Quitte à paraître un monstre, je ne vois pas ce que trois ministres ont à faire sur le site d'un crash aérien, je ne crois pas que la fonction présidentielle consiste à commenter à chaud un fait divers, aussi tragique soit-il (imagine-t-on de Gaulle apparaître à la télévision pour informer les Français des secours mis en oeuvre après un accident de train ?), je ne comprends pas ce qu'apporte "aux familles des victimes" la présence d'un chef d'Etat et de deux chefs du gouvernement sur le site d'un accident. Cette dérive compassionnelle, que Sarkozy a portée à un degré qu'il semble à Hollande indispensable d'égaler (montrant ainsi, une fois de plus, qu'ils sont "le même"), est à mes yeux le résultat de trois phénomènes convergents :

- l'hystérisation de l'actualité par les chaînes dites d'information en continu qui font des directs durant des heures pour exposer jusqu'à la nausée tout ce qu'on ne sait pas ou qui pourrait être ;

- la déchéance du politique qui, n'ayant plus prise sur rien, par son abdication devant le libéralisme et ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe (laquelle en est à la fois le moteur et le paravent), ne voit que des avantages au triomphe du sentimentalisme (pendant que Margot pleure devant le malheur des autres, elle pense moins à ses problèmes) sur la réflexion politique et l'action ;

- la constitution en caste, en nomenklatura à la soviétique, des politiques et journalistes servant l'ordre dominant, qui vivent en vase clos, dans la même idéologie, partagent les mêmes idées et les mêmes modes de vie, sont totalement coupés d'un peuple qu'ils méprisent et dont ils ignorent, à chaque élection, ce qu'il dit, et qui, en cette occasion, par une compassion mimée et une mobilisation apparente de leur personne censée donner magiquement une effectivité aux moyens techniques mis en oeuvre, entendent montrer qu'ils sont proches des "gens" (pas du peuple) et de leurs souffrances (de la souffrance créée par le fatum, pas des souffrances que génère leur politique).

Si Barthes était encore de ce monde, cela nous aurait valu à coup sûr une belle Mythologie de plus.

En réalité, cet étalage, ce pitoyable bal de faux de plus. me semble à la fois indécent, ridicule et assez répugnant. Et encore n'avons-nous pas à nous plaindre puisque personne n'a (encore ?) insinué que ça pouvait être un coup de Poutine...

Mais pendant que la Merkel affiche sa gueule d'enterrement alors qu'elle écorche les Grecs, que Rajoy se pavane en croque-mort alors qu'il étrangle son propre peuple et que le 3e se dit qu'après Charlie ce crash va bien lui permettre de sauver dix cantons... les affaires continuent et, ainsi que nous l'apprend ''la Tribune'', où officie l'excellent Romaric Godin, la BCE a franchi, en ce jour de fête nationale grecque un pas supplémentaire dans l'étranglement de la Grèce.



Car étrangler la Grèce, afin que le mauvais exemple de Syriza fasse tache d'huile en Europe, est bien la priorité de Merkel, Juncker, Draghi et autres Hollande ou Rajoy et autres croque-morts...

Face à cette agression caractérisée, le gouvernement grec aurait dû déjà, a minima, établir un contrôle de sortie des capitaux. Le moment approche où il lui faudra choisir la capitulation en rase campagne ou le défaut et la sortie de l'euro. En ce jour anniversaire du soulèvement grec de 1821, j'espère de toute mon âme qu'il choisira la seconde option et qu'il s'y est préparé, qu'il n'est pas resté dans l'illusion qu'il pourrait infléchir - ne serait-ce qu'à la marge - l'Union européenne qui a été conçue pour détruire la démocratie et l'Etat social. On ne réforme pas un carcan, parce qu'il a été conçu pour être un carcan et pour servir à quoi sert un carcan : on le brise ou on y crève.