OD

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

vendredi 23 janvier 2009

L'un regarde dans le rétroviseur, l'autre pas

Il y a parfois des télescopages intéressants dans l'actualité.

Hier on a appris que le pape Panzer levait l'excommunication de quatre évêques traditionalistes.

Rappelons que le traditionalisme, ce n'est pas seulement le folklore de la messe en latin auquel le pape Panzer a depuis peu redonné droit de cité. C'est avant tout une vision autoritaire de la société, réactionnaire, qui condamne toute modernité, toute ébauche de début de liberté de conscience, tout rationalisme, toute tentative d'exister en dehors des lois "naturelles" de Dieu. Raison pour laquelle tout le beau monde qui s'y retrouve cultive, en plus du "droit à la vie" (lire une opposition violente à l'avortement) et de l'homophobie (même si on retrouve là-dedans une proportion non négligeable de pédés marqués par ce qu'il faut bien appeler une forme grave de masochisme), une intense nostalgie, en France, de Vichy ou de l'Algérie française (tant de prêtres ont justifié la torture et les crimes de l'OAS, voué aux gémonies Mauriac qui les dénonçait, bénit et absout par avance ceux qui voulaient assassiner de Gaulle...), en Italie, du fascisme - un crucifix dans une main et l'autre bras tendu devant les photos du Duce, signataire avec un prédécesseur de Panzer des accords de Latran, normalisation des rapports entre l'Etat et l'Eglise que cette dernière avait obstinément refusé à l'Italie parlementaire et démocratique depuis 1870, mais qu'elle accorda sans longtemps barguigner à l'Etat fasciste -, voire...

Pour ces gens-là, le peuple juif reste le peuple déicide, et si leur antijudaïsme, comme celui de l'Eglise officielle d'avant Vatican II, n'est pas l'antisémitisme nazi, il en a fait le lit, lui a ouvert la voie, l'a déculpabilisé, quand il ne l'a pas approuvé par la voix de nombreux évêques allemands entre 1933 et 1945...

Sans oublier les appels aux crimes, les crimes et les absolutions données aux criminels des épiscopats baltes, slovaque, croate évidemment, hongrois...

Sans oublier l'assourdissant silence et les crapuleries, en France, de messeigneurs Baudrillart, Mayol de Luppe, Caillot, Marmottin, Beaussard, Dutoit, Costa, Auvity, La Villerabel et tant d'autres ; messeigneurs Théas et Saliège qui élevèrent la voix furent des exceptions...

Sans oublier le sauvetage massif et la mise à l'abri systématique, planifiés, financés des criminels de guerre de toute l''Europe, dont l'organisation fut confiée par Pie XII au futur Paul VI. Dommage que les juifs n'aient pas bénéficié de la même sollicitude vaticane, mais passons, non sans rappeler que le milicien Touvier, criminel contre l'humanité fut, encore dans les années 1980, arrêté dans une maison religieuse... traditionaliste.

Car les traditionalistes sont bien les héritiers revendiqués de cette tradition-là. Si bien que, même lorsqu'ils viennent des beaux quartiers, ce qui est généralement le cas, et qu'ils portent des parfums de prix, ils puent la charogne !

Eh bien le pape Panzer, lui, il trouve qu'ils sentent la rose !

Depuis qu'il est monté sur le trône de saint Pierre, il n'a de cesse de leur faire des risettes.

Il est vrai que tout cela a une logique.

Y avait-il vraiment urgence, d'abord, à ce que ces messieurs du conclave élisent un pape allemand avant que la génération grandie dans les Hiltlerjugend n'ait passé l'arme à gauche ?

Mais il y a plus grave, parce que ce pape-là, manifestement, n'a pas été qu'élevé dans les Hitlerjugend. Il en a intégré une partie de l'enseignement.

Déjà, il y a quelques années, cardinal se rendant pour une célébration du débarquement du 6 juin sur les plages de Normandie, il avait imputé la responsabilité des désastres de la deuxième guerre mondiale... au traité de Versailles.

Rhétorique classique du nationalisme allemand le plus borné, qui a fait, comme la veulerie du Zentrum catholique allemand de l'entre-deux guerres, le jeu de la propagande nazie, avant de lui servir de marchepied (Herr Von Papen était un familier des antichambres pontificales) pour se hisser au pouvoir. Certes, le traité de Versailles n'était pas parfait, mais il était le résultat d'une guerre, elle-même terrible, résultat du militarisme allemand ; sa logique punitive était compréhensible pour l'époque, et il avait été dialectiquement dépassé depuis le milieu des années 1920, par la substitution au Diktat d'une logique de négociation et de sécurité collective.

