OD

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mardi 5 décembre 2017

Euro et déflation

Je répondais tout à l'heure à une réaction de Philippe, un lecteur habitant la Grèce, à un de mes précédents posts. Il me disait son impression de voir quelque chose comme un regain d'activité qui donnerait raison à la propagande du redémarrage.

La première chose qu'il faut dire - et il le dit lui-même en citant Cosco ou Vinci - c'est que, si redémarrage autre que conjoncturel il y avait, il ne profiterait guère aux Grecs à la fois du fait de la spoliation des biens publics et privés organisée par ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe, de la vaporisation du droit du travail (voir l'article auquel je renvoyai hier sur les pressions de Lafarge ce processus conduit par la même Europe), des salaires de misères versés irrégulièrement, des pensions sans cesse réduite... le tout empêchant évidemment tout redémarrage de la consommation intérieure qui, dans les pays développés est le moteur principal de toute croissance (évaluée je crois, en général à 60 %). La déflation imposée à la Grèce, et qui va encore s'aggraver avec les 78 mesures auxquelles je faisais allusion avant-hier, empêche et empêchera tout redémarrage substantiel et durable de l'économie grecque.

Ce que nous voyons en revanche, en Grèce comme en France, au Portugal ou en Espagne, et qui permet, en Grèce comme ailleurs en Europe du sud, aux trompettes de la propagande d'entonner l'air triomphal de la reprise, c'est l'effet-retard de la dévaluation de l'euro, de plus de 20 % de l'été 2014 (autour de 1,35 dollar) au printemps 2017 (1,05) - dévaluation du tiers de sa valeur si on se place par rapport aux plus haut de 1,5935 de juillet 2008 (taux de change absurde et totalement insupportable pour toutes les économies de la zone euro sauf l'allemande, l'autrichienne et peut-être la néerlandaise.

Cette dévaluation de l'euro est la seule responsable de la relative embellie d'aujourd'hui - relative car, insuffisante, elle n'a permis que de freiner la dégradation, ou au mieux de stabiliser la situation sur des niveaux très bas.

Mais depuis, l'euro est reparti à la hausse ! D'un peu moins de 15 % en six mois, puisqu'il est désormais autour de 1,18 dollar. Mécaniquement, lorsque l'effet retard de cette s de cette réappréciation se fera sentir, la dégradation reprendra.

Je vous recommande de regarder la vidéo que vous trouverez en cliquant sur ce lien, elle explique de manière singulièrement claire comment l'euro est structurellement déflationniste et d'autant plus fortement qu'il s'agit d'économie faible. Comme vous le verrez dans cette vidéo, le taux actuel de l'euro est viable pour la France, il ne l'est ni pour l'Italie (qui aurait besoin d'une monnaie à parité avec le dollar), ni pour le Portugal (taux de change optimal 0,91), ni a fortiori pour la Grèce dont le taux de change devrait probablement se situer, en fonction de ses fondamentaux et de la violente déflation destructrice de potentiel productif qu'elle subit depuis huit ans, autour de 0,8-0,85, soit une surévaluation de l'ordre de 40 % ! Comment voulez-vous qu'une économie redémarre sans moteur de consommation intérieure -étouffé par la déflation - et avec une monnaie qui inflige à ses exportations un handicap de compétitivité de l'ordre de 40 %. C'est parfaitement absurde ! C'est comme si vous demandiez à un athlète de courir une course avec un boulet de 40 kgs attaché à la cheville...

En toute logique européenne de l'absurde - celle qu'on applique aux pays du sud depuis qu'ils sont entrés dans l'euro -, ce déficit de compétitivité devrait donc être compensé par de nouvelles baisses de salaires et de pensions - de l'ordre de 40 %. Mais ces nouvelles baisses, en étouffant un peu plus l'activité, détruiront de nouveau de l'emploi et du potentiel productif. Du coup, la monnaie dont le taux de change est totalement découplé des performances de l'économie grecque, puisque ce taux de change est fixé par les marchés essentiellement en fonction des performances des économies dominantes de la zone, sera toujours et de plus en plus en plus surévaluée, ce qui conduira à de nouvelles coupes...

Ceci s'appelle la spirale déflationniste : c'est elle qui a plongé les Etats-Unis de la crise boursière de 1929 à la Grande Dépression, jusqu'à la rupture de cette spirale infernale par Roosevelt ; c'est elle qui, mise en oeuvre en Allemagne, avec une particulière imbécillité, par le chancelier Zentrum (l'équivalent de la CDU de Merkel et Schäuble) Brüning, fit en quelques mois du groupuscule nazi le premier parti d'Allemagne et amené Hitler au pouvoir.

Comme toujours lorsque j'écris sur l'état de ma pauvre Grèce, et très sincèrement, j'espère avoir tort. Mais je n'y crois pas. Nous verrons bien...

Vous reprendrez bien un peu de réformes stucturelles ?

Ou comment l'Europe (vous savez "l'Europe c'est la paix" !) et le FMI ont imposé à la Grèce ces fameuses "réformes structurelles"... made in Lafarge.

Passionnant et révoltant article de Bastamag à lire absolument !

Et après ça, vous pensez vraiment qu'en régime d'Union européenne vous vivez encore en démocratie ?