

La question de l'euro ne sera donc pas posée.

Pourquoi ? Parce que les sachants ont décidé que c'eût été pire.

C'est évidemment avec des escamotages de ce genre qu'on fait monter tous ceux qui ne croient plus en la démocratie, dès lors qu'en régime d'Union européenne la démocratie se résume au choix, sur la mine ou l'élégance, de celui qui sera chargé de mener la politique unique - quels que fussent ses dégâts qu'on déplore ensuite.

Eh bien non, Fabien Perrier, ce n'eût pas été pire si les Grecs étaient sortis de l'euro. Parce qu'avec une monnaie dévaluée de 20 ou 25 %, on aurait évité la désindustrialisation, la désertification économique, que le tourisme grec serait redevenu attractif par rapport aux pays comparables ayant des taux de change comparables, qu'on aurait dévalué la dette d'autant (lex monetae) pour autant que le gouvernement grec fût aussi patriote que celui de Nestor Kirchner en Argentine, que les Grecs auraient échappé à la spoliation massive et générale de leur patrimoine privé et public, que l'économie grecque aurait retrouvé des capacités d'exportation et de développements, et qu'elle ne serait plus enfermée aujourd'hui dans une impasse.

Car elle reste enfermée dans une impasse : l'impasse de l'euro. Car malgré la dévaluation intérieure par les salaires, les pensions, les dépenses publiques de toute sorte, malgré la paupérisation et le désastre sanitaire, l'économie grecque ne peut pas repartir avec une monnaie surévaluée par rapport à ses fondamentaux, d'autant plus surévaluée que ses fondamentaux, du fait de l'euro et des politiques qu'il suppose, n'ont cessé, ne cessent et ne cesseront de se dégrader.

Ainsi a-t-on avec cet article, un singulier exemple de lucidité sur les conséquences couplé à un total aveuglement - par idéologie eurolâtre qu'il serait anathème de mettre en question - sur les causes. Résultat de 50 ans de formatage des esprits.