Encore une passionnante analyse de Romaric Godin dans la Tribune de ce jour.

"Si les banques grecques se retrouvent sans moyens de paiement, sans euros, Athènes n'aura aucun autre moyen que d'introduire en urgence une nouvelle monnaie nationale. La Banque de Grèce sera alors autorisée à émettre cette nouvelle monnaie pour irriguer l'économie. Dans ce cas, la Banque de Grèce deviendrait une banque extérieure à l'Eurosystème. En théorie, l'Eurosystème n'est pas concerné par l'ELA dans ce cas. Ce programme prévoit en effet que c'est la banque centrale nationale qui l'active qui est responsable seule des pertes sur l'ELA. En cas de Grexit, la Banque de Grèce se retrouvera avec une dette en devises étrangères vis-à-vis de banques qui ne pourront pas l'honorer. Elle devra donc faire elle-même défaut sur ses engagements en euros. Quels seront-ils ? Ce sont les dettes de la Banque de Grèce vis-à-vis de la BCE dans le cadre du système Target 2.

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Sans compter que la BCE devra sans doute aussi tenter de contenir les effets du « Grexit » sur les marchés, notamment le risque de contagion. On les a largement sous-estimés en raison de l'existence de « pare-feu », mais ils ne sont pas neutres, comme le prouve la récente augmentation des écarts de taux avec l'Allemagne et la nervosité extrême des marchés à toute mauvaise nouvelle sur la Grèce. Ce qui est en jeu, il faut le rappeler, c'est l'irréversibilité de l'euro et le maintien de la parole de Mario Draghi de prendre « tout ce qu'il faudra » (« whatever it takes », comme il l'a dit en juillet 2012) pour « sauver l'euro. » Un Grexit sera perçu comme une remise en cause de cette doctrine. Au-delà des effets financiers, c'est la crédibilité de la BCE qui sera en jeu, autrement dit son capital le plus précieux.

C'est cela que la BCE met en jeu désormais. Le risque pris et le prix potentiel à payer est incontestablement démesuré par rapport à ce que cherche la BCE et les créanciers : l'acceptation de réformes symboliques pour obtenir une victoire surtout politique. Les contribuables européens sont-ils prêts à prendre un risque de 320 milliards d'euros pour obtenir la capitulation politique de Syriza ? Leurs dirigeants se gardent bien de leur poser la question."