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dimanche 19 octobre 2008

Hommage à la Grèce résistante : une expo de plus, pour rien

Ce matin, j'étais content. D'abord il faisait beau. Ensuite, Frédéric et moi, nous avions décidé, après déjeuner, d'aller visiter l'exposition "Hommage à la Grèce résistante, 1940-44", présentée, sous l'égide de l'ambassade de Grèce, au Musée Jean Moulin/Mémorial du maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris.

J'étais content parce que je me disais que j'allais enfin pouvoir écrire sur ce blog un papier positif, peut-être enthousiaste, qui romprait agréablement avec mes ronchonnages quotidiens qui finissent par me faire croire que je suis en train de tourner vieux con.

Eh bien c'est raté. Je dois vraiment être en train de tourner vieux con.

La Résistance grecque, lorsque je l'ai découverte, m'a rempli de stupeur et de terreur. De stupeur, tant elle fut spontanée, massive, héroïque. De terreur, tant elle fut l'une de celles en Europe qui fut le plus sauvagement réprimée - il y eut des dizaines d'Oradour en Grèce -, tant elle fut injustement traitée par les Britanniques - notamment par Churchill, obsédé par une restauration monarchique unanimement refusée par les résistants -, tant elle fut divisée contre elle-même - entre un mouvement largement majoritaire, l'EAM-ELAS à direction communiste, et des mouvements à base régionale (EDES) ou d'influence modérée ; à l'intérieur même de l'EAM entre nationaux et staliniens.

Cette configuration, le partage des Balkans entre Churchill et Staline avant Yalta, les inconséquences stratégiques et les erreurs tactiques du PC, la médiocrité du personnel politique grec, dont Georges Papandréou, et la cynique politique anglaise consistant, dès la Libération, à s'appuyer sur les anciens collaborateurs contre les Résistants conduisirent au surplus, de décembre 1944 à 1949, et en fait jusqu'à la chute des Colonels en 1974 qui en fut le dernier acte, à une guerre civile aussi cruelle qu'injuste.

Pour moi, la découverte de cette incroyable tragédie grecque fut déterminante dans mon entrée en littérature. C'est, entre autres choses, la volonté de faire connaître en France cet immense gâchis, humain et matériel, les souffrances inouïes endurées par les Grecs (l'incroyable famine qui a fait mourir dans les rues de villes des dizaines de milliers d'entre eux : voir le quatrième extrait disponible sur la page de ce site), le courage de tant de simples citoyens, d'officiers, de popes et de prélats dont l'attitude fut tellement éloignée de la lâcheté vichyste ou de l'attentisme prudent d'une grande partie du peuple et des élites françaises de 1940 à 1942, qui m'a conduit à "passer" au roman, qui a été à l'origine des Ombres du levant.

Et depuis longtemps, j'attendais qu'une des institutions s'occupant de l'histoire de la Résistance sortît des sempiternels débats franco-français, répudiât le nombrilisme historiographique français sur la Résistance, qu'on donnât enfin à savoir et à réfléchir sur ce qu'elle fut ailleurs. Et en Grèce d'abord.

C'est dire si j'étais content d'aller voir cette expo. Le dépit n'en est que plus complet.

C'est comme si aujourd'hui, en France, on n'était plus capable, en matière d'exposition, d'articuler un propos cohérent. Après une expo Marie-Antoinette destinée à faire pleurer Margot, mais pas à comprendre les années prérévolutionnaires ; après une expo sur les photos de Paris occupé dont on néglige de dire ce qu'elles sont, pourquoi elles furent prises, ce qu'elles disent, qui n'est pas forcément ce qu'elles montrent ; après "A qui appartenaient ces tableaux ?" dont j'ai eu l'occasion ici d'écrire ce que je pensais, voici donc un Hommage à la Grèce résistante qui ne dit rien... de la Résistance grecque.

Bien sûr, ce qu'on nous montre est sympathique : Roger Milliex (dont je m'étais inspiré pour créer le Jacques Maupin des Ombres du levant) et son épouse, Tatiana Gritsi, après la guerre allèrent voir artistes et intellectuels français et leur demandèrent d'offrir des oeuvres en hommage à la Résistance grecque.

