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jeudi 30 octobre 2008

S'il l'a jamais fait, le ridicule ne tue plus.

La preuve ? Sarkozy et Dati sont encore de ce monde.

Qu'un président de la République porte plainte contre un éditeur, fût-ce de poupée vaudoue, après avoir fait virer des patrons de presse ou des journalistes, est déjà aussi saugrenu qu'inquiétant sur l'état de notre démocratie.

Surtout quand ce président est confronté à l'une des crises les plus graves qu'a connue le capitalisme, une crise qui est le résultat des politiques qu'incarne ce président, des politiques sur lesquelles il s'est fait élire.

Surtout quand ce président se donne l'impression d'agir en s'agitant, en faisant semblant d'avoir prise sur les événements et d'inventer des réponses, alors qu'il ne fait que suivre celles qu'a données Gordon Brown, et annoncer des mesures diamétralement opposées à celles qui, selon lui, la veille du krach, devaient assurer la félicité universelle.

Surtout quand ce président proclame sa volonté d'aider toutes les entreprises en difficulté alors qu'il y a deux mois il voulait forcer les Irlandais à revoter sur un traité (dont il a proclamé urbi et orbi être l'auteur, alors que c'est Frau Merkel qui a tenu la plume) qu'ils avaient démocratiquement repoussé et qui interdit formellement... toute aide aux entreprises.

Surtout quand ce président qui vient de faire inscrire dans la Constitution l'obligation de l'équilibre budgétaire pérore à tous les vents, à peine sèche l'encre de sa révision, qu'il ne va pas hésiter à faire du déficit (ce qui est aussi nécessaire qu'il était ridicule de faire inscrire l'obligation d'équilibre dans la Constitution).

Surtout quand ce président, toujours et en toute circonstance d'une maladresse diplomatique insigne, fâche tout rouge M. Juncker, Premier ministre et ministre des Finances à vie d'un paradis fiscal, mais aussi président de l'Eurogroupe - ce qui en dit long sur les priorités européennes, de Maastricht à aujourd'hui ; puis que ce président, posant au sauveur et tellement incapable de renoncer aux projecteurs braqués sur lui depuis qu'il est "président de l'Europe", explique à des partenaires européens une fois de plus médusés par son culot et ses inconséquences (qu'il convient de ne pas confondre avec ce qu'est une politique) que les Tchèques sont des minus habens, les Suédois des moins que rien et qu'il se verrait bien en président à vie de ces Européens qui, telles les grenouilles d'Esope et Lafontaine, n'attendaient que cette occasion pour se jeter à ses pieds et se donner un roi.

Mais que ce même président fasse appel une fois que la justice (dont l'encombrement doit beaucoup, ces temps-ci, au président et à sa famille) l'a débouté, au nom de la liberté d'expression et du droit à la caricature, est décidément d'un ridicule achevé. Caligula ne supporte décidément pas qu'on attente à... à quoi au juste ? à sa fonction, à sa personne ? Mais ce type n'a cessé depuis des mois d'étaler ses travers les plus vulgaires, sa vie la plus personnelle, de faire rire le monde entier avec ses inconséquences et ses histoires de c... Mais ce type a, par la même et lui-même, manifesté un incommensurable mépris de la dignité de sa fonction.

Quant à notre inénarrable garde des Sceaux, décidément jamais en retard d'une connerie, elle vient de trouver la solution à l'épidémie de suicides dans les prisons françaises : l'installation d'interphones dans les cellules !

Ou le gadget comme réponse à la tragédie.

Les suicides en prison ne sont pas le résultat d'une politique pénale absurde et oublieuse de certains droits élémentaires de l'Homme, comme la présomption d'innocence bafouée en permanence par l'usage généralisé de la détention préventive.

Ils ne sont pas le résultat de la surpopulation résultant de la politique en question, ni de l'état médiéval de trop nombreuses prisons et des conditions de vie indignes et dégradantes qu'on y impose aux détenus.

