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mercredi 25 mars 2015

Crash

Quitte à paraître un monstre, je ne vois pas ce que trois ministres ont à faire sur le site d'un crash aérien, je ne crois pas que la fonction présidentielle consiste à commenter à chaud un fait divers, aussi tragique soit-il (imagine-t-on de Gaulle apparaître à la télévision pour informer les Français des secours mis en oeuvre après un accident de train ?), je ne comprends pas ce qu'apporte "aux familles des victimes" la présence d'un chef d'Etat et de deux chefs du gouvernement sur le site d'un accident. Cette dérive compassionnelle, que Sarkozy a portée à un degré qu'il semble à Hollande indispensable d'égaler (montrant ainsi, une fois de plus, qu'ils sont "le même"), est à mes yeux le résultat de trois phénomènes convergents :

- l'hystérisation de l'actualité par les chaînes dites d'information en continu qui font des directs durant des heures pour exposer jusqu'à la nausée tout ce qu'on ne sait pas ou qui pourrait être ;

- la déchéance du politique qui, n'ayant plus prise sur rien, par son abdication devant le libéralisme et ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe (laquelle en est à la fois le moteur et le paravent), ne voit que des avantages au triomphe du sentimentalisme (pendant que Margot pleure devant le malheur des autres, elle pense moins à ses problèmes) sur la réflexion politique et l'action ;

- la constitution en caste, en nomenklatura à la soviétique, des politiques et journalistes servant l'ordre dominant, qui vivent en vase clos, dans la même idéologie, partagent les mêmes idées et les mêmes modes de vie, sont totalement coupés d'un peuple qu'ils méprisent et dont ils ignorent, à chaque élection, ce qu'il dit, et qui, en cette occasion, par une compassion mimée et une mobilisation apparente de leur personne censée donner magiquement une effectivité aux moyens techniques mis en oeuvre, entendent montrer qu'ils sont proches des "gens" (pas du peuple) et de leurs souffrances (de la souffrance créée par le fatum, pas des souffrances que génère leur politique).

Si Barthes était encore de ce monde, cela nous aurait valu à coup sûr une belle Mythologie de plus.

En réalité, cet étalage, ce pitoyable bal de faux de plus. me semble à la fois indécent, ridicule et assez répugnant. Et encore n'avons-nous pas à nous plaindre puisque personne n'a (encore ?) insinué que ça pouvait être un coup de Poutine...

Mais pendant que la Merkel affiche sa gueule d'enterrement alors qu'elle écorche les Grecs, que Rajoy se pavane en croque-mort alors qu'il étrangle son propre peuple et que le 3e se dit qu'après Charlie ce crash va bien lui permettre de sauver dix cantons... les affaires continuent et, ainsi que nous l'apprend ''la Tribune'', où officie l'excellent Romaric Godin, la BCE a franchi, en ce jour de fête nationale grecque un pas supplémentaire dans l'étranglement de la Grèce.



Car étrangler la Grèce, afin que le mauvais exemple de Syriza fasse tache d'huile en Europe, est bien la priorité de Merkel, Juncker, Draghi et autres Hollande ou Rajoy et autres croque-morts...

Face à cette agression caractérisée, le gouvernement grec aurait dû déjà, a minima, établir un contrôle de sortie des capitaux. Le moment approche où il lui faudra choisir la capitulation en rase campagne ou le défaut et la sortie de l'euro. En ce jour anniversaire du soulèvement grec de 1821, j'espère de toute mon âme qu'il choisira la seconde option et qu'il s'y est préparé, qu'il n'est pas resté dans l'illusion qu'il pourrait infléchir - ne serait-ce qu'à la marge - l'Union européenne qui a été conçue pour détruire la démocratie et l'Etat social. On ne réforme pas un carcan, parce qu'il a été conçu pour être un carcan et pour servir à quoi sert un carcan : on le brise ou on y crève.

lundi 23 mars 2015

Elections

Aux cantonales de 2011 (seule référence valable : on ne compare pas plus un type d'élection à un autre qu'une carotte à une banane, c'est quand même le B-A BA de toute analyse un peu sérieuse !), le FN faisait une "forte percée" à 15,06 %, par rapport à ses... 4,85% (!!!) de 2008 : il est ce soir à 26 %, soit une nouvelle percée, équivalente, de plus de 10 points, et on nous a seriné toute la soiré que c'était un échec...

Au premier tour des cantonales de 2008, la participation était de 64,89 %, elle est ce soir de 51,60 % et on nous a seriné toute la soirée qu'il y avait eu une "mobilisation électorale" parce qu'elle est supérieure au taux le plus bas jamais atteint au premier tour de 2011 (44,77 %).

