En peu de jours, deux informations paraissent sur une des tragiques conséquences des politiques criminelles conduites en Grèce par l'Eurogermanie. J'ai déjà parlé ici du transfert massif de propriété - publiques et privées - auquel aboutissait cette politique de pillage systématique d'un pays et de son peuple. Le moindre paradoxe n'étant pas que l'ultralibéralisme débouché sur la spoliation, c'est-à-dire sur la négation de ce droit de propriété que les libéraux disent considérer comme un droit fondamental de l'Homme - violé, par l'Eurogermanie en Grèce, comme sont violés systématiquement depuis bientôt dix ans, les principes mêmes de la démocratie représentative sur laquelle cette Eurogermanie prétend se fonder.

Mais ces deux informations ont trait à une autre tragédie : l'exil.

Pays d'émigration du milieu du XIXe siècle aux années 1970, pour des raisons économiques et politiques intimement mêlées (les gouvernements autoritaires ou dictatoriaux notamment avaient intérêt, comme aujourd'hui les pays de l'Est de de l'Europe avec leurs travailleurs détachés, a exporter leur population afin de minimiser le risque d'explosion sociale et politique de leur maintien sur place que leur politique refusant tout droit social aux travailleurs payés misérablement faisait peser sur le statu politique et social), la Grèce avait mis fin à cette hémorragie de population avec le retour à la démocratie (en réalité un peu avant) en 1974 qui avait inauguré la construction d'un Etat social (et un rattrapage salarial) à l'occidentale, différé pendant 30 ans, grâce à la répression... et à l'émigration.

Puis la Grèce était même devenue un pays d'immigration après la chute des régimes communistes albanais, bulgares, roumains.

Ces deux informations parues récemment mettent en lumière la reprise massive de l'hémorragie démographique depuis la mise en oeuvre des politiques eurogermaniques de pillage.

La première est diffusée par la page Facebook de l'association de solidarité belge Liège-Grèce; elle concerne le secteur de la santé : "Les médecins grecs, pour pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, émigrent en masse. Rien que pour la région d'Athènes, entre 2008 et octobre 2016, près de 11000 (onze mille) médecins ont quitté leur patrie. Résultat: Un désert médical et, dans les campagnes, presque plus de personnel soignant. C'est notamment pour cela qu'il nous faut agir ! Des médecins grecs nous soignent chez nous, aidons-les à soigner leurs familles chez eux ! "

Elle est accompagnée de la carte suivante.

Il s'agit là d'un autre aspect du pillage, car - n'est-ce pas ? - ce sont les impôts des Grecs qui ont payé les études de ces médecins, comme des dentistes, ingénieurs, informaticiens, architectes, etc., qui partent pour les mêmes raisons, vont enrichir aujourd'hui de leurs savoir-faire et créer de la valeur ajoutée dans les pays européens qui ont mis la Grèce en coupe réglée.

Et c'est un pillage aux conséquences mortelles pour nombre de Grecs, puisque cet exil, en plus des coupes budgétaires, des coupes salariales, des salaires non payés qui mettent les personnels qui restent, malgré leur dévouement et souvent leur épuisement, de plus en plus dans l'impossibilité matérielle de remplir leurs missions, cet exil ajouté aux autres facteurs place le système de santé grec au bord de l'effondrement, alors même que les conditions de santé de la population, du fait même des effets multiformes des politiques de pillage eurogermaniques. La même page Facebook publiait ainsi ce graphique qui, je crois, n'appelle pas de commentaire.

Puis, hier, l'ai lu cet article sur l'émigration grecque en général pour l'autre publiée par Alternatives économiques sous la signature de Fabien Perrier.

