J'indiquais dans mon précédent message qu'à 56 ans, Kavafis écrivait "Iménos" et j'en donnais la traduction de Dominique Grandmont, tout en signalant qu'à 56 ans, Yourcenar publiait sa traduction de Kavafis... Du coup, j'ai eu envie de replonger dans la bibliothèque pour comparer les trois versions françaises de ce poème qui s'y trouvent :

Yourcenar/ Dimaras (Gallimard, 1958) :

... Et il faut aimer davantage encore la volupté malsaine dont la possession nous use... Trouvant rarement le corps qui éprouve les sensations souhaitées. Volupté malsaine dont la possession nous use, mais qui procure des jouissances amoureuses que la santé ne connaît pas...

Fragment d'une lettre du jeune Iménos (de famille patricienne), célèbre à Syracuse pour sa vie de débauche, sous le règne licencieux de Michel III

Socrate Zervos et Patricia Portier (Imprimerie nationale, 1992) :

"... Encore plus que les autres plaisirs,
Aimons celui qui nous pourrit et nous détruit.
Trouvant rarement de corps qui se prête à ce plaisir-là,
Celui qui nous pourrit et nous détruit
Et qui nous offre une intensité que la morale ne connaît pas..."

Fragment d'une lettre
Du jeune Imènos, patricien, célèbre
Dans Syracuse pour sa dépravation
Dans les temps dépravés de Michel III

Dominique Grandmont (Gallimard, 1999) :

"...Il n'en faut aimer davantage
la volupté malsaine qui s'alimente de notre ruine ;
même si elle ne trouve pas souvent le corps qui réponde à son désir -
cette nocivité qui nous mine lui procure
une intensité dans l'amour que la santé ne connaît pas..."

Fragment retrouvé d'une lettre
du jeune Iménos (fils de patricien), bien connu
à Syracuse pour sa vie de débauche,
sous le règne non moins dissolu de Michel III

Sublime, n'est-il pas ? Incomparable Kavafis... Et mon choix est bien sûr celui de Yourcenar... même si elle est plus "infidèle" au texte, c'est elle qui, a mes yeux, est la plus fidèle à la magie du texte.