Ce n'est pas mon habitude, sur ce blog, de renvoyer à d'autres. Mais je vais faire aujourd'hui une exception.

Il y a, dans la vie d'un écrivain, des moments magiques où le lecteur prend chair - pour reprendre un vocabulaire, qui me l'est, cher. Et qui n'est étranger ni à mes livres ni à ce papier que je vous conseille très vivement de lire.

Des moments comme cela, il y en a eu quelques-uns depuis que j'ai commencé à publier, il y aura bientôt treize ans.

Celui de la lecture, en remontant la rue de l'Ouest, de la lettre d'Eric, que mon libraire grec préféré avait gardé sous le coude durant trois mois, qui m'a fait venir les larmes aux yeux ; la rencontre d'Alain à Lyon et celle d'une bande de Niçois qui ont mobilisé leurs associations pour leur faire découvrir mes livres ; celle de Laurent Bonelli, libraire hélas si tôt disparu, au Virgin des Champs, qui eut un coup de coeur et fit une grande partie du succès de ma Quatrième Révélation, celle d'un Alain et d'un Philippe, à la FNAC de Strasbourg, qui m'accompagnent depuis six ans et qui ont défendu comme personne mon Château du silence ; celle d'un critique littéraire dans un grand quotidien parisien, placardisé pour cause de liberté de penser ; celle de Mélanie et celle de Jean-Mary, amoureux de mes bouquins avant de devenir attachés de presse des suivants ; celle de Régine qui m'a bâti et offert ce site...

Il y a eu aussi la vraie vraie rencontre avec Charles-Louis, que je connaissais sans le connaître, qui m'a raconté (parce que son ami avocat défendait la famille de la victime) le meurtre homophobe qui fut l'un des éléments déclencheurs de l'écriture de La Quatrième Révélation. Il y eut encore, à la FNAC de Reims, sous l'égide de l'association Ex Aequo, la rencontre avec Michel Robert qui me remercia d'avoir accepté de lui accorder du temps et de m'être accroupi devant lui pour mieux l'entendre, à qui je demandai pourquoi diable il me remerciait, lui qui avait lu mes livres et qui m'en disait tant de choses sensibles, lui qui me répondit alors, à moi, éberlué, qu'il me remerciait parce qu'il était contraint de se déplacer en fauteuil et qu'aux yeux de tant et tant, cela faisait de lui un paria, un non-interlocuteur valable. Comme si le cerveau ou le coeur se trouvait dans les jambes, sans doute.

De ce choc, de l'amitié avec Michel, de la constatation que le handicap est totalement absent d'une littérature française faite dans son immense majorité par des gens qui, même lorsqu'ils ne sont pas de pauvres grands garçons riches et cocaïnomanes, trouvent leur nombril bien plus passionnant que le monde, de son aide, de ses réponses à mes questions, est né L'Or d'Alexandre.

Sans savoir encore que cet Or-là me réservait, lui aussi, une intense expérience humaine. Un lecteur de mon précédent livre, un certain Berger, domicilié quelque-part au sud, avait laissé une critique fort flatteuse de La Quatrième Révélation sur le site d'Amazon. J'avais été un peu dépité, à l'époque, de n'avoir aucun moyen de lui dire merci. Il récidiva pour L'Or, mais en en laissant une bien plus troublante encore, bientôt développée sur le site Handigay.

On pourrait finir par croire, en lisant ce papier, que j'ai la larme facile, ce qui n'est pas vrai. Mais la lecture de ce papier-là, puis la conversation téléphonique que nous eûmes ensuite, d'où il ressortait que mon livre présentait de troublantes coïncidences avec sa vie (écran de pub - troublante coïncidence, pour un écrivain, dont on retrouvera l'écho transposé dans mon Comment je n'ai pas eu le Goncourt à paraître le mois prochain - fin de l'écran de pub), est à coup sûr à ranger parmi les moments forts de mon existence. Celle-là fut prolongée par des rencontres à La Gaude puis à Nice, pour des salons du livre, dans l'hôpital des dessus de Cannes où on l'avait opéré pour améliorer sa mobilité. Nous sommes loin l'un de l'autre, mais, comme pour la rencontre de Michel, celle de Gérard s'est transformée en amitié, en complicité. Bref, on s'aime !

Or voilà qu'aujourd'hui, Gérard, que j'appelle familièrement mon Koudoo, devenu l'un des piliers de l'excellent site Les Toiles roses, publie un papier sur son itinéraire intime et familial. Il m'avait déjà parlé de sa sainte famille, et je savais déjà que si L'Or lui semblait parfois calqué sur sa vie, c'était aussi à cause de la mère de Philippe. Mais désormais, grâce à ce papier, j'en sais un peu plus là-dessus et cela vaut le détour.

Ci-dessus, la repro de la couverture de mon Plongeon, sur son fauteuil, dont il illustre son article des Toiles roses, qu'il a réalisée en mosaïques, durant son séjour à l'hosto sus-cité, en atelier d'ergonomie: vous imaginez mon émotion ? Non, n'essayez pas : c'est impossible !

Voilà, j'avais aujourd'hui l'intention de faire un billet sur le fantastique nouveau musée de l'Acropole que j'ai visité début août, mais décidément, même si j'adore les marbres, je leur préfère les hommes de chair et de sang, d'intelligence et de sensibilité. D'ailleurs vous n'avez pas perdu au change puisque vous avez deux papiers à lire au lieu d'un. Et puis, jugez-en, mais il a un foutrement joli brin de plume, mon Koudoo !...