pour les nationalistes, séparatistes ou sécessionnistes corses, ni pour M. Colonna.

J'en ai au contraire beaucoup pour Mme Erignac, et le meurtre d'un préfet, comme celui de tout fonctionnaire d'autorité dans un Etat de droit démocratique où ce fonctionnaire est le mandataire du peuple est une chose aussi révoltante que grave.

Mais enfin, qu'un tribunal puisse condamner un citoyen français, présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit démontré qu'il est coupable, à la prison à perpétuité et sans la moindre preuve, sur l'unique fondement d'aveux ensuite rétractés, est quand même pour le moins... troublant quant au fonctionnement de notre justice et aux principes qui président à icelui.

Qu'hier, un fonctionnaire de police déclare, en deuxième instance (jusqu'à il y a peu d'années, les condamnés en assise n'avaient même pas droit à un jugement en appel, c'est dire !!!), devant la cour d'assise que deux suspects sont en liberté est pour le moins accablant.

Une fois de plus, c'est la culture de l'aveu, indissociable de notre procédure judiciaire qui est en cause. Tant qu'on cherchera à faire avouer plutôt qu'à établir des preuves, à condamner sur la base d'une intime conviction plutôt que de faits établis, on multipliera les erreurs judiciaires, les Ranucci et les Outreau, les Omar Haddad ou...

Sommes-nous plus qu'une démocratie formelle ? Sommes-nous un véritable Etat de droit ? La présomption d'innocence est-elle plus qu'un principe que personne, à commencer par les policiers et les juges, ne prend réellement au sérieux ? Ne conviendrait-il pas, une bonne fois pour toutes, d'éliminer l'aveu, totalement, radicalement, de notre droit ? Cela aurait au moins avantage de faire en sorte que les policiers et les juges aient la tentation d'en obtenir, sur la base de leur conviction, plutôt que d'enquêter.

La justice n'est pas là pour consoler ou apporter une satisfaction aux parents des victimes. Si elle le fait par surcroît, tant mieux. Mais elle est là pour appliquer le droit d'une société démocratique en respectant quelques principes fondamentaux, comme celui qu'il vaut mieux un coupable en liberté qu'un innocent en prison et que le doute doit profiter à l'accusé.

La justice à la fois fondée sur le chiffre et la compassion, celle de Sarkozy et Dati, aboutit à l'inverse. Et la manière qu'ont les médias d'imposer par exemple l'image d'une veuve digne et respectable, réclamant justice, finit par faire oublier la question centrale : a-t-on les éléments nécessaires pour priver de liberté un homme jusqu'à la fin de ses jours ? La conviction de tel ou tel est une chose, la douleur de tel ou telle en est une autre. Mais la justice en est à coup sûr une troisième. Et plus on mélangera les trois, plus on s'éloignera de l'Etat de droit vers lequel nous devrions tendre.