Ce qui signifie en outre que le FN gagne ses 11 points avec une participation accrue de près de 7 %...

La capacité de la nomenklatura politique, journalistique et des soi-disant analystes politiques à travestir, mentir et dénier la réalité est chaque jour plus impressionnante. Mais comme les faits sont est têtus, la méthode Coué et le déni de réalité aboutissent rarement à des réveils agréables.

La réalité c'est que, tant qu'on ne changera pas de politique, il ne faudra pas s'étonner que le FN vole de succès en succès et attire à lui un électorat de plus en plus populaire que la droite et la soi-disant gauche eurolâtres méprisent, à qui le Front de Gauche, toujours sidéré par "l'idée européenne" et l'illusion de "l'Autre Europe" qui ne peut advenir et n'adviendra jamais, est incapable de parler clairement de retour à la nation par lequel passe forcément le rétablissement de la souveraineté populaire et de l'Etat social que l'Europe est entrain de pulvériser... la réalité c'est que, tant qu'on continuera à voter pour le PS ou l'UMP, c'est-à-dire les maintenir au pouvoir pour exécuter les ordres imbéciles et criminels de Bruxelles et Berlin, on rendra l'accession du FN au pouvoir inéluctable.

Autre cieux, autre scrutin. Dans une élection à l'assemblée andalouse où le clientélisme joue à fond (Syriza a eu le même problème l'an passé aux régionales), la droite du Parti populaire est passée de 38,63 % en 2008 à 40,66 % en 2012 et 26,7 % ce soir, quand le Parti socialiste Ouvrier Espagnol d'Andalousie, qui gouverne la région (distribue prébendes, emplois, subventions et autres contreparties clientélistes au vote) sans interruption depuis 1982, passait de 48,19 % en 2008, à 39,52 % en 2012 et 35,5 % ce soir), tandis que Podemos 15 % et Izquierda Unida 7 % mettent la gauche alternative à 22 % - le nouveau parti Ciudadanos (centre-droit européiste soi-disant anticorruption, destiné, comme le Potami grec, à servir d'appoint aux partis du système discrédités) arrive à 9 %.

Ce résultat de Podemos/IU est de très bon augure pour les élections nationales de la fin de l'année, où les enjeux seront bien plus clairs et sur lesquelles le clientélisme n'aura pas la même emprise.

mardi 10 mars 2015

Trois morts télévisés

Temps médiatique où rien ne compte plus que l'immédiat et le chiffre d'affaire en audience ou en papier vendu ; plus aucune hiérarchisation de l'information - dont se gargarisent tous les chiens de garde qui se prétendent indispensables à la démocratie alors qu'ils passent leur temps soit à désinformer soit à remplir le temps et l'espace dont ils disposent par des faits divers, en l'occurrence produits par le système même de la télé de mrd à la mode dite "réalité" ; dictature de l'émotionnel - rien ne compte plus que de faire pleurer Margot pour l'empêcher de réfléchir, règne du faux compassionnel pour les beaux, riches et célèbres enlevés dans la fleur de l'âge alors qu'on passe son temps à cracher sur les "assistés" tout en se gorgeant d'argent public (je recommande la lecture que je viens de terminer de Sébastien Fontenelle, ''Editocrates sous perfusion, les aides publiques à la presse, trente ans de gabegie'', Libertalia, 2014) et à ignorer ceux qui meurent chaque jour de l'Europe néolibérale. Ceux qui mourront le la suppression des milliers de postes dans les hôpitaux annoncée hier. Mais ceux-là mourront en silence, dans l'embrasure d'une porte cochère où la salle d'attente d'un service d'urgences engorgé - pas en hélicoptère et à la télé.

Ces trois morts, victimes des tares d'un système médiatique qui a renoncé à toute ambition culturelle, éducative, de distraction intelligente et qui assure le triomphe de la bêtise, de la mise en danger, pour rien, des pauvres vedettes qui se prêtent à la décadence macabre de ce système qui ne respecte plus rien, devraient interroger sur ce qu'est devenue la télévision en dictature libérale reposant sur le décervellement général ; ils ne provoqueront bien sûr que du rabâchage sensationnaliste, de l'exhibitionnisme et de la surenchère faussement compassionnelle. Surtout pas le début d'une ébauche de réflexion sur le système qui les a tués, eux et les autres morts de cet accident - ces morts de seconde zone, passés par pertes et profits, qui n'auront d'existence que par leur nombre puisqu'ils ne sont pas "remarquables".

Ainsi vont nos médias dominants qui, d'imposture en ignominie, ont perdu tout honneur et toute crédibilité. Dégoût.