Donc ça y est ! Le p'tit a tiré son coup. Au prix du missile, ça fait tout de même cher le dépucelage.

La meilleure analyse de la chose, comme souvent quand il s'agit de la Russie, car il s'agit de la Russie - n'est-ce pas ? -, la Syrie et les armes chimiques à la Colin Powell présentant sa fiole de sucre en poudre au Conseil de sécurité de l'ONU, ne sont dans cette affaire qu'une très grosse ficelle, la meilleure analyse, disais-je, est celle de Jean-Robert Raviot, immédiatement suivi de Jacques Sapir. Voici donc ce que le premier écrivait ce matin sur Facebook :

"Je suis assez vieux pour avoir vécu en pleine conscience l'opération "Belgrade-1999" et l'opération "invasion de l'Irak-2003", toutes deux aussi illégales, d'ailleurs, que les frappes qui viennent d'être faites cette nuit sur Damas.



Ces dernières n'ont rien de comparable. Pour les Occidentaux, il s'agit juste, si vous me permettez, de "tirer sa crampe" et de se rassurer sur sa force. Et aussi, bien sûr, de tenter d'entraver la procédure de vérification, par les inspecteurs de l'ONU qui devaient arriver aujourd'hui, des fameux bombardements chimiques de Douma.

Sur 103 missiles tirés, nous dit le Mindef russe, plus de 90 ont été détruits ou détournés. Aucun des missiles visant l'aéroport de Damas n'a atteint son but. Au prix du missile, ça fait quand même cher la petite sortie... En gros, cette opération est un désastre. Mais chut!...

Au fond, cette petite sortie sonne comme un aveu d'impuissance de plus dans une guerre où les Occidentaux n'ont que la supériorité de la force alors que tout se joue par la ruse, l'intelligence des situations, la maîtrise de la bonne information, le sens du timing...

Les Occidentaux sont donc "en retard d'une guerre". Ils n'ont pas vraiment compris que leur supériorité militaire écrasante n'était plus que relative, à l'heure de la généralisation des conflictualités asymétriques. Pour les Américains, la "full spectrum dominance" est devenue impossible. Beaucoup l'ont déjà compris, mais, apparemment, pas ces imbéciles de néo-cons et leurs aficionados politiciens et autres experts de divers acabits, américains comme européens, et en particulier nos néo-cons à la française, totalement à la ramasse... Le naufrage stratégique total de la France se poursuit, bref, nihil novi sub sole..."

En réalité je crois qu'il n'y a pas grand-chose à rajouter. Il y a en effet, de manière récurrente dans l'histoire, des démonstrations de force (en l'occurrence essentiellement à usage des opinions de ceux qui roulent des mécaniques et dans l'espoir de regagner quelques points de popularité dans les sondages en jouant au chef de guerre) qui traduisent surtout la faiblesse intellectuelle et militaire des perdants et qui sont une expression d'impuissance.

Il serait bien sûr déterminant de savoir combien, réellement, parmi les missiles tirés ont été détruits. Des sources laissent entendre que sur la centaine de missiles balancés par les occidentaux, 70 à 90 auraient été abattus avant d'atteindre leurs cibles par la défense aérienne russe et sans qu'elle ait eu besoin d'employer ses armes les plus modernes. Il faut bien entendu être prudent, cette guerre est une guerre de propagande des deux côtés. Mais enfin cette démonstration de force occidentale n'est sans doute pas très loin du fiasco.

Ce que nous cachera évidemment le bourrage de crâne médiatique, le plus probable étant que les pseudo-journalistes et les pseudos experts n'évoqueront même pas la question, trop occupés qu'ils sont à tresser des couronnes de laurier à notre Cesarion de carnaval.

Il y a trois jours, j'écrivais : "Sacrée pub pour les S400 russes s'ils arrêtent tous les missiles que Trump et son roquet français crachent - s'ils les crachent. Cela dit je ne suis pas certain que Trump les crachera autrement que pour la forme (...) M'est avis en tout cas que, si les S400 ne laissent pas passer les Tomahawk, les usines russes vont devoir accélérer les cadences pour satisfaire la demande. Et que ça va serrer des fesses à l'OTAN..."

Si la défense anti-missiles russe de la Syrie a bien abattu 71 ou 90 de la centaine de missiles tirés, ce qui s'est passé cette nuit serait une vraie belle claque pour l'OTAN et une excellente nouvelle pour l'industrie de défense russe. La courbe des commandes des systèmes anti-missiles sera sans doute, dans les mois prochains, un indicateur sur ce qui s'est passé réellement, bien plus fiable que la parole aboyée en boucles depuis ce matin par tous les chiens du système.

Pour le reste, la question de l'usage par le gouvernement Assad d'armes chimiques dont l'Organisation pour l'interdiction des armées chimiques a été chargée de la destruction et a assuré qu'elles avaient été détruite à 100 %, reste entière. Ce qui est certain, c'est que le bombardement de cette nuit rend toute enquête sérieuse et impartiale impossible. Ce qui est non moins certain, c'est que les djihadistes de la Ghouta étaient les seuls à avoir intérêt à provoquer des frappes occidentales alors que le régime était de toute façon certain de reprendre à bref délai, le contrôle de la région en question et n'avait aucun intérêt à y faire usage de ces armes. Disposaient-ils de chlore ? Chacun sait que c'est parfaitement possible et que de précédentes attaques avec de telles armes ont déjà été opérées par ces groupes djihadistes qui n'ont jamais hésité à se servir de la population sous leur emprise, comme bouclier, pour couvrir leurs opérations. Enfin, si les Occidentaux ont bombardé des unités de production reconstituées par le régime, y a-t-il eu dissémination de produits toxiques dans les populations ? Ou alors comment ont-ils opéré pour faire en sorte qu'il n'y en ait pas ?