Les plages de Normandie ne sont donc pas le résultat de Versailles (ainsi que le perroquet Panzer le prétend, répétant en cela une vulgate chère aux nazis), mais du nazisme secrété par la société allemande comme réponse à la crise de 29.

Il est vrai que, dans cette analyse, Benoît n'est pas qu'allemand, il est aussi éminemment vatican. Benoît XV, que Clemenceau appelait du surnom si mérité pour son philogermanisme entre 1914 et 1918, le pape boche, puis Pie XI et surtout Pie XII, nonce à Munich et à Berlin, inlassable défenseur de l'Allemagne à la secrétairerie d'Etat, artisan du concordat avec Hitler, anticommuniste fanatique et qui voit les nazis, avant tout, comme un rempart contre ces bolchéviques prêts à déferler sur l'Europe catholique depuis la Russie orthodoxe, n'auront cessé de chérir l'Allemagne, face à la France radicale, athée et franc-maçonne, face à l'Angleterre schismatique. Un tropisme allemand qui, d'ailleurs, n'est pas non plus sans raison financière...

Bref, pour Benoît, la guerre de 1939-1945 est le résultat de Versailles, pas du nazisme. Ce qui lui permet ensuite, une fois pape, d'exonérer le peuple allemand de toute responsabilité dans la guerre, l'occupation de toute l'Europe, les crimes de guerre et contre l'humanité. Non, les Allemands ne sont pas responsables; les seuls responsables, ce sont Clemenceau, Lloyd George, Wilson et Orlando. Et puis un peu le malheur des temps et la déchristianisation.

Pas étonnant qu'ensuite, troisième mouvement, Panzer Benoît ordonne la reprise du surréaliste procès en canonisation de Pie XII, suspendu par Jean-Paul II qui, bien que réactionnaire, avait quelques raisons, en tant que Polonais, d'en vouloir à ce pontife qui refusa obstinément, de 1939 à 1945, de condamner l'agression allemande contre la Pologne puis les exactions commises contre son peuple.

Tout cela est d'une logique imparable, et d'une grande cohérence !

Comme l'est la levée de l'excommunication des quatre pingouins traditionalistes et le fait que l'un d'entre eux, le jour même, évalue le nombre des juifs morts en camps de concentration à 300 ou 400000 et nie qu'aucun soit passé dans d'inexistantes chambres à gaz. Point d'extermination donc, ce qui explique que le futur saint Pie XII ait, bien qu'au courant de tout, refusé de dire le moindre de mot de condamnation (si! une dizaine, très vagues, quelques secondes à peine dans un discours radiodiffusé de Noël de plus de 40 minutes...). Qu'il ait envoyé un de ses fidèles collaborateurs, autrichien et lui franchement philonazi, voir le général SS de Rome, lors de la rafle des juifs romains, pour lui faire dire de ne pas mettre le très saint père dans une situation telle qu'il serait obligé de réagir publiquement. Singulier courage christique qui mérite à coup sûr la sainteté !

Benoît XVI n'est pas plus nazi que Pie XII ; ils sont juste, tous les deux, des réactionnaires bornés - de ceux qui, de tout temps, sont les imbéciles les plus utiles du monde aux vrais criminels. Mais rassurons-nous, comme le dit Sarko, un prêtre est toujours mieux à même qu'un instituteur d'enseigner aux enfants ce que sont le bien et le mal ; alors un pape, vous pensez !

Hier aussi, le président Obama fermait Guantanamo et déclarait qu'on ne peut combattre ses ennemis, fussent-ils les pires criminels, en reniant ses principes, que la torture était de nouveau prohibée au Etats-Unis : une parenthèse de barbarie venait de se refermer. Tandis que tonton Panzer, l'oeil fixé dans son rétroviseur déformant, déployait tous ses charmes pour racoler quelques traditionalistes, vestiges, survivances anachroniques d'autres barbaries.

mercredi 21 janvier 2009

Fou ?

Caligula tape du poing sur la table pour dire aux patrons des banques dont les inconséquences plongent des millions de gens dans la misère qu'ils ne peuvent se servir de l'argent de la collectivité pour se faire attribuer des "bonus".

D'abord, il faudrait revenir sur la question des "bonus". Ces gens-là ne gagnent-ils pas assez pour se voir en plus attribuer des rallonges, quels que soient leur résultats ? Et alors que les salariés normaux vivent depuis trente ans la "modération salariale" si chère à Trichet, le démantèlement des systèmes élémentaires de sécurité, le chômage de masse qui a servi à leur imposer les deux premiers ?

