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dimanche 15 février 2009

Un Diogène...

vient de laisser un commentaire à mon billet sur l'escroquerie Stauffenberg...

et du coup il m'a donné l'envie irrésistible, d'aller refaire un tour dans Les Cyniques grec (édition du livre de poche) qui, avec Cynismes de Michel Onfray et Les Penseurs grecs avant Socrate (GF) sont à proprement parler mes livres de chevet puisque, depuis une vingtaine d'années, ils n'ont effectivement pas quitté ma table de chevet, qu'ils sont cornés et annotés d'abondance. Or donc, en ce dimanche, pour le plaisir, voici quelques scholies sur Diogène soumises à votre méditation :

La première bien sûr : "Apercevant un beau garçon étendu à terre, sans défense, il le poussa du pied en lui disant : " Lève-toi, de peur qu'on ne te frappe, dans ton sommeil, d'un coup de lance au cul."

"Platon discourait à propos des Idées et parlait de la "table en soi", de la "tasse en soi"; Diogène remarqua "Mon cher Platon, je vois bien la table et la tasse, mais pas du tout ton idée de table ou de tasse !"

"Diogène pria un jour Platon de lui donner, à même son jardin, trois figues sèches. Ce dernier lui en envoya un plein médimne (soit environ 55 litres). Voilà bien Platon, fit Diogène, qui répond mille choses quand on lui en demande une."... ou dans une autre version : "Si on te demandait combien font deux plus deux, répondrais-tu vingt ? Tu ne sais donner exactement ce qu'on te demande, pas plus que tu ne réponds exactement à la question posée."

"Il observait un jour un jeune homme qui se vantait de la magnificence de ses vêtements : "Ce garçon ne va-t-il pas cesser de mettre à son compte les mérites du mouton ?"

"Durant un banquet, certains convives lançaient à Diogène des os comme à un chien. Il s'en tira en allant pisser sur eux comme un chien. "

"Quelqu'un lui reprochait de fréquenter les bordels : "Le soleil pénètre bien dans les latrines sans être souillé" répondit-il."

"Un chauve l'injuriait : "je ne vais pas être insolent envers toi, reprit Diogène, mais je félicite tes cheveux d'avoir abandonné une aussi sale tête !"

"Diogène était allé à Olympie. Il aperçut dans la foule en fête de jeunes Rhodiens magnifiquement vêtus : "C'est de la fumée, tout cela !", s'écria-t-il en riant. Tombant ensuite sur des Lacédémoniens en tuniques vulgaires et poussiéreuses, il s'écria : "Voilà encore de la fumée !"

Et bien sûr le classique : "Diogène prenait le soleil au Cranéion ; survint Alexandre (le Grand) qui lui dit, en se tenant devant lui :

- Demande-moi ce que tu veux.

- Arrête de me faire de l'ombre ! - répliqua Diogène."

Mais celle-là n'est pas mal non plus : "Anaximène était en train de discourir ; Diogène brandit un hareng et détourne ainsi l'attention de l'auditoire ; et à l'orateur indigné, il lance : "Un hareng d'une obole a perturbé la conférence d'Anaximène !"

"Les succès et la bonne fortune des gens malhonnêtes, réduisent à l'absurde toute la puissance et la force des dieux" : on n'a pas dit mieux sur Auschwitz !

Et sur le tout sécuritaire de Sarkodati, itou : "Etant venu à Myndos, il s'étonnait d'y voir des portes aussi imposantes pour une si petite ville : "Gens de Myndos, s'écria-t-il, verrouillez vos portes de peur que votre ville ne prenne le large !"

Mais sur Sarko on peut préférer le "Qu'il parle ou qu'il pète, c'est la même chose" ; ou bien encore : "N'a-t-il pas honte de posséder tant de choses et de ne pas se posséder lui-même ?"

Mais décidément, celles que je préfère :

"Diogène répondait à ceux qui lui reprochaient de se branler (il avait l'habitude de le faire, sans gêne, à l'agora) : "Si seulement je pouvais, en me frottant ainsi le ventre, satisfaire ma faim !"

"Pour bien vivre, il suffit d'une raison droite et d'une corde pour se pendre."

De son maître Anthistène : "Le plaisir est un bien, mais celui dont on n'a pas à se repentir" ; à compléter par ce commentaire d'Onfray : "A chaque fois qu'un désir apparaît, Diogène le satisfait pour n'être pas asservi par lui et conserver l'esprit libre".

Et de son disciple Bion de Borysthène, à propos de ce passage du Banquet de Platon ( 271a-219d) où le bel Alcibiade, qui meurt d'envie de se faire sauter par Socrate, le retient à dîner, puis à coucher, et lui dit tout de go, une fois les lumières éteintes, qu'il n'attend plus qu'une chose, s'attirant de l'autre causeur de pré-Christ un discours de morale à deux sous au lieu d'une bonne saillie : "Socrate a été bien fou de s'abstenir s'il ressentait du désir pour Alcibiade, et s'il n'en ressentait pas, il n'a rien fait d'extraordinaire."