Picasso, Matisse, Masson, Braque, Bourdelle ou Picabia firent dons de tableaux et de sculptures... pour la plupart sans le moindre rapport avec la Résistance et encore moins avec la Résistance grecque. Eluard composa un poème, Mauriac, Bernanos, Maurice Schumann ou Jules Romains, bien d'autres encore, envoyèrent quelques mots, une lettre, plus ou moins convenus.

C'est ce matériel disparate qu'on nous présente aujourd'hui. Sans le moindre appareil critique. Sans la moindre explication sur l'histoire de la Grèce de 1936 (dictature fascistoïde du général Métaxas établie sous l'autorité royale) à la guerre civile. Sans même la précision qu'il y eut, en Grèce, une guerre civile après la Résistance. Comment comprendre alors le sens de la lettre de Jules Romains en 46 souhaitant qu'après avoir réussi à recouvrer leur liberté par leur héroïsme, les Grecs sachent la préserver contre les menaces nouvelles ? Et que signifie une telle lettre dans le contexte d'une Grèce où les monarcho-fascistes, sous protection anglo-américaine, font régner la terreur blanche au nom de la défense de la liberté contre le communisme ?

Et pour comprendre la superbe phrase de Schumann (1941) à propos de la guerre d'Albanie, "on disait que les Grecs se battaient comme des héros, on dira désormais que les héros se battent comme des Grecs", encore faudrait-il expliquer ce que fut cette guerre-là à des Français qui, dans leur quasi-totalité, ignorent tout de l'agression italienne contre la Grèce lancée depuis le territoire albanais annexé et de la véritable "levée en masse" patriotique, de l'Union sacrée entre bourreaux et victimes du régime Métaxas, qu'elle provoqua en Grèce ; des Français qui ne savent rien de ce que fut l'écho international de la victoire de ceux qui n'avaient rien que leur courage, les Grecs combattant pieds gelés dans les neiges d'Albanie, contre une armée fasciste infiniment supérieure en équipement - la première victoire d'un peuple agressé contre une puissance de l'Axe.

Un cartouche, pas plus je crois bien, cite l'EAM... mais sans même expliquer de quoi il s'agit ; quant aux seuls objets en véritable relation avec la Grèce résistante, une quinzaine de gravures - dont certaines superbes, au demeurant - représentant quelques-uns des principaux événements de la période 1941-1944 (le dynamitage du viaduc de Gorgopotamos ou la création du Conseil national de l'EAM, la famine ou les massacres de Distomo et Kaisariani, la libération d'Athènes), elles sont si mal présentées, à l'entrée de l'expo, qu'il est impossible de savoir quelle légende se rapporte à chaque oeuvre !

Bref, cette salle d'hommages d'artistes français à la Résistance grecque aurait pu être une magnifique conclusion à une véritable exposition SUR la Grèce en Résistance, qui aurait présenté la nature, les actions, l'histoire et les contradictions de la Résistance grecque, ses origines et ses suites. Une expo qui aurait donné à réfléchir et à comprendre.

Celle-ci ne dit rien à un Français qui ne sait rien de la Résistance grecque ; elle donne seulement à voir, des oeuvres et des hommages d'une nature et d'une qualité fort inégale, totalement disparates, sans la moindre cohérence esthétique, et sans que le visiteur n'ait rien appris, en sortant, sur ce à quoi les artistes et les intellectuels en question avaient voulu rendre hommage.

A mon humble avis, elle ne sert simplement à rien.

samedi 18 octobre 2008

Injustice

Dans mon billet d'hier, je qualifiais Mme Bachelot et M. Laporte de couple comique de l'année. C'était aller un peu vite en besogne. D'abord, Palin-Mc Cain n'ont pas dit leur dernier mot.