Ensuite, il est moralement insensé que ces naufrageurs qui viennent tendre leur sébile d'un côté songent même à continuer à se remplir les poches de l'autre. Cela montre à quel point le système reagano-thatchérien, le système accepté par la social-démocratie européenne sous prétexte de construction européenne, le système qui sous-tend Maastricht et la monnaie unique, le système dont, voici deux ans, Caligula prétendait que c'est parce qu'il était incomplètement appliqué en France que la France allait mal, combien ce système est fou.

Mais une fois de plus, Caligula est à côté de la plaque. Le problème n'est pas le bon sens, le sens moral ou la décence des naufrageurs qu'on a élevés dans l'idée centrale de ce qu'est ce libéralisme de Caligula et de ses petits copains du Fouquet's : un renard libre dans un poulailler libre.

Le problème, c'est que, plutôt que d'imposer la loi d'airain de ce libéralisme aux faibles, aux précaires, aux retraités, aux assurés sociaux, aux chômeurs, aux classes moyennes, etc. et de s'en remettre, pour le respect de la décence par les puissants, à leur bonne volonté, à une charte du CNPF - chiffon de papier parmi les chiffons de papier -, il faut en revenir à un monde où l'Etat ne se contente pas de réguler. Mais où il réglemente, où il se redonne les moyens de faire respecter par les renards et les requins une règle qui s'impose à eux dans le poulailler, où on ne légifère pas aux fins de déconstruire les sécurités qui protègent la vie des faibles, mais à celles de faire respecter le minimum d'intérêt général et le minimum de justice sociale.

La vraie question, à laquelle Caligula se garde bien de se colleter, c'est qu'aucun dirigeant dans aucune entreprise ne devrait pouvoir être rétribuer plus de tant de fois plus que le moins payé de ces salariés, salaires, primes, bonus et autres stock options comprises. la réalité, c'est que les renards, les requins, les Trichet et les Caligula, depuis trente ans, ont imposé un ordre dans lequel l'éventail des revenus s'est ouvert d'une manière... folle, en conjuguant la "modération salariale" défendue bec et ongles par Trichet et l'explosion démente des salaires et "petits à côté des puissants".

Pour le reste, je me demande depuis hier si l'élection présidentielle française ne rendrait tout simplement pas... fou.

Que Mme Royal n'ait rien de mieux à faire par les temps qui courent que d'aller se balader à Washington où personne ne l'a invitée est déjà un signe inquiétant - et pathétique. Mais que là-bas où personne ne sait probablement qui est sa petite personne, elle n'ait rien de mieux à déclarer qu'elle est la muse, l'inspiratrice, le vraie responsable, en somme, de l'élection d'Obama, en dit long sur la dame - et sur ses tendances à la mégalomanie.

Et que dire de Caligula, qui attend avec impatience Obama pour réformer le monde ? Il y a un an et demi, il n'avait rien de plus pressé que d'aller lécher les bottes d'un Bush en fin de course avec lequel plus personne ne voulait être vu. Il y a six mois, il partait en Russie et obtenait, tout seul, la fin de la guerre et le retrait russe de Géorgie. Hier, l'ami d'Israël, a obtenu le cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Tout cela est naturellement d'un ridicule achevé : "Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur", disait Cocteau. Caligula n'a rien obtenu d'autre de Poutine que ce que Poutine avait décidé, en temps et heures, de donner. Et il n'a pas même été foutu de l'obtenir dans une formulation qui préserve en apparence les principes. Caligula n'a rien obtenu de ces amis Israéliens qui ont arrêté de massacrer les civils de la bande Gaza à l'heure où ils avaient décidé de le faire en commençant à les massacrer. Quant à réformer le monde... Obama attendait bien sûr avec une impatience non dissimulée de pouvoir le faire en fonction des idées de Caligula... lesquelles, au fait ?

Hier, Obama, dans son discours d'investiture, a dit en substance qu'on ne pouvait pas continuer à prendre aux pauvres pour donner aux riches. J'ai déjà dit ici que je ne nourris aucune illusion sur Obama : il est américain et ses marges de manoeuvre sont extraordinairement étroites, du fait des circonstances comme des règles du système à la tête duquel il arrive. Mais constatons au moins que son discours, au moins, constitue une rupture par rapport aux trente années que nous venons de vivre... et qu'il est à l'exact inverse du discours et de la pratique caliguliennes depuis un an et demi.