Ils ne sont pas le résultat de l'insuffisance des personnels pénitentiaires, de l'encadrement médical et social qui génère une dramatique absence de sécurité à l'intérieur de ces prisons, la terreur qu'y font régner les caïds, la violence et les viols.

Ils ne sont pas le résultat de la misère de la médecine psychiatrique en France qui conduit à emprisonner des drogués et autres pauvres bougres qui ne pigent rien à ce qui leur arrive et qu'on devrait soigner plutôt que de les envoyer au gnouf.

C'est pour cela qu'on a juste besoin... d'interphones ! Chouette ! elle est maline la garde des Sceaux ! A chaque problème sa solution ! Et puis pour les fabricants d'interphone, en ces temps de crise, c'est une véritable aubaine !!!

Le ridicule ne tue plus, c'est donc avéré. Ce qui n'est ni le cas de la crise que n'a pas vu venir Sarkozy et qui va laisser sur le carreau tant d'humbles, de fragiles et de précaires. Ce qui n'est pas non plus le cas des prisons de Melle Dati... avec ou sans interphones.

samedi 25 octobre 2008

Cherchez l'erreur !

93 suicidés dans les prisons françaises en moins de dix mois. On attend encore une réaction du président de la République ; une seule mesure significative de la garde des Sceaux sur la scandaleuse condition pénitentiaire qui contribue à appliquer, dans notre beau pays, une peine de mort non prononcée contre les plus faibles des détenus.

Un pauvre bougre de prof est mis pendant sept heures en garde à vue pour un soi-disant coup de poing à un gamin. Il se suicide. Le gamin avoue aujourd'hui qu'il n'a jamais été le moins du monde molesté ni frappé. On attend encore une réaction du président de la République ; un début de réflexion de la garde des Sceaux sur ce qui cloche, dans ce pays, en matière de procédure pénale, en matière de garantie de la présomption d'innocence, en matière de garantie, tout simplement, du respect des droits de l'Homme face à ce qui ressemble de plus en plus à un arbitraire policier - fût-il couvert par des procureurs ou des juges soucieux de remplir les objectifs de la "culture du résultat" qui fait rage à la tête de l'Etat... la tête, d'ailleurs, il s'agit plus en l'occurrence de tripes, d'estomac que de tête et d'encéphale.

Il est vrai qu'après les déclarations surréalistes, il y a quelques années, de la candidate socialiste à la dernière élection présidentielle sur les enfants qui, comme la terre du maréchal Pétain, ne peuvent mentir, les chers petits auraient tort de ne pas user de la licence d'accuser à tort à travers, de tout et de n'importe quoi, n'importe quel adulte qu'ils ont dans le pif. Et que, par la grâce des Dati-Sarkozy, n'importe quel citoyen peut se retrouver en moins de deux accusé, gardé à vue et bouclé en préventive sans avoir le moins du monde aucune chance de faire valoir son point de vue ni son droit à la présomption d'innocence.

Quelles conséquences ont été tirées, en la matière, des propositions de la commission Delmas-Marty de la fin des années 1980 ? Aucune. Quelles leçons a-t-on tiré d'Outreau ? Aucune.

La garde à vue a-t-elle été étroitement encadrée, limitée, surveillée, dans les cas autres que ceux (terrorisme, grand banditisme, trafic de drogues) où elle est à l'évidence nécessaire ? Non. La garde à vue devrait à l'évidence être totalement proscrite dans ce genre d'affaires, dans toutes les affaires aussi... insignifiantes qu'une claque collée par un prof à un sale gosse, sous l'effet d'une exaspération... parfois bien légitime !

