Il y a parfois des télescopages intéressants dans l'actualité.

Hier on a appris que le pape Panzer levait l'excommunication de quatre évêques traditionalistes.

Rappelons que le traditionalisme, ce n'est pas seulement le folklore de la messe en latin auquel le pape Panzer a depuis peu redonné droit de cité. C'est avant tout une vision autoritaire de la société, réactionnaire, qui condamne toute modernité, toute ébauche de début de liberté de conscience, tout rationalisme, toute tentative d'exister en dehors des lois "naturelles" de Dieu. Raison pour laquelle tout le beau monde qui s'y retrouve cultive, en plus du "droit à la vie" (lire une opposition violente à l'avortement) et de l'homophobie (même si on retrouve là-dedans une proportion non négligeable de pédés marqués par ce qu'il faut bien appeler une forme grave de masochisme), une intense nostalgie, en France, de Vichy ou de l'Algérie française (tant de prêtres ont justifié la torture et les crimes de l'OAS, voué aux gémonies Mauriac qui les dénonçait, bénit et absout par avance ceux qui voulaient assassiner de Gaulle...), en Italie, du fascisme - un crucifix dans une main et l'autre bras tendu devant les photos du Duce, signataire avec un prédécesseur de Panzer des accords de Latran, normalisation des rapports entre l'Etat et l'Eglise que cette dernière avait obstinément refusé à l'Italie parlementaire et démocratique depuis 1870, mais qu'elle accorda sans longtemps barguigner à l'Etat fasciste -, voire...

Pour ces gens-là, le peuple juif reste le peuple déicide, et si leur antijudaïsme, comme celui de l'Eglise officielle d'avant Vatican II, n'est pas l'antisémitisme nazi, il en a fait le lit, lui a ouvert la voie, l'a déculpabilisé, quand il ne l'a pas approuvé par la voix de nombreux évêques allemands entre 1933 et 1945...

Sans oublier les appels aux crimes, les crimes et les absolutions données aux criminels des épiscopats baltes, slovaque, croate évidemment, hongrois...

Sans oublier l'assourdissant silence et les crapuleries, en France, de messeigneurs Baudrillart, Mayol de Luppe, Caillot, Marmottin, Beaussard, Dutoit, Costa, Auvity, La Villerabel et tant d'autres ; messeigneurs Théas et Saliège qui élevèrent la voix furent des exceptions...

Sans oublier le sauvetage massif et la mise à l'abri systématique, planifiés, financés des criminels de guerre de toute l''Europe, dont l'organisation fut confiée par Pie XII au futur Paul VI. Dommage que les juifs n'aient pas bénéficié de la même sollicitude vaticane, mais passons, non sans rappeler que le milicien Touvier, criminel contre l'humanité fut, encore dans les années 1980, arrêté dans une maison religieuse... traditionaliste.

Car les traditionalistes sont bien les héritiers revendiqués de cette tradition-là. Si bien que, même lorsqu'ils viennent des beaux quartiers, ce qui est généralement le cas, et qu'ils portent des parfums de prix, ils puent la charogne !

Eh bien le pape Panzer, lui, il trouve qu'ils sentent la rose !

Depuis qu'il est monté sur le trône de saint Pierre, il n'a de cesse de leur faire des risettes.

Il est vrai que tout cela a une logique.

Y avait-il vraiment urgence, d'abord, à ce que ces messieurs du conclave élisent un pape allemand avant que la génération grandie dans les Hiltlerjugend n'ait passé l'arme à gauche ?

Mais il y a plus grave, parce que ce pape-là, manifestement, n'a pas été qu'élevé dans les Hitlerjugend. Il en a intégré une partie de l'enseignement.

Déjà, il y a quelques années, cardinal se rendant pour une célébration du débarquement du 6 juin sur les plages de Normandie, il avait imputé la responsabilité des désastres de la deuxième guerre mondiale... au traité de Versailles.

