OD

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

vendredi 17 août 2018

Air France

Donc, il n'y aurait pas de Français capable de diriger Air France et il faut payer un Canadien trois fois plus que son prédécesseur pour refuser toute augmentation de salaire aux personnels.

Un Canadien spécialiste du bas coût...

Un Canadien réputé pour son absence d'inclination au dialogue social et sa grande sollicitude pour les actionnaires...

Un Canadien dont la candidature a été poussée par Delta Airlines, actionnaire minoritaire et concurrent d'Air France...

Un Canadien adoubé par l'inénarrable Lemaire.

Vous ne trouvez pas que ça sent très fort la vente des bijoux de famille sous pression euro-allemande, comme d'hab.

Vu que la croissance, mythique, impossible tant qu'on a l'irréformable euro, il va bien falloir vendre, et vendre et vendre et vendre encore le capital social, notre capital commun, pour satyisfaire aux exigences de Bruxelles et Berlin.

Le viaduc de Gênes, les 4000 pompiers grecs en moins qui font tourner un incendie à la tragédie : on s'en b... fout, on continue et on continuera, jusqu'au bout.

Après Alstom et les chantiers de l'Atlantique... bientôt Air France ? Avant ou après la SNCF ? La mondialisation heureuse continue. Enfin, chez nous... Bon vous nous laissez partir le 25 août et après vous pouvez vous mettre en grève tant que vous voulez.

Si, juste, après la définition de traître, la 8e édition du Dictionnaire de l'Académie française donne l'exemple suivant : "On profite quelquefois de la trahison, mais on hait et l'on méprise toujours les traîtres."

lundi 13 août 2018

Ils ont des dollars, nous avons Allah...

Dixit le sultan.

Le match s'annonce passionnant !

Kravmaga, boxe thaï, MMA, pancrace, ultimate fighting... ou lutte à l'huile ?

En tout cas, la dégringolade de la livre turque se poursuit. Après avoir touché de nouveau un plus bas ce matin, puis avoir tenté un rebond, le cours de la monnaie turque face au dollar affiche une baisse de 8 à 9 % au moment où j'écris ces lignes.

Erdogan (outre le match Allah-billet vert) : c'est un complot. Non.

Le PIB turc, qui a culminé à 950 milliards de dollars en 2013 était de 840 milliards en 2017.

La bulle qu'a gonflée l'AKP, arrivée au pouvoir en 2002 après la ravageuse crise financière de 2000-2001, et que l'AKP a exploitée à fond par un système de corruption généralisée qui lui a permis de financer son système clientéliste islamiste (charité islamique du Parti substituée à la politique sociale de l'Etat), était fondée sur l'aide américaine, les fonds européens de préadhésion et de chantage aux migrants, l'afflux de capitaux à court terme et une croissance intérieure fondée non sur les salaires (le mouvement syndical a été durement réprimé, comme toutes les forces constituant un ferment démocratique dans la société turque, afin de maintenir un niveau de salaire attractif pour les industries délocalisées d'Europe occidentale) mais sur l'endettement des particuliers, dans un pays où il n'existait pas, encouragé par le gouvernement de manière totalement irresponsable (d'où une hausse des importations à forte valeur ajoutée ajoutée, alors que les exportations turques sont à faible valeur ajoutée).

Aujourd'hui, la politique étrangère d'Erdogan l'a brouillé avec les Etats-Unis, et ceci après que les capitaux à court terme ont commencé à fuir depuis un bon moment déjà : la balance courante (balance commerciale, solde du revenu des placements, solde des transferts financiers) est négative depuis 2002 et a atteint 5,57 % du PIB en 2017 (0,86 % pour la France).

Aujourd'hui, la Banque centrale turque n'a pas les moyens de soutenir sa monnaie, ses réserves de change (moins de 100 milliards de dollars) ne lui permettant pas d'acheter durablement de la livre pour soutenir son cours.

Quant aux taux d'intérêt, ils sont de 17,75 % depuis juin et une hausse supplémentaire conduirait à éteindre complètement le moteur de la croissance intérieure fondée justement sur l'endettement des ménages... Raison pour laquelle Erdogan exclut - pour l'instant - une intervention de la Banque centrale dans ce sens.

A suivre !

vendredi 10 août 2018

La bulle turque en train de crever ?

Jusqu'à -27% en séance aujourd'hui (-15,57 % à l'heure où j'écris ce billet) pour la livre turque qui ne cesse plus de dévisser depuis des semaines (-40 % depuis le début de l'année).

En conséquence, Trump annonce le doublement des taxes sur l'acier et l'aluminium décrétées au début de l'année.

"Si vous avez des dollars, des euros ou de l'or sous votre oreiller, allez dans les banques pour les échanger contre des livres turques. C'est une lutte nationale", a déclaré le sultan dans un récent discours. Nul doute que les Turcs l'entendent !

L'AKP est arrivée au pouvoir à la faveur de la crise financière de 2000-2001 qui avait marqué l'échec complet des partis au pouvoir depuis le coup d'Etat militaire de 1980 et qui n'a été jugulée que grâce à l'aide économique américaine (en raison de la situation géostratégique de la Turquie).