Hier, un détenu en préventive, pour viol, mais cela ne change rien au principe que, jusqu'à son jugement il est présumé innocent, est libéré par suite de la faute matérielle d'un greffier, due d'abord à trente ans de politiques qui ont conduit la justice à l'état de misère où elle se débat. Un greffier débordé, comme tous les greffiers de ce pays, où l'on préfère faire des cadeaux fiscaux aux plus riches plutôt que de donner aux administrations les moyens de fonctionner normalement, où l'on trouve des milliards pour empêcher de collapser un système financier rendu fou par trente ans de déréglementation, d'Europe libérale, de mondialisation et de libre-échangisme, mais où l'on ne peut dégager de crédit ni pour permettre à la justice de fonctionner correctement, ni pour avoir des prisons décentes, ni pour la recherche, ni pour investir dans les transports ou les énergies de demain...

Ce type est donc libéré. Innocent ou coupable, peu importe ; en l'occurrence et en droit, ce type est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable par une cour d'assise statuant au nom du peuple français. Et même s'il est coupable, il y a des moyens technologiques aujourd'hui pour respecter ses droits et le laisser en liberté jusqu'à son jugement, tout en le surveillant et en évitant qu'il ne commette éventuellement d'autres crimes ou délits pareils à ceux qu'on lui reproche. Il n'a donc de toute manière rien à faire en prison. La prison préventive est, en soi, une atteinte aux droits de l'Homme et devrait être strictement réservée aux cas où elle est absolument nécessaire. L'usage qu'on en fait aujourd'hui en France est une atteinte quotidienne aux droits de l'Homme - et ceci d'autant plus que l'état de nos prisons et indigne -, un vrai scandale que tout véritable démocrate devrait dénoncer.

Ce type est donc libéré : indignation immédiate du président de la République ; la garde des Sceaux se fâche tout rouge !!!

En attendant, au pays dit des droits de l'Homme, la procédure judiciaire et la prison tuent. Mais ça ne dérange apparemment ni ce qui nous sert de président de la République, ni ce qui fait fonction de garde des Sceaux. Cherchez l'erreur !

vendredi 24 octobre 2008

La faute à pas de chance (suite)

93e suicide de détenu dans une prison française : vous aurez relevé comme moi la réactivité de la garde des Sceaux !

C'est comme dans la crise financière : depuis l'été 2006, on savait qu'il y avait une grosse "chance" que ça pète et que, au fur et à mesure que la crise enflait, les risques systémiques s'aggravaient. Mais personne n'a rien fait. Ni les Américains, ni les Européens, ni Sarkozy, ni Trichet, obnubilé par les risques d'inflation.

Parce que les libéraux sont avant tout des idéologues. Et des idéologues, ça refuse de voir la réalité, ça croit toujours que ça détient La Vérité, et que la réalité finira bien par se plier à cette Vérité-là.

Et puis quand la crise est là, tout le monde s'agite, mais il est trop tard ; l'entropie est plus forte que toutes les mesures qu'on n'a pas prises à temps et qui, mises en oeuvre trop tard, ne servent plus à rien : ce que nous vivons, c'est en somme un Tchernobyl du libéralisme mondialisé et libre-échangiste.

Eh bien dans les prisons françaises, c'est la même chose : on sait que nos prisons sont médiévales et honteuses pour une démocratie. On sait qu'on y met chaque jour davantage des gens qui n'ont rien à y faire, des malades, des gens psychologiquement faibles. On sait qu'il n'y a pas le personnel social nécessaire pour accompagner, soigner, préparer la réinsertion. On sait que la politique pénale suivie depuis deux ans et plus ne fait qu'aggraver la surpopulation, qu'exacerber ces dysfonctionnements ; qu'elle les rend inhumains, insupportables - jusqu'à faire préférer la mort à ceux qui les subissent.

On le sait mais on continue. Parce qu'en plus d'être incompétents, Sarkozy et Dati sont des idéologues du sécuritaire.

Jusqu'à quand vont-ils continuer ? Combien de morts faudra-t-il encore ? Les citoyens du pays des droits de l'Homme vont-ils tolérer encore longtemps que cette prison-là continue à tuer ? Faudra-t-il une flambée de violence, des mutineries ? A quand le Tchernobyl des prisons françaises ?

lundi 20 octobre 2008

La faute à pas de chance...

