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mardi 8 mai 2018

Commémoration

Quand la soumission à l'Eurogermanie commémore la victoire sur l'Allemagne qui, pour la seconde fois en un siècle, d'abord sous la forme impériale et militariste, puis sous la forme impériale et racialiste, jeta l'Europe et le monde dans la guerre, afin de s'assurer un "espace vital"...

Quand le destructeur de l'Etat social, par soumission à l'Eurogermanie, commémore une victoire qui fut aussi celle d'un CNR, dans lequel se retrouvèrent tous ceux qui, de l'extrême droite d'avant-guerre aux communistes, avaient, à un moment où un autre, par réflexe patriotique ou réflexion politique, instantanément ou avec retard, rejeté l'occupation allemande et la collaboration avec l'ennemi, un CNR fondé - aux termes de quels efforts pour dépasser les calculs personnels et les oppositions ! - par Jean Moulin sous l'autorité du général de Gaulle, un CNR qui, conscient que le libre marché était à l'origine de la guerre à travers la crise de 1929, entreprit de nationaliser, de planifier, de réguler, d'assurer à chacun une sécurité minimale devant les aléas de l'existence, posant ainsi les fondations de ce qui fut la période de croissance la plus forte et de répartition de ses fruits la moins inégalitaire de l'histoire de l'humanité - d'un État social. Un CNR dont le démolisseur qui commémore démolit aujourd'hui méthodiquement ce que l'Eurogermanie a laissé subsister de cette oeuvre, liquide l'Etat social, l'intérêt général au profit des intérêts particuliers.

Commémoration, en somme, de la vertu par le vice.

Le livre de ce moment que nous vivons, c'est incontestablement L'Etrange Défaite de Marc Bloch.

lundi 7 mai 2018

De la morgue à l'odieux

Tous les médias dominants français se scandalisent aujourd'hui de l'utilisation de morts, par le président américain, afin de justifier sa politique de maintien en l'état du deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis, datant de 1791, et interprété depuis lors comme la reconnaissance du droit des Américains à porter des armes.

Mais naturellement, aucun de ces médias ne voit de rapport - vieille histoire de paille et de poutre - entre cette déclaration et celle de celui qui occupe la fonction de président de la République, ici et maintenant.



Car ce soir, une chaîne de "service public" (on se demande d'ailleurs ce que cela peut encore signifier dans le système médiatique d'aujourd'hui, puisqu'il ne s'agit plus, dans ce système, que de propagande, telle que les Etats totalitaires du siècle précédent en rêvaient : une propagande totalement intériorisée comme quelque chose de naturel par ceux qui la serinent, qui n'ont plus besoin ni d'instructions ni de contrainte) va bien diffuser tranquillement ce morceau choisi de propagande dans lequel celui qui occupe la fonction de président de la République se sert d'un mort - le colonel Beltrame, son acte de courage et d'abnégation - afin de faire la promotion de sa politique de démontage de l'Etat social et de clouer au pilori ceux qui s'indignent de la suppression pour les plus faibles d'une aide au logement.

En pesant mes mots, je considère que ce propos relève d'un cynisme "proprement" dégueulasse. Et ceci d'autant plus que celui qui fait fonction de président de la République, dans ce répugnant exercice de rhétorique, à travers un discours inversant désormais systématiquement les valeurs pour faire dire aux mots l'exact inverse de ce qu'ils signifient, utilise ceux de patriotisme et de souveraineté, à la Pétain, pour escamoter son rôle de larbin de l'Allemagne et d'une Commission européenne aux ordres de celle-ci.

On vient de descendre une marche de plus - de la morgue à l'odieux.

jeudi 3 mai 2018

Le milliard des émigrés

Comparaison n'est pas raison, l'histoire ne se répète jamais à l'identique, tout ça tout ça...