Et puis ce matin, en buvant mon thé au lait devant LCI, je me suis dit que j'avais été vraiment injuste. Parce que, franchement, à côté de Luc Ferry et Jacques Julliard, Bourvil et de Funès, Abbott et Costello, Pierre Dac et Francis Blanche, Jerry Lewis et Dean Martin, Poiret et Serrault, Tony Curtis et Jack Lemmon, Laurel et Hardy... c'est bel et bien de la petite bière !

Non pour rivaliser avec ce désopilant duo Ferry-Julliard, je ne vois guère, finalement, que Dupond et Dupont... ou alors Houellebecq et BHL.

jeudi 16 octobre 2008

Ricercar, ou de qui se moque-t-on ?

Un lampadaire Ikea, des chaises en formica, quelques tables de lycée sur lesquelles cavalcadent ou s'assoient deux bonnes femmes en faux-cul et trois types en chapeau mou et complet gris, parfois agrémenté d'un tutu romantique.

Ces gens, qu'on a peine à appeler des acteurs, passent d'un côté à l'autre, parfois une porte sous le bras, en gueulant ou susurrant des textes sans rapport les uns avec autres, dont certains sont en italien, en allemand ou dans ce que j'ai cru pouvoir identifier comme un idiome scandinave, sans surtitrage naturellement, ce qui n'est pas grave puisqu'il n'y a manifestement aucun sens à tirer ni de leur contenu ni de leur collage.

Un fond musical assourdissant qui, lui aussi, enfile les uns après les autres des morceaux qui n'ont pas plus de signification que les textes qu'ils empêchent d'entendre.

Deux ou trois beaux éclairages, une ou deux images qui évoquent Magritte et une exécrable soirée, dont on sort avec l'impression d'être idiot parce qu'on n'a rien compris. Sans doute parce qu'il n'y a rien à comprendre : aucun propos, pas de jeu, une mise en scène hystérique au service du Grand Rien. Mais enfin, le talent c'est, entre autres choses, de faire que les spectateurs prennent du plaisir tout en se sentant plus intelligents qu'ils ne sont. Pas le contraire.

Une très chère amie, m'avait entraîné là. Elle ne sait même pas comment ce non-spectacle lui a été refilé dans son abonnement de l'Odéon - sans doute M. Py pratique-t-il lui aussi la titrisation, celle des spectacles aussi pourris que les créances des subprimes. Je ne lui en veux pas (à mon amie, pas à Py), parce qu'elle ne pouvait deviner, vu la tonalité de la critique, que nous attendaient une heure et demi de cauchemar : nous avons eu l'imprudence, au lieu de nous asseoir en bout de rang, de nous placer au milieu. Coincés. Impossible de partir, une fois prise la mesure du désastre, sauf à faire lever dix personnes. Je suis encore trop poli ; plus que cette troupe, en tout cas.

Car ce "spectacle" n'est ni surréaliste, ni onirique, ni ludique, ni théâtral ; il n'est rien. Et moi, j'en frémis encore de fureur.

Mais de qui se moquent cette troupe, Le Radeau... (de la Méduse), et son chef, M. François Tanguy ?

De qui se moque M. Olivier Py (dont j'ai déjà eu l'occasion de dire ici ce que je pensais de son ''Agamemnon'', beuglé et raté... avant qu'il n'aille baiser l'anneau pontifical, puisqu'il est de ces gogos pédés cathos si heureux et reconnaissants d'être maudits et traités par leur Très Saint Père d'intrinsèquement pervers) en programmant pareil foutage de gueule dans la salle des Ateliers Berthier, succursale de l'Odéon, théâtre national qu'il dirige ?

De qui se moquent les critiques en criant au génie devant une telle imposture ? Comment peuvent-ils faire l'éloge d'un tel naufrage, indigne de la pire MJC des années 1970 ? Commençant à connaître le fonctionnement de la critique littéraire (dont le traitement de la rentrée littéraire vient encore de démontrer l'indigence et la malhonnêteté intellectuelles), j'ai quelques idées là-dessus. Et quel crédit peuvent avoir encore les prescripteurs ? la presse dans son ensemble ? C'est la première question que devraient se poser ses Etats-généraux, avant de se demander si tous les journaux doivent appartenir à seulement deux ou bien à trois amis du Président.