90e suicide dans une prison française depuis le début de l'année...

Hier, au journal de France 2, le journaliste annonce le chiffre et parle de "série noire". Ben voyons, c'est juste la faute à pas de chance si, en 2008, dans les prisons de Sarkozy, il est mort un peu plus de trois fois le nombre de prisonniers exécutés (27) au pays de George W. Bush !...

Salauds d'Américains, barbares qui appliquent encore la peine de mort.

Alors qu'au pays des droits de l'homme, c'est avec la conscience parfaitement tranquille qu'on déplore le 90e suicide en prison. La différence c'est que chez nous, personne n'est condamné à mort et que les prisonniers qui se suicident sont parfois des prévenus, c'est à dire des citoyens présumés innocents.

Mais qu'on se rassure, il ne s'agit que d'une série noire.

Il ne s'agit pas de la conséquence d'un système judiciaire devenu fou qui emprisonne n'importe qui pour n'importe quoi, qui condamne sans preuve, qui multiplie ces temps-ci, autre série noire, les erreurs judiciaires : après Outreau, Marc Machin, condamné à 18 ans pour un meurtre commis par un autre et sorti après six ans de prison, et après Marc Machin, Jacques Maire, acquitté au terme de onze ans de taule... terrifiant, non ? terrifiant et un peu courant, non ?

Il ne s'agit pas de l'effet de la politique pénale démente de Dati-Sarkozy qui aboutit à la pire surpopulation des prisons que nous ayons jamais connue.

Il ne s'agit pas non plus de mettre en cause l'état médiéval, honteux, scandaleux, de tant de nos prisons, régulièrement constaté et dénoncé par des missions d'enquête parlementaires ou européennes... en attendant que de nouvelles missions d'enquête parlementaires ou européennes le constatent et le dénoncent de nouveau.

Il ne s'agit pas davantage du fait que l'état de mendicité à laquelle a été réduite la médecine psychiatrique française en 20 ans conduise à envoyer au trou des gens qu'on devrait soigner en HP. Non, pour penser cela il faut être aussi mal intentionnée que la Cour européenne des droits de l'homme qui vient de condamner la France pour "traitements inhumains et dégradants" et "violation du droit à la vie" du fait du suicide d'un détenu souffrant de troubles psychiatriques, le 20 juillet 2000, à la maison d'arrêt de Bois d'Arcy. La preuve ? Melle Dati, elle, fait modifier la loi pour qu'on puisse enfin faire passer en jugement - au nom du "droit des victimes" - même les pauvres bougres reconnus irresponsables.

Et qu'on ne vienne pas nous dire que ces 90 suicides sont liés à l'absence totale de véritable suivi médical et psychologique des détenus, à l'indigence de la politique de réinsertion, à l'absence totale de la volonté politique et des moyens matériels de considérer, comme au Canada, comme dans nombre pays comparables au nôtre, que le pouvoir d'enfermer crée l'obligation pour l'Etat d'éduquer et de former ceux qu'il enferme afin de leur donner une deuxième chance.

Qu'on ne vienne pas nous dire que la prison française ne sait faire qu'une chose : fabriquer des bêtes sauvages et des désespérés, à qui la prison n'apprend qu'une chose, que l'Etat viole chaque jour les lois qu'il vote en n'assurant pas à ses détenus l'hygiène et la dignité minimale des conditions de vie que ses propres lois lui imposent de leur garantir.

Non, il s'agit simplement d'une série noire qui ne justifie même pas que Melle Dati reçoive les représentants des gardiens de prison. Circulez, il n'y a rien à voir ni à penser !

mercredi 8 octobre 2008

Irresponsable ! ou l'esprit faux de Laurent Joffrin

Ce matin, j'ai repris l'avion à Nice, après la rencontre, jeudi à la librairie Masséna (merci à Jean-Marie et Jérôme), montée par les amis de Polychromes (merci à Jean-Louis, Benoît, Sébastien, Julien et tous les autres Polychromiens), trois jours au festival du livre de Mouans-Sartoux (et un franc succès pour moi : quelques lecteurs qui me connaissaient déjà, qui avaient lu l'entretien du Magazine des livres, beaucoup de futurs lecteurs et d'échanges riches), puis une visite, hier, à mon copain Gérard (voir le billet du 26 juin), en rééducation au Centre héliomarin de Vallauris après une opération qui l'aidera à mieux marcher.