Je précise d'emblée que je connais un peu Fabien, que je l'aime bien et que je l'estime. Il a choisi de quitter la France au début de la tragédie eurogermanique de la Grèce, pour aller s'y établir et en rendre compte. Il me consulte régulièrement pour que je lui éclaire des points d'histoire. Je sais que nous ne sommes pas d'accord sur l'essentiel : la souveraineté et donc la sortie de l'euro ; il reste attaché à ce que j'appelle cette gogôche qui continue à prendre les vessies de l'européisme pour les lanternes de l'internationalisme, qui refuse même d'envisager qu'on puisse sortir du carcan qui nous tue tout en déplorant les blessures qu'il inflige, qui croit encore ou feint de croire à la réforme du carcan afin de le rendre... plus juste, harmonieux et humain.

Nous savons nos désaccords, nous en avons discuté. Il ne sera donc pas surpris s'il lit ce papier sur le sien.

Son papier qui est utile et salutaire puisqu'il décrit bien l'ampleur de la catastrophe.

Mais son papier qui me laisse les bras ballants dès qu'il en présente les "explications".

Rien sur le rôle pourtant essentiel, premier, fondamental de la surévaluation massive de l'euro par rapport aux structures de l'économie grecque. Une fois de plus, ce boulet attaché au pied de nombre d'économies européennes - grecque, italienne, espagnole, portugaise, française, belge... - ne doit, ne peut même être évoqué.

C'est anathème ! Quoi qu'il arrive, l'UE et l'euro doivent rester hors du très peu qu'il reste encore de débat très vaguement démocratique.

Rien sur le rôle de la trahison de Syriza des résultats du référendum de l'été 2015.

Pourtant, cet exil, comme celui des années 1950-1960, a a bien aussi des causes politiques : combien d'exilés, jeunes ou moins jeunes, sont restés au pays, coûte que coûte, vaille que vaille, parce qu'il y avait l'espoir d'un changement de cap avec l'arrivée au pouvoir, en point de mire, de Syriza ? Et combien, désespérés par la trahison, ont alors constaté que, toute perspective de changement ayant disparu avec la "normalisation" (forcée ou consentie dès l'origine au terme d'une comédie, la question reste ouverte) du gouvernement Tsipras par la Germano-Europe, il ne leur restait plus qu'à plier bagage ?

Ramener un problème éminemment politique à des modalités techniques et une profonde - et bien utile (au système) - erreur.

Mieux vaut dès lors répéter les mensonges pourtant éculés de l'OCDE (encore un Machin idéologique à dynamiter !), fer de lance de l'ultralibéralisme et du libre-échange généralisé depuis... le Plan Marshall où cette sinistre organisation trouve ses origines et qui se trompe toujours sur à peu près tout, dont les prévisions sont systématiquement démenties par les faits qui mettent cet exil massif, dont la seule cause réside dans les politiques imbéciles et criminelles de l'Europe allemande, sur le compte d'une "inadaptation du marché du travail".

Pour mémoire, rappelons ici le rapport des bouffons de l'OCDE sur la Grèce en 2007 que je cite dans La Grèce et les Balkans : "« "La Grèce est l’un des pays de l’OCDE où la croissance a été la plus soutenue ces dix dernières années (…), en dépit d’un assainissement budgétaire substantiel, les principaux moteurs étant l’investissement et les exportations . »

Vraiment je me demande comment, sérieusement, on peut encore citer comme "experts", comme "références", ces institutions et les gens grassement payés qui y officient (et y développent, c'est le cas notamment de nombreux Grecs des organisations eurogermaniques et internationales, un intense complexe de supériorité et un mépris non moins intense pour leurs compatriotes de l'intérieur) dont le seul but est d'habiller une idéologie en termes pseudo-scientifiques.

Quant aux "efforts" du gouvernement Syriza pour lutter contre ce fléau de l'émigration... On pourrait en rire si ce n'était tragique.

Oui, décidément, la réalité, la seule, de cet exil massif aux conséquences tragiques dont l'article de Fabien Perrier montre de façon opportune et salutaire l'ampleur, c'est, sous couvert d'idéologie européiste, celle d'un pillage systématique, organisé et opéré par les forts, des forces vives du faible. Un résumé en somme de l'esprit et des résultats de ce qu'il est convenu d'appeler, par antiphrase, la "construction européenne".