Depuis 2002, l'AKP est restée au pouvoir grâce à une croissance économique, largement artificielle, reposant sur trois piliers : les fonds européens de préadhésion, puis issus du chantage aux migrants ; la délocalisation d'activités industrielles d'Europe de l'Ouest permise par une libéralisation à marche forcée de l'économie et une répression du mouvement syndical, l'explosion de l'endettement privé qui, comme en Grèce dans les années 2000, est assigné par le pouvoir au rôle de palliatif du faible niveau des salaires.

Dans La Grèce et les Balkans, en 2013, je relevais ainsi les similitudes entre les deux économies :

"Les deux économies sont moins dissemblables qu’il y paraît : déficit structurel des balances commerciales, poids des invisibles, la croissance grecque des années 1996-2007 et la croissance turque depuis 2003 reposent sur un afflux de capitaux à court terme qui peuvent se retirer rapidement, des salaires bas et une consommation des ménages jusque-là pas ou peu endettés dopée par un encouragement inconsidéré du recours au crédit (+40 % au premier semestre 2011 en Turquie) qui contribue à creuser le déficit courant, puisque l’industrie nationale, à faible valeur ajoutée, ne produit pas les biens achetés, à forte valeur ajoutée (les ventes d’automobiles augmentent, par exemple, de 75 % au premier semestre 2011 en Turquie)."

Bref, une économie de bulle.

Parallèlement, la corruption organisée par le pouvoir (président, clan familial, parti), prélevait une partie de la manne pour enrichir la caste proche du pouvoir et alimenter la "charité islamique" du Parti chargée de suppléer les carences de Etat en matière sociale, et de financer ainsi un système de clientélisme à grande échelle grâce auquel, en plus de la fraude et de la répression de complots imaginaires, l'AKP a pu se maintenir au pouvoir depuis 2002.

Aujourd'hui, c'est tout ce système qui apparaît en bout de course. Au moment même où le sultan est parvenu à installer un pouvoir quasi dictatorial.

Mais l'aventurisme criminel du régime en Syrie et le flirt appuyé avec Moscou (qui n'a, à mon avis, jamais été dupe d'un retournement d'alliance turc : comment un chef d'Etat aussi russe et pragmatique que Poutine pourrait-il croire à une alliance russo-turque ??? Il tire pragmatiquement ce qu'il peut tirer du sultan, et voilà tout...) n'ont fait qu'exaspérer le protecteur américain qui, aujourd'hui, est défié sur sur tous les plans (géostratégique en Syrie où Ankara joue les restes de Daesh contre les Occidentaux et leurs alliés Kurdes, militaire par l'achat de matériel russe alors que la Turquie est la deuxième armée de l'OTAN, symbolique avec l'exigence de l'extradition de Gülen réfugié aux Etat-Unis et maintenant l'arrestation d'un pasteur américain...) semble jouer l'accélération de la chute.

Le gouvernement AKP arrivé au pouvoir en 2002 avec le mot d'ordre "0 problème avec les voisins" est aujourd'hui totalement isolé dans son environnement régional (hormis la dictature azérie): de l'ex-allié israélien au régime du Caire, de Damas à Erevan bien sûr, Erdogan a créé un climat diplomatique régional hostile à la Turquie quasi général. Le rapprochement avec l'Iran chiite (alors qu'Erdogan aspire au leadership du monde sunnite) n'est que de façade, les provocations à l'égard de la Grèce ont atteint à la fin du printemps un niveau rarement atteint depuis 1974 et deux soldats grecs, égarés ou enlevés sur la frontière du nord, sont détenus au secret pour "espionnage" depuis plus de cinq mois. Quant au néo-ottomanisme qui se manifeste sans vergogne dans les Balkans (ARYM, Bosnie, Albanie, prétendu Etat kosovar...), il est aussi agressif que... sans réel débouché.

Certes l'irresponsable et lâche UE (j'ai écrit ici sur le surréaliste sommet de Varna en mars, avec l'inénarrable Juncker) continue imperturbablement à se taire sur les provocations du tyranneau, et à le financer - avalant sans brocher, l'une après l'autre, toutes les couleuvres turques. Mais dans des pays européens de plus en plus nombreux (Autriche, Suisse, Allemagne, Pays-Bas, Belgique...) l'instrumentalisation par le pouvoir AKP et sa succursale d'extrême droite des minorités turques locales commence sérieusement à inquiéter : vote massif en faveur de la dérive dictatoriale du sultan, enfants revêtus d'uniformes et défilant devant le drapeau turc, ou "manifestations culturelles" dans lesquelles les mêmes enfants doivent mimer une bataille dans laquelle les glorieux Ottomans mettent en déroute des chrétiens infidèles...

De fait, une économie ne vit pas indépendamment de la géopolitique et une économie de bulle finit toujours par crever. De sorte que lorsque l'aiguillon géopolitique s'approche de la bulle...

Mais avec quel effet domino ? Je serais curieux de connaître l'exposition... - au hasard - de la Deutsche Bank, spécialiste en actifs pourris, au risque turc...