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jeudi 19 juin 2008

Pour une fois, ce n'est pas moi qui le dis !

C'est un groupe de généraux et d'officiers généraux des trois armes... mais c'est exactement ce que je pense : amateurisme, approximation, incohérence, tout y est, et c'est manifestement la devise du quinquennat, qu'il s'agisse de l'audiovisuel public ou de la politique étrangère, de la défense ou de la culture.

Il n'y a décidément que dans le démontage systématique de l'Etat providence qui jette chaque jour un peu plus d'humbles, actifs ou retraités, salariés ou chômeurs, fonctionnaires sous payés ou malades chroniques taxés par la sinistre franchise médicale, que l'action gouvernementale soit autre chose qu'amateurisme, approximation et inconséquence.

"Le modèle d'analyse présenté par le livre blanc est à notre sens déficient et, davantage, marqué par un certain amateurisme. Le livre blanc souffre en effet d'une quadruple incohérence.

Incohérence, tout d'abord, par rapport à l'évolution générale des crises et des réponses généralement adoptées dans le monde. Alors que les crises se multiplient et se superposent sans se résoudre, l'Europe en général et la France en particulier diminuent leur effort de défense au moment même où chacun les augmente (les dépenses militaires mondiales ont progressé de 45 % en dix ans). On ne peut certes nier la crise budgétaire. Au moins devrait-elle donner lieu à une analyse «priorisante» des arbitrages, entre la défense et les autres budgets, et à l'intérieur du budget de la défense. Le livre blanc n'en fournit pas l'armature conceptuelle, puisqu'au titre des menaces il retient à la fois l'attentat terroriste, la guerre de haute intensité, le désordre dans le tiers-monde et la pandémie grippale.

Incohérence, ensuite, par rapport à l'évolution de la «conflictualité», le paradigme de la «guerre industrielle» (entre arsenaux étatiques) ayant été remplacé par celui de la «guerre bâtarde», le plus souvent «au sein des populations». Ce dernier exige à la fois des forces terrestres plus nombreuses, une capacité de projection aérienne et navale plus affirmée, une réorientation des programmes en conséquence. Ces choix ont été faits par les Britanniques voici plus de cinq ans. Nous en sommes, nous, à la diminution des effectifs de l'armée de terre et au «report» de la décision de construire le deuxième porte-avions, qui signe une rupture capacitaire majeure. Notre incapacité à sortir de la «réduction homothétique», faute d'une véritable analyse que le livre blanc ne fournit pas, conduit le modèle 2008 à n'être que la version dégradée du modèle 1996, lui-même version amoindrie du modèle 1989. Autant dire qu'aucun choix sérieux, hors celui, purement budgétaire, d'une réduction proportionnelle, n'aura été fait depuis vingt ans. Sous ce rapport, la nouvelle orientation en faveur du satellitaire ou la création d'un «commandement interarmées de l'espace» font figure de gadgets, lorsqu'on connaît les besoins réels et actuels des armées. Non que de telles mesures soient en elles-mêmes absurdes. Mais elles ne pourraient valoir que si elles procédaient d'une véritable analyse doctrinale et pratique de la «conflictualité», fondée sur les exemples nombreux que présente l'actualité, du Proche-Orient à l'Asie centrale. Cette analyse est absente du livre blanc. Les «avancées» qu'il présente (satellites, etc.) ressemblent à des lubies parce qu'elles ne sont pas sérieusement argumentées en termes d'arbitrage (alors qu'on voit les intérêts industriels qu'elles servent). Une réduction prévisible et sans imagination du format des armées, à peine compensée par d'hypothétiques innovations technologiques et organisationnelles : il y a comme une imposture à présenter ces résultats comme un progrès dans l'efficacité de l'instrument militaire.

Incohérence, en troisième lieu, par rapport à la volonté politique affichée à juste titre par le chef de l'État. Nous revenons dans l'Otan, avec une capacité militaire affaiblie, et tout en y revendiquant des postes de commandement. Nous prétendons faire de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) un dossier majeur du renforcement de la défense européenne sous présidence française, et nous baissons la garde au moment où nous souhaitons entraîner nos partenaires vers un renforcement de la défense européenne. Mais surtout, nous abandonnons aux Britanniques le leadership militaire européen, alors que nous connaissons la nature particulière de leurs relations avec les États-Unis. La France jouera désormais dans la division de l'Italie. Il est inutile de se payer de mots.