N'empêche... quand vous êtes historien (ce qui dénote déjà une forme de pathologie mentale), il y a des choses qui font tilt et vous ne pouvez vous empêcher de faire des allers-retours qui sont parfois éclairants, voire pertinents.

Ainsi ce matin, à l'hosto où je n'avais rien d'autre à faire, après une intervention chirurgicale bénigne hier, qu'à attendre ma sortie en lisant ce qui apparaissait sur mon fil Facebook, après une intervention bénigne hier, me suis-je dit que ces 803 nouveaux millions de cadeaux aux très riches et très citoyens qui font émigrer leurs capitaux... m'éveillaient un souvenir.

Retour à la maison, une fois réveillé d'une bénéfique sieste, je m'empare donc du Jardin et Tudesq, "La France des notables, 1815-1848", vol 6 de la nouvelle histoire de la France contemporaine, paru au Seuil en 1973. Bingo !

Arrivé sur le trône à la mort de son frère Louis XVIII, le 16 septembre 1824, Charles X hérite du ministère Villèle, appuyé sur une "chambre retrouvée" élue en mars, où siègent seulement 19 opposants libéraux (la "gauche" de l'époque) dans une assemblée de 430 membres composée au 3/5e de nobles et pour moitié d'anciens émigrés.

Charles X hérite aussi d'une "opération extérieure" décidée sous son prédécesseur : l'armée française, commandée par le duc d'Angoulème, s'en est allée, en avril, tailler des croupières (jusqu'au fort de Trocadéro) aux Cortes et aux Espagnols libéraux, afin de restaurer l'absolutisme à Madrid.

Ce roi, ce ministre, lui-même chevalier de la Foi, et cette chambre conduisent aussi une vigoureuse politique de rapprochement du trône et de l'autel, s'employant ainsi en quelque sorte, à réparer le lien abîmé par la Révolution entre l'Etat et l'Eglise catholique.

Ce roi, ce ministre et cette Chambre s'employèrent également à faire voter, en avril 1825, la loi dite "du milliard es émigrés", destinée à "indemniser" les émigrés "spoliés" par la Révolution. En réalité, nous apprennent Jardin et Tudesq, le capital effectivement mobilisé pour la constitution d'une rente à 3% versée aux bénéficiaires fut de... 867 millions. A 64 millions près, notre Charles X, notre Villèle havrais et notre chambre retrouvée semblent bien suivre un modèle... trouva son terme, cinq ans plus tard, avec les Trois Glorieuses.

Ensuite, vous allez renoncer à une journée chômée pour travailler sans salaire afin de financer la dépendance. Ensuite les retraités doivent faire des efforts. Ensuite comme on a mis la SNCF dans l'impossibilité de remplir correctement ses missions pour justifier l'ouverture à la concurrence, évidemment prélude à la privatisation, on va mettre l'hôpital public un peu plus hors d'état de fonctionner correctement afin de pouvoir le privatiser et l'on dit froidement aux personnels de santé qu'il n'y a pas d'argent magique (pour eux, mais pour les très riches, il y a des réserves apparemment inépuisables de magie !) et qu'il faut qu'ils se bougent (ils se bougent, il est vrai, ceux qui vont mettre leur argent au Luxembourg, chez le président de la Commission européenne, aux Caïmans ou aux Bermudes...).

Et puisque je sors de trois jours d'hôpital, je finirai ce billet par un hommage vibrant aux personnels hospitaliers : compétents, attentifs, humains, gentils. Merci à eux !!! Surtout quand on sait sans qu'elles conditions ils doivent travailler... Le brancardier qui m'a emmené hier au bloc 10h30, avait fini à 21h00 la veille au soir et ne devait reprendre qu'à 18h30 le lendemain. Il avait été rappelé en urgence à 6h30 pour reprendre son service à 7h30. c'est lui qui m'a ramené à ma chambre à 16h30 et il avait encore 3h00 à travailler : argent magique ou insupportable arrogance de notre petit Charles X ?