Rhétorique classique du nationalisme allemand le plus borné, qui a fait, comme la veulerie du Zentrum catholique allemand de l'entre-deux guerres, le jeu de la propagande nazie, avant de lui servir de marchepied (Herr Von Papen était un familier des antichambres pontificales) pour se hisser au pouvoir. Certes, le traité de Versailles n'était pas parfait, mais il était le résultat d'une guerre, elle-même terrible, résultat du militarisme allemand ; sa logique punitive était compréhensible pour l'époque, et il avait été dialectiquement dépassé depuis le milieu des années 1920, par la substitution au Diktat d'une logique de négociation et de sécurité collective.

Les plages de Normandie ne sont donc pas le résultat de Versailles (ainsi que le perroquet Panzer le prétend, répétant en cela une vulgate chère aux nazis), mais du nazisme secrété par la société allemande comme réponse à la crise de 29.

Il est vrai que, dans cette analyse, Benoît n'est pas qu'allemand, il est aussi éminemment vatican. Benoît XV, que Clemenceau appelait du surnom si mérité pour son philogermanisme entre 1914 et 1918, le pape boche, puis Pie XI et surtout Pie XII, nonce à Munich et à Berlin, inlassable défenseur de l'Allemagne à la secrétairerie d'Etat, artisan du concordat avec Hitler, anticommuniste fanatique et qui voit les nazis, avant tout, comme un rempart contre ces bolchéviques prêts à déferler sur l'Europe catholique depuis la Russie orthodoxe, n'auront cessé de chérir l'Allemagne, face à la France radicale, athée et franc-maçonne, face à l'Angleterre schismatique. Un tropisme allemand qui, d'ailleurs, n'est pas non plus sans raison financière...

Bref, pour Benoît, la guerre de 1939-1945 est le résultat de Versailles, pas du nazisme. Ce qui lui permet ensuite, une fois pape, d'exonérer le peuple allemand de toute responsabilité dans la guerre, l'occupation de toute l'Europe, les crimes de guerre et contre l'humanité. Non, les Allemands ne sont pas responsables; les seuls responsables, ce sont Clemenceau, Lloyd George, Wilson et Orlando. Et puis un peu le malheur des temps et la déchristianisation.

Pas étonnant qu'ensuite, troisième mouvement, Panzer Benoît ordonne la reprise du surréaliste procès en canonisation de Pie XII, suspendu par Jean-Paul II qui, bien que réactionnaire, avait quelques raisons, en tant que Polonais, d'en vouloir à ce pontife qui refusa obstinément, de 1939 à 1945, de condamner l'agression allemande contre la Pologne puis les exactions commises contre son peuple.

Tout cela est d'une logique imparable, et d'une grande cohérence !

Comme l'est la levée de l'excommunication des quatre pingouins traditionalistes et le fait que l'un d'entre eux, le jour même, évalue le nombre des juifs morts en camps de concentration à 300 ou 400000 et nie qu'aucun soit passé dans d'inexistantes chambres à gaz. Point d'extermination donc, ce qui explique que le futur saint Pie XII ait, bien qu'au courant de tout, refusé de dire le moindre de mot de condamnation (si! une dizaine, très vagues, quelques secondes à peine dans un discours radiodiffusé de Noël de plus de 40 minutes...). Qu'il ait envoyé un de ses fidèles collaborateurs, autrichien et lui franchement philonazi, voir le général SS de Rome, lors de la rafle des juifs romains, pour lui faire dire de ne pas mettre le très saint père dans une situation telle qu'il serait obligé de réagir publiquement. Singulier courage christique qui mérite à coup sûr la sainteté !

Benoît XVI n'est pas plus nazi que Pie XII ; ils sont juste, tous les deux, des réactionnaires bornés - de ceux qui, de tout temps, sont les imbéciles les plus utiles du monde aux vrais criminels. Mais rassurons-nous, comme le dit Sarko, un prêtre est toujours mieux à même qu'un instituteur d'enseigner aux enfants ce que sont le bien et le mal ; alors un pape, vous pensez !

Hier aussi, le président Obama fermait Guantanamo et déclarait qu'on ne peut combattre ses ennemis, fussent-ils les pires criminels, en reniant ses principes, que la torture était de nouveau prohibée au Etats-Unis : une parenthèse de barbarie venait de se refermer. Tandis que tonton Panzer, l'oeil fixé dans son rétroviseur déformant, déployait tous ses charmes pour racoler quelques traditionalistes, vestiges, survivances anachroniques d'autres barbaries.