Incohérence, en quatrième lieu, par rapport à la seule certitude que nous ayons : celle de nous engager vingt fois en Afrique dans les années qui viennent, pour y éviter des catastrophes humanitaires ou assurer l'évacuation de nos ressortissants. Si nous pouvons le faire aujourd'hui, c'est parce que notre réseau de bases nous confère une efficacité d'autant plus unique que l'ensemble des pays africains refuse le déploiement de l'US african command (commandement américain en Afrique) sur le sol africain. Pour gagner, et ceci est révélateur de la méthode retenue, 3 000 postes budgétaires, nous affaiblissons de manière définitive notre positionnement, avec ce paradoxe que nos abandons vont conduire mécaniquement à un accroissement du nombre de crises que nous ne pourrons plus prévenir et dans lesquelles nous ne pourrons intervenir qu'à un coût incomparablement plus élevé. En contrepartie, les structures administratives intermédiaires des états-majors n'ont pas été touchées par l'exercice RGPP, alors qu'elles représentaient un gisement d'économies d'au moins le double. Quant aux «bases de défense», il ne s'agira, faute de crédits budgétaires pour de vrais investissements d'infrastructure, que de circonscriptions administratives de mutualisation de certaines dépenses mineures (habillement, restauration, etc.), entraînant simplement la création d'un maillage administratif supplémentaire. La mise en regard de ces deux éléments permet de mesurer le caractère de trompe-l'œil des mesures présentées ces jours-ci."

mercredi 11 juin 2008

Fiasco diplomatique et rideau de fumée

En politique étrangère, comme en toute autre chose, Sarkozy agit et réfléchit après. Depuis un an, sa politique étrangère, confiée à l’un des plus mauvais locataires du Quai d’Orsay (un des…, parce que le regretté Douste est, en la matière, indéboulonnable), se résume à une suite de foucades, de bévues et d’inconséquences.

Personne ne s’y trompe d’ailleurs à l’étranger, où tout le monde rigole, et la présidence de l’Union réserve sans doute à nos partenaires quelques bons fous rires supplémentaires.

Quel besoin avait-on, bien sûr, d’aller faire allégeance et de jouer les carpettes devant un Bush totalement démonétisé, en fin de course et que personne ne veut plus fréquenter ?

Pourquoi, alors qu’on dénonce à l’envi, et avec raison, l’irresponsabilité de la BCE et l’euro fort, ne s’est-on pas servi du non du peuple français pour exiger une renégociation des missions de la Banque centrale, en lui donnant des objectifs en matière de croissance, pas seulement d’inflation ? avant de signer un traité simplifié, qui n’est ni simplifié ni renégocié, qui a été imposé par un véritable coup d’État parlementaire contre la souveraineté populaire et qui sera, je l’espère, renvoyé demain aux oubliettes de l’histoire par le peuple irlandais.

Quant au tapis rouge scandaleusement déroulé devant les babouches khadafiennes l’hiver dernier, on a vu hier ce que l’on pouvait en attendre : une grossière torgnole du conducator libyen envoyée en pleine poire à notre Caligula, sur son ultra-fumeux projet d’Union méditerranéenne.

L’Union méditerranéenne !… la grande idée du règne. On ne fait pas plus méditerranéen que moi, mais qu’est-ce que c’est encore que ce machin ? Un truc, un gadget qui ne servira à rien qu’à dilapider l’argent public en casant des copains et en fournissant des sinécures aux dictateurs à la retraite.

Comme la francophonie.

Car de cette belle idée, on a fait une bureaucratie pompe à fric qui ne sert à rien qu’à rémunérer une pléthore d’inutiles et à organiser des sommets fastueux où l’on agite du vent.

Alors que, pendant ce temps-là, on a liquidé toute véritable diplomatie culturelle française. Poudre aux yeux ! Sarkozy va à Athènes pour proposer une « nouvelle alliance franco-grecque », mais dans le même temps où on chantait les louanges de la francophonie au cours de grand-messes aussi coûteuses qu’inutiles, on liquidait en silence le réseau des Instituts français qui avait fait de la Grèce un pays dont toutes les élites politiques, économiques, culturelles parlaient et/ou pensaient en français. Fini : aujourd’hui le français est non seulement détrôné, en Grèce, par l’anglais, mais aussi par l’allemand et l’italien – l’Allemagne et l’Italie ayant développé leurs institutions culturelles à mesure que nous démantelions les nôtres. Incroyable politique de gribouille qui consiste, pour des raisons d’économies immédiates (forcément, il faut bien financer les fastes francophones et, demain, la bureaucratie de la nouvelle Union méditerranéenne !), à sacrifier l’avenir.

Et on pourrait en dire autant de notre effacement en Pologne, en République tchèque, en Roumanie…

C’est comme, en matière de politique culturelle, le Louvre Lens ou Beaubourg Metz : on crée des éléphants blancs qui aspirent des budgets colossaux pour des effets minimaux et on prive du peu de moyens qu’ils avaient les gens qui œuvraient sur le terrain.