Et pour finir, de Diogène lui-même: "Quelle est demandait-on, la plus belle chose au monde?

- La liberté de langage, répondit-il"...

Notez que tout cela date de 2400 et quelques années... avant le dieu unique matrice de tous les totalitarismes et père de tous les culs serrés.

Diogène ou la destruction de l'esprit de sérieux par la dérision : croyez-moi ! Platon, Paul de Tarse, Descartes, Kant et toute la philosophie allemande par-dessus le marché, ça ne vaut pas plus qu'un hareng d'une obole !... ou un pet.

Merci Diogène, de m'avoir donné envie d'aller refaire ce petit tour avant de me remettre aux notices, que j'aurais dû rendre il y a dix jours, pour la réédition prochaine du Dictionnaire d'histoire des Relations internationales de Colin ; au programme de cet après-midi : le Kosovo... Vive Diogène, par les couilles du grand Pan !!!

mercredi 4 février 2009

L'Abolition

Hier soir, avant de me remettre au travail jusqu'à deux heures du mat, j'ai regardé le deuxième volet de L'Abolition, dont j'avais vu le premier, la semaine dernière... en repassant.

Dommage que la télé publique ne diffuse pas plus souvent ce genre de téléfilm, plutôt que ses navets policiers, français ou américains, enfilés à la chaîne.

Jadis, du temps de Malraux qui n'avait pourtant pas la tutelle de la télé, le grand Dédé et quelques autres du genre Roger Stéphane, Claude Barma, Marcel Jullian, Georges Duby... s'étaient imaginés que cet outil fantastique pourrait contribuer à rendre nos contemporains moins cons.

Et puis il y a eu La 5 de Mitterrand (qui a aussi fait Arte, soyons juste, mais une fois de plus, c'est toute l'ambiguïté du personnage) et Berlusconi, TF1 donné par Chirac (là, en revanche, aucune ambiguïté) à Bouygues, Baudis et la décision que le TNT diffuserait la même merde que la télé hertzienne (je rappelle que ce sinistre individu, pour donner aux gros bonnets quelques chaînes supplémentaires, a notamment éliminé l'idée d'une chaîne du patrimoine audiovisuel qui aurait justement permis de revoir les Barma, Stéphane, Duby, Jullian, qu'il a empêché de monter sur la TNT, la chaîne Histoire par exemple...) et la télé est devenue le plus bel instrument de décervelage et de diffusion de la connerie de toute l'histoire de l'humanité.

Mais de temps en temps, il y a un téléfilm comme L'Abolition et l'on se prend à repenser que la télé pourrait être un instrument qui, tout en distrayant, donne à penser, éduque en passionnant, en faisant comprendre, comme hier par exemple, que même face au pire des crimes, l'honneur d'être un homme c'est de s'élever au-dessus du réflexe de vengeance. Celui que les journaux télévisés répercutent si souvent, dans un micro-trottoir à la sortie d'une salle d'audience, avec le prétexte... de donner la parole aux victimes. Un téléfilm qui nous rappelait qu'il a existé, dans ce pays, d'autres manières d'envisager la politique pénale que celle, bête, brutale et bornée, des Dati-Sarkozy.

Et on se dit que nous avons encore des grands hommes vivants dans notre monde, des repères moraux ; j'ai beaucoup d'admiration pour Elisabeth Badinter, son travail, les valeurs qu'elle défend et la manière dont elle les défend. De ces deux soirées de L'Abolition, mon admiration et mon infini respect pour Robert Badinter sortent encore renforcés.

Voilà un homme qui aura incarné, à un moment de notre histoire, l'honneur de la République et de la France. Qui nous fait regretter que, du temps même de Mitterrand, il soit resté si peu longtemps à la Chancellerie. Il a été aussi un des seuls Gardes des Sceaux de l'histoire à s'être occupé de manière sérieuse du cancer pour notre démocratie et le respect effectif des droits de l'Homme qu'est devenue la condition des détenus. Il a été remplacé par beaucoup d'opportunistes sans idée autre que la répression pour la répression parce que c'est ce qui flatte la foule (qui n'est pas le peuple ; la foule crie vengeance, le peuple rend la justice), sans courage ni volonté, par quelques honnêtes gens sans moyens financiers ni autorité politique, par un ou deux personnages à l'honnêteté douteuse ou aux capacités intellectuelles limitées, et finalement par Melle Dati : de Badinter à Dati ! inutile d'en dire davantage, je suppose.