Et en attendant l'avion, j'ai lu Libé.

Retour à ce triste monde du fric-fou, fric-roi, du fric irresponsable qui va plonger dans la misère ou la gêne aggravée des millions de petites gens qui triment et qui ont déjà été victimes, pendant les dernières décennies, du libre-échange généralisé. Délocalisations pour satisfaire les exigences de rendements à deux chiffres pour les actionnaires ; critères de convergence du traité de Maastricht puis du Pacte de stabilité qui ont fait des salaires la seule variable d'ajustement de l'économie, ces humbles-là, qui tirent de plus en plus la langue depuis vingt ans, qui triment plus pour gagner moins puisque M. Trichet répète inlassablement que l'inflation menace et que "la modération salariale", comme il dit dans sa novlangue, est la clé du bonheur universel, voient soudain avec effarement le même M. Trichet et ses semblables faire pleuvoir les millions de dollars et d'euros, qu'il était, hier encore, si dangereux de distribuer aux salariés, sur les banquiers irresponsables qui ont conduit le système libéral à une de ces crises dont il a le secret.

Et voilà que M. Joffrin, un des fleurons de ce social-libéralisme qui nous a expliqué depuis vingt ans qu'il fallait privatiser, déréguler, européaniser, laisser les marchés donner libre cours à leur dynamisme et à leur créativité, voilà que ce type qui, avec tous ses camarades thuriféraires de la mondialisation heureuse, devrait aller cacher sa honte au fond d'un trou, continue imperturbablement à pérorer sur la catastrophe directement consécutive aux idées qu'il prêche depuis vingt ans.

Voilà que cet esprit faux qui a regretté depuis vingt ans qu'on n'aille pas plus vite et plus loin dans le démantèlement de l'Etat régulateur, de l'Etat interventionniste, de cet Etat keynésien et planificateur qui, pour la première fois dans l'histoire du capitalisme, avait assuré entre 1945 et 1975, en Europe de l'Ouest, une croissance continue, sans crise, une prospérité unique dans l'histoire de l'humanité, la sécurité pour le plus grand nombre et une réduction elle aussi continue des inégalités, voilà que cet esprit faux vient clouer au pilori les "irresponsables"!

Mais qui sont-ils, pour M. Joffrin, ces irresponsables-là ? Les Attali, Jospin, Fabius et autres Strauss-Kahn qui ont négocié, signé, défendu ce scélérat traité de Maastricht, terrible strangulateur de la croissance européenne depuis 1992, qui ont tout cédé aux thatchériens et aux blairistes, jusqu'à ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence, plutôt que d'y faire les investissements massifs et publics qu'exige l'avenir, jusqu'à brader au privé ce secteur énergétique, stratégique et qui, plus que n'importe quel autre, aurait dû rester gouverné par la loi de l'intérêt général, pas par celle du profit ? Sont -ils les Chirac, Balladur, Sarkozy, Juppé et autre Raffarin qui ont mené les mêmes politiques, consenti aux mêmes capitulations, organisé une répartition des richesses toujours plus favorable à un nombre toujours plus réduit, sur le dos d'un toujours plus grand nombre de gens rejetés vers la précarité et la gêne ?

Irresponsables, ces socialistes qui, au nom du réalisme, ont oublié jusqu'au sens des mots "justice sociale" et qui ont jeté les humbles dans les bras de Le Pen puis de Sarkozy ? Irresponsables, ces socialistes qui sont aujourd'hui aphasiques, après avoir cédé et failli, après avoir brisé tous les liens qui empêchaient le capitalisme de courir à la crise, vers laquelle il court, toujours, dès qu'il est "libre" et qui détruira, comme toutes les autres fois, des millions de vies ? la dernière, il fallut une guerre mondiale, des massacres sans nombre et des crématoires pour remettre debout le "marché libre" !