Mais le plus absurde, dans le voyage caligulesque du ouiquende dernier, fut sans doute l’escale libanaise. Le Liban est une réalité historique et politique dont la France se doit de garantir la pérennité. Mais le Liban tel qu’il est aujourd’hui est le résultat des innombrables bévues françaises commises entre 1918 et 1945. À commencer par la détermination des ses frontières.

Car les frontières du Liban, du Grand Liban, ont été dessinées par nous dans un seul but : diviser pour régner. Car au lieu de dessiner un Liban chrétien homogène, on décida de créer un Liban qui serait le plus étendu possible tout en restant à majorité chrétienne. C’est-à-dire que les frontières actuelles du Liban sont le résultat de la volonté française des années vingt d’enlever à la Syrie le plus possible de territoires, tout en gardant au Liban une majorité chrétienne.

La Syrie (avec quelque apparence de raison) n’a jamais accepté cette injustice qui lui fut faite par le pouvoir colonial sans que les populations fussent jamais consultées sur leur sort. Les équilibres démographiques ont changé mais les frontières sont restées. Chrétiens devenus minoritaires, territoire artificiel, absence de véritable conscience nationale, corruption généralisée, dont on oublie un peu vite que le martyr Hariri, grand ami de Chirac devant l’Éternel (c’est bien toujours son fils qui le loge, non ?), fut le champion toutes catégories, structures claniques plus que politiques… la situation libanaise est aussi complexe qu’instable.

Aussi quand, dans ce magasin de porcelaines, l’éléphant Sarkozy fit irruption il y a un an, il y commit, directement ou par Kouchner interposé, toutes les erreurs imaginables.

L’alignement sur Bush et sur Israël, ne pouvait déjà que nous priver, sur la scène proche-orientale en général, de l’audience que nous y avions depuis le général de Gaulle. La fanfaronnade irresponsable de Kouchner sur la guerre en Iran et la connerie sarkozyenne de refuser de parler avec la Syrie ont fini de nous priver de tout moyen d’action réel au Liban. Alliée par défaut de l’Iran, la Syrie refusera toujours, quel que soit son régime (parce que c'est la nature des choses, le poids de l'histoire et de la géographie), que le destin libanais se décide contre elle ou sans elle. Elle ne pouvait accepter cette double provocation. La politique Sarkouchnérienne impliquait donc, en elle-même, la déstabilisation du Liban à laquelle nous avons assisté.

Pour que la Syrie accepte enfin le Liban tel qu’il est, puisqu’il semble qu’on ne puisse (hélas !) discuter du sujet tabou que semble être devenu celui des frontières (quitte à créer dans les Balkans de nouveaux États aussi maffieux que privés de toute viabilité), c’est-à-dire pour que le Liban soit enfin stabilisé, tout le monde sait qu’il faudra en passer par Damas… et par Tel-Aviv. Tout le monde sait que le Liban est une pièce du puzzle régional, une contrepartie pour la Syrie, qu’il n’y aura donc pas de paix réelle au Liban avant que la Syrie n’ait obtenu d’Israël, c’est-à-dire des Américains, la restitution du Golan et son château d’eau. Dans ce contexte, le rôle de la France n’est pas d’aller rouler des mécaniques, ici ou ailleurs, il est de faciliter le dialogue israélo-syrien, et d’expliquer sans relâche aux Américains que la clé de la stabilité est là, et nulle part ailleurs. Refuser de parler à la Syrie et s’aligner sur Israël constitua donc une incroyable connerie qui privait automatiquement la France de toute influence dans le jeu libanais.

Et c’est ce qui est advenu.

Car, à cet égard, le voyage du ouiquende dernier ne fut qu’un pitoyable rideau de fumée destiné à masquer le plus lamentable fiasco diplomatique que la France ait connu dans la région depuis l’expédition de Suez, en 1956. Sarkozy peut parler d’Union méditerranéenne et aller se pavaner à Beyrouth avec toute la nomenklatura politique qui s’est complaisamment prêtée à son petit jeu, il n’a pas plus de crédibilité au Proche-Orient qu’ailleurs. L’absurde politique française conduite depuis un an, n’a eu qu’une conséquence : permettre à l’Arabie saoudite d’assurer son leadership dans le jeu libanais. Belle réussite en vérité. Car c’est bien par l’Arabie et grâce à la reprise (via la Turquie) d’un dialogue israélo-syrien sur le Golan que la dernière crise libanaise a été surmontée.

La France n’y est pour rien. Sarkozy lui a fait perdre la main au Liban et le show télévisé de Beyrouth n’y a rien changé.