Entre Royal qui a inspiré Obama et Caligula qui est impatient de réformer le monde avec lui, on peut tout de même avoir des doutes sur les conséquences de l'élection présidentielle française sur la santé mentale des candidats, heureux ou malheureux, non ?

vendredi 16 janvier 2009

Onze morts dans les prisons française en quinze jours...

mais ce n'est la faute ni à la politique pénale démente, ni à l'état des prisons françaises... Melle Dati a accouché et reste ministre : tout va donc pour le mieux dans le meilleur pays des droits de l'homme possible.

On tue à Gaza, on bombarde les hôpitaux, les écoles, les bâtiments de l'ONU ; on tire sur les gamins, dans le dos des civils qui s'enfuient ; on utilise dans des zones pleines de civils des armements prohibés par le droit international dans les zones où se trouvent des civils ; on a décidé d'éradiquer le Hamas après l'avoir créé pour embêter Arafat et, dans ce but, on fait la guerre du marteau-pilon contre le moucheron, c'est-à-dire en écrasant tout et tout le monde... sauf le moucheron : on commet chaque jour ce que, partout ailleurs, on qualifierait de crimes de guerre, ce qui a valu, ici ou là, dans les Balkans des interventions armées de l'ONU et de l'OTAN, ce qui a valu à d'autres d'être traduits devant un tribunal international. Deux poids, deux mesures ? Cela fait tellement longtemps que ça dure au Proche-Orient qu'on en a pris... l'habitude ? Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des enfers possibles.

Sarkozy se mêle de tout, à tort et à travers, toujours plus démago, demandant des excuses au président de la SNCF, décidant de la gratuité de ceci, du taux de remboursement ou d'intérêt de cela, déplaçant la secrétaire d'Etat à l'écologie, la seule de ce gouvernement qui connaît ses dossiers et n'est pas trop réactionnaire, pour la mettre au placard. Elle gênait tant que cela à l'écologie, depuis que les députés lui avaient savonné la planche ? Au fait, Sarko, c'est lui aussi qui décide souverainement de la couleur et de la forme des sous-vêtements des forces armées françaises ? Allez, va ! tout est vraiment pour le mieux dans le meilleur des grandmamamouchilands possibles.

On va limiter le temps de parole des députés de l'opposition, alors qu'on prétendait donner plus de pouvoir au Parlement, alors que LE vrai problème c'est l'inflation législative, la maladie grave qui consiste à légiférer sur tout et rien, n'importe comment de préférence. Tout est pour le mieux dans la meilleure des démocraties possibles.

On est partis quinze jours à Nisyros. C'était génial, un temps de printemps, des bains de mer, de longues balades, des marrons dans la cheminée et l'écriture, tous les après-midis, comme nulle part ailleurs.

Pas de journaux, si peu de radio : j'ai entendu que RFI (vous savez l'audiovisuel international à la tête duquel le roi a nommé la femme de son ministre des Affaires étrangères : encore une chose inimaginable ailleurs que dans une démocratie à la gabonaise !) allait licencier 200 personnes. En Grèce, ça ne changera pas grand chose, car en dix ans, RFI que j'écoutais régulièrement en 1997-99, est devenu totalement inaudible. Alors qu'on entend parfaitement la BBC, les Russes, les Chinois, les Roumains : les Russes et les Roumains, les derniers à émettre en français !!!

Merci Mme Kouchner ! ça m'a fait de vraies vacances : quinze jours sans Dati, sans Gaza, sans Sarko, c'était presque aussi bon que la douceur du soleil, la caresse de la mer, les odeurs de soufre, les cyclamens parme, les premières marguerites, les papillons et les arums.

Il y a des moments comme ça, où l'homo politicus que je suis pourtant, à l'extrême limite du dégoût, éprouve vraiment, mais vraiment, la tentation du retrait dans la tour d'ivoire - en l'occurrence un parallélépipède blanc et bleu sur le flanc d'un volcan qui fume.

En attendant, il a fallu rentrer.

Hélas !

Pour le reste, j'ai eu le plaisir, ce matin de recevoir le n°35 (janvier-février 2009) de la revue Questions internationales, de la Documentation française qui publie notamment mon article sur la Grèce depuis l'an 2000.

Allez, à tous une bonne année ! On n'y croit guère mais on va faire un effort pour se convaincre que le pire n'est jamais sûr ! avec ce petit montage d'images de notre volcan en hiver...