Pendant que Libé, Le Monde, L'Obs et presque tous les autres (mettons à part L'Humanité, Politis, Le Monde diplo) mentent comme on n'a plus menti dans la presse depuis la Collaboration, pendant que sur France Culture et France Inter, les Couturier, Guetta, Quentin Dickinson et autres pseudo-journalistes des matinales en rajoutent presque chaque jour une louche dans l'immonde et la désinformation, pendant que toute cette oligarchie médiatique fait, à longueur d'éditoriaux, de tribunes, de chroniques, l'éloge de l'Europe oligarchique qui s'évertue à faire plier un gouvernement démocratiquement élu et de la méta démocratie où les traités signés par des traîtres et des renégats doivent empêcher les peuples d'exercer leur souveraineté, c'est-à-dire, selon eux qui savent mieux que les peuples ce qui est bon pour eux, de faire des bêtises, pendant ce temps-là, le Parlement grec travaille.

On ne les a pas entendus beaucoup, tous ces virtuoses de la chronique abjecte, de la tribune baveuse, de l'éditorial obscène, on ne les a pas entendues beaucoup les divas de la matinale propagande s'indigner, le 11 juin 2013, de la liquidation brutale de l'audiovisuel grec public. Toutes ces bonnes âmes si promptes au devoir de mémoire, toutes ces consciences innocentes vouant aux gémonies le nationaliste, le populiste, l'europhobe, toutes ces plumes et ces voix défenderesses d'une morale chimiquement pure ne se sont guère élevées, alors, contre cette formidable atteinte, pour la première fois en Europe depuis des lustres, perpétrée par un pouvoir exécutif, à coup de décret, sans annonce préalable, sans négociation, sans débat parlementaire, contre la pluralité de l'information. Aucune ne s'est inquiétée qu'on arrête ainsi, sur un trait de plume, plusieurs chaînes de télévision et de radio - locales et nationales -, qu'on donne l'assaut à l'immeuble de l'ERT occupé par les collègues grecs de ces voix et de ces plumes. Alors même, de surcroît, ironie du sort, que l'audiovisuel public grec, ERT... rapportait de l'argent à l'Etat. Mais le gouvernement avait promis à ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe de faire des coupes dans les dépenses - des coupes stupides qui amputaient les revenus de l'Etat, mais des coupes, c'est tout ce qui compte !

Elles ne s'étaient d'ailleurs pas plus émues, les morales voix et les innocentes plumes, lorsque Merkel, Sakozy, Barroso, Draghi et consorts avaient interdit à un Premier ministre grec démocratiquement élu de consulter son peuple. Elles n'avaient pas même vibré d'un juste courroux lorsque les mêmes avaient fait nommer un banquier non élu pour remplacer ce Premier ministre, ni ne s'étaient indignées lorsque le banquier avait fait rentrer dans ce gouvernement les premiers ministres d'un parti d'extrême droite que la Grèce ait eu depuis la chute de la dictature des Colonels en 1974. Elles ne s'étaient pas davantage scandalisées des ingérences inouïes et des menaces répétées de Merkel et autres Barroso ou Draghi dans la campagne électorale grecque de 2012, ni lorsque la presse grecque avait révélé que le directeur de cabinet de leur favori, l'ultraconservateur Samaras parvenu au pouvoir grâce à ces ingérences et menaces, entretenait des relations étroites, donnait des instructions au téléphone aux néonazis d'Aube dorée, création de la politique de Merkel, Sarkozy, Draghi, Barroso/Juncker et consort.

C'est que tout cela, bonnes gens, se faisait par et pour ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe. Donc, par définition, c'était bien, indispensable, irréprochable. Même les néonazis, même l'interruption brutale et injustifiable de l'audiovisuel public, le licenciement illégal de journalistes, de techniciens, de personnels administratifs. C'était justifié, forcément, puisque c'était pour la bonne cause européenne, même si cela aboutissait à remettre l'information radiotélévisée au monopole de groupes privés, tous contrôlés par des oligarques grecs... et tous eurolâtres ! Comme il était tout aussi justifié de créer un ectoplasme de télévision publique, baptisé NEIRIT, sans programme mais avec des journalistes au garde-à-vous germano-européen. On ne lut donc aucun éditorial contre la liberté d'expression qu'on assassinait au nom de l'Europe, on n'entendit aucune voix morale témoigner de la plus élémentaire solidarité avec les journalistes, techniciens, personnels qui, contre vents et marées, bénévolement, maintinrent durant 687 jours une voix libre sur les ondes grecques - l'ERT-Open.

Or voilà que l'horrible pouvoir gauchiste, amateur, irresponsable, et dénoncé comme tel, chaque jour, à longueur de tribunes, d'éditoriaux et de chroniques de nos voix et de nos plumes spécialistes de l'à-peu-près, du mensonge et de l'intoxication, va rouvrir l'Ellinikí Radiofonía Tileórasi (Radio télévision hellénique). Car voici que la Vouli (Parlement) gauchiste que les traités, Merkel, Schäuble, Hollande, Juncker, Draghi et consort ne parviennent pas à museler, a voté, dans la nuit du mardi 28 avril au mercredi 29 avril 2015, la renaissance de l'ERT. On attend avec impatience que nos voix justicières et nos plumes vengeresses éructent leurs habituelles invectives et vomissent leurs coutumiers anathèmes pour stigmatiser tant de criminelle déraison.