Non, les "irresponsables", pour M. Joffrin ce sont les... "nationalistes" !!!

"Rarement le coût de la non-Europe aura été aussi visible et aussi douloureux. Rarement la rigidité des talibans du marché aura fait autant de mal."

Quand on a l'esprit faux c'est décidément pour la vie ! La "non-Europe", vraiment ? Mais quelle Europe nous manque au juste ?

Celle de Juncker, président de l'Eurogroupe depuis 2005, ministre des Finances depuis 1989 et Premier ministre depuis 1995 du paradis fiscal luxembourgeois, promis à la présidence de l'UE si on finit par se moquer de la volonté des Irlandais comme on s'est moqué de celle des Français et des Néerlandais ? Juncker ! parangon et symbole de cette Europe libérale qui nous a menés là, précisément, où nous en sommes aujourd'hui, qui a imposé la dérégulation des marchés et la privatisation des bénéfices. L'Europe des Barroso, Trichet et autres Lamy, tous plus libéraux, libre-échangistes et monétaristes les uns que les autres, qui a organisé la paupérisation des salariés et des retraités, au nom du maintien des "grands équilibres" et de la lutte contre une imaginaire inflation, tout en cassant la préférence communautaire et le tarif extérieur commun. L'Europe qui force à la privatisation de la Poste, en attendant celle des universités, des retraites ou de l'assurance-maladie. Une Europe qui impose aujourd'hui la socialisation des pertes, en faisant payer ceux que cette Europe-là n'a déjà cessé d'appauvrir depuis vingt ans !

Plus d'Europe Juncker-Barroso-Trichet, vraiment, M. Joffrin ?

Mais il faudrait expliquer à M. Joffrin que la crise actuelle c'est le résultat de cette Europe-là. Il faudrait que M. Joffrin comprenne une fois pour toutes que l'Europe qui a gagné depuis longtemps, c'est celle de Mme Thatcher, une Europe qui ne considère que le profit des puissants et qui lamine les droits des faibles, qui a levé tous les obstacles à la spéculation, aux transferts de capitaux tout en étant incapable de créer une recherche européenne ou d'investir dans les grands travaux d'infrastructure dont le continent a besoin pour préparer son avenir.

Il faut expliquer à M. Joffrin, pour faire court, que la seule Europe qui existe vraiment, c'est l'Europe du fric qui est, au premier chef, responsable de la catastrophe actuelle, une Europe qui a été le cheval de Troie du libéralisme, l'Europe qui a permis aux gouvernements conservateurs ou sociaux-libéraux d'imposer à des sociétés qui n'en voulaient pas, qui n'en veulent toujours pas, un libéralisme dont nous allons maintenant payer les pots cassés.

Il faudrait expliquer à M. Joffrin qu'il n'y a pas d'un côté les gentils Européens et, de l'autre, les méchants et bornés nationalistes, et que nous n'avons nul besoin de plus d'Europe, si cette Europe-là est celle des Juncker, Barroso, Trichet, Sarkozy, Berlusconi ou Joffrin. Nous n'avons pas besoin de plus d'Europe, nous avons besoin d'une autre Europe qui respecte enfin les peuples et les principes de base de la démocratie, qui s'occupe d'investissements pour l'avenir plutôt que de d'obtenir le démantèlement et la privatisation des services publics, une Europe qui retrouve un sens qu'elle a perdu depuis très longtemps, une Europe qui se préoccupe plus de niveau de vie que de libre circulation des capitaux, de tarif extérieur commun et de préservation des industries et des emplois plutôt que d'être obsédée, fascinée par les dogmes monétariste et libre-échangiste. Une Europe qui remette l'homme au centre alors que depuis vingt ou trente ans, elle ne parle plus que fric.